Riches en information pertinente, nos publications vous permettent d’être à l’affût de l’actualité juridique qui vous touche, quel que soit votre secteur d’activité. Nos professionnels s’engagent à vous tenir au fait des dernières nouvelles juridiques, à travers l’analyse des derniers jugements, modifications et entrées en vigueur législatives et réglementaires.
Publications
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Projet de loi 8 : Des modifications au Code de procédure civile pour améliorer l’accès à la justice
Introduction Le 1er février 2023, le Ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a présenté et déposé devant l’Assemblée nationale le projet de loi 8 intitulé Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec1 (ci-après le «Projet de loi»). Le Projet de loi apporte des modifications à plusieurs lois, dont la Loi sur les tribunaux judiciaires2 et le Code des professions3. Nous nous intéressons plus particulièrement à celles affectant le Code de procédure civile4 («C.p.c.») et plus particulièrement les instances pendantes devant la Cour du Québec avec lesquelles les praticiens et les justiciables auront intérêt à se familiariser. Modifications proposées au Code de procédure civile La plupart des modifications au C.p.c. entreront en vigueur le 30 juin 20235. Notamment, nous notons les suivantes : Compétence de la Cour L’attribution, à la Cour du Québec, d’une compétence exclusive pour entendre les demandes dans lesquelles la somme réclamée ou la valeur de l’objet en litige est inférieure à 75,000 $6, contrairement au seuil de 85,000 $ en vigueur en date du présent bulletin. Cependant, les demandes inférieures à ce seuil de 85,000 $ ayant été introduites avant le 30 juin 2023 se poursuivent devant la Cour du Québec et demeurent régies par les dispositions du C.p.c., telle qu’elles se lisaient avant cette date7; L’attribution, à la Cour du Québec, d’une compétence concurrente avec celle de la Cour supérieure lorsque la somme réclamée ou la valeur de l’objet en litige atteint ou excède 75,000 $ tout en étant inférieure à 100,000 $8. Gestion de l’instance Pour les litiges où la somme réclamée ou la valeur de l’objet en litige est inférieure à 100,000 $ et qui sont introduits devant la Cour du Québec, le Projet de loi introduit aussi une voie procédurale particulière, applicable aux demandes en matière civile9 : Il n’est plus requis de convenir d’un protocole de l’instance, un échéancier fixe pour tous les recours étant maintenant de mise10; La demande introductive d’instance est limitée à cinq pages11; Les moyens préliminaires doivent être déposés dans les 45 jours de la demande12; La défense doit être divulguée dans les 95 jours de la demande13; La tenue d’une conférence de règlement à l’amiable est automatique après la mise en état du dossier (peut être convertie en conférence préparatoire à l’instruction)14; L’inscription pour instruction et jugement est faite par le greffier15. Demandes en précisions et en radiation d’allégations La Cour du Québec n’autorisera ces demandes que de manière exceptionnelle, pour des motifs sérieux16. Interrogatoires Il y aura une augmentation à 50,000 $ de la limite en deçà de laquelle il est interdit de tenir un interrogatoire oral préalable17. Actuellement, la limite est de 30,000 $; Chaque partie a droit à au plus un (1) seul interrogatoire oral par partie, à moins d’une décision contraire du tribunal18; L’interrogatoire écrit doit contenir au plus trois (3) pages19. Expertise L’expertise est obligatoirement commune si la somme ou le bien réclamé est égal ou inférieur à 50,000 $, à moins d’une décision contraire du tribunal20. Petites créances Lors d’une instance portant sur une créance d’au plus 3?000 $, le tribunal peut, du consentement des parties, rendre jugement sur le vu du dossier21. Indexation L’indexation annuelle de chacune des limites monétaires de la compétence de la Cour du Québec22. Conclusion Les mesures proposées auront un impact significatif sur la façon dont les litiges dont la somme réclamée est inférieure à 100,000 $ seront traités et gérés dans le futur par les avocats. La compétence concurrente de la Cour du Québec et de la Cour supérieure pour les dossiers dont la valeur est entre 75,000 $ et inférieure à 100,000 $ est intéressante : bien que la procédure pour le déroulement de l’instance soit simplifiée en Cour du Québec pour ces dossiers, parions que plusieurs seront néanmoins entrepris en Cour supérieure, qui offre un déroulement procédural un peu moins interventionniste, par rapport notamment au nombre d’interrogatoire, à l’expertise commune et à la conférence de règlement obligatoire. Pour les justiciables, le ministre de la Justice espère que les modifications à la loi leur favoriseront l’accès à la justice, puisqu’elle qui visent notamment à favoriser des services de justice plus rapides et donc moins coûteux. Ces modifications favoriseront les ententes de règlement à l’amiable et éviteront des procès couteux, mais nous demeurons incertains si la procédure accélérée sera « possible » étant donné le manque d’effectifs actuellement dans les palais de justice. Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec, projet de loi no 8 (présentation — 1 février 2023), 1re sess., 43e légis. (Qc) (« PL »). Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ c T-16. Code des professions, RLRQ, c. C-26. Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25,01. Disposition transitoire : les demandes de 85 000 $ entreprises devant la Cour du Québec avant le 30 juin 2023 continueront selon les dispositions en vigueur avant l’entrée en vigueur des modifications du PL (PL, art 44). PL, art. 3; C.p.c., art. 35. PL, art. 44. PL, art. 3; C.p.c., art. 35. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.1. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.2. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.3. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.5. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.6. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.12. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.13. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.11. PL, art. 7; C.p.c., art. 229. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.9, al. 2. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.9. PL, art. 8; C.p.c., art. 535.15. PL, art. 15; C.p.c., art. 561.1. PL, art. 3; C.p.c., art. 35.
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Budget Québec 2023 : congé fiscal pour les investissements liés aux minéraux critiques et stratégiques
Le 21 mars dernier, le ministre des Finances du Québec a déposé son budget pour l’exercice fiscal 2023-2024. L’une des mesures phares de celui-ci est la mise en place d’un nouveau congé fiscal en lien avec la réalisation de grands projets d’investissement. Malgré qu’à première vue cette mesure ne semble pas spécifiquement destinée à l’industrie minière, certaines sociétés minières impliquées dans l’extraction de minéraux critiques et stratégiques et prévoyant prochainement des investissements substantiels pourraient grandement profiter de cette nouvelle mesure. Dans le cadre de cette nouvelle exonération fiscale, une société ou une société de personnes, qui réalisera au Québec un projet d’investissement de plus de 100 millions de dollars sera admissible, à certaines conditions, à un congé d’impôt sur le revenu et à un congé de cotisation des employeurs au Fonds des services de santé. En ce qui a trait à l’impôt sur le revenu, ce nouveau congé fiscal, d’une durée de 10 ans, prend en fait la forme d’une déduction dans le calcul du revenu imposable de la société. Cette déduction est calculée en appliquant un taux de 15 %, 20 % ou 25 % au total des dépenses admissibles à la réalisation du projet d’investissement. Puisque cette mesure fiscale vise à encourager les investissements à l’extérieur des grands centres urbains, le taux variera en fonction de l’emplacement géographique du projet allant de 15 % pour les projets en territoire à haute vitalité économique, à 20 % pour les projets en territoire à vitalité économique intermédiaire et jusqu’à 25 % pour ceux en territoire à faible vitalité économique. Ces taux supérieurs de 20 et 25 % sont particulièrement susceptibles de s’appliquer dans le cadre de projets miniers, ceux-ci étant généralement situés dans les territoires éloignés et à plus faible vitalité économique. Dans le cadre de cette mesure, les minéraux critiques et stratégiques sont définis comme étant les minéraux suivants : antimoine, bismuth, cadmium, césium, cuivre, étain, gallium, indium, tellure, zinc, cobalt, élément des terres rares, éléments du groupe du platine, graphite (naturel), lithium, magnésium, nickel, niobium, scandium, tantale, titane et vanadium. Prenons l’exemple sommaire d’une société minière qui réalise un grand projet d’investissement visant l’extraction minière de lithium dans la région administrative du Nord-du-Québec, une région administrative désignée par le gouvernement du Québec comme étant un territoire à vitalité économique intermédiaire. Lors de la phase d’investissement, soit du développement et de l’aménagement de la mine, la société minière engage des dépenses admissibles, soit des dépenses en capital engagées pour acquérir de l’équipement minier neuf et de la machinerie lourde neuve permettant l’extraction et le traitement du lithium pour un total de 200 millions de dollars. Évidemment, lors de cette phase d’investissement, la société réalisera probablement des pertes et n’ayant pas de revenu imposable, celle-ci ne pourra pas monnayer immédiatement ce congé fiscal. Cependant, si par exemple après 4 années de phase d’investissement et de développement de la mine, la société minière réalise un revenu imposable de 50 millions de dollars dans l’année 5, celle-ci pourra déduire de ce revenu imposable un montant de 40 millions, au titre du nouveau congé fiscal réduisant ainsi son revenu imposable à 10 millions de dollars pour cette année. Cette déduction de 40 millions au revenu imposable équivaut au taux de 20 % attribué pour un territoire à vitalité économique intermédiaire appliqué au total de 200 millions de dépenses admissibles à la réalisation du projet minier. Autre particularité pertinente pour l’industrie minière, le congé d’impôt sur le revenu s’appliquera uniquement à l’égard de l’impôt payable en vertu des dispositions de la Loi sur les impôts. Autrement dit, ce congé fiscal ne réduira pas les montants payables en vertu de la Loi sur l’impôt minier. En ce qui a trait au Fonds des services de santé, de manière générale, la société pourra bénéficier d’un congé de cotisation des employeurs à l’égard du salaire versé aux employés pour une période de paie comprise dans la période d’exemption de la société applicable au grand projet d’investissement. Pour bénéficier de ce nouveau congé fiscal, les sociétés devront obtenir un certificat initial ainsi que des attestations annuelles délivrées par le ministre des Finances du Québec. Notre équipe de professionnels en droit minier et fiscalité est disponible pour répondre à toutes vos questions concernant cette nouvelle mesure et vous accompagner dans vos projets d’investissement minier au Québec.
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Lavery célèbre aujourd’hui la Journée mondiale de la propriété intellectuelle
Lavery célèbre aujourd’hui la Journée mondiale de la propriété intellectuelle En cette Journée mondiale de la propriété intellectuelle sous le thème « Les femmes et la propriété intellectuelle : Accélérer le rythme de l’innovation et de la créativité » le cabinet Lavery est heureux de souligner la contribution exceptionnelle d’une inventrice. Lila Madour Les femmes font face à des obstacles importants dans les domaines des brevets et des télécommunications. Il s’agit d’un secteur où elles sont sous-représentées et où les préjugés liés au genre y sont malheureusement chose courante. Sur le plan de la rédaction de brevets, les femmes ne représentent que 12% des inventeurs, tandis que dans le secteur des télécommunications, seul le quart des postes professionnels est occupé par des femmes. Malgré cela, des pionnières comme Lila Madour contribuent de façon significative à leur sphère professionnelle, surmontant ces défis avec détermination et compétence. Son succès est une source d'inspiration pour les femmes du monde entier qui poursuivent une carrière dans ces secteurs. Lila Madour a obtenu plus de brevets qu'elle ne peut s'en souvenir, ce qui témoigne de sa passion pour l'invention (elle est en fait l'inventrice de 47 familles de brevets totalisant 295 brevets et demandes de brevet!). En 2003, Lila est devenue la première femme à remporter le prix de l'Inventeur de l'année chez Ericsson. Même si elle affirme n’avoir fait que ce qu'elle aimait, cela n’en demeure pas moins un grand événement! Elle est fière d'avoir brisé des barrières dans un domaine généralement dominé par les hommes. Lila aime par-dessus tout résoudre des problèmes, et heureusement pour elle, il y a toujours des problèmes à résoudre dans le monde des télécommunications. Son esprit vif et sa compréhension approfondie de la façon dont fonctionnent les réseaux lui permettent de trouver des solutions innovantes. Après ses succès dans l'invention et la rédaction de brevets, Lila Madour a poursuivi son parcours dans le monde de la propriété intellectuelle. Elle a travaillé chez Ericsson sur l’impressionnant portefeuille de brevets de l'entreprise, portefeuille qui se distingue non seulement par le nombre élevé de brevets détenus, mais aussi et surtout par la qualité et la valeur de ces brevets. Lila possède une compréhension approfondie tant du portefeuille de brevets qu'elle a contribué à créer que de la technologie sous-jacente. Le succès de Lila dans le monde de la PI témoigne de ses compétences en tant qu'inventrice et de son dévouement à son métier. Lila est une véritable pionnière dans le monde de la propriété intellectuelle, et son travail a contribué à façonner l'industrie telle que nous la connaissons aujourd'hui. Les réalisations de Lila Madour sont particulièrement remarquables compte tenu des défis auxquels sont confrontées les femmes dans les domaines des brevets et des télécommunications. Dans ces deux domaines, les femmes sont historiquement sous-représentées et font face à des obstacles auxquels leurs homologues masculins ne se heurtent pas.
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Dépôt du projet de Loi sur l’encadrement du travail des enfants : les principales modifications proposées par le gouvernement du Québec
Le 28 mars dernier, le ministre du Travail a présenté le projet de loi n°19 intitulé Loi sur l’encadrement du travail des enfants (le « Projet de loi »), lequel a notamment pour objet d’établir l’âge minimal général de travail à 14 ans de même qu’un nombre maximal d’heures travaillées pour les enfants assujettis à l’obligation de fréquentation scolaire. Ce Projet de loi s’inscrit dans la foulée d’une entrée massive et remarquée de jeunes travailleurs sur le marché dans un contexte de pénurie de salariés non qualifiés, exacerbée par la pandémie à la COVID-19. Le travail de ces jeunes a été l’objet, au cours des derniers mois, d’une couverture médiatique importante, notamment en raison des préoccupations soulevées par leur présence plus marquée sur le marché du travail, particulièrement en lien avec leur santé et leur sécurité et les risques de décrochage et de désengagement scolaire. Le présent bulletin présentera d’abord un bref rappel des règles qui encadrent déjà le travail des enfants, puis les modifications proposées par le Projet de loi. LA LÉGISLATION ACTUELLE Actuellement au Québec, il n’y a pas d’âge minimal pour travailler ni un nombre d’heures travaillées maximal par semaine. La Loi sur les normes du travail1 prévoit déjà certaines règles applicables au travail des enfants. Les règles suivantes demeurent inchangées : Interdiction de faire effectuer par un enfant un travail disproportionné à ses capacités ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique ou moral2; Interdiction de faire travailler un enfant assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire durant les heures de classe3. Au Québec, l’obligation de fréquentation scolaire s’étend jusqu’au dernier jour de l’année scolaire au cours de laquelle l’enfant aura 16 ans ou au cours de laquelle celui-ci obtiendra son diplôme s’il a moins de 16 ans4. L’employeur doit également faire en sorte que l’enfant puisse être à l’école durant ses heures de classe5; Interdiction de faire effectuer un travail par un enfant entre 23 h et 6 h si l’enfant est assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire, sauf lorsqu’il livre des journaux ou dans les autres cas prévus par règlement, notamment pour certaines catégories d’artistes6; Obligation de s’assurer que l’enfant puisse être à sa résidence entre 23 h et 6 h, sauf s’il s’agit d’un enfant qui n’est plus assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire et dans les cas prévus par règlement7. De plus, notons que certains règlements adoptés en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoient un âge minimal pour effectuer certaines tâches (ex. : plongée, excavation, démolition, etc.). LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI Modifications à la Loi sur les normes du travail et au Règlement sur les normes du travail Âge minimal pour travailler: 14 ans, sauf dans les cas d’exceptions prévus au Règlement: Créateur ou interprète dans un domaine de production artistique visé au premier alinéa de l’article 1 de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène; Livreur de journaux ou d’autres publications; Gardien d’enfants; Enfant qui effectue de l’aide aux devoirs ou du tutorat; Enfant qui travaille dans une entreprise familiale qui compte moins de 10 salariés s’il est l’enfant de l’employeur ou, lorsque ce dernier est une personne morale ou une société, l’enfant d’un administrateur de cette personne morale ou d’un associé de cette société, ou s’il est l’enfant du conjoint de l’une de ces personnes; Enfant qui travaille dans un organisme à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire, comme une colonie de vacances ou un organisme de loisirs; Enfant qui travaille dans un organisme sportif à but non lucratif pour assister une autre personne ou en soutien, tel qu’un aide-moniteur, un assistant-entraîneur ou un marqueur. Notons que pour l’application de chacune de ces exceptions, l’employeur devra obtenir le consentement du titulaire de l’autorité parentale sur le formulaire prescrit par la CNESST. De plus, en ce qui a trait aux trois (3) dernières exceptions ci-haut (5) à (7), ces enfants doivent en tout temps travailler sous la supervision d’une personne de 18 ans ou plus. Nombre maximal d’heures : 17 heures par semaine, dont un maximum de 10 heures du lundi au vendredi pour les enfants assujettis à l’obligation de fréquentation scolaire, sauf lors de périodes de plus de 7 jours consécutifs sans service éducatif offert à l’enfant. Cette nouvelle norme du travail entrerait en vigueur le 1er septembre 2023. Avis de cessation d’emploi: Au plus tard 30 jours après la sanction de la Loi, un employeur qui emploie un enfant de moins de 14 ans effectuant un travail désormais interdit doit transmettre à l’enfant un avis de cessation d’emploi dont la durée du préavis variera selon ses années de service: 3 mois à moins d’un an de service continu : 1 semaine de préavis 1 an à 2 ans de service continu : 2 semaines de préavis 2 ans ou plus de service : 3 semaines de préavis L’employeur pourra faire travailler l’enfant durant cette période de préavis ou encore lui verser une indemnité compensatrice. Sanctions pénales : Un employeur qui ne respecte pas les dispositions encadrant le travail des enfants commet une infraction et est passible d’une amende prévue à la Loi sur les normes du travail. Les amendes sont doublées en cas de récidive. Modifications à la Loi sur la santé et la sécurité du travail Le Projet de loi modifie également des dispositions de la Loi sur la santé et sécurité du travail qui font déjà l’objet de modifications par l’effet de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, lesquelles ne sont actuellement pas toutes en vigueur. Les modifications apportées par le Projet de loi concernent notamment les éléments suivants : Programme de prévention : Le programme doit notamment prévoir l’identification et l’analyse des risques pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs de l’établissement, mais plus précisément ceux affectant les travailleurs âgés de 16 ans et moins. Il en est de même pour les établissements assujettis à l’obligation d’élaborer un plan d’action. Comité de santé et de sécurité : Le comité a notamment pour fonctions de participer à l’identification et à l’analyse des risques pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs de l’établissement, incluant ceux pouvant affecter particulièrement les travailleurs âgés de 16 ans ou moins. Représentant en santé et sécurité et agent de liaison : Il doit identifier les situations qui peuvent être sources de danger pour les travailleurs, incluant celles propres aux travailleurs âgés de 16 ans et moins et faire les recommandations appropriées au comité de santé et de sécurité, à l’employeur et au syndicat, le cas échéant, concernant les tâches qui ne devraient pas être effectuées par les travailleurs âgés de 16 ans ou moins. En conclusion, le Projet de loi prévoit des dispositions plus restrictives quant à l’encadrement du travail des enfants, notamment en fixant l’âge minimal de travail, sauf exception, à 14 ans et en limitant la semaine de travail d’un enfant assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire à 17 heures hebdomadaires. Dans l’attente des prochaines étapes de l’étude du Projet de loi à l’Assemblée nationale, nous suggérons aux employeurs de suivre ce dossier de près et de dresser une liste de leurs salariés de 14 ans ou moins afin de pouvoir réagir rapidement si le Projet de loi était adopté, dans la mesure où les modifications proposées sont notamment susceptibles d’avoir des impacts significatifs sur les horaires de travail et la main-d’œuvre disponible au sein de certaines entreprises. En effet, le ministre du Travail a mentionné souhaiter que le Projet de loi entre en vigueur pour l’été 2023. RLRQ, c. N-1.1 (la « Lnt »). Article 84.2 Lnt. Article 84.4 Lnt. Article 14.de la Loi sur l’instruction publique, RLRQ, c. I-13.3. Article 84.5 Lnt. Article 84.6 Lnt et article 35.1 du Règlement sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, r. 3 (le « Règlement »). Article 84.7 Lnt et article 35.2 du Règlement.
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Intelligence artificielle en entreprise : gérer les risques tout en tirant profit des bénéfices?
À l’heure même où certains exigent une suspension temporaire de la recherche en intelligence artificielle et du développement de systèmes avancés et que d’autres souhaitent remettre le génie dans la bouteille, on peut se demander quel sera l’effet des technologies conversationnelles (ChatGPT, Bard et autres) au sein des entreprises et en milieu de travail. Certaines entreprises en encouragent l’usage, d’autres les interdisent, mais beaucoup n’ont toujours pas pris position. Nous croyons qu’il est impératif que toute entreprise adopte une position claire et guide ses employés en ce qui a trait à l’usage de ces technologies. Avant de décider quelle position adopter, une entreprise doit être consciente des différents enjeux juridiques liés à l’usage de ces formes d’intelligence artificielle. Si l’entreprise décide d’en permettre l’usage, elle doit alors être en mesure de bien encadrer cet usage et surtout les résultats et les applications qui en découleront. Force est de constater que de tels outils technologiques présentent à la fois des avantages non négligeables susceptibles de soulever les passions, pensons notamment à la rapidité avec laquelle ces technologies conversationnelles réussissent à fournir une information à la fois surprenante et intéressante, et des risques indéniables quant aux avancées qui peuvent en résulter. Nous résumons dans le présent texte quelques risques qui, à très court terme, guettent les entreprises, ainsi que leurs clients, employés et partenaires, dans le cadre de leur utilisation de ces outils. Risques d’erreurs et responsabilité Les médias ont abondamment relaté les errances et les inexactitudes des robots conversationnels qui génèrent du texte. Dans certains cas, on parle même « d’hallucinations », où le robot conversationnel invente une réalité qui n’existe pas. Cela n’est pas surprenant. D’une part, ces technologies s’abreuvent à l’Internet, qui est truffé de désinformation et d’inexactitudes, et d’autre part, on s’attend à ce que ces robots conversationnels « créent » de nouveaux textes. Ils n’ont pas, pour le moment du moins, de balises suffisantes pour utiliser cette « créativité » uniquement à bon escient. On peut facilement imaginer des situations où un employé utiliserait une telle technologie pour produire du contenu destiné à être utilisé par son employeur à des fins commerciales. Surgit alors un danger évident pour l’entreprise si des mesures de contrôle appropriées ne sont pas mises en place. Le contenu ainsi généré pourrait s’avérer erroné, et ce d’une manière à tromper les clients de l’entreprise. Ce risque serait particulièrement important si le contenu ainsi généré fait l’objet d’une diffusion, par exemple en étant affiché sur le site web de l’entreprise ou utilisé dans une campagne de publicité. Dans un tel cas, l’entreprise pourrait vraisemblablement être responsable du préjudice ainsi causé par son employé, celui-ci s’étant fié à une technologie qu’on sait défaillante. Cet enjeu de fiabilité de ces outils, surtout lorsqu’ils sont utilisés de façon peu encadrée, demeure à ce jour l’un de plus préoccupant. Diffamation Imaginons qu’une telle information erronée concerne de surcroît une personne connue ou une entreprise concurrente. D’un point de vue juridique, une entreprise qui diffuse un tel contenu sans mettre en place des balises pour s’assurer que des vérifications adéquates ont été faites pourrait s’exposer à des poursuites en diffamation ou pour publicité trompeuse. Il semble donc impératif d’adopter des mesures faisant en sorte que tout contenu tiré de ces technologies soit minutieusement validé avant tout usage commercial. Plusieurs auteurs suggèrent que les résultats générés par un tel outil d’intelligence artificielle devraient davantage servir d’aide pour l’analyse et la prise de décision, que de produits ou résultats finaux. Cependant, la vitesse à laquelle les entreprises adopteront ces outils et en bénéficieront, notamment sur le plan concurrentiel, pourrait devancer la vitesse à laquelle les bonnes pratiques et la réglementation viendront les gouverner. Enjeux de propriété intellectuelle Les robots conversationnels qui émergent ont été développés en vue de constituer des extensions aux moteurs de recherche du web, tels Google et Bing. Il est possible que le contenu généré par les robots conversationnels s’inspire de contenus web déjà existants et assujettis à des droits d’auteur, et qu’il en reprenne même parfois des portions substantielles. Cela pourrait entraîner une violation de droits d’auteur. Si l’utilisateur limite son usage à des fins de recherche interne, le risque est alors limité puisque la loi prévoit une exception pour un usage équitable dans un tel contexte. Par contre, si son intention est de diffuser le texte à des fins commerciales, il y a un risque de violation de droits d’auteur. Ce risque est particulièrement présent lorsqu’on demande à un robot conversationnel de générer du contenu sur un sujet ciblé pour lequel il existe peu de références sur le web. Une autre question pour laquelle les réponses ne sont pas encore claires est celle de savoir qui détiendra les droits sur les réponses et les résultats découlant d’un tel outil, notamment si ces réponses et ces résultats font l’objet de diverses adaptations ou modifications avant leur ultime utilisation. Enjeux de confidentialité et de protection des renseignements personnels À la lecture de leurs modalités et conditions d’utilisation, la plupart de ces technologies conversationnelles ne semblent pas prévoir un usage qui soit confidentiel. Il est donc impensable de leur révéler des secrets commerciaux ou des renseignements confidentiels. Qui plus est, ces technologies ne sont pas conçues pour recevoir ni pour protéger des renseignements personnels conformément aux lois et règlements applicables dans les juridictions où elles pourraient être utilisées. Leurs propriétaires se dégagent généralement de toute responsabilité à cet égard. Autres enjeux Quelques autres enjeux importants méritent d’être soulignés parmi ceux qu’il est possible d’anticiper à ce jour. Premièrement, les possibles biais discriminatoires que certains attribuent aux outils d’intelligence artificielle, lorsque combinés avec le peu de règlementation de ces outils, peuvent entrainer des conséquences significatives pour divers groupes de la population. Deuxièmement, on ne peut pas passer sous silence les nombreux enjeux éthiques associés aux applications d’intelligence artificielle qui seront développées dans divers secteurs (médecine, justice, politique, etc.). Les enjeux seront d’autant plus grands lorsque ces mêmes applications seront utilisées dans des juridictions où les lois, les coutumes et la culture (économiques, politiques et sociales) sont différentes. Enfin, les risques de conflit ne peuvent pas être ignorés. Qu’il s’agisse de conflits entre groupes prônant différentes valeurs, entre organisations ayant des objectifs opposés, ou même entre nations, il est difficile de prédire si et comment les avancées en matière d’intelligence artificielle permettront de solutionner ou d’apaiser de tels conflits ou si au contraire elles les envenimeront. Conclusion Ces technologies conversationnelles présentent un grand potentiel, mais soulèvent aussi des enjeux juridiques sérieux. À court terme, il semble peu probable que ces outils puissent légitimement se substituer au jugement humain, lui-même imparfait. Mais tout comme l’a fait la révolution industrielle il y a deux siècles, l’arrivée de ces technologies entraînera des changements importants et rapides au sein des entreprises. Il est important de préparer dès maintenant des politiques visant à encadrer l’usage de ces technologies au sein de votre entreprise. De plus, si votre entreprise doit intégrer une telle technologie dans le cadre de ses activités, nous vous recommandons de procéder à une étude attentive de ses modalités et conditions d’utilisation afin de vous assurer qu’elles sont compatibles avec le projet et les objectifs que votre entreprise souhaite réaliser grâce à elle.
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Haut ciel dégagé, marquages de brevet protègent, l'invention fleurit
« Ciel dégagé là-haut, marquages de brevet protègent, l'innovation fleurit ». Le « marquage d’articles brevetés » est la pratique consistant à étiqueter un produit pour indiquer qu’il est protégé par un ou plusieurs brevets. Du point de vue du public, cette pratique sert trois objectifs liés : éviter les contrefaçons non intentionnelles, encourager les titulaires de brevets à informer le public et aider le public à déterminer si un article est effectivement breveté (Nike, Inc. v. Wal-Mart Stores, Inc., 138 F.3d 1437, 1998, p. 1443). Du point de vue du titulaire du brevet, le marquage d’articles brevetés permet d’informer le public que le produit est protégé par un ou plusieurs brevets, ce qui peut dissuader les contrefacteurs potentiels de copier l’invention sans autorisation. En outre, cette pratique peut être utile au moment de démontrer qu’un contrefacteur avait connaissance du brevet, une information potentiellement cruciale pour déterminer les dommages-intérêts dans un procès en contrefaçon. En effet, dans certains territoires, et en particulier aux États-Unis, un marquage adéquat sur l’article breveté sert d’avis au contrefacteur. Ainsi, le titulaire du brevet peut, lorsqu’il poursuit un contrefacteur, démontrer une contrefaçon antérieure, ce qui peut se traduire par des dommages-intérêts plus élevés dans un procès en contrefaçon de brevet. La possibilité d’établir des dommages-intérêts potentiels plus élevés peut également solidifier la position de négociation dans les discussions relatives à un règlement ou à une vente potentielle. Ainsi, les titulaires de brevets qui fabriquent, offrent en vente, vendent ou importent un article protégé par brevet auraient donc intérêt à apposer un marquage sur un article breveté. Il conviendrait également que les titulaires de brevet exigent de leurs licenciés qu’ils fassent de même et surveillent les produits des licenciés pour s’assurer qu’ils se conforment aux exigences de marquage. États-Unis La jurisprudence américaine actuelle suggère que le marquage ne devrait être exigé que lorsqu’un produit commercial est visé par une revendication de produit (appareil/système). Par ailleurs, les tribunaux ont généralement indiqué qu’il n’y avait pas d’obligation de marquage dans les cas où le brevet ne comporte que des revendications par la méthode et/ou par le procédé. Le fait de marquer correctement les produits brevetés à un stade précoce peut avoir un impact positif important sur le calcul des dommages-intérêts, étant donné que ce calcul prend en compte les dommages-intérêts constatés seulement après qu’un contrefacteur a reçu un avis « implicite » ou « réel » de la contrefaçon présumée. On peut effectuer ce marquage en apposant physiquement un avis sur le produit, si possible, ou en incluant l’avis dans l’emballage ou les documents publicitaires. L’avis doit généralement comporter le mot « patent » (brevet) ou l’abréviation « pat. » et le ou les numéros du ou des brevets en question. Le marquage peut également contribuer à augmenter les dommages-intérêts en cas de contrefaçon antérieure, car la législation sur les brevets prévoit une majoration des dommages-intérêts et des honoraires d’avocat auxquels le tribunal peut condamner le contrefacteur dans les cas où celui-ci était effectivement au courant de l’existence du brevet. L’absence de marquage ou le marquage incorrect d’un produit a une incidence directe sur les recours possibles. En effet, la législation sur le marquage des articles brevetés (article 287, titre 35 de l’U.S. Code) prévoit qu’un titulaire de brevet est tenu de marquer ses produits protégés par un ou plusieurs brevets avec les numéros de brevet appropriés : [traduction]« ... en y apposant le mot “patent” ou l’abréviation “pat.”, ainsi que le numéro du brevet... ou lorsque, en raison de la nature de l’article, cela n’est pas possible, par l’apposition sur l’article, ou sur l’emballage dans lequel un ou plusieurs produits sont contenus, une étiquette contenant un avis similaire... » Bien que le marquage des articles brevetés ne soit pas exigé par la loi, l’article 287, titre 35 de l’U.S. Code encourage les titulaires de brevets à informer le public de l’existence d’un article breveté par l’apposition physique du numéro de brevet sur l’article : [traduction] « ... Si le titulaire de brevet n’a pas marqué son produit, il ne peut obtenir de dommages-intérêts dans le cadre d’une action en contrefaçon, sauf s’il est prouvé que le contrefacteur a été avisé de la contrefaçon et qu’il n’y a pas mis fin par la suite. Dans ce cas, les dommages-intérêts ne peuvent être recouvrés qu’en cas de contrefaçon survenant après cet avis ». Il convient de noter que le fait de marquer un produit avec un brevet qui ne concerne pas le produit, sans le consentement du propriétaire, ou de marquer le produit comme étant en instance de brevet alors qu’il n’y a pas de brevet en instance, peut engager la responsabilité pour faux marquage de brevet. Il est donc important de veiller à l’exactitude du marquage des articles brevetés dans le cadre de toute pratique de marquage. Le marquage d’un produit avec un brevet expiré n’est toutefois pas considéré comme un faux marquage de brevet, étant donné les modifications apportées à la législation sur le marquage en 2011. Il convient également de noter qu’une fois le produit marqué, le marquage fait par le titulaire du brevet doit être [traduction] « substantiellement cohérent et continu » (Nike, Inc. v. Wal-Mart Stores, Inc., 138 F.3d 1437, 1998, p. 1446). Marquage virtuel des articles brevetés La législation sur le marquage des articles brevetés prévoit en outre qu’il est possible d’informer le public qu’un produit est breveté : [traduction] « ... en y apposant le mot “patent” ou l’abréviation “pat.” ainsi que l’adresse d’un site Internet, accessible au public gratuitement, qui associe l’article breveté au numéro du brevet, ou lorsque, en raison de la nature de l’article, cela n’est pas possible, par l’apposition sur l’article ou sur l’emballage dans lequel un ou plusieurs articles sont contenus, une étiquette contenant un avis similaire ». Par exemple, une adresse URL adaptée au marquage des articles brevetés renverrait à une page qui répertorie le ou les brevets en question avec au moins un produit représentatif et des numéros de produits représentatifs. En outre, des images des produits représentatifs sont parfois incluses. L’URL type est www.widget.com/patents. Actuellement, il n’est pas recommandé d’utiliser d’autres types de marquages lisibles par machine, comme les codes-barres ou les codes QR. Europe La Convention sur le brevet européen (CBE) n’exige pas de marquage. La CBE est également muette sur les conséquences de la présence ou de l’absence de marquage, et la question ne peut être résolue qu’en fonction de chacun des pays. Par exemple, au Royaume-Uni, il n’est pas possible d’accorder des dommages-intérêts ou d’ordonner la comptabilisation des bénéfices à l’encontre d’un contrefacteur de bonne foi [voir la UK Patent Act, paragraphe 62 (1)]. Il convient de noter qu’il incombe au contrefacteur de prouver son innocence, c’est-à-dire qu’à la date de l’acte de contrefaçon, il ignorait l’existence du brevet (ou de la demande de brevet publiée) et n’avait pas de motifs raisonnables de le supposer. Ainsi, les produits correctement marqués qui informent le public de l’existence du brevet peuvent servir de barrière à un contrefacteur qui tenterait d’invoquer l’ignorance de l’existence du brevet. Il convient de noter que la loi britannique prévoit également le marquage virtuel des brevets à condition qu’il soit accessible gratuitement au public et qu’il associe clairement le produit au numéro du brevet. Compte tenu de ce qui précède, en Europe, le marquage des produits afin d’informer le public de l’existence du brevet ou d’établir qu’un contrefacteur avait connaissance du brevet peut s’avérer bénéfique. Canada Au Canada, le marquage des brevets n’est pas exigé par la loi, ce qui signifie qu’il n’est pas obligatoire pour un titulaire de brevet de marquer ses produits ou ses procédés pour indiquer qu’ils sont protégés par un ou plusieurs brevets. En outre, la Cour suprême a confirmé que la notification au public par le marquage de produits brevetés ne doit pas être utilisée pour calculer les dommages-intérêts. Quoi qu’il en soit, dans certaines situations, le titulaire d’un brevet peut choisir de marquer ses produits ou ses procédés afin d’informer le public de l’existence du brevet ou d’établir qu’un contrefacteur avait connaissance du brevet. Il convient toutefois de veiller à ce que le marquage soit exact. En effet, l’alinéa 75 (1) c) de la Loi sur les brevets établit que, quiconque, dans le dessein de tromper le public, expose en vente comme breveté au Canada un article qui n’est pas breveté au Canada, commet un acte criminel et encourt une amende maximale de deux cents dollars et un emprisonnement maximal de trois mois, ou les deux. Dessin industriel Au Canada, le droit en matière de marquage des dessins industriels diffère de celui des brevets. Comme nous l’avons vu précédemment à propos des brevets, le marquage ne joue en fait aucun rôle dans la détermination de l’indemnisation en cas de contrefaçon. En revanche, dans le cas des dessins, le marquage peut constituer un facteur clé dans l’établissement des dommages-intérêts. En effet, le paragraphe 17 (1) de la Loi sur les dessins industriels prévoit une défense contre la constatation d’une contrefaçon en ce sens que, si le contrefacteur peut « démontrer » qu’il ignorait que le dessin était enregistré, le plaignant ne peut obtenir qu’une injonction. Toutefois, le paragraphe 17 (2) de la Loi sur les dessins industriels prévoit que si le plaignant « démontre » que les articles ou leur emballage ont été marqués de manière à indiquer qu’ils font l’objet d’un dessin industriel enregistré, le contrefacteur ne peut se prévaloir du moyen de défense prévu au paragraphe 17 (1) de la Loi sur les dessins industriels. Les exigences de la loi étant pointilleuses, il est important de marquer correctement les articles visés par le dessin. Plus précisément, les articles doivent être marqués de la lettre majuscule « D » dans un cercle et du nom, ou de l’abréviation courante, du propriétaire actuel du dessin, par exemple ? Widget ltée. Il convient de noter que la marque du dessin peut figurer sur les articles, sur les étiquettes ou sur l’emballage associés à l’article. En résumé, le marquage des articles brevetés est un aspect important du droit des brevets qui permet au public de savoir qu’un produit ou un procédé est protégé par un ou plusieurs brevets, et sert également d’outil aux titulaires de brevets pour dissuader la contrefaçon, établir la connaissance du brevet et percevoir des dommages-intérêts pour des contrefaçons antérieures.
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L’assureur – Une hydre à deux têtes
Le 30 janvier 2023, la Cour d’appel du Québec a rendu l’arrêt Commission scolaire De La Jonquière c. Intact Compagnie d’assurance1. Dans cette affaire, il est principalement question des risques de conflits inhérents aux polices d’assurance responsabilité et de l’obligation de communication de documents lorsque l’obligation de défendre de l’assureur s’oppose à son obligation d’indemniser l’assuré. Les faits Cette affaire s’inscrit dans le contexte d’une action collective reprochant à l’ensemble des commissions scolaires du Québec — maintenant les centres de service scolaire — d’avoir porté atteinte au droit à la gratuité de l’éducation primaire et secondaire. Dans le cadre de cette action collective, les CSS ont intenté un recours en garantie contre leurs assureurs, afin d’être indemnisés pour tout montant qu’ils pourraient être tenus de verser. Pour leur part, les assureurs avaient reconnu leur obligation de défendre les appelantes dans le cadre du litige principal. Toutefois, ils maintenaient que la réclamation n’était pas couverte par le contrat d’assurance. À la suite de négociations, un règlement est intervenu entre les parties à l’action collective. Le recours en garantie contre les assureurs quant à lui se poursuit. Lors des interrogatoires préalables du recours en garantie, les assureurs ont demandé à obtenir l’ensemble des communications entre les appelantes et leur avocat depuis le début du litige principal. Les CSS se sont opposés à cette demande en invoquant le secret professionnel et le privilège relatif au litige. La Cour devait donc trancher sur le bien-fondé de cette objection. En première instance La Cour supérieure, s’inspirant de l’arrêt Domtar2, rejette l’objection des CSS, estimant que ces derniers ont renoncé à invoquer le secret professionnel concernant tout ce qui a trait au caractère raisonnable du règlement. Selon la Cour, cette renonciation s’infère de certaines allégations et de la communication de certains documents dans le cadre du recours en garantie. La Cour conclut que les appelantes doivent fournir aux assureurs les documents, les analyses de risques, les lettres, les échanges avec les appelantes et les expertises en lien avec le caractère raisonnable du règlement depuis le début du litige principal. Elle omet toutefois, selon la Cour d’appel, de prendre le soin d’encadrer cette transmission et de réserver aux CSS le droit de soulever de nouvelles objections en lien avec ces documents. En appel La Cour d’appel se penche sur les conflits que peut causer la double responsabilité des assureurs : leur obligation de défendre et leur obligation d’indemniser les assurés. À cet effet, elle décrit l’assureur responsabilité et son rôle comme suit : « [20] L’assureur responsabilité est en réalité une hydre à deux têtes. Une espèce de créature bicéphale qui possède une identité corporative unique, mais dont une tête voit à la défense de l’assuré alors que l’autre veille aux intérêts financiers de l’assureur en s’assurant qu’il n’indemnise que les pertes couvertes. Chacune de ces têtes doit prendre ses décisions en fonction de l’intérêt qu’elle défend et de l’information dont elle dispose. [21] Cette séparation doit être préservée afin de donner effet au contrat d’assurance. […] Le potentiel de conflit d’intérêts est donc bien réel et l’assureur se doit par conséquent de mettre en place des mesures lui permettant de respecter la couverture offerte par la police, tout en assurant la défense pleine et entière de son assuré. » Quant aux obligations déontologiques de l’avocat mandaté par l’assureur de représenter l’assuré, la Cour énonce qu’il devient à tous égards l’avocat de ce dernier; il lui doit une loyauté absolue. Ainsi, le secret professionnel de la relation entre l’assuré et l’avocat est opposable à l’assureur. Toutefois, l’avocat devra faire rapport de l’évolution du dossier à la tête de l’assureur voyant à la défense de l’assuré. La Cour énonce alors qu’il est essentiel dans ce contexte que l’information ainsi obtenue soit uniquement accessible à cette part de l’assureur et que celui-ci mette en place les mesures nécessaires afin de respecter cette ségrégation. La Cour d’appel conclut que le juge de première instance n’a commis aucune erreur en concluant que les CSS se devaient de fournir les éléments nécessaires à l’examen du caractère raisonnable du règlement intervenu aux assureurs. Toutefois, pour ce faire, un mécanisme d’exclusion réservant la possibilité aux CSS de s’opposer à la communication de certaines informations pourra être mis en place. Également, la Cour confirme que rien ne permet de conclure que les appelantes ont renoncé au secret professionnel ou au privilège relatif au litige concernant l’ensemble de leurs échanges avec leur avocat. Ces informations doivent demeurer protégées par le secret professionnel et ne peuvent donc pas être communiquées à la personne chez l’assureur responsable du dossier d’indemnisation. Il en va de même pour les comptes d’honoraires, les rapports, les opinions et les autres documents transmis à la personne chez l’assureur responsable de la défense, sauf renonciation de la part de l’assuré. Conclusion Cette affaire met en lumière les conflits que peuvent soulever la dualité et les distinctions entre les obligations des assureurs de défendre leurs assurés et celle de les indemniser. Bien qu’elle autorise la communication des éléments visant à vérifier le caractère raisonnable d’un règlement sur les plans qualitatif et quantitatif, la Cour conclut que plusieurs informations et documents strictement propres à la défense des assurés n’ont pas à être communiqués. Ce faisant, elle rappelle la double responsabilité des assureurs et l’importance pour ceux-ci de préserver l’indépendance du traitement des dossiers lorsqu’un assureur accepte d’assumer la défense, mais maintient son refus d’indemniser son assuré. Commission scolaire De La Jonquière c. Intact Compagnie d’assurance, 2023 QCCA 124. Chubb Insurance company of Canada c. Domtar,2017 QCCA 1004.
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Lavery célèbre aujourd’hui la journée internationale des femmes
Lavery célèbre aujourd’hui la journée internationale des femmes En ce mercredi 8 mars, nous célébrons la Journée internationale des femmes. Cette journée est l'occasion de mettre en lumière celles qui nous font briller au quotidien et qui contribuent aux progrès réalisés en matière d'égalité entre les hommes et les femmes sur le lieu de travail, tout en inspirant les nouvelles générations. Cette année, plusieurs professionnelles du cabinet nous ont partagé leur histoire et retracé les raisons qui les ont poussées à devenir avocates. Elles nous ont également fait part de leur perception de la contribution des femmes à l'évolution de la profession juridique, de son évolution depuis leurs débuts et de son développement futur. Louise Cérat Associée retraitée J’ai choisi la profession d’avocate par un simple, mais très heureux hasard. Dès le début de mes études en droit, j’ai eu conscience de ma bonne fortune. J’ai aimé sincèrement pratiquer le droit et je me suis toujours sentie privilégiée de faire partie de cette confrérie ainsi que du cabinet, le seul où j’ai exercé et pour lequel j’ai un profond attachement. J’avoue qu’à mes débuts, le contexte des années 80 pouvait, à plusieurs égards, rebiffer les plus vaillantes d’entre nous. D’abord, les femmes n’étaient pas légion dans la profession. Nous n’étions que deux avocates à mon arrivée chez Lavery, cabinet qui résultait d’une fusion récente et qui comptait si je ne m’abuse une cinquantaine d’avocats. Il faut se rappeler que ce n’est qu'en 1980 que la Loi instituant un nouveau Code civil a introduit la notion d’égalité entre les époux dans la gestion des biens de la famille et l’éducation des enfants. Or, ce n’est pas parce que l’égalité est reconnue en 1980 qu’elle est acquise dans le monde juridique de l'époque quoique l’est-elle aujourd’hui? Un exemple: il n’existait aucune politique de congés de maternité dans la plupart des grands cabinets avant la fin des années 80 et encore, politique assez timide qui ne concernait que les avocates salariées. Le peu d’avocates qui devenaient associées et, par surcroît, enceintes, elles devaient prendre à leur charge le manque à gagner du cabinet dû à leur absence sans compter les autres difficultés inhérentes. Certes, le poids du nombre a fait son effet, mais la partie n’est pas gagnée! L’arrivée des femmes juristes a apporté une abondance de talent, une rigueur renouvelée, une autre vision, un enrichissement incontestable pour le monde juridique et la société en général, qui en furent privés trop longtemps. En cette journée internationale des femmes, je fais appel au soutien des hommes pour l’égalité de leurs conjointes, sœurs, collègues et amies et je suis confiante. Justine Beauchesne Avocate C’est lors de mon passage à l’université, que j’ai su que c’était la profession que je désirais exercer. Très tôt dans mon parcours, j’ai tout de suite eu un grand intérêt pour le droit des affaires, plus particulièrement le droit transactionnel. J’aime l’idée de ne pas seulement être l’avocate d’une entreprise, mais également sa partenaire d’affaires. Cette profession est parsemée de défis, mais le fait d’accompagner nos clients dans des transactions qui sont bien souvent l’une des étapes les plus importantes dans leur vie me procure un fort sentiment d’accomplissement. Les femmes ont apporté des contributions importantes à la communauté juridique tout au long de l'histoire, malgré les nombreux obstacles et la discrimination dont elles ont été victimes. Les femmes se sont battues pour leur droit d'étudier le droit, d'être admises au barreau et de pratiquer le droit. Ces efforts ont permis aux femmes d’aujourd’hui de devenir juges, juristes et leaders dans la profession juridique. Ces dernières années, les femmes ont continué sans relâche à briser les barrières dans le monde juridique. Les femmes diplômées des facultés de droit sont de plus en plus nombreuses et celles-ci sont de plus en plus représentées dans le système judiciaire et dans les rôles de direction. Elles jouent un rôle essentiel dans le façonnement de la communauté juridique et dans la défense de l'égalité des sexes et de la justice sociale. Si l'on se tourne vers l'avenir, il est clair que la contribution des femmes à la communauté juridique continuera d'évoluer et de croître. Les femmes juristes continueront à faire tomber les barrières et à briser les plafonds de verre. La présence accrue des femmes dans le monde juridique, et particulièrement dans des postes de direction, apporte un vent de changement nécessaire à ce milieu plus conservateur. Si davantage de femmes assument des rôles de direction dans les cabinets d'avocats, les services juridiques des entreprises et d’autres organisations juridiques, elles contribueront à créer une profession plus diversifiée et inclusive qui tient compte de la réalité des femmes et reflète mieux les communautés qu'elle sert. Marie-Hélène Jolicoeur Associée D’abord, le désir de justice et de droiture. Puis, j’étais décidée à prendre la parole pour ceux qui ne le peuvent pas, qui éprouvent des difficultés à s’exprimer, à se défendre ou à argumenter pour expliquer avec ténacité une position. Je voulais comprendre la loi, être en mesure de l’interpréter et veiller à ce qu’elle soit appliquée comme il se doit. Les femmes ont des habilités qui peuvent parfois être différentes, elles peuvent présenter les choses sous un autre angle et chercher à convaincre autrement. La contribution des femmes dans le milieu juridique est riche et elle m’apparaît reconnue par les pairs masculins. Je constate de plus en plus que les femmes prennent leur place dans le milieu, elles inspirent confiance et elles sont écoutées. Je les vois occuper des fonctions décisionnelles, ce qui est accueilli favorablement, et elles sont supportées par les pairs. Je crois qu’elles continueront de prendre une place de plus en plus importante si elles le souhaitent, l’expriment et si elles demeurent appuyées. Marie-Pier Landry Stagiaire Les défis intellectuels variés, les possibilités de développement, ainsi que les relations humaines au centre de la pratique juridique m’ont poussée à devenir avocate. J’ai la chance d’avoir de nombreux modèles féminins dans mon entourage professionnel. Je constate que leur pratique est empreinte d’empathie, de leadership et de passion. Je suis certaine que la féminisation du milieu juridique assure une justice plus représentative et égalitaire. Sophie Roy Avocate principale J’étais d’abord animée par le concept de la justice et j’ai aussi voulu devenir avocate afin de prendre la parole et d’être écoutée. La présence des femmes aura certainement contribué à rendre le milieu juridique plus ouvert. L’écoute et la collaboration semblent être des valeurs de plus en plus importantes. Je souhaite que la bienveillance devienne aussi une considération dans nos rapports, et peut-être que la présence des femmes saura y contribuer! Justine Chaput Avocate Ce qui m’a inspiré de devenir avocate est avant tout mon désir de faire une différence dans ma communauté et de relever les défis intellectuels inhérents au domaine juridique. À mon avis, les femmes ont apporté de nouvelles perspectives et approches à la profession juridique. Elles ont également joué un rôle déterminant dans la lutte pour l'égalité des sexes et la justice sociale, contribuant ainsi de manière significative à l'évolution du droit et modelant le paysage juridique, voire la société, que nous connaissons aujourd'hui. Je suis persuadée que la contribution des femmes dans le milieu juridique continuera d’évoluer et permettra d’éradiquer les préjugés et la discrimination pour garantir l’égalité des chances. Marie-Nancy Paquet Associée J’ai toujours eu la sensation de devoir accomplir mes rêves et de mettre mes talents à contribution. C’était d’autant plus important pour moi que j’ai vu ma mère regretter toute sa vie de ne pas avoir pu s’accomplir sur le plan professionnel et en souffrir. Pour nous, ses enfants, c’était une injonction à ne jamais renoncer. Par ailleurs, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu une tendance à m’exprimer haut et fort. La carrière d’avocate s’est rapidement imposée à moi comme une occasion de mettre mes aptitudes à profit. Cela dit, je ne savais pas vraiment ce que cela signifiait d’« être avocate » puisque personne dans mon environnement ne pratiquait le droit ni même n’avait fréquenté l’université. La contribution des femmes dans l’évolution du milieu juridique est, à mon avis, essentielle et il ne faut surtout pas oublier d’où nous partons et tout le chemin parcouru grâce au courage de nos devancières. Je ne peux m’empêcher de penser à toutes celles qui auraient eu les talents nécessaires pour pratiquer le droit, mais qui ne pouvaient même pas y songer à leur époque. Dans le milieu juridique, les femmes ont d’abord dû prouver qu’elles avaient, autant que leurs confrères, droit de cité. J’ai une profonde admiration pour les pionnières qui ont embrassé la carrière d’avocate alors qu’elles étaient des exceptions dans leur classe. Il faut prendre un moment pour feuilleter un « album de finissants » des années 1950-1960 pour voir combien la présence des femmes était marginale. Parmi les quelque 70 diplômés de droit de mon Université en 1960, on ne compte que trois femmes : il fallait de l’audace! Les choses ont bien changé et la profession s’est grandement féminisée, en particulier dans les cohortes du baccalauréat, mais il reste des défis… Un élément me paraît toutefois mériter d’être noté et c’est l’influence de la présence des femmes sur la transformation de la conciliation travail-famille. Si les jeunes avocats sont désormais eux aussi concernés par cet enjeu, c’est assurément parce que les femmes sont entrées de plain-pied dans la profession, et plus globalement dans toutes les sphères de la vie professionnelle. Quant à l’avenir, il faut continuer d’œuvrer pour que les plafonds de verre qui subsistent continuent d’être brisés et que les hommes comme les femmes puissent trouver une place égale au sein de la profession. Jennifer Younes Stagiaire En grandissant, j’ai vu diverses situations où des individus étaient marginalisés. J’ai donc choisi de faire mes études en droit pour amoindrir les inégalités qui existent entre différents groupes de personnes. Selon moi, les avocats sont les porte-parole de la justice et j’ai choisi de devenir avocate, car je souhaite servir les objectifs de cette justice. C’est certain que la croissance du nombre de femmes dans le milieu juridique dans les dernières décennies a eu un impact positif sur l’évolution du milieu juridique. Cette forte augmentation a permis, et continuera de permettre, aux tribunaux d’avoir une appréciation plus complète de certains enjeux. À mon avis, plus les récits sont nombreux, plus les discussions juridiques sont diversifiées et approfondies. Et plus la communauté juridique est représentative, plus elle est accessible aux membres de ces groupes auparavant non représentés.
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MARQUES DE COMMERCE AU CANADA : la Cour fédérale précise le concept de « mauvaise foi »
Dans la décision Beijing Judian Restaurant Co. Ltd. c. Wei Meng, 2022 CF 743 rendue le 18 mai 2022 par l’honorable Angela Furlanetto, la Cour fédérale clarifie ce que peut constituer de la mauvaise foi en matière de marques de commerce. À noter qu’avant cette décision, la jurisprudence canadienne était plutôt prudente sur l’interprétation du concept de mauvaise foi dans le contexte d’une marque de commerce. Contexte Beijing Judian Restaurant Co. Ltd. (le « Demandeur ») demande à la Cour d’invalider l’enregistrement du défendeur Wei Meng (le « Défendeur ») pour la marque de commerce illustrée ci-dessous (la « Marque du Défendeur ») sur la base que cet enregistrement a été obtenu de mauvaise foi et d’ordonner la radiation de cet enregistrement du registre canadien des marques de commerce, le tout suivant le paragraphe 57(1) et l’alinéa 18(1)e) de la Loi sur les marques de commerce (la « Loi »). En appui à ses demandes, le Demandeur a produit deux affidavits émanant de ses représentants, lesquels relatent les faits ci-dessous. Le Défendeur n’a pas contre-interrogé le Demandeur sur ces affidavits, n’a produit aucune preuve et n’était pas présent lors de l’audition. Les faits ci-dessous sont donc incontestés. Les faits Depuis 2005, le Demandeur opère une chaîne de restaurants en Chine et emploie en association avec ses restaurants la marque ci-dessous ainsi que chacune des composantes de cette marque, seules ou en combinaison (les « Marques JU DIAN »). Les Marques JU DIAN bénéficient d’une très grande visibilité en Chine. Celles-ci font notamment l’objet de nombreuses publicités faisant la promotion des restaurants du Demandeur et des Marques JU DIAN. Par conséquent, les Marques JU DIAN et la chaîne de restaurants du Demandeur sont très connues dans ce pays. Par ailleurs, en 2011 et 2013 respectivement, le Demandeur débute la promotion de ses restaurants en association avec les Marques JU DIAN sur les plateformes WEIBO et WECHAT dans le but de cibler la population chinoise en Chine et à l’extérieur de la Chine. C’est en 2015 que le Demandeur évalue la possibilité d’amener sa chaîne de restaurants au Canada. Les régions choisies pour l’ouverture des premiers restaurants au Canada sont les régions de Vancouver et de Toronto puisque celles-ci ont une importante population chinoise, laquelle est susceptible de connaître la chaîne de restaurants du Demandeur. En 2018, le Demandeur ouvre un restaurant à Vancouver et à Toronto, puis en 2019, un restaurant à Richmond en Colombie-Britannique. Le Demandeur ne sait toutefois pas que le Défendeur a produit au Canada une demande d’enregistrement pour la Marque du Défendeur quelques mois auparavant, soit le 27 juin 2017, sur la base de l’emploi projeté en association, entre autres, avec des services de restauration. Il appert que dans la même période, le Défendeur a également produit au Canada plusieurs demandes d’enregistrement pour des marques appartenant à d’autres chaînes de restaurants chinoises. En avril 2019, le Défendeur visite le restaurant de Vancouver du Demandeur et l’accuse d’avoir volé sa marque. Il s’ensuit une série de rencontres et d’échanges entre les parties lors desquels le Défendeur exige que le Demandeur lui paie la somme de 1 500 000 $ afin d’employer la Marque du Défendeur sans toutefois en acquérir la propriété, ou encore menace le Demandeur de contacter l’Agence du revenu du Canada si ce dernier ne cesse d’employer cette marque. Le Demandeur refuse de payer quelque somme que ce soit au Défendeur et ne cède pas à ses menaces. Entre-temps, la Marque du Défendeur est enregistrée au Canada. En juin 2019, le Demandeur a connaissance d’une publicité du Défendeur publiée sur un site Internet de Colombie-Britannique. Cette publicité a trait à la vente de l’enregistrement pour la Marque du Défendeur. Le Demandeur contacte donc anonymement le Défendeur afin d’obtenir plus d’information sur l’offre. Le Défendeur lui offre une licence dans la marque au coût de 100 000 $ par an, en justifiant le prix par le fait que cette marque est déjà bien connue en Chine en raison des restaurants du Demandeur. Le Demandeur envoie alors au Défendeur une lettre de mise en demeure exigeant que le Défendeur cesse d’employer sa marque et en abandonne l’enregistrement au Canada. Le Défendeur refuse d’obtempérer. Le Demandeur intente la présente action en invalidation et radiation d’enregistrement. Le droit Bien que l’alinéa 18(1)e) de la Loi prévoie qu’un enregistrement puisse être invalidé si la demande d’enregistrement a été produite de mauvaise foi, la Cour fédérale souligne dans sa décision que la Loi ne contient aucune définition de l’expression « mauvaise foi ». Elle poursuit en mentionnant que, comme l’alinéa 18(1)e) de la Loi est relativement nouveau, très peu de jurisprudence canadienne s’est penchée sur ce que pourrait constituer de la mauvaise foi en matière de marques de commerce. Dans sa décision, la Cour fédérale s’inspire donc de diverses sources afin de déterminer si l’enregistrement de la Marque du Défendeur peut être invalidé sur la base de la mauvaise foi. En premier lieu, la Cour considère les commentaires du Parlement canadien rendus dans le contexte de l’adoption des modifications à la Loi voulant que : Les modifications visent notamment à empêcher l’enregistrement d’une marque de commerce dans le seul but de tirer parti du fait d’empêcher d’autres de l’utiliser; Les modifications permettront d’éviter une utilisation abusive du régime des marques de commerce, comme les demandes d’enregistrement faites dans la seule intention de recevoir une rémunération du titulaire légitime de la marque de commerce. En second lieu, la Cour analyse certaines décisions canadiennes rendues antérieurement à l’adoption de l’alinéa 18(1)e) de la Loi en matière de mauvaise foi. Elle note que la jurisprudence canadienne a déjà invalidé des enregistrements de marques sur la base de la mauvaise foi dans le contexte où le requérant a produit une série de demandes d’enregistrement au Canada pour des marques connues. Enfin, la Cour passe en revue des décisions européennes et du Royaume-Uni. Elle conclut que dans ces territoires, produire une demande d’enregistrement pour une marque sans avoir l’intention de l’employer d’une façon commerciale légitime et pour seul objectif d’empêcher un tiers d’entrer dans le marché ou d’interférer avec ses activités peut constituer de la mauvaise foi. Il en est de même lorsque le requérant souhaite enregistrer une marque de commerce à des fins d’extorsion. La Cour analyse ensuite la date pertinente afin d’évaluer le motif de mauvaise foi sous l’alinéa 18(1)e) de Loi. Elle précise que, bien que la date pertinente soit la date à laquelle la demande a été produite, de la preuve postérieure à cette date peut être jugée pertinente si celle-ci aide à clarifier les raisons pour lesquelles la demande aurait été produite. La Cour poursuit en mentionnant que le fardeau de preuve de démontrer la mauvaise foi repose sur les épaules du Demandeur, avec une preuve claire et convaincante pour conclure au respect du critère de la prépondérance des probabilités. La Cour précise toutefois que, lorsque les faits ne peuvent être connus que du défendeur, de la preuve circonstancielle et des inférences tirées de faits démontrés peuvent être suffisantes pour établir les motifs au moment de produire une demande d’enregistrement. Les faits démontrent qu’au moment de produire la demande, le Défendeur était au courant des restaurants du Demandeur en Chine et que les Marques JU DIAN avaient acquis une certaine réputation parmi, minimalement, la population chinoise en Colombie-Britannique. La Cour conclut également qu’il est grandement improbable que le Défendeur ait par lui-même créé une marque identique à la marque du Demandeur considérant l’originalité de la marque. Il est donc plus probable que le Défendeur ait voulu enregistrer la même marque parce qu’il savait qu’elle était associée aux restaurants du Demandeur en Chine, le tout dans le but de bénéficier de sa réputation. Toutefois, une certaine nuance est apportée par la Cour : le dépôt d’une demande pour une marque même identique à celle d’un tiers est en soit insuffisant pour en invalider l’enregistrement puisqu’il peut y avoir une base légitime à obtenir un enregistrement pour une marque enregistrée et employée par un tiers ailleurs qu’au Canada lorsque cette marque ne bénéficie d’aucune réputation au Canada. Ainsi, c’est l’intention « d’abus du régime des marques » ou la mauvaise foi du titulaire de la marque attaquée qui doit être prouvée selon la balance des probabilités. La Cour conclut par contre que la preuve du Demandeur démontre que le Défendeur a enregistré la marque sans base commerciale légitime : Les Marques JU DIAN sont connues au Canada au moins par la population chinoise en Colombie-Britannique; Le Défendeur reconnaît dans ses échanges que les Marques JU DIAN sont associées à la chaîne de restaurants du Demandeur et sont des marques connues; Le Défendeur a produit une demande d’enregistrement au Canada pour la Marque du Défendeur à des fins de soutirer de l’argent en utilisant la réputation associée à la marque; Le Défendeur a produit des demandes d’enregistrement au Canada pour des marques appartenant à des chaînes de restaurants chinoises. La Cour est donc d’avis que les circonstances de l’affaire constituent de la mauvaise foi, mais retient qu’au Royaume-Uni, une inférence de mauvaise foi peut être réfutée lorsqu’une marque connue a été enregistrée par un requérant n’ayant pas de lien avec le titulaire légitime de la marque connue. Toutefois, au Royaume-Uni, lorsque le requérant a obtenu des enregistrements pour plusieurs marques connues, réfuter une telle inférence deviendrait grandement difficile. En l’absence de preuve du Défendeur pour réfuter l’inférence de mauvaise foi générée par la preuve circonstancielle, la Cour conclut que la preuve au dossier démontre l’intention du Défendeur d’utiliser l’enregistrement à des fins d’extorsion. La Cour invalide l’enregistrement pour la Marque du Défendeur et ordonne à ce que cet enregistrement soit radié du registre des marques de commerce. À retenir Il appert de cette décision que l’analyse de la Cour est grandement factuelle et que le fardeau de prouver l’intention du titulaire de la marque attaquée au moment de la demande peut être difficile, surtout en l’absence d’une réputation au Canada de la marque du demandeur étranger.
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La subvention salariale d'urgence du Canada : L'Agence du revenu du Canada passe à l’action
En réaction à la pandémie, le gouvernement canadien a adopté au printemps 2020 la Subvention salariale d'urgence du Canada (la « SSUC »), une mesure permettant aux employeurs de bénéficier d'une subvention basée sur la rémunération payée à leurs employés et sur la perte de revenu qu'ils ont subie pendant la pandémie. L'article 125.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») prévoit le calcul relatif à cette subvention et a probablement causé des problèmes à ceux qui ont dû interpréter cette disposition ambiguë sans doctrine ni jurisprudence à l'appui. Notamment, le calcul du « revenu admissible », qui est au cœur du calcul de la SSUC, présente plusieurs subtilités. À titre d’exemple, il nécessite l'estimation des revenus de l’entité en cause pendant les périodes d’admissibilité ainsi que l'exclusion de certains éléments tels que les « postes extraordinaires », un terme nouveau à la LIR.. Le calcul de la « rémunération admissible », un autre élément important du calcul de la SSUC, présente aussi différentes particularités, notamment quant à l’inclusion de la rémunération d’employés liés ou d’employés-cadres. L'Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a maintenant les calculs de la SSUC qui ont été faits par les contribuables dans sa ligne de mire. En effet, l’ARC a commencé à vérifier les demandes de SSUC et à émettre des avis de cotisation aux contribuables dans le but de réduire le montant de la SSUC initialement octroyée. Que ce soit par la diminution du revenu admissible dans la période précédant la pandémie, ou par l'inclusion d'éléments initialement exclus par les contribuables dans le revenu des périodes d'admissibilité, de telles cotisations sont susceptibles d’influencer grandement les montants de la SSUC auxquels le contribuable avait droit, et ce, surtout pour les entreprises ayant un grand nombre d’employés. L'ARC peut aussi dans certains cas précis, imposer des pénalités, qui peuvent aller jusqu’à 50 % de la SSUC excédentaire réclamée. Bien que le délai permettant de modifier les demandes de SSUC soit échu, une demande d’équité demeure, dans certaines circonstances, une option afin de modifier une demande déjà produite. Aussi, en cas d’émission d’avis de cotisation, un avis d'opposition peut être déposé afin de contester les redressements effectués par l'ARC. Finalement, il est important de conserver toute la documentation relative au calcul du « revenu admissible », de la rémunération de vos employés et tout autre document comptable permettant de justifier les montants de SSUC demandés. Une approche proactive et une intervention rapide dans le cadre d’une vérification de la SSUC permettent non seulement une conclusion plus favorable du dossier, mais aussi d’éviter un long débat avec l’ARC. Voilà pourquoi notre équipe de fiscalité qui connaît bien la SSUC et ses subtilités saura vous aider si vous faites l’objet d’une vérification ou de l’émission d’un avis de cotisation de la part de l’ARC.
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Clarifications concernant l’offre de produits d’assurance par Internet
Au début de l’année 2022, l’Autorité des marchés financiers (l’ « AMF ») a mené des consultations particulières sur l’offre de produits financiers par Internet. À la suite de ces consultations, l’AMF a publié à la fin décembre 2022 des explications à l’égard du Règlement sur les modes alternatifs de distribution (le « RMAD »)1. Voici quelques éléments essentiels sur lesquels l’AMF apporte des clarifications : Définitions L’AMF précise le sens de certains termes et expressions apparaissant au RMAD permettant ainsi de clarifier les obligations des cabinets quant à l’offre de produits d’assurance par Internet : « Fournir » ou « présenter » un renseignement : implique de le livrer, le donner, le rendre au client sans que celui-ci ait une action à réaliser. Le client ne doit pas avoir à chercher le renseignement pour le trouver. Ainsi, il n’est pas suffisant de rendre ces renseignements accessibles ni de référer à la police pour obtenir ceux-ci2. « Rendre visible en tout temps » : le client doit toujours voir cette information, peu importe la page où il se trouve. Le moyen de contacter un représentant est le seul élément qui doit être visible en tout temps sur l’espace numérique transactionnel. Des modalités permettant de présenter cette information doivent être aussi prévues pour les sites adaptés aux personnes non voyantes ou pour les personnes faisant appel à un assistant vocal3. « Rendre disponible un représentant » : l’AMF requiert seulement qu’un représentant soit disponible durant les heures normales d’ouverture de bureau4. « Rendre accessible aisément un renseignement » : le client peut choisir de prendre connaissance du renseignement et le trouver facilement. L’information doit être accessible en un ou deux clics. Par exemple, un hyperlien ou une icône sont des façons de rendre accessible un renseignement5. Pour cette obligation, l’hyperlien peut être utilisé pour rediriger le client vers un site ou un document externe à l’espace numérique6. Les documents externes qui sont accessibles par hyperliens doivent être à jour, par exemple le spécimen de police d’assurance. Résumé de la politique sur le traitement des plaintes L’AMF précise que le résumé de la politique portant sur le traitement des plaintes auquel le RMAD réfère doit être celui du cabinet opérant le site transactionnel et non celui d’un tiers. Ainsi, un cabinet de courtage en assurance de dommages ne peut référer au résumé de la politique d’un assureur7. Identification du cabinet Un cabinet peut afficher les logos de partenaires sur son espace numérique, seulement si cela ne prête pas à confusion. Le client doit savoir quel cabinet exploite l’espace et être capable de le distinguer des partenaires qui n’offrent pas les produits ou services8. Garanties, exclusions et limitations L’AMF souligne qu’elle a constaté au cours de ses activités de surveillance que les garanties semblent bien présentées dans les espaces numériques. Cependant, la présentation des exclusions et parfois celle des limitations n’est pas faite avec autant de rigueur. Puisque les exclusions et les limitations sont des informations nécessaires à la prise de décision éclairée du client, l’AMF invite les cabinets à y porter attention et à choisir celles-ci à partir d’une analyse judicieuse9. Suspension de la transaction L’AMF vient clarifier comment appliquer les critères de l’article 14 du RMAD, plus particulièrement le paragraphe 3 de cet article qui prévoit qu’un cabinet doit suspendre une transaction amorcée par l’entremise de l’espace numérique lorsqu’aucun représentant ne peut agir immédiatement auprès d’un client qui en exprime le besoin et qu’il y a un risque que ce dernier ne soit pas en mesure de prendre une décision éclairée. L’AMF précise que c’est au cabinet d’apprécier ses risques et de les gérer. Afin de déterminer s’il existe un tel risque, l’AMF propose les solutions suivantes : Le cabinet pourrait faire une mise en garde au client : « Voulez-vous poursuivre le processus malgré le fait qu’aucun représentant n’est disponible pour le moment? »; Le cabinet pourrait afficher les disponibilités de ses représentants; Si le client décide de conclure le contrat par l’entremise de l’espace numérique, le cabinet pourrait s’assurer qu’un représentant le contacte dans les 24 heures suivantes. La suspension de la transaction n’a pas à être immédiate, elle peut être faite à la fin de la transaction avant la conclusion du contrat. Par ailleurs, l’interruption de la transaction ou une suspension temporaire est également nécessaire si une contradiction ou une irrégularité dans les renseignements que le client fournit peut mener à un résultat inapproprié10. L’espace numérique doit être en mesure de détecter une telle contradiction automatiquement. Si des contradictions sont détectées, l’AMF considère qu’il est préférable d’interrompre la transaction. Il est aussi possible de suspendre temporairement celle-ci, le temps de communiquer des avertissements au client quant aux conséquences de fausses déclarations et à l’importance de connaître sa situation complète, par exemple, et lui permettre d’effectuer des corrections, le cas échéant11. Pour mieux comprendre les obligations du RMAD, nous vous invitons à consulter notre bulletin Loi 141 : Aide-mémoire pour l’offre de produits d’assurance par internet et la distribution sans représentant. Cet outil est disponible uniquement en français pour l’instant; Règlement sur les modes alternatifs de distribution, RLRQ, c. D-9.2, r. 16.1. Autorité des marchés financiers, Explications à l’égard du règlement – Le RMAD expliqué article par article (ci-après « Explications »), art. 7, 9, 11, 12 et 12.2. La même interprétation doit être faite de l’expression « expliquer une information » ou « donner un renseignement » en vertu de l’article 12.1 du RMAD. Explications, art. 8. Explications, art. 8. Explications, art. 8 et 10. Explications, art. 8 et 10. Pour les documents et sites externes, le moyen de rejoindre le représentant n’a pas à être affiché en tout temps. Il est important de noter qu’en vertu de l’article 9 RMAD, un document qui doit être « fourni » ou « présenté » au client ne peut pas se trouver sur un site externe. Explications, art. 8. Explications, art. 8, par. 1. Explications, art. 9. Par exemple, il y a contradiction si le client déclare ne pas avoir d’enfant, mais sélectionne tout de même une assurance pour ses enfants. Explications, art. 14.
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Demande de brevet – limites de vitesse variables
Partie 1 : quatre raisons pour ralentir et quatre raisons pour accélérer Partie 2 : ralentissement de service : CA, US, EP, PCT Partie 3 : voie rapide : CA, US, EP, PCT Partie 1 : Pourquoi ralentir et pourquoi accélérer? Ralentir Pourquoi voudrait-on ralentir la procédure alors qu’il faut déjà généralement plusieurs années pour qu’un brevet soit délivré? Flux de trésorerie Incertitude pour les compétiteurs Possibilité de modifier la portée Possibilité de déposer une demande divisionnaire Dans certains cas, les flux de trésorerie peuvent favoriser l’étalement des dépenses sur une plus longue période. Conserver une demande en instance plus longtemps peut également représenter un avantage commercial. En effet, cela peut créer une incertitude pour les concurrents, qui ne peuvent pas déterminer facilement la portée du droit exclusif qui pourrait vous être accordé. D’autre part, tant que la demande est en instance, il est plus facile de modifier les revendications. De plus, il est généralement uniquement possible de déposer une demande divisionnaire lorsque la demande de brevet parent est toujours en instance. Accélérer Si c’est si intéressant de ralentir la poursuite, alors pourquoi devrais-je l’accélérer? Démonstration de brevetabilité pour étendre la famille de demandes de brevet Valorisation monétaire ou levée de capitaux Procédure devant les tribunaux Position de force en négociations À la suite du dépôt de la demande prioritaire, le demandeur dispose de 12 mois pour déposer des demandes correspondantes dans d’autres pays. Les dépôts à l’étranger peuvent représenter des dépenses considérables. Par conséquent, il peut être avantageux d’obtenir rapidement des résultats afin de prendre la meilleure décision quant au dépôt de demandes dans d’autres pays. Un brevet délivré cristallise de façon beaucoup plus évidente la valeur d’une technologie. Cette cristallisation peut affecter substantiellement la valorisation de l’entreprise et, en parallèle, permettre de lever des capitaux supplémentaires. Par ailleurs, le dépôt d’une demande de brevet ne vous permet pas d’empêcher les contrefacteurs de mettre en marché votre technologie – seul un brevet délivré vous permet de vous adresser aux tribunaux à cet égard. Cette possibilité d’engager des poursuites peut changer drastiquement la teneur de négociations avec vos compétiteurs – et parfois vos fournisseurs également. Stratégies et coûts Il existe des dispositions particulières pour l’accélération et le ralentissement des procédures dans beaucoup de territoires. Aux fins du présent exercice, nous discuterons des demandes de brevet au Canada, aux États-Unis et en Europe. Nous aborderons également les demandes de brevet international, c’est-à-dire, les demandes PCT. Partie 2 : Ralentissement Canada En ce qui concerne le ralentissement de service, la stratégie la plus simple au Canada est de repousser la date de requête d’examen au maximum. Bien que la disposition ait changé avec les années, l’on dispose maintenant de quatre (4) ans à partir de la date de dépôt canadienne pour demander l’examen. Pour une entrée en phase nationale du PCT, le Canada accepte de prolonger le délai habituel de 30 mois, qui peut ainsi atteindre jusqu’à 42 mois sous certaines conditions. En revanche, les dates de requête d’examen et de frais de maintien demeurent les mêmes. Il s’agit donc d’un gain à court terme seulement. Pour chaque rapport d’examen (aussi appelé lettre officielle), il est possible de demander une prolongation de délai de deux mois avant que le délai original ne soit expiré. Cette requête doit être accompagnée de la taxe de retard et n’est acceptée que sous certaines conditions. L’autre possibilité est de ne pas répondre au rapport d’examen et d’attendre que la demande soit réputée abandonnée. Il est ensuite possible de rétablir la demande en répondant au rapport d’examen et en payant une surtaxe. Il est important de noter qu’une demande canadienne pour laquelle une prolongation de délai a été obtenue ou un rétablissement a été effectué ne peut plus faire l’objet d’une accélération de traitement. Par ailleurs, pendant qu’une demande est abandonnée, et même si elle est rétablie plus tard, des tiers pourraient obtenir certains droits sur la technologie. États-Unis Aux États-Unis, il est possible de payer les frais de prolongation de délai pour répondre à un rapport d’examen au moment où une réponse est déposée. Le délai maximum ne peut cependant excéder six (6) mois. Il est aussi possible de déposer une requête (ou pétition) pour demander la suspension du délai de réponse à un rapport d’examen (en payant la taxe appropriée, bien entendu). Cette requête n’est acceptable que sous certaines conditions et ne peut excéder six mois. De façon similaire, une requête pour différer l’examen de la demande peut être déposée pour retarder l’examen de jusqu’à trois (3) ans après la date de priorité. Il faut, une fois de plus, répondre à certaines conditions et payer une taxe. Europe : Tout comme au Canada, pour chaque rapport d’examen, il est possible de demander une prolongation de délai de deux mois avant que le délai original ne soit expiré. Par contre, contrairement au Canada, il n’y a pas de frais ni de condition pour que cette requête soit acceptée. L’autre possibilité est de ne pas répondre au rapport d’examen et de laisser la demande devenir caduque. Il est ensuite possible de rétablir la demande en répondant au rapport d’examen et en payant une surtaxe. La règle des dix (10) jours est aussi accessible jusqu’en novembre 2023. Issue d’une époque où les communications se faisaient encore par courrier, la règle prévoit qu’une communication datée est réputée avoir été livrée dix (10) jours après la date du document – le délai s’en trouve donc automatiquement repoussé de dix (10) jours. La disparition de cette règle est, somme toute, une bonne chose pour éviter bien des problèmes de communication. PCT En ce qui concerne le ralentissement de service, la demande PCT en elle-même peut servir à ralentir le processus. En effet, le système de demandes internationales permet de repousser jusqu’à 30 mois à compter de la date de priorité la décision de dépôt international. Il s’agit davantage d’un système de réservation de droits que de ralentissement. Malgré tout, autant du point de vue des flux monétaires (ou « cash flow ») que du point de vue de la stratégie de dépôts, la période plus longue pour prendre les décisions peut s’avérer utile. Récapitulatif de ralentissement : CA : repousser le dépôt de la demande canadienne ou l’entrée en phase nationale; repousser la requête d’examen; demander une prolongation de délai; ne pas répondre et demander ensuite le rétablissement. US : payer les frais de prolongation de délai; faire une requête de suspension d’une action; faire une requête pour différer l’examen. EP : demander une prolongation de délai; utiliser la règle des dix (10) jours; ne pas répondre et payer des frais pour rétablir la demande. PCT : tirer avantage des 30 à 42 mois par pays. Partie 3 : Voie rapide Canada Bien sûr, la meilleure manière d’accélérer les procédures est de demander l’examen dès que possible et, surtout, de ne pas tarder à répondre aux rapports d’examen reçus. Après avoir requis l’examen et avant de recevoir le premier rapport d’examen, il est possible de demander l’accélération du traitement de la demande. Cette requête nécessite que la demande canadienne soit publiée et peut être soumise à plusieurs conditions. Un demandeur qui pourrait subir un préjudice dû au délai d’examen peut payer une taxe supplémentaire pour accélérer les procédures. Lorsque la demande de brevet a trait à une technologie dite « verte » ou en lien avec la pandémie de « COVID-19 », aucun préjudice n’est nécessaire et aucune taxe n’est due. Il est aussi possible d’accélérer le traitement en utilisant les résultats de la poursuite d’une demande correspondante dans un autre ressort jugé crédible par le bureau canadien (par ex. : Europe, États-Unis, Japon…). C’est ce qu’on appelle une requête PPH, de l’anglais « patent prosecution highway ». La traduction par « l’autoroute de traitement des demandes de brevet » est très représentative, mais bien peu utilisée. États-Unis Pour ceux qui en ont les moyens, il est possible de payer une taxe d’accélération au moment du dépôt de la demande aux États-Unis. L’objectif est alors de conclure l’ensemble de la procédure à l’intérieur de douze (12) mois. La capacité du bureau des États-Unis de répondre à la demande est également prise en compte avant d’accepter la requête. Il est aussi possible de demander un traitement spécial pour une demande de brevet lorsque l’état de santé ou l’âge de l’un des inventeurs le permettent. Cette requête peut aussi être faite lorsque la technologie de la demande de brevet est « verte » ou a trait à « l’antiterrorisme ». Les États-Unis participent aussi au système PPH et le résultat du traitement d’une demande correspondante dans un autre ressort peut également permettre d’accélérer les procédures. Évidemment, il est important de ne pas tarder à répondre aux rapports d’examen reçus, peu importe les moyens choisis. Europe Le bureau européen accepte les requêtes de type PPH et propose aussi la procédure « PACE » permettant d’accélérer le traitement (la recherche et/ou l’examen) sans taxe ni condition particulière autre que de répondre aux rapports d’examen en temps utile. La capacité du bureau européen de répondre à la demande est également prise en compte. PCT Effectuer les entrées en phase nationale rapidement (c’est-à-dire, bien avant les 30 mois) permet de procéder plus rapidement à l’examen de fond dans chaque ressort. Pendant la phase internationale du PCT, il est possible de tenter de faire avancer la procédure avant d’entrer en phase nationale. Cette procédure de « demande sous le chapitre II du PCT » ne garantit pas un gain de temps, mais peut permettre de devancer certaines questions et donc permettre d’éviter des pertes de temps devant plusieurs examinateurs différents. Récapitulatif de l’accélération CA : déposer la demande canadienne ou effectuer l’entrée en phase nationale dès que possible; faire la requête d’examen dès que possible; répondre rapidement aux rapports d’examen; demander l’accélération du traitement par : PPH, technologie verte, technologie COVID-19 ou pour préjudice possible. US : payer les frais d’accélération avec le dépôt; demander l’accélération du traitement par PPH; répondre rapidement aux rapports d’examen; faire une requête pour considérer la demande comme étant spéciale (basée sur l’âge ou l’état de santé, la technologie verte ou la technologie antiterroriste). EP : demander l’accès au programme PACE; demander l’accélération du traitement par PPH; répondre rapidement aux rapports d’examen. PCT : entrer en phase nationale le plus rapidement possible; demander l’examen sous le « chapitre II ».
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Le retour des soirées de Noël : ce qu’un employeur doit savoir
Après deux années de pandémie à la COVID-19, la fin de l’année 2022 sera l’occasion pour les employeurs de renouveler avec une soirée de Noël et l’organisation d’activités à plus grande échelle pour leurs salariés. Le présent bulletin a pour objectif de conscientiser l’employeur par rapport à ses obligations à l’occasion des festivités organisées pour célébrer la venue de la période des fêtes. Les trois enjeux suivants seront abordés : les accidents du travail; les mesures disciplinaires et le harcèlement psychologique. Bien que la soirée de Noël soit généralement célébrée à l’extérieur du lieu de travail et en dehors des heures normales de travail, un accident qui se produit à une telle occasion peut se qualifier à titre d’accident du travail au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles1. Les tribunaux considèrent plusieurs facteurs permettant de soupeser s’il s’agit ou non d’un accident du travail, dont notamment l’objectif de la soirée, le moment et le lieu où elle est tenue, le fait qu’elle soit organisée et financée, ou non, par l’employeur et la présence ou l’absence d’un lien de subordination au moment de l’accident. Aucun de ces facteurs n’est déterminant : ils servent de guide pour les tribunaux2. Autant de décisions ont accueilli3 ou rejeté4 des réclamations dans de telles circonstances. Dans une décision où la soirée de Noël avait été organisée par l’employeur et avait pour objet de maintenir la cohésion et le sentiment d’appartenance entre les salariés, une blessure au coccyx subie par une salariée qui dansait avec un collègue a été qualifiée d’accident du travail5. Or, dans une autre décision où une salariée s’est blessée dans un escalier mécanique en raccompagnant un collègue ivre après la soirée de Noël, le tribunal a conclu que cette dernière n’avait pas subi d’accident du travail, notamment en raison de l’absence d’autorité exercée par l’employeur au moment de la chute et également en raison du fait que l’évènement ne visait qu’à fraterniser et échanger entre collègues et non à améliorer le climat de travail6. Dans le cadre de l’exercice de son droit de gérance, un employeur peut, dans certaines circonstances, discipliner un salarié à la suite d’un comportement survenu pendant une soirée de Noël7. Le degré d’implication de l’employeur dans l’organisation de la soirée et la nature privée de celle-ci sont des facteurs importants pour déterminer s’il est fondé à imposer des mesures disciplinaires. Un arbitre a ainsi déjà confirmé le congédiement d’un salarié qui avait frappé à répétition une collègue et ex-conjointe à l’occasion de la soirée de Noël de l’employeur qui s’est tenue sur les lieux du travail8. Le fait que les gestes de violence aient été commis lors d’une fête plutôt que dans le cadre direct du travail n’a pas été considéré comme une circonstance atténuante. Ce pouvoir disciplinaire s’inscrit dans le cadre de l’obligation de l’employeur d’assurer un milieu de travail exempt de violence. Cette obligation a d’ailleurs gagné en importance depuis l’ajout récent dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail de l’obligation de l’employeur de « prendre les mesures pour assurer la protection du travailleur exposé sur les lieux de travail à une situation de violence physique ou psychologique, incluant la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel9». Alors que dans une autre décision, l’arbitre a conclu que l’employeur ne pouvait discipliner un salarié pour des gestes commis à une soirée de Noël organisée et entièrement financée par les salariés, laquelle avait lieu à l’extérieur du lieu de travail10. Dans un autre ordre d’idées, une seule conduite grave à l’occasion d’une soirée de Noël peut être constitutive de harcèlement psychologique. Une plainte pour harcèlement psychologique fut accueillie contre un employeur dans une situation où le propriétaire avait touché la poitrine d’une salariée en glissant un glaçon dans son chandail. Cet attouchement, un geste unique, a été qualifié par l’arbitre11 de conduite grave constituant du harcèlement psychologique. Ce dernier a conclu également que la consommation d’alcool excessive n’a aucun effet atténuant sur la gravité du geste commis. Des commentaires et propositions à caractère sexuel, des attouchements et embrassades forcés par un salarié lors de la fête de Noël ont également été considérés par les tribunaux comme du harcèlement psychologique et sexuel justifiant dans certaines circonstances un congédiement12. Conclusion Suivant ce qui précède, un employeur doit user de prudence et adopter des mesures visant à réduire les risques liés à l’organisation dans le cadre de la tenue des soirées de Noël, puisqu’il peut être responsable d’accidents ou de divers gestes ou comportements survenus à l’occasion d’une telle fête. [1] RLRQ, c. A-3.001, art. 2. [2] Laramée et Corporation de gestion de la Voie Maritime du St-Laurent, 2020 QCTAT 227. [3] Voir notamment : Fafard et Commission scolaire des Trois-Lacs, 2014 QCCLP 6156; Battram et Québec (Ministère de la Justice), 2007 QCCLP 4450. [4] Voir notamment : Environnement Canada et Lévesque, 2001 CanLII 46818 (QC CLP), par. 35 à 39; Desjardins et EMD Construction inc., 2007 QCCLP 496. [5] Boivin et Centre communautaire juridique de l'Estrie, 2011 QCCLP 2645. [6] Roy-Bélanger et Ressources Globales Aéro inc., 2021 QCTAT 1739. [7] Teamsters Québec, section locale 1999 et Univar Canada ltée (Jean-Martin Gobeil), 2020 QCTA 344 (L. Viau). [8] Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 500 (TUAC-FTQ) et Royal Vézina inc. (St-Hubert) (Hicham Alaoui), 2017 QCTA 304 (F. Lamy). [9] Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, s. 2.1, article 51 al. 1 (16). Cette obligation est adoptée dans le cadre de la Loi sur la modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (2021, c. 27, a. 139), [10] Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec et Société de l'assurance automobile du Québec (Joffrey Lemieux), 2021 QCTA 439 (C. Roy). [11] S.H. et Compagnie A, 2007 QCCRT 0348, D.T.E. 2007T-722 (T.A.) (F. Giroux). [12] Pelletier et Sécuritas Canada ltée, 2004 QCCRT 0554 (M. Marchand).