Assurances

Vue d'ensemble

Le secteur de l’assurance est un domaine d’activité régi par un ensemble de lois fédérales et provinciales qui touchent l’assurance de biens, de personnes ou de responsabilité. La transformation de l’environnement économique, naturel et technologique fait constamment apparaître de nouveaux risques, de nouveaux produits et marchés ainsi que de nouveaux réseaux de distribution. La vague de convergence qui affecte tout l’univers des institutions financières incite les compagnies d’assurances à consolider leurs opérations et à innover dans leurs processus et leurs relations avec tous leurs partenaires. Quels que soient leurs enjeux ou leurs stratégies d’affaires, les assureurs doivent bien comprendre l’environnement juridique qui encadre leurs activités. 

  1. Véhicules autonomes : assurances, responsabilité et nouveautés

    La pandémie n’a pas ralenti la venue des véhicules autonomes sur nos routes. La place de cet avancement technologique dans notre environnement devient de plus en plus conventionnelle, ce qui exige une profonde réflexion notamment dans le secteur de l’assurance automobile. Document de réflexion de l’AMF Le 20 octobre 2021, l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’« AMF ») publiait un document de réflexion sur les véhicules autonomes (« VA »)1, jugeant que les développements les entourant étaient susceptible avoir des « impacts considérables sur les assureurs et sur le fonctionnement global du régime d’assurance automobile » au Québec. L’AMF aborde plusieurs pistes de réflexion intéressantes. Régime d’assurance public Selon le Code de la sécurité routière, le ministre des Transports peut actuellement prévoir par projet-pilote l’obligation des fabricants, distributeurs et vendeurs de VA de rembourser les indemnités versées par la Société d’assurance automobile du Québec (« SAAQ ») à la suite des accidents impliquant un VA2. Dans ce contexte, l’AMF se demande si ces fabricants, distributeurs et vendeurs devraient pouvoir souscrire une assurance pour se prémunir de ce type de réclamation. Régime d’assurance privé Sauf certaines exceptions, la Loi sur l’assurance automobile prévoit que le propriétaire d’un véhicule est responsable des dommages matériels causés par sa voiture3. L’erreur humaine est présentement la cause principale des collisions; toutefois, avec la venue des VA, l’attribution de la responsabilité en cas d’accident sera plus complexe. En effet, le transfert de responsabilité vers les fabricants de VA et leurs sous-traitants en cas d’accident pourrait entraîner une possible migration vers des polices d’assurance offrant des protections individuelles, de même que vers des polices destinées à la protection des fabricants ou des concepteurs de logiciels, par exemple. L’AMF se demande si le libellé actuel des polices d’assurance automobile émises à l’égard de VA devrait donc évoluer vers la notion de « faire usage » d’un véhicule et donc adapter la notion de conduite. De plus, la Convention d’indemnisation directe prévoit actuellement que les assureurs indemnisent leurs propres assurés compte tenu de la responsabilité des conducteurs des autres véhicules impliqués dans un accident. Elle permet la subrogation contre un tiers responsable de la collision, mais elle exclut les collisions impliquant les mêmes propriétaires de véhicules. Dans le contexte des VA, où un fabricant pourrait demeurer propriétaire du véhicule lors de l’utilisation, par exemple avec la mise en service de flotte de véhicules, il y a lieu de se questionner sur l’application de la Convention. Sa pertinence même est remise en question par l’AMF. D’autres points de discussions intéressant sont soulevés par l’AMF : Les constructeurs automobiles devraient-ils obligatoirement divulguer à la SAAQ les données concernant les accidents impliquant des VA? Quelles données devraient être utilisées pour déterminer les primes d’assurances associées à un VA? Y aurait-il lieu de prévoir par règlement l’ordre d’application des polices d’assurance des fabricants, des sous-traitants, et des propriétaires en cas d’accident impliquant des VA? Accusations criminelles en Californie À la suite d’un accident impliquant un VA roulant en mode « autopilote » et causant la mort de deux (2) personnes, le conducteur du véhicule a fait face à deux (2) chefs d’accusation d’homicide involontaire. L’accident a été causé par le VA qui, sortant d’une autoroute à vitesse rapide, a brulé une lumière rouge et frappé un véhicule roulant dans l’intersection. Le National Transportation Safety Board (« NTSB ») a déjà revu dans un rapport précédent « l’automatisation de complaisance » des conducteurs, qui seraient portés à trop se fier sur  les modes de conduite autonome présentement sur le marché, des modes qui exigent tout de même l’attention des conducteurs. Il faut garder à l’esprit que l’automatisation totale des véhicules n’est pas encore offerte et que les conducteurs demeurent responsables de la conduite des VA, dont la conduite n’est assurée pour le moment que par de l’automatisation partielle. Désactivation du « Passenger Play » de Tesla Depuis décembre 2020, Tesla offre dans plusieurs de ses modèles de véhicules la fonctionnalité « Passenger Play », qui permetdejouer à des jeux vidéo alors que la voiture est en marche. À la suite de la réception d’une plainte d’un conducteur de Tesla, le NTSB a ouvert une enquête et déterminé que cette option « est susceptible de distraire le conducteur et augmente le risque d’accident ». Ainsi, en décembre 2021, Tesla a annoncé que lors des prochaines mises à jour du système, le « Passenger Play » serait disponible uniquement lorsque la voiture est à l’arrêt. Des robots comme patrouilleurs frontaliers Le ministère de la sécurité intérieure des États-Unis a récemment confirmé qu’un projet-pilote concernant des robots-chiens comme surveillants de la frontière américo-mexicaine était en cours. La flotte de robots, nommés « véhicules terrestres automatisés de surveillance », est présentée comme un « multiplicateur de force ». Le projet a fait l’objet de plusieurs critiques, notamment quant à sa réelle capacité à être un acteur de changement tangible en termes de sécurité de la frontière, mais également de la part des défenseurs de la communauté, qui accusent le gouvernement de faire preuve d’un zèle de sécurité. Selon les autorités, les robots ont le potentiel de diminuer l’exposition aux risques des agents frontaliers aux danger mortels dans un environnement inhospitalier aux humains. Des autobus autonomes sur la Plaza St-Hubert Plus près de nous, nous avons eu droit à des autobus autonomes en libre circulation sur la Plaza St-Hubert, à Montréal, l’automne dernier. Keolis a mis ses véhicules autonomes disponibles sur un parcours gratuit d’une trentaine de minutes avec sept (7) arrêts. Le projet, mis en place par la Ville de Montréal, avec une subvention du gouvernement du Québec, avait comme objectif de mettre à l’épreuve les VA dans un parcours urbain dense. Document de réflexion, Préparer le Québec à l’arrivée des véhicules automatisées et connectés, Autorité des marchés financiers, 21 octobre 2021. Code de la sécurité routière, RLRQ, c C-24.2, art 633.1. Loi sur l’assurance automobile, RLRQ c A-25, art 108.

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  2. Une demande d’indemnité sur cinq refusée concernant l’assurance maladies graves : quels changements devraient être apportés par les assureurs?

    L’Autorité des marchés financiers (AMF) a récemment publié une étude qu’elle a menée auprès des principaux assureurs actifs dans le domaine de l’assurance au Québec s’intitulant Rapport découlant des travaux de surveillance en assurance maladies graves1(ci-après le « Rapport »). L’étude révèle des statistiques surprenantes qui amène l’AMF à indiquer que des changements devraient être apportés dans le domaine des assurances maladies graves : les assureurs devraient tenter de démystifier les produits d’assurance pour les consommateurs afin de les aider à avoir une meilleure compréhension des polices auxquelles ils souscrivent. L’assurance maladies graves   L’assurance maladies graves est une assurance qu’un consommateur peut souscrire pour lui-même ou un proche. Une somme sera versée dans le cadre de cette assurance si l’assuré est atteint d’une maladie grave qui respecte la définition prévue dans son contrat d’assurance. Les maladies qui sont les plus souvent couvertes par ce type d’assurance sont le cancer (à un stade mettant la vie en danger), la crise cardiaque et l’accident vasculaire cérébral. En général, les principes suivants s’appliquent également à l’assurance maladies graves : Chaque contrat comporte une liste des maladies couvertes; Un contrat d’assurance peut aussi préciser des exclusions relativement aux maladies couvertes; Lorsqu’une maladie grave est couverte par un contrat d’assurance et qu’aucune exclusion ne s’applique, d’autres conditions un peuvent être incluses dans un contrat comme un délai de carence2 ou un délai de survie3. Ces délais varient d’un contrat d’assurance à l’autre. Constats de l’AMF   L’AMF a déterminé qu’une (1) demande d’indemnité sur cinq (5) concernant les assurances maladies graves est refusée par les assureurs. L’AMF constate dans son Rapport que, de manière générale, l’assurance maladies graves, tant au niveau de la compréhension des produits que de son achat, comporte plusieurs difficultés pour les consommateurs : un manque d’information, de précisions, d’accompagnement et de compréhension du consommateur serait à la base de ces problèmes. Les maladies couvertes et les caractéristiques de celles-ci diffèrent d’un produit à l’autre et d’un assureur à l’autre. Le consommateur aurait donc de la difficulté à comparer facilement les produits offerts. De plus, le langage utilisé dans la description des produits et dans la rédaction des polices est parfois complexe. Par ailleurs, les contrats d’assurance contiennent plusieurs limitations et exclusions (comme les maladies préexistantes) ainsi que des différents délais à respecter qui peuvent être complexes à comprendre. Recommandations de l’AMF   En réponse à ces constats, l’AMF a élaboré cinq (5) recommandations pour les assureurs et elle s’attend à ce que des correctifs soient apportés. Pour l’instant, aucune sanction n’est prévue par l’AMF, mais elle assure qu’elle « prendra les mesures appropriées lorsque requis »4. Éviter de créer de la confusion ou d’induire une compréhension erronée du produit chez le consommateur par la documentation produite ou les publicités Les assureurs doivent porter attention à l’utilisation des statistiques et de slogans dans leur documentation et leur publicité. L’AMF est d’avis que certaines formes de publicité induisent parfois une compréhension erronée du produit chez le consommateur quant à la couverture offerte à cause de statistiques et de slogans qui sont plus larges que la réelle couverture énoncée au contrat. Les assureurs doivent se limiter à l’information pertinente à l’égard des caractéristiques réelles du produit offert. L’AMF insiste sur le fait qu’« il faut éviter que le consommateur ait l’impression que la portée de cette couverture est plus englobante qu’en réalité, ou que son besoin d’assurance est plus important que son réel besoin ». Aider davantage le consommateur pour qu’il comprenne adéquatement le produit Un contrat d’assurance peut couvrir différentes maladies et peut contenir des caractéristiques variées. Le vocabulaire utilisé dans ces contrats d’assurance maladies graves est souvent technique et particulier au domaine de la médecine et des assurances. Pour éviter la confusion de l’assuré, les assureurs devraient lui transmettre une information pertinente et complète dans un langage accessible. L’AMF propose donc que les assureurs rendent accessibles des outils comme des guides, des lexiques, des sommaires, des illustrations et des lignes du temps avec les délais pour aider le consommateur à mieux comprendre les caractéristiques de sa police d’assurance, la portée de la couverture, les limitations et exclusions, les délais prévus, etc. Accompagner l’assuré et communiquer avec lui après l’achat d’une assurance L’AMF indique que l’accompagnement après l’achat d’une assurance maladies graves est important pour favoriser une meilleure compréhension par l’assuré de ses droits et de ses obligations et pour qu’il sache à quel moment il doit les exercer. L’AMF propose que les assureurs mettent en place des moyens de communication de l’information après l’achat, comme de l’information sur un site sécurisé, la transmission de relevés périodiques ou des rappels des options pouvant être exercées. Outiller davantage les réseaux de distribution pour conseiller adéquatement les clients L’AMF soutient que les différents intervenants des réseaux de distribution doivent être en mesure de transmettre de l’information claire et pertinente à l’assuré tout au long du cycle de vie du produit. Pour y parvenir, les assureurs devraient améliorer leurs programmes de formation et fournir des outils de référence appropriés à leurs réseaux de distribution, qui pourraient inclure les caractéristiques du produit, la clientèle cible de chaque produit, une comparaison avec les autres types de produit pour accompagner le client dans son choix, etc. Faciliter le processus de demande d’indemnité, de traitement des plaintes et de règlement des différends Les assureurs doivent s’assurer de fournir une information adéquate à l’assuré et un traitement équitable des demandes d’indemnités. L’AMF propose aux assureurs de rendre les processus de traitement des demandes ainsi que les formulaires de demande d’indemnité facilement accessible sur leur site Web. De plus, les motifs de refus d’une demande d’indemnité devraient être clairement expliqués dans la lettre transmise à l’assuré et cette lettre devrait préciser les prochaines étapes (comme la possibilité de demander une révision ou de porter plainte). Conclusion   Ainsi, les assureurs qui offrent des produits d’assurance maladies graves devraient prendre en compte les recommandations récentes de l’AMF pour mieux informer les consommateurs de leurs droits et de leurs obligations, des produits offerts et de la couverture proposée. En intégrant les suggestions de l’AMF dans leurs activités en lien avec l’assurance maladies graves, les assureurs pourront non seulement diminuer le taux de refus des demandes d’indemnité dans ce secteur, mais également éviter de potentiels litiges. Autorité des marchés financiers, Rapport découlant des travaux de surveillance en assurance maladies graves (Rapport), Québec, 2021. [Rapport] Délai afin que la protection pour une maladie grave prenne effet suite à l’entrée en vigueur d’une police d’assurance. Délai d’indemnisation suivant le diagnostic d’une maladie grave. Rapport, p.7.

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  3. L’auto-assurance, possible dans le respect de la Loi sur les assureurs

    Introduction De multiples offres en assurances sont à disposition sur le marché pour protéger ses biens au Québec. Mais connaissez-vous bien toutes vos options? En 2016, nous vous entretenions sur l’assurance de pair-à-pair, qui est essentiellement une communauté d’utilisateurs ayant comme objectif d’assurer ensemble des biens semblables1. Or, en novembre 2021, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision intéressante 2 cette fois-ci sur l’auto-assurance, dans un contexte d’assurance offerte par deux associations étudiantes. Cette forme d’assurance propose qu’une première tranche d’indemnisation soit supportée par l’assuré, qui ne peut alors pas transférer cette partie du risque vers un tiers. La décision de la Cour supérieure du Québec Les faits L’Association générale des étudiants du campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières et l’Association des étudiants hors campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières (ci-après, les « Associations ») offrent une assurance santé complémentaire et dentaire à leurs 14 000 étudiants membres depuis 2014. Elles qualifient ce régime d’auto-assurance et le régime est géré à l’aide d’un assureur, Groupe Major inc. Or, l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») s’adresse au tribunal par le moyen d’une demande en ordonnance d’injonction permanente afin que Groupe Major inc. et les Associations cessent leurs activités d’assurance. Elle soutient que les Associations agissent à titre d’assureur et qu’elles ne le peuvent pas sans son autorisation, comme cela est prévu à l’article 21 de la Loi sur les assureurs (« LA »)3. Au terme de la LA, l’autorisation de l’AMF est nécessaire à l’exercice de l’activité d’assureur dès lors qu’elle constitue l’exploitation d’une entreprise, et ce, sans égard aux autres activités que peut exercer l’exploitant. L’AMF prétend également que les Associations ne pratiquent pas de l’auto-assurance. Les Associations soutiennent qu’elles n’agissent pas à titre d’assureur, mais qu’elles pratiquent l’auto-assurance. De plus, elles argumentent que l’article 21 LA ne peut pas s’appliquer à leurs activités puisqu’elles sont des organismes sans but lucratif et donc qu’elles ne peuvent pas exploiter une entreprise au sens de la loi. Les motifs de la Cour La Cour définit la notion de contrat d’auto-assurance en droit québécois : l’assuré décide de ne pas souscrire de contrat d’assurance pour une partie ou la totalité du risque, décidant plutôt d’en assumer lui-même les conséquences financières, donc sans transfert de risques vers un tiers. Le tribunal détermine que les Associations sont les preneurs et les étudiants membres sont les assurés. En ce sens, il ne peut s’agir d’un contrat d’auto-assurance puisque le risque des étudiants membres est transféré aux Associations qui acceptent de l’assurer en contrepartie du versement d’une prime. Ensuite, la Cour conclut que l’assurance santé complémentaire et dentaire offerte par les Associations constitue une activité d’assureur dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise, conformément à l’article 21 LA. Même si les Associations sont des organismes à but non lucratif, elles peuvent exploiter une entreprise et l’application de l’article 21 LA ne requiert pas une analyse de la nature de l’organisme dans sa globalité. Les ententes intervenues entre les associations étudiantes et Groupe Major inc. visaient un objectif économique préétabli, soit de bénéficier des profits qu’aurait normalement réalisés un assureur. Les Associations offrent ce produit depuis près de sept ans, donc il ne s’agit pas d’une activité épisodique ou occasionnelle. Conclusion La Cour supérieure du Québec a accueilli la demande en injonction permanente de l’AMF contre les Associations. Elle ordonne aux Associations de cesser, dans les trois (3) mois suivant le jugement, toute activité d’assurance visée à la LA et au Groupe Major inc., de cesser d’agir à titre de tierce partie administratrice à l’égard de tout régime d’auto-assurance mis en place par les Associations. *** L’auto-assurance peut permettre à un assuré d’économiser sur sa prime d’assurance, en offrant une protection sur « l’essentiel » d’une réclamation à un moindre coût. Cependant, elle doit être pratiquée dans le respect de la loi. L’assurance « pair à pair » : un retour aux sources… révolutionnaire ? (lavery.ca). Association générale des étudiants hors campus de l'Université du Québec à Trois-Rivières (AGÉHCUQTR) c. Autorité des marchés financiers, 2021 QCCS 5090. Loi sur les assureurs, RLRQ c A-32.1.

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