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Publications
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Budget fédéral 2022 : bonne nouvelle pour les sociétés d’exploration minière!
Le 7 avril, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déposé le nouveau budget du gouvernement fédéral pour 2022. Celui-ci comporte plusieurs mesures fiscales pertinentes pour les participants du secteur minier au Canada. Le gouvernement fédéral canadien entend investir 3,8 milliards de dollars sur huit ans pour mettre en œuvre la première stratégie sur les minéraux critiques du Canada. L’une des méthodes utilisées pour mettre en œuvre cette nouvelle stratégie et stimuler l’exploration est un véhicule d’investissement bien connu des participants du secteur minier : les actions accréditives. Le budget 2022 propose de créer un nouveau crédit d’impôt de 30 % pour l’exploration minière de minéraux critiques (CIEMC) applicable à certains minéraux déterminés. Les minéraux déterminés qui seraient admissibles au nouveau CIEMC sont : le cuivre, le nickel, le lithium, le cobalt, le graphite, les éléments des terres rares, le scandium, le titane, le gallium, le vanadium, le tellure, le magnésium, le zinc, des métaux du groupe des platineux et l’uranium. Tout comme pour le crédit d’impôt pour l’exploration minière classique les dépenses d’exploration devront évidemment avoir été engagées au Canada. La renonciation aux dépenses devra aussi avoir été faite aux termes de conventions pour actions accréditives conclues après le jour du budget et avant le 31 mars 2027. Fait important à noter, il n’y aura pas de cumul des crédits d’impôt possible. Les dépenses admissibles ne pourront pas bénéficier à la fois du nouveau CIEMC proposé et du crédit d’impôt de 15 % pour l’exploration minière classique (CIEM). Pour que les dépenses d’exploration soient admissibles au CIEMC, une personne qualifiée (selon la définition du Règlement 43-101 publié par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières) devra en outre certifier que les dépenses auxquelles la société renoncera seront engagées dans le cadre d’un projet d’exploration qui vise les minéraux déterminés. Sur ce point, la mesure semble insérer un nouveau test juridique « d’attente raisonnable » que les minéraux ciblés par l’exploration soient « principalement des minéraux déterminés ». Aucun détail n’a encore été émis sur la mécanique d’application de ce test. Toutefois, si la personne qualifiée n’est pas en mesure de démontrer qu’il existe une attente raisonnable que les minéraux ciblés par le projet d’exploration soient principalement des minéraux déterminés, les dépenses d’exploration connexes ne seraient pas admissibles au CIEMC et conséquemment, tout crédit accordé pour des dépenses inadmissibles serait récupéré auprès du souscripteur d’actions accréditives qui a bénéficié du crédit. Dans l’attente du dépôt d’une version législative plus détaillée, une attention et une planification rigoureuses seront de mise dans le cadre des nouveaux financements par actions accréditives pour s’assurer de respecter les critères juridiques donnant ouverture à ce nouveau crédit d’impôt. Notre équipe de professionnels en valeurs mobilières, droit minier et fiscalité est disponible pour répondre à toutes vos questions concernant cette nouvelle mesure et vous accompagner dans la mise en œuvre d’un financement accréditif réussi : Josianne Beaudry René Branchaud Ali El Haskouri Charle-Hugo Gagné Éric Gélinas Sébastien Vézina
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Cinq bonnes raisons d’inscrire votre société en bourse et d’opter pour le financement par capital-actions
En 2020, l’économie du Québec a été malmenée par la pandémie et la tendance s’est maintenue en 2021. Après une année difficile pour les entreprises d’ici, il y a une opportunité pour les dirigeants de repenser leur modèle d’affaires dans l’élaboration de leur plan de relance. Dans ce contexte, une entrée en bourse et un financement par capital-actions pourraient s’avérer être une bonne idée. Bien que le processus soit relativement coûteux, exige du temps de la part des membres de la haute direction et assujettisse l’entreprise ainsi que ses cadres et principaux actionnaires à une série d’obligations, la somme des avantages dépasse de beaucoup celle des inconvénients. Voici donc cinq bonnes raisons de rendre votre société publique et d’opter pour le financement par capital-actions pour lui assurer un avenir prospère. 1. Le financement par capital-actions : financer la croissance de son entreprise autrement Du moment où votre entreprise devient publique, vous élargissez et diversifiez considérablement vos sources de financement par capital-actions. Vous ne dépendez plus des emprunts bancaires traditionnels. Votre entreprise peut désormais amasser des capitaux beaucoup plus facilement et à bien meilleur coût, que ce soit au moyen de l’émission de titres convertibles, de capital-actions, de droits ou de bons de souscription. De plus, votre bassin de pourvoyeurs de fonds s’accroît considérablement, allant bien au-delà des actionnaires fondateurs, de votre banquier ainsi que de vos très proches amis et parents. Tous ces outils de financement par capital-actions vous permettent de gérer la croissance de votre entreprise de manière plus agressive et de profiter de nouvelles opportunités d’affaires. 2. Le financement par capital-actions : faciliter les fusions et les acquisitions La société inscrite à la cote d’une bourse bénéficie d’un avantage important pour son plan d’expansion. Désormais, il vous est possible de procéder à une acquisition d’entreprise en utilisant les actions de votre société comme monnaie d’échange. Une telle option vous confère plus de flexibilité et augmente ainsi vos chances de succès lors des négociations. De plus, ce mode de financement vous permet de gérer plus agressivement votre croissance, puisque vous n’êtes plus limité aux modes de financement conventionnels. 3. Le financement par capital-actions : acquérir une belle notoriété En prenant la décision de transformer votre entreprise en société publique et d’opter pour le ?nancement par capital-actions, vous lui conférez une plus grande visibilité. Tout d’abord, le premier appel public à l’épargne sera l’occasion de faire connaître l’entreprise aux investisseurs au moyen, entre autres, des tournées de promotion organisées par les courtiers participants à l’émission. De plus, les sociétés publiques peuvent être suivies par des analystes ?nanciers, ce qui constitue un atout dans la commercialisation des produits et services de l’entreprise. Bref, votre société étant sous les projecteurs, sa notoriété augmentera inévitablement, tant auprès des investisseurs que des partenaires économiques. De plus, pour beaucoup de clients et fournisseurs, faire affaire avec une société inscrite en bourse est rassurant. Ils y voient le signe d’une société bien établie. Une telle perception peut faciliter la conclusion d’une vente ou d’un contrat d’approvisionnement. 4. Le financement par capital-actions: augmenter de la valeur marchande de l’entreprise Un meilleur coût de ?nancement, une liquidité plus grande pour les actions de votre entreprise, un potentiel de croissance amélioré, ainsi qu’une visibilité accrue sont autant d’éléments qui rendent la valeur marchande de votre entreprise nettement supérieure à celle qu’on lui attribuait avant de devenir publique. Désormais, la valeur comptable ne sera plus le principal élément servant à déterminer la valeur de votre société. Votre société vaudra ce que les investisseurs lui reconnaîtront comme valeur en fonction de son potentiel de croissance et de rentabilité ainsi que de sa performance par rapport à des sociétés concurrentes oeuvrant dans des secteurs similaires. 5. Relève facilitée Il vous sera beaucoup plus facile, le moment venu, de vous retirer de votre entreprise et de réaliser le fruit de vos années d’efforts. Plusieurs options vous seront alors offertes dont celle de disposer de vos actions par voie d’un placement secondaire. Il sera également possible d’attirer des personnes de talent pour prendre votre relève en raison des nombreux avantages que confère le statut de société publique. Les avantages à introduire une société en bourse et d’opter pour le ?nancement par capital-actions sont multiples. Outre les cinq éléments présentés dans ce billet, on pourrait également ajouter la crédibilité accrue auprès des clients et des fournisseurs, la boni?cation de la rémunération des employés-clés, la dilution moindre lors des collectes de fonds et bien plus. L’augmentation des entrées en bourse permettra de rebâtir notre économie. Si vous pensez à transformer votre société en société publique, d’opter pour le ?nancement par capital-actions et à faire le grand saut sur le marché boursier, n’hésitez pas à faire appel à l’un de nos avocats en droit des affaires pour vous guider et vous conseiller dans cette démarche.
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Valeurs mobilières et actions collectives : l’autorisation préalable à l’autorisation d’une action collective
Toute personne qui désire intenter une action en dommages-intérêts relativement à des dommages subis sur le marché secondaire des valeurs mobilières doit démontrer que son action est intentée de bonne foi et présente une possibilité raisonnable de succès (art. 225.4 Lvm). Au Québec1, comme ailleurs au Canada2, aucune divulgation préalable de preuve ne peut être obtenue de la partie adverse dans le cadre de cette démonstration. La procédure prescrite par la Lvm suffit, et il n’est pas utile d’invoquer le Code de procédure civile à titre supplétif. La personne qui entend exercer une telle action en dommages par voie d’action collective doit en outre – et, logiquement, de façon postérieure – démontrer qu’elle satisfait les critères d’autorisation de l’action collective (art. 575 Cpc). La Cour ne se prononce pas explicitement sur le droit à la divulgation préalable de la preuve à cet égard. Par ailleurs, cette personne, comme toute personne ayant subi un dommage, dispose d’un droit d’action direct contre l’assureur de l’auteur de son préjudice (art. 2501 CcQ). Elle peut donc, sans égard ni à la matière (le marché secondaire) ni au véhicule procédural (l’action collective) de son recours, obtenir les documents nécessaires à l’exercice de ce droit d’action, en l’occurrence, le contrat d’assurance. Dans son récent arrêt Amaya inc. c. Derome, 2018 QCCA 120, la Cour d’appel se prononce sur l’interaction entre la Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ, c.V-1.1 (Lvm) et les règles propres à l’action collective dans le cadre de demandes de divulgation préalable de documents formulées par des investisseurs contre un émetteur public. Résumé d’une décision attendue. Le cadre particulier de la Lvm La Lvm encadre la disponibilité des recours relatifs aux marchés financiers. Bien que de tels recours puissent être introduits individuellement, l’action collective est perçue comme un véhicule de choix [traduction] «?puisque les émetteurs inscrits comptent bon nombre d’investisseurs se trouvant dans des circonstances semblables et, s’il y a un problème, ils se regrouperont vraisemblablement de manière à se prévaloir des avantages de l’action collective?»3. Le caractère collectif de telles réclamations n’est toutefois pas une condition nécessaire à leur recevabilité suivant la Lvm. En ce qui concerne les recours visant le marché secondaire, l’article 225.4 Lvm impose à tout investisseur, qu’il agisse personnellement ou à titre de représentant d’un groupe envisagé, d’obtenir une autorisation préalable de la cour avant d’intenter son action. Cette restriction a été dictée par une volonté législative – par ailleurs partagée entre les différentes législatures canadiennes4 – de préserver la confiance du public dans les marchés boursiers5, mais également de protéger les émetteurs publics contre des recours introduits par opportunisme, dans l’espoir d’obtenir un règlement plutôt que pour obtenir l’indemnisation d’un préjudice réel6. À ce compte, l’investisseur qui se dit floué devra démontrer au tribunal auquel l’autorisation est demandée que le recours entrepris l’est «?de bonne foi et qu’il existe une possibilité raisonnable que le demandeur ait gain de cause?» (art. 225.4 al. 3 Lvm). Cette démonstration devrait survenir aussi tôt que possible, afin que les ressources judiciaires ne soient engagées que pour des débats méritoires. Interaction avec l’action collective Si le recours prend en outre la forme d’une action collective, l’investisseur devra par la suite démontrer que le recours envisagé satisfait les critères de l’autorisation d’une action collective (art. 575 Cpc), fardeau dont la légèreté est acquise, s’agissant simplement de démontrer, quant au fond, que les «?faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées?» (art. 575[3] Cpc)7. Non seulement la Lvm et le Cpc posent-ils des fardeaux distincts, mais l’autorisation qu’ils commandent intervient à des moments distincts dans la logique du recours : l’autorisation requise par l’article 225.4 Lvm doit, en toute logique, précéder celle imposée par l’article 575 Cpc, bien que rien n’empêche qu’un seul jugement dispose des deux questions8. Ces distinctions posées, il ressort que toute demande visant à permettre à un investisseur de satisfaire le fardeau de l’article 225.4 Lvm doit être analysée selon les règles que pose cette disposition et non celles propres à l’action collective9. Le jugement dont appel n’est donc pas un [traduction] « jugement préalable autorisant une action collective », mais bien un [traduction] « jugement préalable autorisant un recours en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières »10. Partant, il doit être contrôlé suivant les prescriptions et l’esprit de cette loi11. Le jugement dont appel En l’espèce, le juge de première instance avait fait droit à une demande de divulgation documentaire, s’appuyant sur les principes généraux de la procédure civile québécoise, au premier chef, le devoir de collaboration des parties (art. 20 Cpc)12. Il parvenait ainsi à une solution unique dans le paysage juridique canadien13. Après avoir conclu que le jugement dont appel, rendu en cours d’instance, dépassait largement le cadre de la conférence de gestion dans laquelle il avait été prononcé pour trancher une question de principe14, et que les critères d’autorisation applicables, soient ceux de l’article 31 al. 2 Cpc, étaient satisfaits15, la Cour d’appel devait s’interroger sur le bien-fondé de la décision du juge de première instance de recourir aux principes généraux de la procédure civile québécoise pour trancher les demandes de divulgation documentaire qui lui avaient été soumises. S’il est vrai que les principes généraux du Code de procédure civile peuvent suppléer aux silences des autres lois16, encore faut-il qu’un tel silence existe. Or, selon la Cour d’appel, lorsque l’on considère les raisons d’être et l’historique de l’article 225.4 Lvm, notamment son objectif d’écarter aussi tôt que possible les recours opportunistes17 et l’uniformité des dispositions en la matière au Canada18,on ne peut considérer qu’un tel silence existe. Au contraire, les juges chargés d’autoriser de tels recours doivent, afin d’éviter de court-circuiter l’exigence de l’autorisation préalable, les recherches à l’aveuglette et les mini-procès, obliger les demandeurs à satisfaire eux-mêmes leur fardeau19. Ni la combinaison des articles 20 et 221 Cpc ni le cadre particulier de l’action collective ne peuvent fléchir cet interdit20. La demande documentaire visant à permettre aux investisseurs de satisfaire le fardeau préalable imposé par l’article 225.4 Lvm aurait donc dû être rejetée. Par contre, celle visant l’obtention de contrats d’assurance ne relevait pas du cadre particulier de l’article 225.4 Lvm. Par conséquent, la Cour d’appel n’intervient pas dans l’ordonnance du juge de première instance, qui a estimé qu’elle était justifiée dans la mesure où elle permettait d’identifier des parties potentielles au litige, au regard du principe de collaboration (art. 20 Cpc), mais surtout du principe développé de longue date voulant que le tiers souhaitant exercer son droit d’action contre l’assureur de l’auteur de son préjudice puisse obtenir tous les documents nécessaires à l’exercice utile de ce droit (art. 2501 CcQ)21. L’arrêt ne se prononce pas directement sur la possibilité pour la demande d’obtenir «la présentation d’une preuve appropriée» au sens de l’article 574 al. 3 Cpc – un type de demande traditionnellement tenu comme devant relever de la contestation, c’est-à-dire être le fait de la défense – dans la mesure où les allégations de la demande d’autorisation d’une action collective doivent, à ce stade, être tenues pour avérées22. En bref L’article 225.4 Lvm est la manifestation québécoise d’une volonté commune des législateurs canadiens de créer un filtre en matière de recours touchant le marché secondaire, afin de préserver la confiance des investisseurs et de décourager les poursuites frivoles. Par conséquent, aucune demande de divulgation préalable visant à satisfaire le critère de l’autorisation posé par l’article 225.4 Lvm nedevrait être accordée, ni dans un contexte d’action collective ni autrement. Par contre, la demande de divulgation qui a un autre objet que celui-là –celle cherchant à attraire un assureur au dossier par exemple– sera évaluée selon les règles ordinaires de la procédure civile québécoise. Theratechnologies Inc. c. 121851 Canada inc., [2015] 2 RCS 106, 2015 CSC 18 Banque canadienne impériale de commerce c. Green, [2015] 3 RCS 801, 2015 CSC 60 Par. 52 Par. 97 Par. 84 Par. 49 et 84; suivant notamment Theratechnologies Inc. c. 121851 Canada inc., [2015] 2 RCS 106, 2015 CSC 18 ou Banque canadienne impériale de commerce c. Green, [2015] 3 RCS 801, 2015 CSC 60 Par. 50 Par. 20, 46 et 54 Par. 45 Par. 42, 45 et 55 Par. 55 Derome c. Amaya inc., 2017 QCCS 44, par. 79 et s. Par. 36; comparer : Mask v. Silvercorp Metals Inc., 2016 ONCA 641 et Mask v. Silvercorp Metals Inc., 2014 ONSC 4161 - permission d’appeler refusée : Mask v. Silvercorp Metals, Inc., 2014 ONSC 464 (Ont. Div. Ct); Bayens v. Kinross Gold Corp., 2013 ONSC 6864; Silver v. Imax, (2009) 66 B.L.R. (4th) 222, leave to appeal ref'd, Silver v. Imax, 2011 ONSC 1035 (Ont. Div. Ct) Par. 66 et s., la permission d'appeler avait été déférée à une formation de la cour : Amaya inc. c. Derome, 2017 QCCA 335. Par. 73 à 79 Par. 100 et s., citant l’alinéa 3 de la disposition préliminaire du Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01 voulant qu’«?Enfin, le Code s’interprète et s’applique comme un ensemble, dans le respect de la tradition civiliste. Les règles qu’il énonce s’interprètent à la lumière de ses dispositions particulières ou de celles de la loi et, dans les matières qui font l’objet de ses dispositions, il supplée au silence des autres lois si le contexte le permet.?» Par. 49 et 84 Par. 9 et 97 Par. 9 et 93 Par. 106 et 107 Collège d'enseignement général et professionnel de Jonquière (CÉGEP) c. Champagne, 1996 CanLII 4413 (CA) Benizri c. Canada Post Corporation, 2016 QCCS 454, par. 6
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Vaste réforme des règles régissant l'encadrement et
les opérations au sein du secteur financier du QuébecLe 5 octobre 2017, le ministre des Finances du Québec, Carlos J. Leitão, a présenté à l’Assemblée nationale du Québec le Projet de loi n° 141, Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières (« Projet de loi »). Cet important projet de législation (près de 750 articles sur 470 pages) propose de remanier en profondeur plusieurs des règles régissant le fonctionnement des institutions de dépôt et des assureurs, de même que la distribution de produits et services financiers (« PSF ») dans la province. Le Projet de loi propose notamment de modifier/d’adopter les lois suivantes : Loi sur les assurances (abrogée) Code des professions Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne (remplacée) Loi sur les coopératives de services financiers Loi sur le Mouvement Desjardins (abrogée) Loi sur l’assurance-dépôts devient Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts) Loi sur les instruments dérivés Loi sur les entreprises de services monétaires Loi sur l’assurance automobile Loi sur l’Autorité des marchés financiers (devient Loi sur l’encadrement du secteur financier) Loi sur la distribution de produits et services financiers Loi sur le courtage immobilier Loi sur les assureurs (adoptée) Loi sur les valeurs mobilières Voici, en se basant sur le discours de présentation du Projet de loi par le ministre, un résumé des 13 principaux types de mesures qui y sont prévues : Assurances — Une Loi sur les assureurs est proposée en remplacement de la Loi sur les assurances. Elle prévoit notamment les dispositions applicables à la surveillance et au contrôle des affaires d'assurance et des activités des assureurs autorisés (ancienstitulaires de permis) au Québec, de même que des dispositions relatives à la constitution, au fonctionnement et la dissolution des assureurs constitués au Québec. Cette nouvelle Loi sur les assureurs met également à jour les règles encadrant les activités d'assurance d’organismes d'autoréglementation, notamment les ordres professionnels. Coopératives de services financiers — Le Projet de loi modifie la Loi sur les coopératives de services financiers (essentiellement, des caisses d’épargne membres du Groupe Coopératif Desjardins) afin de préciser, entre autres, certaines règles relatives à leur organisation et à leur fonctionnement. Notamment, le Projet y ajoute un chapitre concernant le Groupe coopératif Desjardins, en remplacement de la Loi sur le Mouvement Desjardins, qui sera abrogée. Assurance des dépôts — Le Projet de loi modifie la Loi sur l'assurance-dépôts afin notamment d'y ajouter un régime de surveillance et de contrôle des affaires de collecte de dépôts, les institutions de dépôt autorisées au Québec, ainsi que des dispositions visant à permettre la résolution des problèmes associés au défaut des institutions de dépôt faisant partie d'un groupe coopératif. Le titre de cette loi est aussi modifié afin qu'il reflète les modifications apportées à celle-ci. Sociétés de fiducie — La Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne est remplacée par une loi portant le même titre, mais qui prévoit, pour ce type de sociétés, un encadrement qui sera plus cohérent avec celui qui s’appliquera aux assureurs et institutions de dépôt. Courtage immobilier — La Loi sur le courtage immobilier sera modifiée afin notamment d’y définir le contrat de courtage immobilier et de transférer à l'Autorité des marchés financiers (« AMF ») la surveillance et l'encadrement des courtiers hypothécaires. Produits et services financiers — Le Projet de loi modifie la Loi sur la distribution des produits et services financiers afin de confier à l'AMF et au Tribunal administratif des marchés financiers (« TAMF ») les missions d’autoréglementation actuelles de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l’assurance de domdommages. Il propose également un ensemble de modifications visant à faciliter la distribution en ligne de PSF et son encadrement. Loi sur l’AMF — Le Projet de loi modifie la Loi sur l'Autorité des marchés financiers afin d'y introduire des dispositions visant à protéger les dénonciateurs de contravention aux règles applicables, à constituer au sein de l'AMF un comité ayant pour mission de faire valoir auprès de celle-ci l'opinion des consommateurs de PSF et de prévoir, pour le TAMF, un régime similaire à celui d'autres tribunaux administratifs provinciaux, tel que le Tribunal administratif du Québec. La Loi sur l’AMF sera renommée, et deviendra la Loi sur l’encadrement du secteur financier. Assurance frais funéraires — Le Projet de loi modifie le Code civil du Québec afin de permettre la conclusion de contrats d'assurance de frais funéraires et modifie la Loi sur les arrangements préalables de services funéraires et de sépulture afin de leur apporter un encadrement adéquat. Assurance automobile — La Loi sur l'assurance automobile sera modifiée pour y préciser les modalités de communication de renseignements à l'occasion de l'obtention ou du renouvellement d'une assurance automobile. Services monétaires — La Loi sur les entreprises de services monétaires sera également modifiée afin de prévoir la vérification périodique (aux trois ans) de l'entreprise de services monétaires par les corps policiers compétents. Produits dérivés — Le Projet de loi ajoute les plateformes de négociation d’instruments dérivés parmi les entités réglementées en vertu de la Loi sur les instruments dérivés. Valeurs mobilières — Le Projet de loi modifie la Loi sur les valeurs mobilières notamment afin de remplacer la définition de « fonds d'investissement à capital fixe », de prévoir des restrictions au partage de commissions reçues par certains courtiers, et de prévoir la suspension de la prescription lorsqu'est déposée une demande d'autorisation d’exercer une action en dommages-intérêts en vertu de cette loi. Lois administrées par l’AMF — Finalement, le Projet de loi modifie les lois dont l'administration relève de l'AMF (listées à l’Annexe I de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers) afin de préciser la durée des ordonnances de blocage que ces lois lui permettent d'obtenir et de prévoir les modalités et conditions selon lesquelles elle pourra distribuer les sommes qui lui sont remises en vertu d'une ordonnance de restitution rendue sous l’autorité de ces lois. C’est donc une réforme très étendue qui est proposée par le Projet de loi 141. Les mesures qu’elle comporte : procèdent à une quasi-refonte de certaines lois (coopératives de services financiers de Desjardins, sociétés de fiducie, assurancedépôts); visent à donner une base juridique à des opérations qui présentement sont non régies ou non permises par la loi (par ex. l’offre ou la distribution en ligne de PSF); intègrent certaines normes de réglementation supranationales dans le cadre réglementaire québécois (par ex. résolution / liquidation ordonnée d’institutions financières systémiquement importantes); redéploient l’exercice des fonctions de réglementation, de supervision et d’application forcée des règles dans le secteur financier; et édictent de nombreuses nouvelles règles ciblées, notamment en assurance (unions réciproques d’assurance; exemption d’autorisation (permis) pour fournisseurs de produits de garantie prolongée assimilable à l’assurance; les pratiques commerciales). La portée est immense pour nos clients opérant dans le secteur financier québécois, tout particulièrement pour ceux qui veulent efficacement saisir les opportunités qui seront offertes par le nouvel encadrement du marché financier québécois. Ceux-ci voudront maintenant : savoir à quoi les exposent les mesures du Projet de loi pour pouvoir se positionner de façon concurrentielle, ou même ajuster leurs projets en cours en prévision de ce qui s’annonce; consulter pour se définir de nouvelles stratégies et pouvoir les déployer efficacement, dans le respect des nouvelles règles dont l’adoption est annoncée; participer, séparément ou en groupe, aux consultations que le ministre des Finances entend tenir sur le Projet de loi en commission parlementaire, afin de faire valoir leur point de vue et de proposer des améliorations aux mesures qui y sont actuellement promues par le gouvernement.
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La gestion des conflits d’intérêts potentiels dans les fonds d’investissement
L’asymétrie considérable d’information entre les gestionnaires de fonds d’investissement et leurs investisseurs1 peut créer d’importants conflits d’intérêts qui doivent être gérés adéquatement. Le présent article vise à résumer les principaux types de conflits d’intérêts que l’on retrouve dans les structures des fonds de capital-investissement (private equity), de capital de risque (venture capital) et de couverture (hedge funds) et à présenter les moyens de les atténuer ou de les prévenir. L’idée que les conflits d’intérêts doivent être gérés adéquatement n’est pas nouvelle. Cependant, depuis 2015, cette idée a pris une importance plus marquée dans les examens réglementaires de la Securities and Exchange Commission (la « SEC ») des États-Unis2, en plus de figurer parmi les priorités en matière de vérification diligente opérationnelle d’investisseurs au Canada et aux États-Unis3. Le problème découle principalement des imperfections inhérentes à la structure des fonds de capital-investissement, de capital de risque et de couverture, qui impliquent nécessairement un certain niveau d’asymétrie au niveau de l’information à laquelle les gestionnaires et les investisseurs ont accès et qui créent des situations de conflits d’intérêts, notamment en ce qui a trait, comme on le verra plus loin, au mode de rémunération des gestionnaires de la plupart de ces fonds. Situations de conflits d’intérêts fréquentes Rémunération Le régime de rémunération des fonds d’investissement peut créer de nombreux conflits d’intérêts inhérents. En effet, même si la plupart des fonds de capital-investissement, de capital de risque et de couverture prévoient un intéressement à la performance (carried interest), une importante portion de la rémunération des gestionnaires provient des frais de gestion imputés au fonds. Ces frais de gestion sont censés rémunérer le gestionnaire pour les frais généraux encourus dans le cadre des opérations quotidiennes du fonds et ne sont pas conçus pour être une source de profits. Toutefois, lorsque le gestionnaire participe activement à la gestion des actifs qui composent le fonds (ce qui est fréquent dans les fonds de capital-investissement et de capital de risque), ces frais de gestion ne couvrent habituellement pas tous les frais généraux encourus (par exemple, en raison du besoin d’embaucher des employés pour surveiller une société de portefeuille). Dans de telles situations, le gestionnaire cherchera souvent d’autres formes de rémunération en imposant des frais ou des dépenses supplémentaires aux fonds d’investissement ou aux sociétés de portefeuille dans lesquelles ces fonds investissent. Ces frais peuvent prendre la forme de frais de gestion d’actifs ou de frais de négociation pour un investissement ou pour la gestion quotidienne d’un investissement. Ils peuvent aussi prendre la forme d’une rémunération versée directement aux représentants du gestionnaire qui occupent des postes de dirigeants ou d’administrateurs dans ces sociétés de portefeuille. Ce type de rémunération ne pose pas de problème en soi, mais crée néanmoins un conflit d’intérêts inhérent, dans la mesure où ces frais additionnels représentent une dépense assumée directement ou indirectement par le fonds, tout en constituant en réalité une source de revenus pour le gestionnaire ou ses représentants. Par conséquent, et considérant que ces frais ou dépenses diminuent la valeur globale de l’actif des fonds, il est impératif que ces frais et ces conflits potentiels soient dûment divulgués aux investisseurs (les documents d’information doivent décrire le type ou la nature des frais, ainsi que la façon dont ils seront calculés4). Le moment auquel ces déclarations sont faites est important. En effet, au moment d’investir dans un fonds, les investisseurs doivent savoir que le gestionnaire, les membres de son groupe ou ses représentants peuvent imputer ce type de frais au fonds ou à l’une des sociétés de son portefeuille. Une déclaration faite durant la vie du fonds (par exemple, lors du paiement des frais) serait jugée insuffisante et inadéquate. En guise d’exemple, la société Blackstone Management Partners (« Blackstone ») s’est vu imposer en 2015 une sanction administrative pécuniaire au motif qu’elle avait omis de déclarer le fait qu’elle pouvait, au terme des conventions de surveillance conclues avec les sociétés de portefeuille de ses fonds, accélérer le paiement des futurs frais de surveillance imputés à ces sociétés5. Or, Blackstone a mis fin à ces conventions de surveillance lors de la vente privée ou le premier appel public à l’épargne de ces sociétés de portefeuille et a alors accéléré le paiement des frais de surveillance futurs. Soulignons que Blackstone avait divulgué à ses investisseurs, au moment de leur placement, qu’elle pouvait recevoir des frais de surveillance de la part des sociétés de portefeuille détenues par les fonds qu’elle conseillait, et qu’elle avait déclaré pendant la vie des fonds le montant des frais de surveillance accélérés. Néanmoins, la SEC a conclu à une violation du Investment Advisers Act of 1940, car Blackstone n’avait pas divulgué aux commanditaires du fonds, avant qu’ils aient fait leur engagement de capital (capital commitment), qu’elle pouvait accélérer les futurs frais de surveillance en mettant un terme aux conventions de surveillance. Cette décision illustre l’importance de déclarer non seulement les frais et dépenses qui pourraient être à la charge des investisseurs et des fonds, mais aussi les circonstances pouvant entraîner une augmentation ou une diminution du montant de ces frais ou dépenses. L’exemple de Blackstone montre bien l’importance d’avoir une divulgation suffisamment détaillée à la notice de placement privé (private placement memorandum) ou notice d’offre (offering memorandum) (ou tout autre document d’information) fournie aux investisseurs lorsqu’ils souscrivent au fonds6. Cette divulgation devrait par exemple mentionner la possibilité que les représentants d’un fonds de capital de risque puissent recevoir des actions ou une rémunération dans le cadre de leur participation au conseil d’administration des entreprises en démarrage (start-ups) dans lesquelles le fonds investit. Les gestionnaires de fonds de couverture devraient prendre soin de déclarer toute entente avec un conseiller ou sous-conseiller en valeurs, un courtier en valeurs7 ou un dépositaire (en particulier les ententes de référencement de clients et les ententes de paiement indirect (soft dollar arrangements)). Les gestionnaires qui organisent leurs fonds selon une structure « master-feeder »8 doivent veiller à ce que leurs documents d’information précisent bien comment les frais et les dépenses encourus au bénéfice des différents fonds dans le montage seront distribués entre ces fonds. Il ne s’agit que de quelques exemples du type d’information qui doit être communiqué aux investisseurs dans le cadre de leur vérification diligente préalable à l’investissement. En plus de l’information communiquée aux investisseurs au moment de leur souscription, les gestionnaires doivent s’assurer que les rapports trimestriels et annuels fournis aux investisseurs énoncent clairement la rémunération perçue directement ou indirectement par le gestionnaire, les membres de son groupe et ses représentants. Dans le cadre de ses meilleures pratiques en matière de production de rapports9, la Institutional Limited Partners Association (la « ILPA ») fournit des gabarits de documents d’information à inclure dans les rapports trimestriels, dont peuvent se servir les gestionnaires pour s’assurer de bien communiquer toute l’information nécessaire. Les fonds d’investissement régis par le Règlement 81-106 sur l’information continue des fonds d’investissement10 (« Règlement 81-106 »)11 doivent aussi tenir compte des règles qu’il contient, en particulier la rubrique 2.5 de l’Annexe 81-106A1, qui porte sur l’information devant figurer au rapport annuel et intermédiaire de la direction sur le rendement du fonds, dans laquelle on peut lire que le montant et la répartition des commissions ou des autres frais payés par le fonds d’investissement aux parties liées12 dans le cadre d’une opération de portefeuille doivent être présentés sous le titre « Opérations entre parties liées ». Quel que soit le niveau d’information fourni dans la notice ou dans les rapports trimestriels, les gestionnaires doivent aussi s’assurer que les documents constitutifs du fonds les autorisent explicitement à imputer les frais (ou d’autres formes de rémunération) qui sont directement ou indirectement imputés aux fonds. Par ailleurs, nonobstant les exigences existantes en matière de déclaration d’intérêts, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières prévoient aussi que les gestionnaires inscrits doivent évaluer si tel avantage ou telle pratique de rémunération pourrait être incompatible avec leurs obligations envers leurs clients13. Opérations entre des fonds administrés par un même gestionnaire Un autre conflit d’intérêts fréquent est celui qui résulte du transfert, dans le cadre de la liquidation d’un fonds de capital-investissement ou de capital de risque, des parts que le fonds détenait dans certaines sociétés de portefeuille vers un fonds consécutif (follow-on fund). De tels transferts se produisent lorsque le gestionnaire, faute d’avoir pu identifier une opportunité de sortie, considère que le rendement de l’investissement dans la société de portefeuille en justifie le transfert dans un fonds consécutif. Cette situation crée toutefois un conflit d’intérêts inhérent, puisque le gestionnaire du fonds négocie pour les deux parties, administrant à la fois le fonds d’origine qui vend ses parts dans la société de portefeuille et le fonds consécutif qui les achète. Le gestionnaire pourrait ainsi avoir avantage à maximiser l’intéressement à la performance qu’il recevra du fonds vendeur ou, selon le rendement de ce dernier, à utiliser la société de portefeuille comme actif de démarrage prometteur pour le fonds consécutif. Comme le gestionnaire négocie avec lui-même, les investisseurs pourraient craindre que la transaction ne soit pas conclue à la juste valeur marchande. Ceci pourrait nuire aux investisseurs du fonds vendeur ou consécutif vu que, de manière générale, seulement une partie des commanditaires d’un fonds d’origine – rarement la totalité – investiront dans le fonds consécutif. La meilleure façon de traiter ce genre de conflit d’intérêts est de spécifier, dans les documents constitutifs du fonds, que si une transaction a lieu entre des fonds administrés par le gestionnaire du fonds, ce dernier obtiendra, de la part d’un évaluateur tiers indépendant, une évaluation formelle des sociétés de portefeuille concernées, ou soumettra pour approbation le prix et les modalités de l’opération aux investisseurs ou au comité consultatif du fonds. Les documents constitutifs pourraient également prévoir la conduite, à la demande des investisseurs ou du comité consultatif du fonds, d’une évaluation indépendante par un tiers. Les fonds dont les périodes et les politiques d’investissement se chevauchent peuvent mener à une autre situation où un gestionnaire pourrait avoir avantage à favoriser un ou plusieurs des fonds qu’il administre au détriment des autres. Un gestionnaire dans cette situation aura à choisir quels fonds investiront dans une opportunité donnée, et dans quelle proportion. Encore une fois, le gestionnaire pourrait être tenté de favoriser certains fonds au détriment des autres, selon leur rendement ou leur structure de rémunération. Typiquement, les règles établies dans les documents constitutifs de fonds de capital-investissement et de capital de risque interdisent à leurs gestionnaires d’administrer simultanément des fonds concurrents14, pour éviter de tels conflits d’intérêts. Lesdits documents constitutifs prévoiront néanmoins souvent une exception à la règle en autorisant un gestionnaire à créer un fonds consécutif (possédant une politique d’investissement similaire à celle du fonds d’origine ou qui la chevauche) dès qu’un certain pourcentage des engagements de capital non utilisés (undrawn capital commitments) du fonds d’origine a été investi (ou réservé pour des investissements ou dépenses consécutifs (followon investments)). La meilleure façon pour les investisseurs de se prémunir contre ce genre de conflit d’intérêts inhérent est d’exiger, dans les documents constitutifs du fonds ou des lettres accessoires (side letters), que le gestionnaire fasse en sorte que les deux fonds effectuent des investissements parallèles durant la période de chevauchement, en fonction du montant d’engagement de capital non utilisé de chaque fonds. Généralement, contrairement aux gestionnaires de fonds de capital-investissement et de capital de risque, les gestionnaires de fonds de couverture ne sont pas empêchés d’administrer des fonds concurrents; ils administrent même souvent, de manière simultanée, divers fonds comportant des politiques d’investissement qui se chevauchent (et gèrent parfois également le compte d’autres clients sous mandat discrétionnaire). Ces gestionnaires devraient toutefois adopter une politique claire d’attribution des opportunités d’investissement à leurs fonds, et cette politique devrait être suffisamment détaillée pour permettre à un investisseur de déterminer si un investissement en respecte les modalités. Il serait en outre préférable que la politique ne se limite pas à déclarer que le gestionnaire attribuera les opérations de manière juste et équitable à la lumière des objectifs et stratégies d’investissement des fonds, entre autres facteurs. En fait, le contenu de la politique devrait être décrit de manière adéquate aux investisseurs dans la notice de placement privé qu’ils reçoivent lorsqu’ils souscrivent au fonds. La notice de placement privé devrait aussi énoncer clairement la possibilité d’un tel conflit d’intérêts et, le cas échéant, la procédure que suivra le gestionnaire pour le résoudre. Conclusion Dans le présent article, nous avons décrit certains des conflits d’intérêts les plus communs, mais il ne s’agit pas d’une liste exhaustive. Par exemple, durant la vie d’un fonds, différentes opérations entre « parties liées » peuvent avoir lieu. Le gestionnaire et les investisseurs ont tous intérêt à ce que les documents constitutifs et les documents d’information « ce ne sont pas tous les conflits d’intérêts qui posent problème et qui doivent être résolus. » des fonds définissent clairement les transactions qui seront considérées comme des « opérations entre parties liées » et la manière dont ces opérations seront traitées et évaluées par les gestionnaires ou le comité consultatif15. En étant suffisamment détaillés, les documents d’information indiqueront clairement aux gestionnaires quelles situations correspondent à des « opérations entre parties liées » et sont donc sujettes aux règles sur les conflits d’intérêts qu’il aura établies. Pour mieux baliser le concept de « parties liées », les gestionnaires et les investisseurs pourront s’inspirer de la définition contenue dans le gabarit de rapport de la ILPA16. Par ailleurs, les investisseurs doivent être conscients que ce ne sont pas tous les conflits d’intérêts qui posent problème et qui doivent être résolus. Dans tout fonds, il existe une certaine divergence entre les intérêts du gestionnaire et ceux des investisseurs17. Or, il est impossible d’arriver à une parfaite concordance des intérêts de façon économique. Par conséquent, au lieu de chercher une concordance parfaite des intérêts du gestionnaire et des leurs ou d’essayer de donner au comité consultatif un pouvoir de surveillance sur tout type de divergence, les investisseurs doivent accepter que les actions de leur gestionnaire puissent entrer en conflit avec leurs propres intérêts. Au moment de négocier les clauses sur les conflits d’intérêts dans la convention de société en commandite d’un fonds ou d’une lettre accessoire, toutes les parties concernées devraient adopter une approche équilibrée et baliser clairement les situations dans lesquelles le comité consultatif doit être consulté ou doit approuver une opération entre parties liées. Sur la question de l’asymétrie de l’information dans les fonds d’investissement, voir SAHLMAN, William A. « The Structure and Governance of Venture-Capital Organizations ». Journal of Financial Economics, vol. 27, pp. 473-521. Securities and Exchange Commission speech – Julie M. Riewe, Coprésidente, Gestion d’actifs, Division of Enforcement, « Conflicts, conflicts everywhere », 26 février 2015. Cet article cite certains règlements et instructions générales des autorités canadiennes en valeurs mobilières (« ACVM ») et certains dossiers litigieux de la SEC aux États-Unis. Bien que plusieurs fonds de capital-investissement ou fonds de capital de risque canadiens et leurs gestionnaires ne sont pas sujets à la réglementation des ACVM et, par conséquent, ne sont pas régis par ces règlements et cette jurisprudence, les normes développées par les ACVM et la jurisprudence de la SEC peuvent potentiellement appuyer une action intentée au Canada par des investisseurs contre un gestionnaire non inscrit, pour avoir manqué à ses obligations fiduciaires, selon le Code civil du Québec, les documents constitutifs du fonds ou la législation en valeurs mobilières de certaines provinces prévoyant certains droits statutaires de résiliation ou de dommages pour déclaration fausse ou trompeuse dans la notice de placement privé. Les normes indiquées dans cet article devraient par conséquent servir de guide également pour les gestionnaires canadiens non inscrits. Dans la situation où les frais sont basés sur la valeur des actifs sous gestion, la divulgation d’information devra clarifier la façon dont ces actifs seront évalués. SEC, Litigation, Release No. 4219, 2015. Selon l’Instruction générale 31-103, l’information communiquée devrait être mise en évidence et être rédigée de façon précise, claire et explicite pour les clients, et devrait expliquer le conflit d’intérêts et son effet possible sur le service offert aux clients. Voir en particulier les exigences formulées dans le Règlement 23-102 sur l’emploi des courtages et l’instruction générale connexe. Rappel : Les gestionnaires inscrits sont tenus de fournir « la meilleure exécution », c’est-à-dire qu’ils doivent trouver les conditions d’exécution les plus avantageuses pouvant raisonnablement être obtenues dans les circonstances lorsqu’ils sélectionnent un courtier pour des opérations effectuées au nom du fonds, comme le prescrit le Règlement 23-101 sur les règles de négociation. Certains traduisent parfois cette expression en français par « structure maître-nourricier ». ILPA Best Practices. Voir plus précisément les notes 4 et 5 du rapport type anenexé aux rapports standards trimestriels, version 1.1 du ILPA (publié en octobre 2011 et révisé en septembre 2016). Règlement 81-106 sur l’information continue des fonds d’investissement au Québec. Le Règlement 81-106 s’applique aux fonds d’investissement (tel que défini dans la Loi sur les valeurs mobilières (Québec)) qui sont des émetteurs assujettis. Pour plus d’information sur la définition de fonds d’investissement dans la Loi sur les valeurs mobilières (Québec), consulter notre article « Exigences d’inscription visant les gestionnaires de fonds de capital de risque et de capital investissement au Canada : un cadre réglementaire favorable » publié en mai 2014 dans le bulletin Lavery Capital. La notion de « parties liées » du Règlement 81-106 renvoie au Manuel de l’Institut canadien des comptables agréés. Voir la rubrique 13.4 de l’Instruction générale 31-103 dans la section « Pratiques en matière de rémunération ». Voir aussi la section sur les conflits d’intérêts liés à la rémunération de l’Avis 12-0108 de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM). Dans cet article, les « fonds concurrents » désignent des fonds autorisés à investir dans les mêmes opportunités; ainsi, relativement à certains types d’opportunités d’investissement, ces fonds peuvent être considérés comme des concurrents. On voit surtout cette exigence dans les fonds d’investissement s’adressant à des investisseurs institutionnels, et non dans les fonds grand public. Voir l’onglet « Related Party Definition » du gabarit de rapport de la ILPA (version 1.1, publiée en janvier 2016). Par exemple, en raison du régime de l’intéressement à la performance que l’on trouve dans de nombreux fonds, le gestionnaire souhaitant obtenir une rémunération plus généreuse aura intérêt à faire des investissements plus risqués ou plus spéculatifs que ce qui serait normalement dans l’intérêt des investisseurs.
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CRS : Soyez prêt pour le 1er juillet 2017
CRS : entrée en vigueur le 1er juillet Le Common Reporting Standard (« CRS »), aussi connu sous le nom de Norme commune de déclaration (« NCD »), imposera de nouvelles obligations aux institutions financières, y compris aux fonds d’investissement, et ce, dès le 1er juillet 2017. Ces règles s’ajoutent aux règles découlant du Foreign Account Tax Compliance Act (« FATCA »), lesquelles s’appliquent déjà aux fonds d’investissement canadiens. L’entrée en vigueur du CRS signifie qu’à partir de 2018, au moment de faire ses déclarations, tout fonds d’investissement qui ne se sera pas conformé à ses obligations de vérification diligente et de déclaration relativement aux comptes financiers qu’il maintient pourrait se voir imposer des pénalités. Nouveaux guides de l’Agence du revenu du Canada : Guide CRS Guide FATCA Formulaires d’autocertification : - pour les entités : français et anglais - pour les particuliers : français et anglais L’Agence du revenu du Canada (« ARC ») a récemment publié de nouveaux guides visant à aider les institutions financières à se conformer à leurs obligations en vertu du FATCA et du CRS. Voici donc un aperçu des nouvelles mesures qui seront mises en place et des publications récentes de l’Agence du revenu du Canada. CRS Le Canada a signé l’Accord multilatéral entre autorités compétentes (« AMAC ») pour l’échange automatique de renseignements, le 2 juin 2015. Par cet accord, le Canada s’est engagé à mettre en œuvre le CRS. Le CRS a pour but de rendre l’évitement fiscal plus complexe pour les contribuables. Il préconise la coopération internationale par la mise en place d’un système de transmission automatique d’informations fiscales parmi les pays qui y adhèrent. Au Canada, l’inclusion de cette norme se fera par une modification de la Loi de l’impôt sur le revenu1. Cette modification entrera en vigueur le 1er juillet 2017. Le CRS impose de communiquer certains renseignements à l’ARC afin que celle-ci transmette ces informations aux pays concernés pour que les impôts dus soient payés. Cette norme définit les informations à échanger relatives aux comptes financiers, les institutions financières qui ont l’obligation de déclarer, les procédures de diligence raisonnable, les différents types de comptes et les contribuables visés. Le CRS s’inspire fortement du FATCA2. Vérification diligente La procédure de vérification diligente exige que les institutions financières, dont les fonds d’investissement, identifient les comptes déclarables par la collecte de renseignements auprès des titulaires de comptes. Cette procédure a pour objectif principal de déterminer la résidence fiscale des titulaires de comptes et de leurs bénéficiaires effectifs. Les institutions financières sont donc tenues de rechercher des indices liés aux titulaires de comptes et de faire remplir aux titulaires des formulaires d’autocertification afin de confirmer leur statut de résident. Toute entité ou tout particulier qui désire ouvrir un compte après le 30 juin 2017, et même avant, doit communiquer ces informations au fonds d’investissement afin de pouvoir procéder à l’ouverture du compte et à son investissement. Déclaration de renseignements Chaque institution financière, y compris chaque fonds d’investissement, devra, après avoir identifié les comptes déclarables, communiquer l’information requise à l’ARC. La déclaration s’effectue par voie électronique. Des renseignements généraux tels que les nom, adresse, numéro d’identification fiscal étranger, juridiction, date de naissance du titulaire de chaque compte déclarable devront être rapportés par l’institution. Il faudra également communiquer le solde des comptes à la fin de l’année et les paiements effectués en cours d’année. Ces informations seront directement acheminées par l’ARC aux autorités fiscales du pays de résidence du titulaire du compte ou des bénéficiaires effectifs. Nouvelles publications de l’ARC Le 22 mars dernier, en même temps que la présentation du budget fédéral 2017, l’ARC a publié deux nouveaux guides, un sur le CRS et l’autre sur le FATCA, conçus pour les institutions financières.En plus des guides, l’ARC a mis en ligne de nouveaux modèles de formulaires d’autocertification que pourront utiliser les institutions financières pour s’assurer d’avoir obtenu toute l’information nécessaire afin de se conformer aux normes. L’utilisation de ces formulaires n’est pas obligatoire, mais elle est recommandée par l’ARC. Les institutions qui prennent la décision de continuer d’utiliser leurs propres formulaires ou les formulaires américains W8 doivent s’assurer qu’elles respectent toutes leurs obligations et que leurs formulaires demandent toutes les informations et attestations nécessaires. Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)), partie XIX. www.lavery.ca/fr/publications, voir bulletin Lavery Captal, No 4, avril 2015.
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Budget 2017 du Canada et intelligence artificielle : votre entreprise est-elle prête?
Le Budget du 22 mars 2017 du Gouvernement du Canada, dans son « Plan pour l’innovation et les compétences » (http://www.budget.gc.ca/2017/docs/plan/budget-2017-fr.pdf) mentionne que le leadership démontré par le milieu universitaire et celui de la recherche au Canada dans le domaine de l’intelligence artificielle se traduira par une économie plus innovatrice et une croissance économique accrue. Le budget 2017 propose donc de fournir un financement renouvelé et accru de 35 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2017-2018, pour l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA), qui jumelle les chercheurs canadiens à des réseaux de recherche en collaboration dirigés par d’éminents chercheurs canadiens et internationaux pour effectuer des travaux sur des sujets qui touchent notamment l’intelligence artificielle et l’apprentissage profond (deep learning). Ces mesures s’ajoutent à plusieurs mesures fiscales fédérales et provinciales intéressantes qui appuient déjà le secteur de l’intelligence artificielle. Au Canada et au Québec, le programme de recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE) procure des avantages à deux volets : les dépenses de RS&DE sont déductibles du revenu aux fins de l’impôt et un crédit d’impôt à l’investissement (CII) pour la RS&DE est offert pour réduire l’impôt. Le solde du CII est remboursable dans certains cas. Au Québec, un crédit d’impôt remboursable est également disponible pour le développement des affaires électroniques lorsqu’une société exerce principalement ses activités dans les domaines de la conception de systèmes informatiques ou de l’édition de logiciels et qu’elles sont effectuées dans un établissement situé au Québec. Ce Budget 2017 vise donc à rehausser l’avantage concurrentiel et stratégique du Canada en matière d’intelligence artificielle, et par le fait même celui de Montréal, une ville qui jouit déjà d’une réputation internationale dans ce domaine. Il reconnaît d’entrée de jeu que l’intelligence artificielle, au-delà de toutes les questions d’éthique qui passionnent actuellement la communauté internationale, pourrait permettre de générer une croissance économique solide en améliorant la façon de produire des biens, d’offrir des services et de surmonter divers défis de société. Le Budget ajoute également que l’intelligence artificielle « offre des possibilités dans de nombreux secteurs, de l’agriculture aux services financiers, créant des occasions pour les entreprises de toutes tailles, que ce soit des entreprises technologiques en démarrage ou les plus importantes institutions financières du Canada. » Ce rayonnement du Canada sur la scène internationale passe invariablement par un appui gouvernemental aux programmes de recherche et à l’expertise de nos universités. Ce Budget est donc un pas dans la bonne direction pour faire en sorte que toutes les activités reliées à l’intelligence artificielle, de la R&D à la mise en marché en passant par la création et la distribution des produits et services, demeurent ici au Canada. Le budget 2017 attribue ainsi 125 millions de dollars au lancement d’une stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle pour la recherche et le talent afin de favoriser la collaboration entre les principaux centres canadiens d’expertise et renforcer le positionnement du Canada en tant que destination de calibre mondial pour les entreprises désirant investir dans l’intelligence artificielle et l’innovation. Laboratoire juridique Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA) Nous anticipons que d’ici quelques années, toutes les sociétés, entreprises et organisations, dans toutes les sphères d’activités et tous les secteurs, feront appel à certaines formes d’intelligence artificielle dans leurs activités courantes, qu’il s’agisse d’améliorer la productivité ou l’efficacité, d’assurer un meilleur contrôle de la qualité, de conquérir de nouveaux marchés et clients, de mettre en place de nouvelles stratégies marketing, d’améliorer les processus, l’automatisation et la commercialisation ou encore la rentabilité de l’exploitation. Pour cette raison, Lavery a mis sur pied le Laboratoire juridique Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA) qui analyse et suit les développements récents et anticipés dans le domaine de l’intelligence artificielle d’un point de vue juridique. Notre Laboratoire s’intéresse à tous les projets relatifs à l’intelligence artificielle (IA) et à leurs particularités juridiques, notamment quant aux diverses branches et applications de l’intelligence artificielle qui feront rapidement leur apparition dans les entreprises et les industries. Les développements de l’intelligence artificielle, à travers un large éventail de fonctionnalités et d’applications, auront également un impact certain sur plusieurs secteurs et pratiques du droit, de la propriété intellectuelle à la protection des renseignements personnels, en passant par la régie d’entreprise et tous les volets du droit des affaires. Dans nos prochaines publications, l’équipe de notre Laboratoire juridique Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA) analysera de façon plus spécifique certaines applications de l’intelligence artificielle dans différents secteurs.
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L’Autorité européenne des marchés financiers émet un avis favorable à l’élargissement du passeport européen aux gestionnaires de fonds alternatifs au Canada
Martine Samuelian et Virginia Barat, JEANTET L’Autorité européenne des marchés financiers (« l’ESMA ») a émis le 18 juillet 2016 un avis favorable à une future extension du passeport européen concernant les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs1 (« AIFM ») au Canada. Cet avis, qui est fondé sur des critères objectifs de coopération, de garantie d’un niveau de protection global équivalent à celui en vigueur dans les États membres européens, constitue l’ultime étape avant l’élargissement effectif du régime européen au Canada. 1. Critères d’évaluation L’ESMA a ainsi examiné la situation individuelle de 12 pays non européens2, parmi lesquels le Canada, pour apprécier les garanties de la législation locale avec les exigences de la Directive AIFM (« AIFMD »). En matière de coopération, les critères d’appréciation portent sur : les possibilités d‘échanges d’information, de visites sur place, entre les autorités de surveillance compétentes respectivement du Canada et celles des États membres européens; le fait que le pays tiers non européen dans lequel serait établi le gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs (« FIA ») ne figure pas sur la liste des pays et territoires non coopératifs du Groupe d’action financière (GAFI); l’existence d’accords d’échanges d’information en matière fiscale. De plus, des garanties suffisantes définies par la directive AIFMD doivent prévaloir en matière de : protection des investisseurs, notamment dans le traitement des plaintes, la protection des avoirs, les règles prudentielles du dépositaire, la séparation et la gestion des conflits d’intérêts entre la fonction de dépositaire et celle du gestionnaire de fonds alternatifs, le champ de la supervision par les autorités réglementaires locales, la conformité avec les exigences posées par la directive AIFMD; perturbations des marchés, en conséquence d’une potentielle extension du passeport AIFMD à un pays non européen; concurrence, par l’appréciation du niveau de réciprocité en matière de commercialisation de FIA européens dans un pays tiers non européen; gestion du risque systémique, au regard du dispositif de surveillance des marchés en place. 2. Résultat final de l’évaluation du Canada par l’ESMA L’ESMA rappelle que le système financier canadien avait été évalué par le Fonds monétaire international (FMI) en 2014, ce dernier concluant que les principes internationaux de réglementation du marché des valeurs mobilières y étaient mis en oeuvre dans leur ensemble. Dans son avis du 18 juillet 2016 sur une potentielle extension du passeport AIFMD au Canada, l’ESMA confirme ainsi qu’il n’existe aucun obstacle significatif susceptible de gêner l’application du passeport au Canada en matière de gestion du risque systémique, de perturbations des marchés, d’obstacles à la concurrence. Néanmoins, elle relève des différences entre la réglementation canadienne et celle résultant de la directive AIFMD. Ces différences concernent notamment la fonction de supervision qui est dévolue au dépositaire européen de FIA (par opposition au dépositaire canadien qui en vertu de la Norme canadienne 81-102 sur les fonds d’investissement (au Québec, le Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement) (« NI 81-102 ») n’est pas assujetti à des obligations de supervision, mais principalement des obligations de garde de l’actif du portefeuille). L’ESMA mentionne également le faible niveau de règles relatives à la rémunération des gestionnaires (notamment pour mieux assurer un alignement des intérêts entre les gestionnaires et les investisseurs). Les règles à ce niveau sont nombreuses en Europe tandis que NI 81-102 au Canada ne prévoit que peu de règles relatives à la rémunération (sans compter que de nombreux fonds d’investissement au Canada ne sont pas assujettis à NI 81-102). Toutefois, l’ESMA conclut que ces différences entre le cadre réglementaire canadien et celui d’AIFMD ne sont pas de nature à constituer un obstacle significatif à l’élargissement du passeport européen au Canada. Conclusion Ainsi, lorsque l’ESMA3 estime « qu’il n’existe pas d’obstacles significatifs en termes de protection des investisseurs, de perturbation du marché, de concurrence et de suivi du risque systémique, empêchant l’application du passeport à la commercialisation dans les États membres de FIA de pays tiers par des gestionnaires établis dans l’Union et la gestion et/ ou la commercialisation dans les États membres de FIA par des gestionnaires établis dans des pays tiers, elle émet une recommandation positive ». C’est cette recommandation positive de l’ESMA adressée le 18 juillet 2016 à la Commission européenne (« CE »), au Parlement et au Conseil européen, qui devrait ultimement permettre à la CE dans un délai de trois mois, de déterminer par acte délégué, la date d’entrée en vigueur et les modalités d’extension du passeport européen aux gestionnaires canadiens de fonds d’investissement alternatifs pour leur permettre de commercialiser ces fonds dans les pays de l’Union européenne. Inclut notamment les fonds de capital-investissement (private equity) et de capital de risque (venture capital) et les fonds de couverture (hedge funds). Voir à cet effet notre article intitulé « L’impact d’une possible extension du régime de passeport européen à l’égard des gestionnaires de fonds canadiens » publié dans le bulletin Lavery Capital du 25 mai 2016. Australie, Bermudes, Canada, États-Unis, Guernesey, Hong Kong, Îles Caïmans, Île de Man, Japon, Jersey, Singapour, Suisse. Voir article 67(4) de la Directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs.
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Perte du droit à l’exonération du gain en capital relative à la disposition d’actions admissibles de petites entreprises : attention aux options visant l’acquisition d’actions
Une récente décision de la Cour canadienne de l’impôt dans la cause Line Durocher c. Sa Majesté La Reine1 illustre les dangers de l’octroi d’une simple option d’achat d’actions dans le cadre spécifique de la mise en place d’une convention entre actionnaires eu égard au statut de société privée sous contrôle canadien (« SPCC ») aux fins de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (« LIR ») et à la possibilité de bénéficier de l’exonération du gain en capital lors de la disposition d’« actions admissibles de petites entreprises » (« AAPE »). FAITS PERTINENTS Aviva Canada Inc. (« Aviva »), une institution financière et une société canadienne filiale à part entière d’Aviva International Holdings Limited (« Aviva International »), une société non-résidente du Canada, a acquis, dans le cadre d’une convention entre actionnaires intervenue au cours de l’année d’imposition 2002, une option lui permettant de faire l’acquisition des actions de la société de portefeuille (« Holdco ») qui contrôlait indirectement la société Dale Parizeau, qui opérait un cabinet d’assurances. Cette option, si elle était exercée, conférait une position de contrôle à l’égard de Holdco, et indirectement de Dale Parizeau. Dès 2002, en raison de l’octroi de l’option visant les actions de Holdco conférée à Aviva, les actions de Holdco et, par conséquent, celles de Dale Parizeau ne pouvaient plus être considérées comme des actions d’une SPCC aux fins de la LIR étant donné qu’Aviva était contrôlée par Aviva International. En conséquence, ces actions ne respectaient plus les conditions pour être considérées comme des AAPE, faisant ainsi perdre toute possibilité de réclamer l’exonération pour gain en capital provenant de la disposition d’AAPE. Les actions de Holdco ont été vendues à Aviva au cours de l’année d’imposition 2008. Les contribuables ont vainement tenté de réclamer l’exonération à l’égard du gain en capital provenant de la disposition des actions de Holdco. Les actionnaires de Holdco, 15 au total, se sont en effet vu refuser l’exonération par l’Agence du revenu du Canada, ce qui a été confirmé par la Cour canadienne de l’impôt. La LIR prévoit une exception selon laquelle le fait de conférer une option ou autre droit d’acquisition d’actions n’aura pas d’impact sur le statut de SPCC pour les fins de l’exonération à l’égard du gain en capital. Cependant, cette exception est uniquement applicable si ces droits sont conférés dans le cadre d’une convention d’achat-vente portant sur une action du capital-actions d’une société2. L’exception ne s’applique pas dans le cadre d’une convention entre actionnaires. Fait à noter, en vertu de l’article 148 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (Québec), les actions d’un cabinet d’assurances ou les droits de vote qui y sont afférents ne peuvent être détenus, directement ou indirectement, à plus de 20 % par des institutions financières, des groupes financiers ou des personnes morales qui leur sont liés. Cette contrainte n’est cependant pas applicable à une option permettant d’acquérir des actions. COMMENTAIRES Il importe de mentionner que l’octroi à Aviva de l’option permettant d’acquérir les actions de Holdco dans le contexte de la conclusion d’une convention entre actionnaires a eu des conséquences très sérieuses pour les 15 actionnaires de Holdco, soit la perte de l’exonération à l’égard du gain en capital pour chacun d’eux. Tout avait été mis en place afin que ceux-ci puissent, par l’interposition de fiducies familiales, multiplier l’exonération entre les bénéficiaires des fiducies. Ceci souligne évidemment l’importance de retenir les services de fiscalistes dans les opérations commerciales et les structures d’entreprise, notamment en ce qui a trait à l’impact de la conclusion d’une convention entre actionnaires. Il est à noter que la décision sous étude a fait l’objet d’un appel à la Cour d’appel fédérale. 2011-1393 (IT) G, datée du 9 décembre 2015. Alinéa 110.6(14)(b) LIR.
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Livre blanc de l’OCRCVM – proposition de modification de la structure actuelle de distribution des produits d’épargne collective au Canada
Le 25 novembre 2015, l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a publié un Livre blanc pour consultation. Elle y soumet à la discussion deux propositions de politiques qui, si elles étaient approuvées et mises en œuvre, auraient pour effet de modifier la structure actuelle de distribution des produits d’épargne collective (OPC) au Canada. Une politique dite d’« exercice restreint », et une autre sur le versement direct des commissions, sont proposées. POLITIQUE D’EXERCICE RESTREINT Cette proposition permettrait à un courtier en placement membre de l’OCRCVM de recourir à des représentants qui ne conseilleraient et ne placeraient que des titres d’OPC et des fonds négociés en bourse (des représentants d’exercice restreint). Pour ce faire, ils n’auraient pas à être formés et à devenir admissibles en vue de conseiller ou placer les autres catégories de titres normalement offertes par ce courtier. Actuellement, le courtier membre de l’OCRCVM qui voudrait engager des représentants d’exercice restreint devrait préalablement obtenir de l’OCRCVM une dispense de l’obligation de mise à niveau des compétences du représentant en épargne collective qui passe chez un courtier en placement membre de l’OCRCVM. Une telle demande de dispense est à l’origine des réflexions que détaille le Livre blanc. En effet, selon un sondage mené auprès d’une quarantaine de firmes de courtage et dont les conclusions sont rapportées dans le Livre blanc, cette proposition pose à nouveau la question d’une éventuelle fusion entre l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) et l’OCRCVM. Elle rapprocherait en effet les missions respectives de ces organismes d’autoréglementation (OAR) relativement à l’encadrement des représentants en épargne collective, à tout le moins en ce qui concerne ceux qui seraient inscrits à titre de représentants d’exercice restreint autorisés par l’OCRCVM. POLITIQUE SUR LE VERSEMENT DIRECT La proposition de politique sur le versement direct autoriserait un courtier membre de l’OCRCVM à verser directement des commissions à une société personnelle non inscrite contrôlée par un représentant. Cette proposition est mise de l’avant en quelque sorte à titre de soutien à celle sur l’exercice restreint, puisque le sondage dont il a été question ci-dessus en a fait ressortir la nécessité. Le Livre blanc mentionne en effet que « pour de nombreuses sociétés et personnes physiques inscrites, l’élimination de l’obligation de mise à niveau des compétences n’a que peu d’intérêt, à moins que le versement direct de commission ne soit également permis ». L’ACFM permet déjà le versement de commissions à des sociétés non inscrites, à condition qu’une convention écrite intervienne entre le courtier en épargne collective, le représentant et sa société personnelle précisant notamment que le courtier et le représentant doivent respecter les exigences de l’ACFM et qu’ils doivent tous deux donner accès à leurs livres et registres au courtier en épargne collective. ENJEUX AU QUÉBEC Au Québec, la Chambre de la sécurité financière a le mandat exclusif d’auto-réglementer les représentants en épargne collective en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF). C’est donc dire que la création d’une nouvelle catégorie de représentants d’exercice restreint par l’OCRCVM nécessiterait des changements au cadre législatif québécois afin de permettre à un représentant en épargne collective d’adhérer uniquement à l’OCRCVM, par l’intermédiaire cette fois du courtier en placement membre de cet organisme. Or, de telles modifications à la LDPSF semblent peu probables, à tout le moins dans un avenir prévisible, tant que la réflexion entreprise sur le Rapport du ministère des Finances sur l’application de la LDPSF n’aura pas été conclue. Il y a également beaucoup de chemin à parcourir avant de voir des développements concrets du côté de l’OCRCVM, car la mise en oeuvre de la politique d’exercice restreint du Livre blanc nécessiterait l’approbation des courtiers membres de l’OCRCVM et l’aval de l’Autorité des marchés financiers et des autres Autorités canadiennes en valeurs mobilières. On peut aussi ajouter à cette liste de pré-requis l’approbation de modifications aux ordonnances de reconnaissance de l’OCRCVM comme organisme d’autoréglementation en valeurs mobilières, et un possible réexamen des dispenses d’application de certaines dispositions du Règlement 31-103 qui sont accordées aux courtiers membres de l’OCRCVM et de l’ACFM. Ce réexamen s’imposerait, car au départ, ces ordonnances et dispenses ne sont pas conçues en fonction d’un chevauchement de l’encadrement des représentants en épargne collective rattachés à ces catégories respectives de courtiers. LA CONSULTATION DE L’ACFM À la suite de la publication du Livre blanc, l’ACFM a récemment dévoilé les résultats d’une consultation tenue auprès de 79 % de ses membres sur les impacts potentiels qu’entraînerait l’application des politiques énoncées par l’OCRCVM. Dans le cas où la politique d’exercice restreint serait adoptée, la plupart des sociétés membres de l’ACFM estiment qu’elles seraient forcées de fermer leurs portes ou de fusionner avec des sociétés inscrites auprès de l’OCRCVM. Une telle mesure ne bénéficierait qu’aux sociétés membres de l’ACFM qui sont également affiliées à une société membre de l’OCRCVM, leur permettant ainsi de diminuer leurs frais opérationnels, d’accroître leur efficacité et d’être plus concurrentielles. De façon générale, les membres de l’ACFM s’entendent pour dire que la structure actuelle des OAR protège adéquatement les investisseurs et que la restructuration inévitable de ce réseau qui découlerait de l’adoption de la politique d’exercice restreint devrait être fondée sur l’intention de protéger l’investisseur et non sur celle de réduire les coûts. Les membres de l’ACFM penchent donc en faveur d’un statu quo quant à la mise en place des nouvelles politiques abordées par l’OCRCVM dans son Livre blanc. La consultation sur le Livre blanc prendra fin le 31 mars 2016.
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Financement participatif : Nouvelles opportunités de financement pour les entreprises en démarrage
Le financement participatif, mieux connu en anglais comme le equity crowdfunding, bénéficiera bientôt d’un encadrement législatif au Canada, ce qui est une excellente nouvelle pour les investisseurs et les entreprises en démarrage. Le 5 novembre 2015, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont annoncé que les autorités en valeurs mobilières des provinces du Manitoba, de l’Ontario, du Québec, du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont publié la version finale du Règlement 45-108 sur le financement participatif (la « dispense de prospectus pour financement participatif »), dont l’entrée en vigueur est prévue le 25 janvier 2016. Dorénavant le financement participatif ne sera plus limité à la vente de biens ou de services au Canada, alors que la nouvelle dispense de prospectus pour financement participatif permettra aux entreprises en démarrage de se financer par l’émission et la vente de leurs titres au public par l’entremise de portails électroniques autorisés sans devoir établir un prospectus. Un document d’offre conforme aux exigences réglementaires devra tout de même être préparé et publié sur le portail électronique utilisé. Ce document devra notamment contenir de l’information sur la société et ses dirigeants de même que les modalités de l’offre. Critères d’éligibilité pour l’émetteur En vertu de la dispense de prospectus pour financement participatif, les émetteurs admissibles pourront recueillir jusqu’à un maximum de 1 500 000 $ par période de 12 mois. Afin d’être admissible, l’émetteur doit notamment être incorporé au Canada, avoir son siège au Canada et la majorité de ses administrateurs doivent résider au Canada. L’émetteur admissible ne peut être un fonds d’investissement. Limites de souscription par investisseur Le montant qu’un investisseur pourra souscrire dans le cadre d’un placement variera selon que l’investisseur est un « investisseur qualifié » (au sens donné à ce terme dans la réglementation en valeurs mobilières) ou non. En Ontario seulement, une autre catégorie d’investisseurs, le « client autorisé » (au sens donné à ce terme dans la réglementation en valeurs mobilières), bénéficie également d’une autre limite d’investissement propre à sa catégorie. Ainsi, un investisseur qui n’est pas un investisseur qualifié pourra investir jusqu’à 2 500 $ par placement (sous réserve, en Ontario seulement, d’une limite annuelle totale de 10 000 $). L’investisseur qualifié pourra quant à lui investir jusqu’à 25 000 $ par placement (sous réserve, en Ontario seulement, d’une limite annuelle totale de 50 000 $). En Ontario seulement, l’investisseur qui se qualifie de client autorisé n’aura aucune limite dans le montant qu’il pourra investir. Promotion de l’investisseur clé Ce n’est pas une coïncidence que les investisseurs qualifiés puissent bénéficier de limites d’investissement supérieures. L’objectif principal de cette distinction est d’inciter les investisseurs qualifiés à agir à titre d’investisseur clé lors d’un financement et ainsi mettre leurs compétences et expertise en matière d’investissement au bénéfice de tous les investisseurs. L’émergence d’investisseurs clés est également encouragée par le fait que les émetteurs pourront placer leurs titres auprès d’investisseurs clés sous le régime d’autres dispenses de prospectus pendant la période de distribution à des prix et des conditions différents de ceux placés sous le régime de la dispense de prospectus pour financement participatif. Ce modèle a déjà connu du succès aux États-Unis où des syndicats de financement participatif ont été créés. De tels syndicats composés d’anges financiers ou d’investisseurs en capital de risque chevronnés permettent aux plus petits investisseurs de reproduire les investissements plus expérimentés. Obligations d’information continue L’émetteur qui a placé des titres sous le régime de la dispense de prospectus pour financement participatif sera également assujetti à certaines obligations d’information continue, dont celle de transmettre ses états financiers aux autorités en valeurs mobilières et de les mettre à la disposition des investisseurs dans les 120 jours de la fin de son exercice financier. Cette obligation s’appliquera selon le montant des sommes réunies par l’émetteur sous le régime d’une ou de plusieurs dispenses de prospectus entre la date de sa constitution et la clôture de son dernier exercice, le tout selon les seuils suivants : 249 999 $ et moins : aucune exigence Entre 250 000 $ et 749 999 $ : états financiers accompagnés d’un rapport d’examen ou un rapport d’audit 750 000 $ et plus : états financiers accompagnés d’un rapport d’audit Dans tous les cas, si l’émetteur est par ailleurs un émetteur assujetti au sens de la réglementation en valeurs mobilières, alors il demeure assujetti aux obligations d’information continue qui lui étaient déjà applicables. Conclusion La dispense de prospectus pour financement participatif ouvrira les marchés aux investisseurs de toutes tailles et leur permettra de créer des liens utiles avec les entreprises en démarrage dès leurs débuts. Il sera intéressant de voir si la dispense de prospectus pour financement participatif incitera suffisamment d’investisseurs qualifiés à agir à titre d’investisseur clé et si des syndicats de financement participatif verront le jour, comme c’est le cas aux États-Unis.
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La vérification diligente de la propriété intellectuelle dans un contexte d’investissement
La vérification diligente des droits de propriété intellectuelle constitue une étape importante lors de l’acquisition d’une entreprise ou lorsqu’on y investit des sommes importantes. Pour les entreprises technologiques, les droits de propriété intellectuelle sont souvent les actifs qui représentent l’essentiel de la valeur de l’entreprise. Une vérification diligente permet notamment d’obtenir une image plus précise de ces actifs et des problèmes potentiels qui y sont liés. Divers types de propriété intellectuelle peuvent faire l’objet d’une vérification diligente. La plupart du temps, il s’agit de marques de commerce, de brevets et de secrets commerciaux, ainsi que de droits d’auteurs, par exemple lorsque l’entreprise possède des droits sur des codes sources de programmes informatiques. Toutefois, il faut garder à l’esprit que tout type de propriété intellectuelle doit être attentivement considéré. Au Canada, que la marque de commerce soit enregistrée ou non, elle constitue un actif transférable selon la Loi sur les marques de commerce1, et il est donc important de retracer la chaîne des titres relative à une marque depuis qu’elle est en usage. Lorsque la marque est enregistrée, il est aussi important de vérifier si les produits et les services déclarés lors de l’enregistrement correspondent adéquatement à la réalité opérationnelle de l’entreprise et si les dates de premier emploi qui ont été déclarées sont correctes. En effet, un enregistrement peut être invalidé lorsque la date de premier emploi réelle de la marque est postérieure à la date qui a été déclarée. En matière de brevets, il faut distinguer la vérification des demandes en instance de celle des brevets accordés. Lorsqu’une demande de brevet est en instance, il est important de vérifier la correspondance reçue des bureaux des brevets, notamment pour y déceler toute indication à l’effet que le brevet ne sera pas accordé ou que sa portée sera restreinte. Lorsqu’il s’agit d’une demande effectuée selon le Traité de coopération en matière de brevet (souvent désigné sous le nom PCT en référence à sa désignation anglophone), il est opportun d’analyser toute opinion préliminaire émise dans le cadre de ce traité. Comme la demande de brevet est un document essentiellement technique, il peut être pertinent de demander à un expert dans le domaine son opinion quant à la portée de l’invention. Un brevet délivré est présumé valide, mais il demeure essentiel d’en évaluer la portée par rapport à l’invention telle qu’exploitée commercialement par l’entreprise. Les droits sur un brevet appartiennent au départ aux inventeurs, à moins de convention écrite à l’effet contraire. Il faut donc vérifier les conventions ayant été signées avec les inventeurs2. À cet égard, deux situations sont à éviter : premièrement, les cas où divers inventeurs ont cédé leurs droits à des entreprises différentes, plaçant les entreprises exploitantes dans une situation d’indivision difficile à gérer; deuxièmement, les cas où les inventeurs déclarés aux autorités gouvernementales ne sont pas, dans les faits, les bonnes personnes. Un brevet obtenu sans y désigner les réels inventeurs peut être impossible à faire respecter ou même carrément invalide3. Enfin, si le brevet ou la demande de brevet a fait l’objet de cessions successives, il faut s’assurer de l’existence d’écrits constatant ces différentes cessions, tel que requis par la Loi sur les brevets4. La Loi sur le droit d’auteur5 comporte quant à elle une présomption à l’effet que les oeuvres (incluant les codes sources de programmes informatiques) sont la propriété de l’employeur si elles sont développées dans le cadre de l’emploi. Toutefois, cette présomption n’existe pas si le travail a été fait par un sous-traitant ou un consultant; des vérifications plus approfondies à cet égard s’imposent. Notons que la Cour d’appel de l’Ontario a reconnu qu’un arrangement d’éléments d’un programme informatique peut faire l’objet de droits d’auteur, même lorsque ces éléments ne peuvent pas être eux-mêmes protégés individuellement6. Enfin, même si l’enregistrement des droits d’auteur n’est pas obligatoire, toute cession du droit d’auteur ou concession par une licence d’un intérêt dans ce droit n’est valable que si elle est constatée par un écrit signé par le titulaire du droit; ceci doit aussi faire l’objet de vérifications. Quant aux secrets commerciaux, une entreprise ne peut en tirer un avantage économique que si les informations sont réellement secrètes, d’où l’importance de vérifier les ententes de confidentialité et de non-concurrence lors de la vérification diligente. Il peut être essentiel de vérifier également quelles sont les mesures réellement mises en place pour protéger les secrets, telles des restrictions dans les systèmes informatiques qui empêchent les employés qui ne sont pas impliqués dans un projet d’accéder à certains fichiers ou des mesures de fractionnement des connaissances au sein des différentes divisions ou des différents groupes d’une entreprise. Finalement, il sera nécessaire de vérifier l’absence de procédure administrative ou judiciaire pouvant affecter la propriété intellectuelle de quelque type que ce soit, de même qu’on devra s’assurer qu’il n’existe aucune prétention, écrite ou verbale, qu’un tiers invoque une contravention à ses propres droits. Il arrive que la vérification diligente mène à l’abandon complet du projet d’investissement. Par contre, dans d’autres cas, la vérification diligente permet d’élaborer des mesures correctives que l’entreprise venderesse devra entreprendre pour pouvoir conclure la vente ou que l’entreprise acheteuse verra à mettre en place afin de protéger son investissement à plus long terme. 1 L.R.C. (1985), ch. T-13. 2 Voir, par exemple, Élomari c. Agence spatiale canadienne, 2004 CanLII 39806 (QC CS). 3 Voir, par exemple, Ethicon, Inc. v. United States Surgical corp. 135 F.3d 1456 (U.S. Fed. Cir. 1998) et Pannu v. Iolab Corp., 155 F.3d 1344, 1351 (U.S. Fed. Cir. 1998). 4 L.R.C. (1985), ch. P-4. 5 L.R.C. (1985), ch. C-42. 6 Delrina Corp. v. Triolet Systems Inc., 2002 CanlII 11389 (ON CA).
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Changements importants relativement à la possibilité pour un organisme de bienfaisance enregistré d’investir ses fonds dans des unités d’une société en commandite
Le budget fédéral présenté le 21 avril 2015 (le « Budget ») contient des mesures importantes quant à la possibilité pour un organisme de bienfaisance enregistré, une fondation privée ou une fondation publique (ci-après collectivement désignés « Organismes enregistrés ») d’investir leurs fonds dans des parts d’une société en commandite. Préalablement à l’annonce de ces mesures, la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (« LIR ») prohibait de tels investissements par les Organismes enregistrés étant donné que ceuxci étaient considérés, par le fait de leur investissement dans une société en commandite, comme exploitant l’entreprise de cette dernière. La conséquence qui pouvait découler d’un tel investissement prohibé consistait en la révocation de l’enregistrement pour les Organismes enregistrés et, conséquemment, la perte de leur exonération d’impôt sur le revenu et l’impossibilité de délivrer des reçus pour dons. Selon les mesures annoncées au Budget, la LIR sera modifiée pour faire en sorte qu’un Organisme enregistré ne soit pas considéré comme exploitant l’entreprise d’une société en commandite en raison d’un investissement dans les parts d’une telle entité. Ces changements seront applicables à tout investissement dans des sociétés en commandite effectué à partir du 21 avril 2015 par un Organisme enregistré. Il est important de mentionner que les changements proposés s’appliquent uniquement lorsque l’Organisme enregistré devient membre d’une société en commandite suivant les conditions suivantes : en vertu de la loi constituante régissant la société en commandite, la responsabilité du membre de la société de personnes est limitée; le membre n’a aucun lien de dépendance avec le commandité; et, le membre, de concert avec des personnes ou sociétés de personnes avec qui celui-ci a un lien de dépendance, détient un intérêt dans la société en commandite qui a une juste valeur marchande n’excédant pas 20 % de la juste valeur marchande de tous les intérêts détenus par l’ensemble des membres de la société de personnes. --> 1. en vertu de la loi constituante régissant la société en commandite, la responsabilité du membre de la société de personnes est limitée; 2. le membre n’a aucun lien de dépendance avec le commandité; et, 3. le membre, de concert avec des personnes ou sociétés de personnes avec qui celui-ci a un lien de dépendance, détient un intérêt dans la société en commandite qui a une juste valeur marchande n’excédant pas 20 % de la juste valeur marchande de tous les intérêts détenus par l’ensemble des membres de la société de personnes. Ces changements procureront une plus grande flexibilité aux Organismes enregistrés quant à l’éventail d’investissements pouvant être effectués.