Nouveautés sur les diagnostics en santé mentale : ce que les employeurs doivent savoir
Les employeurs sont régulièrement confrontés à des situations complexes en matière de santé mentale, notamment lorsque leurs employés s’absentent pour cause de maladie ou lésion professionnelle, ou lorsque des mesures d’accommodement doivent être considérées. Dans de tels cas, ils requièrent généralement une pièce justificative précisant le diagnostic dont il est question. Le diagnostic d’un trouble mental était auparavant un acte exclusivement réservé aux médecins1, bien que le Code des déontologies des psychologues traite de « diagnostic psychologique »2 Or, le 7 novembre dernier, la Loi modifiant le Code des professions pour la modernisation du système professionnel et visant l’élargissement de certaines pratiques professionnelles dans le domaine de la santé et des services sociaux3, également connue sous le nom de « PL 67 », a été adoptée, reconnaissant notamment que certains professionnels de la santé, autres que des médecins, sont habiles à poser des diagnostics en matière de santé mentale. Ces modifications s’inscrivent dans une optique de favoriser l’accessibilité aux soins et aux services professionnels à la population et rejoignent les orientations adoptées par le Collège des médecins du Québec au cours des dernières années4. Professionnels concernés et nouveaux champs de compétence en matière de diagnostics5 Psychologues (incluant les neuropsychologues) : Troubles mentaux; Troubles neuropsychologiques, lorsqu’une attestation de formation a été délivrée au professionnel. Conseillers d’orientation : Troubles mentaux, lorsqu’une attestation de formation a été délivrée au professionnel; Déficience intellectuelle. Orthophonistes et audiologistes : Troubles du langage et troubles d’apprentissage en lien avec le langage. Sexologues : Troubles sexuels, lorsqu’une attestation de formation a été délivrée au professionnel. Infirmiers : Troubles mentaux, à l’exception de la déficience intellectuelle, lorsque la personne possède une formation universitaire et une expérience clinique en soins infirmiers psychiatriques. Précisons toutefois que le changement législatif ne vise pas à créer une nouvelle activité réservée à l’égard de ces professionnels. Son objectif est plutôt de reconnaître que certaines évaluations effectuées en matière de santé mentale, ainsi que les conclusions cliniques qui en découlent, sont réellement des diagnostics6. Impacts pour les employeurs Il est envisageable que, lorsqu’un diagnostic établi concerne un trouble mental, les professionnels concernés, tels que les psychologues et neuropsychologues, puissent recommander le traitement applicable, y compris un arrêt ou un retour au travail7. En raison des modifications apportées8, il pourrait devenir plus complexe pour les employeurs et les assureurs de refuser de mettre en œuvre cette recommandation uniquement parce que le professionnel de la santé n’est pas un médecin. Nous estimons qu’il est également possible que ces modifications entraînent de nouvelles demandes en matière d’accommodement raisonnable, concernant plusieurs troubles mentaux de plus en plus fréquents (ex. trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), trouble du spectre de l’autisme (TSA), haut potentiel intellectuel (HPI), trouble dépressif caractérisé, etc.), sans qu’un médecin soit nécessairement intervenu à l’étape du diagnostic. L’élargissement des pratiques professionnelles, favorisant l’accès aux soins et services aux employés, pourrait ainsi avoir pour effet d’augmenter le nombre de demandes présentées aux employeurs en lien avec des troubles mentaux. Il sera pertinent de suivre de quelle façon les employeurs et autres intervenants se positionneront et adapteront leurs pratiques par rapport aux diagnostics établis par les professionnels concernés. À titre d’illustration, il n’est pas impossible que certains employeurs puissent décider d’exiger plus fréquemment que l’employé aux prises avec un enjeu de santé mentale doive se soumettre à une expertise médicale, dans la mesure où les circonstances le permettent. Entrée en vigueur Les modifications introduites par le PL 67 sont entrées en vigueur le 7 novembre dernier9. Les professionnels répondant déjà aux exigences réglementaires sont d’ailleurs réputés être habilités à établir un diagnostic10. Loi médicale, RLRQ, c. M-9, art. 31; Code des professions, RLRQ, c. C-26, art. 31 à 34; Bernard CLICHE, Éric LATULIPPE, François BOUCHARD, Paule VEILLEUX et Isabelle ROYER, Le harcèlement et les lésions psychologiques, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2012, p 329 et 330 : « Le diagnostic d’un trouble mental est exclusivement réservé aux médecins. ». Voir également la jurisprudence arbitrale, dont Gatineau (Ville de) et Association des pompiers et pompières de Gatineau, 2016 QCTA 236. Code de déontologie des psychologues, RLRQ, c. C-26, r. 212, art. 38. LQ, 2024, c. 31. COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC, Projet de loi no 67 et élargissement des pratiques : notre position, 18 septembre 2024 [en ligne : Projet de loi no 67 et élargissement des pratiques : notre position | Collège des médecins du Québec]. PL 67, art. 4 et 45. Propos de la ministre responsable, madame Sonia Lebel, lors de l’étude détaillée du PL 67, le 10 octobre 2024. Pour les psychologues, par exemple, l’article 37 e) du Code des professions prévoyait déjà qu’ils peuvent « déterminer, recommander et effectuer des interventions et traitements dans le but de favoriser la santé psychologique et de rétablir la santé mentale […] ». Avant l’entrée en vigueur du PL 67, une sentence arbitrale établissait un lien entre la capacité du professionnel de poser un diagnostic et sa faculté de recommander un arrêt de travail : Aliments Cargill ltée et T.U.A.C., section locale 500, D.T.E. 2010T-817 (T.A.), par. 98 à 103. PL 67, art. 87. PL 67, art. 85.