Établissements de santé : Quelle est votre responsabilité en présence d’un visiteur harcelant et perturbateur?

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Le 16 juin dernier, la Cour supérieure1 a prononcé une ordonnance de sauvegarde dans le cadre d’une procédure en injonction en faveur d’un établissement de santé visant à encadrer les visites de la fille d’une personne inapte qui y était hébergée, ainsi que ses interventions auprès de cette dernière et du personnel.

Dans cette affaire, la fille visée par l’ordonnance était en profond désaccord avec toutes les décisions prises par les mandataires à la personne et aux biens de sa mère, en l’occurrence, les deux autres enfants de celle-ci, quant au choix de son lieu d’hébergement et des soins devant lui être prodigués.

Lors de ses visites quotidiennes, cette personne a fait preuve d’agressivité à l’égard du personnel soignant, allant notamment jusqu’à entrer dans le poste des infirmières, se placer devant la porte pour les empêcher de sortir, les interpeller et les suivre à l’extérieur de l’établissement. De plus, elle a fait fi des plans d’intervention établis par l’équipe multidisciplinaire de l’établissement pour la santé de sa mère et empêché que les soins lui soient prodigués adéquatement, mettant en péril la santé et la sécurité de celle-ci.

Malgré les tentatives de la direction de l’établissement de santé de s’entendre avec elle pour encadrer ses visites et s’assurer qu’elle respecte des règles de conduite précises (par exemple, ne pas s’interposer dans les soins, ne pas intimider les employés), la personne n’a pas modifié son comportement. La situation est devenue intolérable et ingérable pour le personnel clinique et les gestionnaires en cause.

Compte tenu des circonstances, il est devenu nécessaire pour l’établissement de santé d’instituer une demande en injonction permanente et de réclamer une ordonnance de sauvegarde considérant l’urgence de la situation.

Pour décider de la demande d’ordonnance de sauvegarde, l’honorable Lise Bergeron de la Cour supérieure a dû soupeser le droit de visite de la fille d’un usager, le droit de l’usager d’être soigné dans un environnement sécuritaire (100 L.s.s.s.s.) et le droit des employés de travailler dans un environnement exempt de harcèlement (81.19 L.n.t.).

Dans son analyse, la Juge Bergeron conclut que dans la mesure où les visites de la personne empêchent un établissement de santé de respecter les obligations que le Loi lui impose, en plaçant l’usager dans une situation à risque et en exposant ses employés à une situation de harcèlement, la Cour est justifiée de restreindre considérablement le droit de visite de toute personne et de l’assujettir au respect de règles strictes et d’autoriser un établissement à mettre en place les mesures nécessaires pour assurer leur respect.

Conséquemment, la juge Bergeron a ordonné à la personne :

  • de ne pas se trouver dans les limites de la propriété de l’établissement, sauf pour les visites autorisées, soit le mercredi, de 13 h 00 à 15 h 00, sous la supervision d’un agent de sécurité;
  • de se présenter au poste des infirmières à son arrivée et à son départ lors de ses visites autorisées;
  • de respecter le plan d’intervention mis en place par l’établissement à l’égard de la patiente;
  • de ne pas s’interposer dans les soins prodigués à la patiente;
  • de ne pas communiquer avec les employés de l’établissement, sauf en cas de situation nécessitant l’intervention urgente de l’une de ces personnes.

Pour éviter qu’une telle situation ne devienne intolérable pour les usagers et les membres du personnel, un établissement de santé doit agir promptement auprès de la personne au comportement perturbateur en mettant en place des mesures de contrôle claires, justifiées et documentées tout en priorisant les droits de son usager.


  1. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS) c. J.D., 2016 QCCS 2858.
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