La mise aux normes de construction est aux frais de l’assuré

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Le 19 décembre 2016, la Cour d’appel de l’Alberta donnait raison à un assureur1 qui excluait de la couverture de sa police les coûts de reconstruction associés à la mise aux normes réglementaires du bâtiment endommagé. Unanimement, la Cour d’appel maintenait l’exclusion pour les dommages engendrés par un vice caché ou par une déficience inhérente du bâtiment et rendait inopérante l’exception couvrant la rectification des non-conformités réglementaires résultant de la matérialisation du risque assuré.

Les faits

En mars 2012, l’assureur Economical Mutual Insurance Company émettait une police commerciale à son assurée Inter-City, une entreprise de carrosserie automobile qui exerçait ses activités dans un édifice construit dans les années 1950. Les dispositions pertinentes de la police étaient citées comme suit :

[Traduction]

« [6] La Police contenait deux exclusions pertinentes à l’article IV du formulaire 6557, qui se lisait comme suit :

2. Risques exclus

Le présent Formulaire n’offre aucune couverture pour les pertes ou les dommages causés directement ou indirectement par :

(M) de façon immédiate ou éloignée, en conséquence directe ou indirecte de l’application d’un règlement, d’une ordonnance ou d’une loi régissant le zonage ou la démolition, la réparation ou la réparation de bâtiments ou de structures qui rendent impossible la réparation ou la remise en état de la propriété tel qu’elle était avant le sinistre ou

Le présent formulaire n’offre aucune couverture pour :

(O) l’usure normale, la détérioration graduelle, un défaut caché, un vice inhérent ou le coût relié au fait de remédier à des matériaux défectueux ou inadéquats, une main-d’oeuvre défectueuse ou inadéquate ou une conception inadéquate; toutefois, dans la mesure où ils sont autrement assurés et non autrement exclus aux termes du présent Formulaire, les dommages à la propriété qui en résultent sont couverts.

[7] D’autre part, le passage pertinent du formulaire 6558 se lisait comme suit :

Le présent formulaire offre les extensions de couverture suivante relativement aux Édifices, matériel et inventaires commerciaux, Formulaire 6557. La limite de ces extensions s’ajoute à celles offertes à l’article 1 du formulaire 6557.

3. Responsabilité éventuelle résultant de l’application de règlements sur la construction :

Le présent formulaire, en conséquence d’un risque assuré, est étendu pour indemniser l’assuré pour ce qui suit :

a) la perte occasionnée par la démolition d’une partie non endommagée d’un bâtiment ou de structures;

b) le coût de démolition et de l’enlèvement de sur le site de toute partie non endommagée du bâtiment ou de structures;
ou

c) toute augmentation du coût de réparation, de remplacement, de construction ou de reconstruction du bâtiment ou de structures sur le même site ou sur un site adjacent, de hauteur, superficie de plancher et de style semblables et destiné à une occupation semblable; découlant de l’application des exigences minimales de tout règlement, ordonnance ou loi qui :

i) régit le zonage ou la démolition, la réparation ou la construction de bâtiments ou de structures endommagées; et

ii) en vigueur au moment de cette perte ou de ce dommage. »

[Nos soulignements]

En juillet 2012, de fortes pluies provoquaient un refoulement d’eau provenant du réseau d’évacuation pluvial, ce qui causait des dommages mineurs à la structure de bois du bâtiment. L’assureur indemnisait son assurée pour les travaux d’urgence (6 793,83 $) et pour la réparation des dommages au bâtiment (16 040,98 $).

Lors de l’enquête après sinistre, il fut découvert que la structure du bâtiment ne respectait plus la réglementation municipale en vigueur quant aux normes de construction. La municipalité déterminait que la structure de bois du bâtiment devait être démolie et reconstruite selon les nouvelles normes en vigueur. Les coûts de reconstruction étaient évalués à 471 000 $.

Position de l’assurée

La police couvrait les coûts pour le remplacement de la structure de bois non conforme du bâtiment assuré. La police d’assurance identifiait deux risques assurés distincts, soit 1) le coût des réparations pour les dommages causés par un refoulement d’eau du réseau pluvial, et 2) les coûts de reconstruction associés à la rectification des non-conformités réglementaires. Le lien causal entre les dommages causés par le refoulement d’eau et les coûts pour remédier aux non-conformités réglementaires du bâtiment n’avait pas de pertinence quant à la couverture de ces derniers.

Décision de première instance

En première instance, le tribunal et les parties ont reconnu que les non-conformités du bâtiment ne constituaient pas des dommages résultant du refoulement d’eau et étaient antérieures à l’émission de la police d’assurance.

Le Formulaire 6557 de la police excluait les coûts associés à la rectification des non-conformités réglementaires (gradual deterioration, latent defect, inherent vice). Par ailleurs, la clause 3 (C) du Formulaire 6558 de la police contenant les exceptions couvrait les coûts pour remédier aux non-conformités réglementaires (enforcement of the minimum requirements).

Le tribunal concluait que le Formulaire 6558 n’était pas ambigu et devait être interprété selon ses termes. Il y avait donc une prolongation de couverture pour les dommages résultant d’un risque couvert pour inclure les coûts de mise aux normes réglementaires lors de la reconstruction du bâtiment. Les dommages résultant d’un risque couvert initialement, nous disait la Cour, créaient un risque couvert additionnel et indépendant, de telle sorte que les coûts de mise aux normes lors de la reconstruction devenaient un risque assuré autonome du refoulement d’eau initial.

L’arrêt de la Cour d’appel

L’interprétation d’un contrat d’assurance standardisé est une question de droit permettant à une cour d’appel d’intervenir (Ledcor Construction Ltd. c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, 2016 CSC 37, paragr. 21-24).

Il était admis que les non-conformités au bâtiment assuré n’avaient pas été causées par le refoulement d’eau du système d’égout pluvial. Le refoulement, bien qu’étant un risque couvert, n’avait que permis la découverte des non-conformités structurales affectant le bâtiment.

Pour déterminer le champ d’application de l’exclusion et de l’exception, la Cour d’appel appliquait le principe des attentes raisonnables des parties. Elle concluait que les parties ne pouvaient raisonnablement s’attendre à ce que les coûts pour la rectification des non-conformités du bâtiment antérieures à la matérialisation du sinistre couvert soient inclus dans la couverture d’assurance. La Cour était d’avis que l’application du principe des attentes raisonnables solutionnait l’ambiguïté de la clause 3 (C) du Formulaire 6558. Il n’était donc pas nécessaire d’avoir recours aux autres règles d’interprétation que sont l’interprétation large de la couverture d’assurance et restrictive des exclusions ainsi que l’interprétation en faveur de l’assuré. L’intention des parties établie dans le Formulaire 6558 était de couvrir la rectification des non-conformités qui auraient été causées, et non simplement découvertes, par la matérialisation d’un risque couvert.

Les vices cachés et les déficiences inhérentes aux biens assurés étaient précisément exclus par le langage clair du Formulaire 6557. Pour faire exception à cette exclusion, les non conformités devaient nécessairement être des dommages causés par la matérialisation d’un risque couvert. La Cour réfutait ainsi la conclusion du premier juge selon laquelle la rectification des non-conformités du bâtiment serait un risque assuré indépendant du risque couvert initial.

À retenir

Nous retenons du présent arrêt Roth que l’interprétation d’un contrat d’assurance standardisé est une question de droit permettant à une cour d’appel d’intervenir selon la norme de contrôle de la décision correcte. À cet égard, deux courants jurisprudentiels contradictoires coexistaient en ce qui a trait à la nature de la question d’interprétation d’un contrat par une cour d’appel. Un premier courant affirmait qu’il s’agissait d’une question mixte de droit et de faits commandant la déférence d’une cour d’appel. Dans ce cas, la norme de contrôle était celle de l’erreur manifeste et dominante. Un second courant considérait une exception au principe applicable pour l’interprétation d’un contrat standardisé. Il s’agirait alors d’une question de droit dont la norme de contrôle en appel serait celle de la décision correcte. Dans l’arrêt Ledcor, la Cour suprême a tranché en faveur de la norme de contrôle de la décision correcte permettant à une cour d’appel de réviser l’interprétation d’un contrat standardisé comme les contrats d’assurance2.

Quant à l’interprétation de la couverture d’assurance de la présente police, l’ambiguïté du champ d’application des clauses d’exclusion et d’exception doit être résolue en tenant compte des attentes raisonnables des parties. Il semble raisonnable et équitable, selon la Cour, qu’un assureur ne puisse être obligé à indemniser son assuré pour la reconstruction d’un bâtiment entièrement remis aux normes réglementaires à la suite d’un sinistre minime qui aurait tout simplement permis de découvrir les non-conformités préexistantes. Conclure autrement obligerait l’assureur à être responsable de tout vice caché révélé par un sinistre couvert. Il serait alors impossible pour l’assureur d’évaluer le risque à souscrire.


  1. Roth v Economical Mutual Insurance Company, 2016 ABCA 399.
  2. Voir aussi Fortier c. Société immobilière Bourg-Royal inc., 2017 QCCA 117; Parkhill Excavating Limited c. Royal & SunAlliance Insurance Company of Canada, 2016 ONCA 832, para. 19; Carter c. Intact Insurance Company, 2016 ONCA 917, para. 32 en référence à l’arrêt Ledcor Construction Ltd. c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge, précité, sur ce point.
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