Des actions collectives à suivre en matière de transport aérien

Nombreux sont les Canadiens qui voyagent à bord d’avions de ligne. Outre les agréments du voyage, certains inconvénients peuvent parfois survenir, pour les transporteurs aériens comme pour les passagers. L’action collective est souvent le véhicule procédural favorisé par les consommateurs pour faire valoir leurs droits.

De récentes actions collectives autorisées par les tribunaux québécois soulèvent des questions qui animeront l’agenda judiciaire. Les tribunaux se pencheront en effet sur l’application de la Convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international (« Convention de Montréal ») et au droit des passagers de réclamer des dommages moraux. Par ailleurs, la tarification et l’exactitude des prix selon la Loi sur les transports au Canada1 feront l’objet de débats.

Réclamation de dommages moraux

L’épineuse question de savoir si des dommages moraux sont recouvrables en vertu de la Convention de Montréal continue de faire couler de l’encre.

Les arrêts Croteau c. Air Transat AT inc.2 et Plourde c. Service aérien FBO inc. (Skyservice)3 semblaient pourtant avoir réglé la question. Dans chacun de ces arrêts, la Cour d’appel avait conclu, entre autres, que le juge de première instance avait raison de refuser d’autoriser la partie d’une action collective recherchant l’indemnisation du préjudice psychologique subi pendant un vol. Ces dommages ne sont pas indemnisables en vertu de l’article 17 de la Convention de Montréal qui prévoit la responsabilité du transporteur en cas de mort ou de lésion corporelle.

Cependant, ces arrêts n’ont pas abordé la question des dommages moraux résultant d’un retard dans le cadre de l’article 19 de la Convention de Montréal qui prévoit que le transporteur est responsable du dommage résultant d’un retard.

En 2012, dans l’affaire Yalaoui c. Air Algérie4, la Cour supérieure autorisait une action collective pour les membres du groupe de passagers d’un vol direct entre Alger et Montréal ayant été retardé d’environ 15 heures. Les membres réclamaient notamment des dommages moraux pour les inconvénients de l’attente, et ce, en vertu de l’article 19 de la Convention de Montréal. Le recours a été rejeté en 2017 par la Cour supérieure5, qui a estimé que le transporteur aérien avait pris toutes les mesures raisonnables pour veiller à bien entretenir et réparer l’avion, sans pouvoir éviter le retard. La question des dommages moraux n’a donc pas été abordée.

La question de l’octroi de dommages moraux a refait surface plus récemment dans la cause Auguste c. Air Transat6. Le groupe, composé de plus de 120 passagers détenteurs d’un billet, laissé à Port-au-Prince par le transporteur aérien, a obtenu l’autorisation d’exercer une action collective contre ce transporteur. Les membres du groupe réclament en vertu de l’article 19 de la Convention de Montréal des dommages moraux résultant des deux jours de retard et d’attente.

Dans ce même dossier, la Cour supérieure7 a autorisé en 2016 que les avis aux membres, qui visaient la communauté haïtienne, soient diffusés sur les ondes d’une radio haïtienne afin de rejoindre le plus de personnes possible. Cette manière de diffuser l’avis est à première vue exceptionnelle, mais le tribunal, utilisant sa discrétion, était d’opinion que l’intérêt des membres le commandait. Le procès est prévu en avril 2018.

Surfacturation

En 2013, dans la cause Chabot c. WestJet8, une action collective a été autorisée contre un transporteur aérien. Les membres d’un groupe reprochaient au transporteur de leur avoir imposé une surfacturation pour le siège d’un accompagnateur ou pour un emplacement adapté à leur condition en raison d’une déficience ou d’un surplus de poids. Le groupe autorisé était composé de passagers avec une déficience fonctionnelle et des accompagnateurs, ayant pris place sur des vols exploités par le transporteur depuis le 5 décembre 2005.

L’intérêt de l'affaire, c'est qu'elle fait suite à une décision de l’Office des transports du Canada. L’Office est un organisme de réglementation et un tribunal quasi judiciaire indépendant ayant les attributions d'une Cour supérieure en ce qui concerne les questions relatives à l'exercice de sa compétence en transport national. Le 10 janvier 2008, l’Office a rendu une décision9 concluant que les transporteurs ne peuvent exiger un tarif pour les sièges additionnels nécessaires pour les gens ayant certaines déficiences graves.

Donc, dans le cadre de cette action collective dont est saisie la Cour supérieure, il faudra déterminer si la politique tarifaire du transporteur aérien est discriminatoire ou abusive, et le cas échéant, déterminer si des dommages moraux et punitifs peuvent être octroyés.

Dans le cadre de ce même dossier, la Cour d’appel10 a confirmé en 2016 que la Cour supérieure a compétence adjudicative pour entendre le recours fondé sur la responsabilité contractuelle et, ce faisant, interpréter la Loi sur les transports au Canada11 puisque le recours ne relève pas de la compétence exclusive de l’Office des transports du Canada. En 2017, la Cour supérieure12 a scindé en deux groupes les personnes pouvant participer à l’action collective, soit celles impliquées dans un vol intérieur et celles impliquées dans un vol international. L’affaire est toujours pendante.

Toujours quant à une question de surfacturation, l’autorisation d’exercer une action collective a été accordée dans la cause Choquette c. Air Canada13 pour les membres d’un groupe de consommateurs qui se plaignaient d’avoir dû payer un supplément en frais de carburant lors de l’achat de billets. À l’instar de l’arrêt Chabot c. WestJet14, la compétence de la Cour supérieure a été confirmée puisqu’il n’y a aucune disposition législative octroyant une compétence exclusive à l’Office des transports du Canada. L’instance se poursuit.

Exactitude des prix

L’affaire Union des consommateurs c. Air Canada15 soulève la question de l’exactitude des prix affichés par un transporteur aérien. En 2014, la Cour d’appel a autorisé l’exercice d’une action collective de consommateurs qui auraient payé un prix supérieur à celui que le transporteur aérien annonçait dans ses publicités et sur son site Internet. En février 2018, des avis aux procureurs généraux du Québec et du Canada ont été produits au dossier de la Cour afin de contester la constitutionnalité de la Loi sur la protection du consommateur à l’égard de titres de transport publicisés et vendus sur le site web du transporteur aérien. L’affaire suit son cours.

Plusieurs questions d’importance en matière d’actions collectives en transport aérien demeurent donc à l’agenda judiciaire. Les réponses que les tribunaux y apporteront pourraient affecter les droits des consommateurs et ceux des transporteurs aériens et de leurs assureurs.

 

  1. Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10
  2. Croteau c. Air Transat AT inc., 2007 QCCA 737
  3. Plourde c. Service aérien FBO inc. (Skyservice), 2007 QCCA 739
  4. Yalaoui c. Air Algérie, 2012 QCCS 1393
  5. Yalaoui c. Air Algérie, 2017 QCCS 5479
  6. Auguste c. Air Transat, 2015 QCCS 3923
  7. Auguste c. Air Transat, 2016 QCCS 604
  8. Chabot c. WestJet, 2013, QCCS 5297
  9. Décision no 6-AT-A-2008
  10.  WestJet c. Chabot, 2016 QCCA 584; Demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada a été rejetée WestJet c. ès qualités de tutrice à son enfant mineur N.C., et al., 2016 CanLII 72704 (CSC)
  11.  Loi sur les transports au Canada, LC 1996, c 10
  12.  Chabot c. WestJet, 2017 QCCS 4942
  13. Choquette c. Air Canada, 2017 QCCS 234
  14. Westjet c. Chabot, 2016 QCCA 584
  15. Union des consommateurs c. Air Canada, QCCA 523
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