Avis aux employeurs de juridiction fédérale : des modifications au Code canadien du travail entreront en vigueur le 31 octobre 2014

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Le 12 décembre 2013, la loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d’autres mesures1 (le « projet de loi C-4 ») a été sanctionnée. Le projet de loi C-4 comprend plus de trois cent pages et propose bon nombre de modifications législatives visant le Code canadien du travail2 (le « C.C.T. »). Le 18 juin 2014, la date d’entrée en vigueur de ces modifications a été fixée au 31 octobre 20143

Selon un document d'information publié par le gouvernement du Canada, les modifications visant la partie II du C.C.T., intitulée « Santé et sécurité au travail », s'inscrivent dans le contexte suivant :

« Il a été déterminé, même après les appels, que dans plus de 80 % des refus de travailler au cours des 10 dernières années – de 2003 à 2013 – il n’y avait pas de situation de danger. La modification proposée visant à rendre la définition de « danger » plus précise permettra aux employés et aux employeurs de mieux gérer les questions de santé et de sécurité au travail dans le cadre du système de responsabilité interne4. »

À cette fin, les modifications apportées par le Projet de loi C-4 concernent, notamment, la modification de la définition de « danger », l’abolition des « agents de santé et de sécurité » ainsi que la modification du processus applicable aux enquêtes reliées au droit de refus (article 128 du C.C.T.) ou à une plainte formulée en vertu de l’article 127.1 du C.C.T. (employé qui croit, pour des motifs raisonnables, à l’existence d’une situation constituant une contravention à la Partie II du C.C.T. ou dont est susceptible de résulter un accident ou une maladie lié à l’occupation d’un emploi).

Bien avant qu’il ne soit adopté, plusieurs associations de salariés ont réagi au Projet de loi C-4, alléguant notamment qu’il portait atteinte aux droits des travailleurs et des travailleuses en matière de santé et de sécurité au travail et allant même jusqu’à dire que les modifications proposées pouvaient entraîner un accroissement des risques d’accidents et de blessures.

Présentement, le C.C.T., à son article 122, définit la notion de « danger » comme suit :

« « danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats — , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur. »

Il est intéressant de noter que cette définition de danger fait suite à des modifications apportées à la Partie II du C.C.T. et entrées en vigueur en septembre 20005. Lors de cette modification législative, la notion de « danger » avait été modifiée pour inclure les dangers potentiels ainsi que les conditions ou activités, courantes ou futures, qui pouvaient raisonnablement causer une blessure ou une maladie. Ces modifications avaient été apportées pour « améliorer » la définition précédente du terme « danger », laquelle avait été « jugée comme trop limitative pour protéger la santé et la sécurité des employés6» :

« Selon la jurisprudence basée sur l’ancienne notion de danger, celui-ci devait être présent et immédiat au moment de l’enquête de l’agent de santé et sécurité. La nouvelle définition élargit cette notion pour tenir compte des risques, situations ou tâches éventuels.7»

Or, il est intéressant de constater que les modifications apportées par le Projet de loi C-4 semblent rétablir une notion de « danger » qui ressemble davantage à celle qui prévalait avant la modification législative de l’an 2000. En effet, la nouvelle définition de « danger » à l’article 122 du C.C.T prévue par le Projet de loi C-4 se lit désormais comme suit :

« danger » « Situation, tâche ou risque qui pourrait vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée avant que, selon le cas, la situation soit corrigée, la tâche modifiée ou le risque écarté.8 »

Dès lors, le danger devra être vraisemblable plutôt qu’« existant ou éventuel », en plus de « présenter une menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée », par opposition à « susceptible de causer des blessures ou de la rendre malade ». Il est donc possible que l’entrée en vigueur du Projet de loi C-4 modifie l’interprétation jurisprudentielle de la notion de « danger » qui s’est développée au cours des dix dernières années.

Le mot « danger » se retrouvant également à l’art. 128 du C.C.T. relatif au droit d’un employé de refuser d’effectuer un travail qu’il considère dangereux, l’interprétation de cette disposition devra aussi se faire à la lumière du nouveau concept de « menace imminente ou sérieuse pour la vie ou pour la santé de la personne qui y est exposée » dès l’entrée en vigueur du Projet de loi C-4. Le fardeau des employés qui souhaitent invoquer un droit de refus sera donc modifié, car l’exercice de leur droit sera tributaire de la présence d’une situation pouvant « vraisemblablement présenter une menace imminente ou sérieuse » pour leur vie ou pour leur santé, par opposition à la possibilité raisonnable et objective qu’un risque se matérialise9.

D’autre part, le Projet de loi C-4 supprime la notion « d’agent de santé et de sécurité »10. Or, à l’heure actuelle, la partie II du C.C.T. énonce la procédure à suivre lorsqu’une plainte en matière de santé et sécurité au travail est déposée11. Ces plaintes sont, à une certaine étape, renvoyées aux agents de santé et de sécurité au travail pour enquête. La disparition de cette fonction dans la loi ainsi que les autres modifications contenues au Projet de loi C-4 auront pour effet de modifier le processus d’enquête relié à ces plaintes. Dorénavant, il sera question d’une enquête interne entre l’employeur et l’employé et si l’enquête interne ne permet pas de régler la plainte, celle-ci sera renvoyée au ministre du Travail directement12.

L’ampleur de l’impact de la suppression des agents de santé et de sécurité reste encore, selon nous, à évaluer. Cependant, le Décret fixant au 31 octobre 2014 la date d’entrée en vigueur de la section 5 de la partie 3 de la loi13, sous la section « Répercussions », mentionne que :

« […] [C]es modifications renforceront le système de responsabilité interne afin d’améliorer la protection des travailleurs du Canada et de permettre au Programme du travail de mieux se concentrer sur les enjeux critiques qui touchent la santé et la sécurité des Canadiens au travail. Ces modifications permettront également d’améliorer la qualité et la cohérence des décisions prises par le Programme du travail […]. »

Il est également question d’accorder au Programme du travail un pouvoir discrétionnaire et une souplesse accrue afin de lui permettre d’exercer ses fonctions avec une « efficacité optimale ». Enfin, il y est précisé que « le ministre sera autorisé à refuser d’enquêter sur les refus de travailler qui relèvent davantage d’une autre loi ou qu’il juge frivoles, vexatoires, sans objet ou de mauvaise foi. »

Lavery suivra l’évolution de la mise en oeuvre des changements apportés par le Projet de loi C-4 après son entrée en vigueur le 31 octobre 2014 ainsi que l’incidence de ces changements à court, moyen et long terme et vous informera de toute tendance significative.
_________________________________________
1 LC 2013, c.-40.
2 LRC 1985, c. L-2.
3 Décret fixant au 31 octobre 2014 la date d’entrée en vigueur de la section 5 de la partie 3 de la loi, C.P. 2014-13, TR/2014-52 (Gaz. Can. II).
4 Gouvernement du Canada, ministère des Finances du Canada, « Projet de loi C-4 », Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, Partie 3 - Diverses mesures : Partie 5 : Code canadien du travail, en ligne : <http://www.fin.gc.ca/pub/c4/7-fra.asp > (site consulté le 15 juin 2014).
5 Loi modifiant la partie II du Code canadien du travail, apportant des modifications matérielles à la partie I du Code canadien du travail et modifiant d’autres lois en conséquence, LC 2000, c.-20.
6 Welbourne et Canadian Pacific Limitée (22 mars 2001), Décision no 01-008, par. 17.
7 Id.
8 Projet de loi C-4, article 176 (2).
9 Laroche et Procureur général du Canada, 2013 CF 797, par. 60.
10 Projet de loi C-4, article 176 (1).
11 Voir notamment les articles 127.1 (8) et 129 du C.C.T.
12 Projet de loi C-4, articles 179 et suivants.
13 Préc., note 3, page 1758.

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