Non-conformité avec les dispositions du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur en ce qui concerne les avis de déchéance du bénéfice du terme

Télécharger cette publication

Bien que la non conformité avec la Loi sur la protection du consommateur (la « LPC ») soit habituellement sanctionnée par la nullité des clauses non conformes à la LPC, voire du contrat dans son ensemble, dans certaines causes portant sur les avis écrits de déchéance du bénéfice du terme, les tribunaux ont parfois décidé de maintenir la validité des avis non conformes si cela n’avait causé préjudice aux droits du consommateur. Deux jugements confirment cette position.

LE JUGEMENT CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DU PORTAGE
Dans un jugement récent de la Cour du Québec, Caisse Populaire Desjardins du Portage c. Létourneau1, la Cour a rejeté le plaidoyer de la défenderesse qui cherchait à faire annuler les avis de déchéance du bénéfice du terme au motif que les états de compte accompagnant les avis n’étaient pas en tous points conformes aux exigences du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur (le « Règlement »). Contrairement aux exigences des paragraphes 67e) et 67f) du Règlement, les états de compte en cause n’indiquaient pas clairement le solde du capital net après chaque somme d’argent payée par la défenderesse et portée à son compte, non plus que pour chaque somme d’argent portée au compte de la défenderesse, on n’indiquait la partie imputée au capital net ni celle imputée aux frais de crédit.

Après avoir envoyé deux avis de déchéance du bénéfice du terme et avoir attendu les trente (30) jours requis pour que la déchéance se produise, la Caisse a poursuivi la défenderesse afin d’obtenir le remboursement des deux prêts personnels en défaut.

Lors du procès, la défenderesse n’a pas contesté devoir certaines sommes à l’égard des prêts; toutefois, elle a soulevé que les avis étaient nuls parce que les états de compte n’indiquaient pas tous les renseignements exigés par le Règlement. Par conséquent, elle n’aurait pas perdu le bénéfice du terme et elle ne devait payer à la Caisse uniquement les versements échus plutôt que le solde des prêts.

La Caisse a reconnu que les états de compte n’étaient pas en tous points conformes aux exigences du Règlement, avant d’ajouter que les renseignements manquants étaient mineurs et ne justifiaient pas que la Cour prononce la nullité des avis.

La Cour note que l’état de compte joint à un avis de déchéance du bénéfice du terme a pour objet d’informer le consommateur des sommes dues, de sorte qu’il puisse, dans les trente (30) jours de la réception de l’avis, corriger le défaut en payant ces sommes au commerçant. Dans le présent cas, la Cour s’est rangée du côté de la Caisse et convient que les avis et les états de compte les accompagnant contenaient l’information nécessaire pour que la défenderesse comprenne son défaut et y remédie. Faisant référence à un autre jugement de la Cour du Québec rendu en 2009, soit Banque de Montréal c. Bujold2, la Cour rappelle que la LPC a été adoptée pour protéger les consommateurs victimes de pratiques interdites aux commerçants, mais qu’elle ne doit pas permettre aux consommateurs de se soustraire à leurs obligations en invoquant des vétilles.

LE JUGEMENT BUJOLD
Dans l’affaire Bujold, la Banque a intenté une poursuite pour le solde total dû en vertu du contrat de vente à tempérament signé aux fins de l’achat d’un véhicule d’occasion. Le défendeur y avait aussi plaidé que l’avis de déchéance du bénéfice du terme ne respectait pas les paragraphes 67e) et 67f) du Règlement et devait donc être annulé. Toutefois, le défendeur avait également fait valoir que le contrat de crédit lui-même devait être annulé compte tenu de l’omission de la banque de procéder à une enquête suffisante de sa situation financière et compte tenu du fait que le véhicule acheté lui était parfaitement inutile. La Cour note que la LPC visait à protéger tout consommateur vulnérable et qu’elle ne devait pas être utilisée de façon abusive afin d’obtenir la nullité de clauses ou de contrats par ailleurs valablement conclus. La Cour a admis qu’eu égard aux prétentions du défendeur, elle pouvait annuler l’avis de déchéance du bénéfice du terme, mais qu’une telle décision serait contraire à l’intérêt supérieur de la justice, car il en résulterait inévitablement l’émission d’un nouvel avis par la demanderesse, causant des délais additionnels et, vraisemblablement, de nouvelles procédures de contestation par le défendeur.

En ce qui concerne la nullité du contrat de consommation lui-même, la Cour a douté de la bonne foi de M. Bujold compte tenu de ses nombreuses déclarations manifestement inexactes sur le formulaire de demande de crédit, y compris une fausse déclaration quant à son emploi, à ses revenus et aux paiements à l’égard de son prêt hypothécaire et l’omission flagrante de déclarer l’existence de plusieurs prêts personnels non remboursés. Pourtant, le défendeur n’avait pas hésité à signer au bas du formulaire de demande de crédit pour attester que tous les renseignements fournis à la banque étaient vrais et exacts.

Dans ces circonstances, la Cour a décidé que la Banque n’avait fait preuve d’aucune négligence quant à l’enquête effectuée afin de se former une opinion sur la capacité financière du défendeur avant de lui accorder un crédit. Selon la Cour, si le défendeur a obtenu un prêt pour l’achat d’un véhicule dont il n’avait pas besoin, c’est uniquement en raison de ses propres fausses déclarations et de son manque général de sens des affaires. Qui plus est, la Cour a critiqué le comportement répréhensible du défendeur et a décidé que ce comportement constituait une fin de non recevoir empêchant le défendeur de faire valoir les lacunes de l’avis. La Cour a donc ordonné au défendeur de payer l’encours de la dette à la Banque.

COMMENTAIRES
Les commerçants ne devraient toutefois pas croire, en se fondant sur les affaires citées, que les tribunaux sont généralement indulgents lorsqu’il est question de non-conformité avec la législation sur la protection du consommateur. Toutefois, ces affaires rappelent que les droits des commerçants ne devraient pas être écartés en raison de points de détail ou d’une non-conformité sans importance qui ne portent pas préjudice au consommateur.

Bien qu’il soit difficile d’établir une règle générale à partir de ces décisions, les tribunaux donnent au moins une certaine marge de manoeuvre aux commerçants lorsque les avis de déchéance du bénéfice du terme présentent des lacunes techniques. Le véritable critère semble être de savoir si le défendeur pouvait comprendre la nature de son défaut et y remédier.

Le jugement dans l’affaire Bujold donne également quelques indications quant à la portée de l’obligation des commerçants d’apprécier le consentement donné par un consommateur conformément aux critères énoncés à l’article 9 de la LPC (parmi lesquels se trouvent la condition des parties, les circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu et les avantages qui résultent du contrat pour le consommateur). Les circonstances personnelles du consommateur peuvent être examinées et vérifiées par le commerçant avant de s’engager contractuellement avec un consommateur, tel qu’enseigné par la jurisprudence. Ce faisant, le commerçant pourrait se fonder sur les déclarations (apparemment exactes) d’un consommateur.
_________________________________________ 

1. Caisse Populaire Desjardins du Portage c. Létourneau, 2013 QCCQ 4395. 

2. Banque de Montréal c. Bujold, 2009 QCCQ 5530.

Retour à la liste des publications

Restez à l'affût des nouvelles juridiques de l'heure. Abonnez-vous à notre infolettre.

M'abonner aux publications