L’encadrement d’Airbnb par le gouvernement provincial

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La vague des plateformes en ligne d’offres de location de type Airbnb1 permettant à des particuliers de louer tout ou partie de leur propre habitation comme logement d'appoint crée de plus en plus d’adeptes dans le monde. Le Québec n’y fait pas exception.

Au Québec, les hôteliers et autres exploitants qui se qualifient d’« établissements d’hébergement » au sens de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique2 (ci-après la « Loi ») et du Règlement sur les établissements d’hébergement touristique3 (ci-après le « Règlement ») sont obligés de percevoir une taxe sur l’hébergement4, en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec5, ce qui n’est pas le cas de ceux qui utilisent les plateformes de type Airbnb. L’arrivée sur le marché de ces plateformes est donc de nature à créer une iniquité fiscale.

Visant à corriger la chose, les 22 octobre et 4 novembre derniers, le gouvernement du Québec a respectivement présenté le Projet de loi no 67 : Loi visant principalement à améliorer l’encadrement de l’hébergement touristique et le Projet de Règlement modifiant le Règlement sur les établissements d’hébergement touristique.

LA LOI ET LE RÈGLEMENT PRÉSENTEMENT EN VIGUEUR

Actuellement, la Loi s’applique aux établissements qui offrent, contre rémunération, de l’hébergement à des touristes. Elle prévoit que toute personne qui exploite un « établissement d’hébergement touristique » doit détenir une attestation de classification.

Pour obtenir une telle attestation, l’exploitant doit demander au greffier, au secrétaire-trésorier ou à tout autre fonctionnaire désigné de sa municipalité locale de lui émettre un certificat attestant que l’établissement ne contrevient à aucune réglementation municipale d’urbanisme relative aux usages.

Quiconque exploite un établissement d’hébergement sans qu’une attestation de classification ait été délivrée pour cet établissement commet une infraction.

Constitue un « établissement d’hébergement touristique » au sens du Règlement, « tout établissement exploité par une personne qui offre en location à des touristes, contre rémunération, au moins une unité d’hébergement pour une période n’excédant pas 31 jours ».

Une unité d’hébergement s’entend notamment d’une chambre, d’un lit, d’une suite, d’un appartement, d’une maison, d’un chalet, d’un camp, etc.

Précisons que le Règlement exclut expressément de la notion d’« établissement d’hébergement touristique » les unités d’hébergement offertes sur une base occasionnelle. Le Règlement ne définit toutefois pas ce que constitue une offre « occasionnelle ».

Ainsi, pour l’instant, les seules balises qui existent à cet égard ont été définies par la jurisprudence6. Par exemple, l’offre d’un chalet quelques semaines durant l’été n’est pas assujettie à l’obligation de détenir une attestation de classification.

LE PROJET DE LOI 67 : AJOUT DE LA NOTION DE « TOURISTE »

Le projet de loi 67 vient définir ce qu’est un « touriste ». Il s’agit d’une « personne qui fait un voyage d’au moins une nuit et d’au plus un an à l’extérieur de la municipalité où se trouve son lieu de résidence, que ce soit à des fins d’agrément, d’affaires ou pour effectuer un travail rémunéré, et qui utilise des services d’hébergement privé ou commercial ».

La notion de « touriste » ne faisait jusqu’alors l’objet d’aucune définition. Cette nouvelle définition fait en sorte que tous les particuliers ou entreprises qui louent une unité d’hébergement (c.-à-d. leur lit, leur chambre, leur appartement, etc.) à un résident d’une autre municipalité, ne serait-ce que pour une seule nuit dans l’année, seront considérés comme des exploitants d’établissement d’hébergement, et ce, même s’ils ne s’affichent pas comme tel.

Par conséquent, ils auront l’obligation d’obtenir une attestation de classification et de percevoir la taxe sur l’hébergement.

De plus, pour pouvoir obtenir une telle attestation, c’est désormais le ministre qui demandera à la municipalité locale de lui transmettre un avis de conformité de l’usage à la réglementation municipale d’urbanisme. La municipalité aura un délai de 45 jours pour informer le ministre de la non-conformité de l’usage projeté. Lorsque l’usage ne sera pas conforme à la réglementation municipale d’urbanisme, le ministre aura l’obligation de refuser de délivrer l’attestation.

Par ailleurs, certaines dispositions du projet de loi 67 faciliteront les poursuites pénales en cas d’infraction à la loi, en plus de hausser considérablement les amendes prévues dans la Loi pour ceux qui ne respectent pas les prescriptions de la Loi. Alors que la Loi prévoit que le contrevenant est passible d’une amende de 750 $ à 2 500 $, le projet de loi 67 prévoit une amende de 2 500 $ à 25 000 $, s’il s’agit d’une personne physique, et de 5 000 $ à 50 000 $ dans les autres cas.

LE PROJET DE RÈGLEMENT : MODIFICATION DE LA DÉFINITION D’« ÉTABLISSEMENT D’HÉBERGEMENT TOURISTIQUE »

Le projet de règlement, quant à lui, modifie la définition d’« établissement d’hébergement touristique » ainsi : « tout établissement dans lequel au moins une unité d’hébergement est offerte en location contre rémunération, pour une période n’excédant pas 31 jours, à des touristes sur une base régulière ».

Par conséquent, si une personne ou une entreprise offre une unité d’hébergement sur une base régulière, notamment par le biais d’une plateforme comme Airbnb, elle sera considérée comme un établissement d’hébergement, et ce même si, dans les faits, elle n’héberge qu’un seul touriste pour une seule nuit dans l’année.

En date de la publication de ce bulletin, on parle de projets de loi et de règlement. Il est probable que la Loi et le Règlement, s’ils sont finalement adoptés, soient modifiés à la suite de séances de consultation particulières. Ce n’est qu’au moment de leur adoption que leurs contenus finaux et leurs dates d’entrée en vigueur seront connus.


1 Airbnb est une plateforme communautaire de location et de réservation de logements de particuliers fondée en 2008 par les Américains Brian Chesky et Joe Gebbia.
2 RLRQ, c. E-14.2.
3 RLRQ, c. E-14.2, r 1.
4 Cette taxe représente un montant de 2 $ à 3,50 $ par nuitée pour chaque unité ou un pourcentage de 3,5 % de la valeur de la contrepartie de la nuitée, tout dépendamment de la catégorie de région touristique dans laquelle ils se situent.
5 RLRQ, c. T-0.1.
6 Boucher c. Pohénégamook (Ville de), 2012 QCCS 2362.

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