Riches en information pertinente, nos publications vous permettent d’être à l’affût de l’actualité juridique qui vous touche, quel que soit votre secteur d’activité. Nos professionnels s’engagent à vous tenir au fait des dernières nouvelles juridiques, à travers l’analyse des derniers jugements, modifications et entrées en vigueur législatives et réglementaires.
Publications
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Pourquoi et comment la relance d’après‑crise devra‑t‑elle être encadrée dans les entreprises?
Quand la crise laisse une plus grande marge à la prise de risques Depuis le début de la crise, nous assistons à un effort collectif spectaculaire, empreint de solidarité et d’une volonté d’assurer la santé et la sécurité collectives. La pandémie Covid-19 a amené plusieurs défis pour les différents paliers gouvernementaux, les employeurs et les employés. Les employeurs ont adapté leur façon de faire en modulant l’organisation du travail. Par ailleurs, l’état d’urgence engendré par la crise s’est rapidement arrimé à une exposition au risque plus importante que la normale. Parallèlement, les employés se sont montrés généralement compréhensifs et flexibles aux mesures annoncées par les employeurs. L’actuelle acceptabilité généralisée des employés, la défense de force majeure et les enjeux de santé et de sécurité ne pourront plus, à eux seuls, permettre d’obtenir toute la flexibilité à laquelle les employeurs et les employés ont eu accès durant la crise actuelle. Il faut donc, dès maintenant, se remettre en phase avec une prise de risques calculée et revenir au cadre juridique qui gouverne la relation employeur-employé(e). La sortie de crise à court terme : anticiper les défis et minimiser les risques Assurément, les entreprises qui seront suffisamment organisées et axées sur les défis de la relance pourront l’amorcer avec un certain succès et surtout avec une diminution des risques juridiques entourant certaines mesures envisagées. Quelques conseils pour alimenter une réflexion au sein de vos organisations afin de minimiser votre exposition au risque : Il est essentiel : de maintenir, de rétablir et/ou de préserver un canal de communication efficace et transparent avec les employés. Les travailleurs auront besoin d’une assurance que le retour au travail est encadré et que leur santé et leur sécurité sont au premier plan des préoccupations de l’entreprise. Élaborez et mettez en place les mesures relatives à la santé et à la sécurité des travailleurs ou assurez-vous que les mesures déjà en place sont adaptées au contexte de la COVID-19. De fait, les employeurs ont une obligation d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs et ainsi de mettre en œuvre des méthodes pour repérer, corriger et contrôler les risques. Élaborez une politique en matière de télétravail, dont nos experts ont discuté dernièrement. Anticipez les taux d’absentéisme anormalement élevés et les situations de refus de travail et établissez un plan de gestion des cas problématiques, en tenant compte des droits et des obligations de chacun. Il faudra vous assurer d’appliquer des mesures de manière constante, univoque et uniforme à l’égard des employés. Formez les gestionnaires sur les messages clés et les enlignements pris par votre organisation afin de vous assurer de véhiculer un message commun. Le coaching des gestionnaires de premier niveau sera d’autant plus pertinent et important dans le contexte de la relance. À cet effet, les employeurs pourront évaluer comment le PACME, dont nous avons déjà traité, pourra s’inscrire dans leur plan de relance. Le plus grand défi auquel les entreprises devront faire face à moyen terme (et probablement à long terme) est celui de l’existence d’un contexte économique très instable et d’une acceptabilité des employés potentiellement nettement à la baisse. Même si la reprise à court terme risque de capter l’attention de tous, il est nécessaire de penser dès maintenant aux façons d’aider nos organisations à traverser la crise à moyen terme. Il ne fait aucun doute que l’instabilité de notre environnement économique, qui devrait caractériser cette période, donnera lieu à des opportunités. Mais, pour saisir ces opportunités, il nous apparaît essentiel que les entreprises puissent faire preuve de souplesse et d’agilité. Il faut dès maintenant mettre en branle, dans chaque organisation, un plan d’action concret pour que les ressources humaines puissent se déployer avec toute la souplesse que commande un contexte économique instable. Notre équipe travail et emploi est déjà mobilisée afin de supporter les entreprises qui doivent relever cet immense défi. Nous pouvons vous aider. Gardons à l’esprit que dans chaque situation de crise, il existe une opportunité, même si celle-ci naît dans une conjoncture défavorable.
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Penser la relance post-crise : deux nouveaux programmes pour la formation et la rétention des travailleurs
Alors que nous publions il y a deux semaines sur les défis reliés à la rétention de la main-d’œuvre dans le contexte actuel de la pandémie, voilà que deux nouveaux programmes sont annoncés par le gouvernement provincial. Le premier se veut une réponse aux effets de la prestation canadienne d’urgence (la « PCU ») sur la rétention des employés, tandis que le second favorise la formation des travailleurs. Le programme incitatif pour la rétention des travailleurs essentiels (PIRTE) Bien que la PCU ait été accueillie favorablement, elle a causé des difficultés à certaines entreprises qui doivent maintenir des services essentiels, puisque plusieurs travailleurs, notamment ceux à temps partiel et occupant des postes de caissiers, livreurs, agents de sécurité et préposés à l’entretien, reçoivent habituellement un salaire inférieur à la PCU. Dans certains cas les employés mis à pied et rappelés à temps partiel au travail se voyaient pénalisés comme la PCU ne permet pas, contrairement au programme régulier de l’Assurance-Emploi, de conserver une partie du salaire qu’ils toucheraient en travaillant. Ainsi, le taux d’absentéisme a bondi au sein de certaines entreprises, étant donné qu’il devenait plus avantageux pour les travailleurs de bénéficier de la PCU que de fournir leur prestation de travail. Avec l’objectif de créer un incitatif et un effet de rétention pour les salariés des secteurs essentiels, le PIRTE prévoit que ces derniers pourront, rétroactivement au 15 mars 2020, être admissibles à une prime de 100 $ imposable par semaine, jusqu’à un maximum de 1 600 $ pour l’ensemble de la durée du programme. Le gouvernement estime à 600 000 le nombre de travailleurs qui pourraient en bénéficier. Ceux-ci devront présenter leur demande en ligne à compter du 19 mai. Le premier versement est prévu le 27 mai. Les travailleurs admissibles au PIRTE sont ceux : qui travaillent dans le cadre de la prestation d’un service essentiel, à temps plein ou à temps partiel; qui ont 15 ans ou plus et résident au Québec; qui gagnent 550 $ ou moins par semaine, pour un revenu annuel d’au moins 5 000 $ et d’au plus 28 600 $ pour l’année 2020; qui ne reçoivent pas de PCU ou de PATT. Le travailleur est toutefois admissible si son employeur reçoit de l’aide financière du gouvernement fédéral. À tout évènement, les entreprises non essentielles auront peut-être à considérer la nécessité d’implanter des incitatifs de rétention de leur main-d’œuvre s’inspirant du PIRTE lors du rappel au travail qui suivra le retour graduel aux activités normales d’ici le 4 mai. En effet, ces dernières seront probablement confrontées à des problèmes semblables à ceux qui ont mené à l’adoption du PIRTE puisque la PCU sera disponible jusqu’au 3 octobre 2020. Programme d’actions concertées pour le maintien en emploi (PACME) On peut prévoir que les entreprises qui reprendront leurs activités après cette pause provinciale devront adopter plusieurs nouvelles mesures, notamment en matière de santé sécurité des travailleurs ou, comme nous l’abordions la semaine dernière, en matière de télétravail. La formation des travailleurs deviendra alors plus que jamais essentielle et pertinente. En ce sens, la mise sur pied du PACME constitue une occasion d’être proactif dans ces démarches. Ce programme accorde du financement aux entreprises afin de favoriser la formation et les pratiques exemplaires, notamment en matière de gestion des ressources humaines pendant la crise et afin de préparer la relance. Il s’arrime également avec le programme fédéral des subventions salariales. Le PACME est accessible aux entreprises dont les activités ont été réduites, suspendues, augmentées ou diversifiées par la crise, ainsi qu’aux travailleurs autonomes et aux promoteurs collectifs. Pour connaitre tous les détails sur le PACME, nous vous invitons à consulter l’article à ce sujet publié par nos collègues. Notre équipe Travail et Emploi est disponible afin de vous conseiller et de réfléchir à des solutions pour la mise en œuvre de ces programmes dans le contexte d’une relance de vos activités.
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COVID-19 - Assouplissements au programme fédéral de travail partagé : une solution pour préserver votre capital humain?
Notre équipe suit de près l’évolution de l’actualité relative à la COVID-19 pour appuyer au mieux nos clients et partenaires d’affaires. Nous vous invitons à consulter sur notre site internet la page qui centralise tous les outils et l'information qui sont produits par nos professionnels. On peut craindre que la simple mise à pied d’employés mène, à terme, à une perte importante d’expertise et de savoir-faire au sein des entreprises, une expertise d’autant plus importante et nécessaire lorsque le temps viendra d’émerger de cette crise; un défi qui sera pour plusieurs, le plus important dans l’histoire de leur organisation. Les organisations sont d’ailleurs conscientes de la valeur intangible de leurs employés qui ont acquis, au-delà de leur savoir-faire, une compréhension approfondie des objectifs et du fonctionnement de l’entreprise, une confiance mutuelle, un réseau de contacts et une autonomie, pour ne nommer que ces exemples, et qui fait toute la différence en leur permettant de se démarquer. Nous tentons avec elles de trouver des solutions permettant de protéger cet actif inestimable dans le contexte d’une crise sans précédent. Les dernières annonces des gouvernements, qui prévoient notamment une augmentation du financement des salaires dans certaines entreprises, constituent certainement une réponse positive aux préoccupations et réalités de ces organisations. Par ailleurs, dans l’intervalle, certains programmes pourraient également constituer des pistes de solutions intéressantes pour elles. Nouveaux assouplissements au programme fédéral de travail partagé C’est dans ce contexte que nous abordons maintenant le programme de travail partagé (« TP») qui soulève de nombreuses questions de la part des employeurs et des employés, et qui a justement fait l’objet de récentes mesures d’assouplissement de la part du gouvernement fédéral. Considérant les changements fréquents apportés aux différents programmes gouvernementaux, il est possible qu’au moment où vous prendrez connaissance des présents, certains renseignements ne soient plus à jour. Nous vous invitons donc à consulter le site d’Emploi et Développement Social Canada1 (« EDSC ») ou nos professionnels en droit du travail et de l’emploi pour toute précision. En quoi consiste le programme de travail partagé (« TP »)? L’objectif du programme est de permettre à l'employeur de conserver une main-d'œuvre complète avec des heures de travail réduites, plutôt que de mettre à pied une partie de ses effectifs. Ce programme constitue donc une option intéressante pour les employeurs qui font face à une diminution de leur niveau d’activité normale en raison de la COVID-19, mais qui ont toujours certaines tâches à faire effectuer par leurs employés, dans une proportion diminuée. Durant la période de mise en œuvre du programme, le travail disponible est redistribué également parmi les employés faisant partie d’une ou de plusieurs unités de travail. L’employeur transmet sa demande et remplit le formulaire faisant état d’un accord entre l’employeur, les employés visés et leur représentant, et par lequel ces derniers acceptent volontairement une réduction de leurs heures travaillées et le partage du travail disponible. Dans l’optique de compenser cette diminution de revenu, le programme permet aux travailleurs partie à l’accord de recevoir des prestations d’assurance-emploi. En vertu du Règlement sur l’assurance-emploi2,la rémunération reçue pour une semaine donnée d’un emploi en travail partagé n’est pas déduite des prestations payables en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi3. Pour les entreprises directement ou indirectement touchées par le ralentissement des affaires dû au contexte actuel, la durée minimale du programme est de 6 semaines et sa durée maximale est de 76 semaines. La réduction de l'horaire de travail régulier des employés doit se situer entre un minimum de 10 % à un maximum de 60 %, en moyenne, pendant la durée de l'entente. Nous vous invitons à visiter le site d’EDSC ou à consulter nos professionnels pour obtenir plus de précisions sur les critères d’admissibilité et les exigences générales du programme. Quelles sont les nouvelles mesures en lien avec la COVID-19? Le 25 mars dernier, en réaction au ralentissement des activités causé par la COVID-19, le gouvernement fédéral a mis à jour ses mesures spéciales temporaires dans le cadre du programme de TP, notamment les suivantes, qui : réduisent les exigences relatives à la préparation de la demande et des annexes. Dorénavant, les employeurs n’ont plus à soumettre : le plan de redressement - l’Annexe B qui devait être remplie a été supprimée et remplacée par une seule ligne dans le texte de la demande; les données relatives à leurs ventes et/ou la production des deux dernières années. élargissent l’admissibilité au programme pour les entreprises qui sont en activité depuis un an seulement au lieu de deux ans; suppriment la période d’attente obligatoire entre les demandes de TP. Comment déposer une demande et à quels délais s’attendre? À la suite des récents changements apportés au programme, il existe maintenant une façon simplifiée de présenter la demande. Les employeurs doivent remplir les formulaires suivants, qui ont été révisés par le gouvernement fédéral : Formulaire révisé : Demande de participation à un accord de Travail partagé (EMP5100) Formulaire – Annexe A révisée : Unité de Travail partagé (EMP5101) Pour une demande visant une place d’affaires au Québec, la demande doit être acheminée à l’adresse courriel suivante : [email protected] En date de préparation de ce bulletin, le site d’EDSC relatif aux mesures spéciales mises en place en réponse à la COVID-19 ne précise pas de délai de traitement précis des demandes. Il indique toutefois que les employeurs sont maintenant priés de soumettre leurs demandes 10 jours civils avant la date demandée pour débuter le programme dans le milieu de travail et que Service Canada s’efforcera de réduire le délai de traitement à 10 jours civils. Avant la COVID-19, les employeurs devaient envoyer leur demande de travail partagé (et les documents justificatifs) 30 jours civils avant la date de début demandée. Étant donné que le nombre de demandes est en forte hausse, le gouvernement fédéral indique maintenant compter neuf (9) centres de traitement au Canada pour traiter les demandes de TP et ajouter des capacités supplémentaires pour soutenir davantage les employeurs qui ont des questions. À cet égard, une nouvelle adresse électronique a été créée pour transmettre des demandes de renseignements au sujet du programme de TP : [email protected] Conclusion Compte tenu des changements qui se produisent en temps réel, nous vous invitons à consulter nos professionnels en droit du travail et de l’emploi pour vous assurer de la conformité de vos décisions visant les différents programmes gouvernementaux. Il est possible que le gouvernement fédéral assouplisse de nouveau les conditions et délais afférents à ce programme. Si nécessaire, nous vous tiendrons informés de tout changement apporté au programme dans le cadre d’envois et de mises à jour ultérieurs. Il est également pertinent de souligner qu’il existe d’autres types de programmes qui pourraient être d’intérêt pour vos entreprises dans le contexte actuel, notamment le programme de prestations supplémentaires de chômage, qui permet à l’employeur de bonifier la rémunération hebdomadaire des employés lorsque ceux-ci se retrouvent sans emploi notamment en raison d’un arrêt temporaire de travail ou d’une mise en quarantaine. Si les conditions sont remplies et si le régime est enregistré auprès de Service Canada, les sommes versées par l’employeur ne seront pas déduites des prestations d’assurance-emploi des employés4. L’équipe Lavery est disponible pour vous soutenir dans la mise en œuvre de différentes mesures et déterminer avec vous la meilleure façon de traverser cette crise, protéger votre organisation et vous préparer à revenir à la normale. Voir notamment https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement-social/ministere/avis/coronavirus.html#h4.01. Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332, paragraphes 47(1) et 49. Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, c. 23. Règlement sur l’assurance-emploi, préc. note 2, paragraphe 37(1).
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Loi sur l’équité salariale : Quels sont les changements à prévoir?
Le 10 avril 2019 sont entrées en vigueur plusieurs modifications tant attendues à la Loi sur l’équité salariale, qui visent principalement à améliorer l’évaluation du maintien de l’équité salariale. Ces modifications font suite à l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada (« CSC ») l’an dernier1. Nous discutions de ces décisions dans un bulletin antérieur. Rappelons que la CSC, dans son arrêt du 10 mai 2018, avait essentiellement déclaré inconstitutionnelles certaines dispositions de la Loi sur l’équité salariale, précisant que : les ajustements salariaux dans le cadre d’une évaluation du maintien, périodiquement à tous les cinq ans, devaient être rétroactifs; les informations à inclure dans l’affichage des résultats de l’évaluation du maintien étaient insuffisantes pour permettre aux employés de comprendre adéquatement le processus suivi par l’employeur lors de cette évaluation et n’indiquaient pas davantage la date à laquelle une iniquité salariale se serait manifestée. Par ailleurs, les modifications à la la Loi sur l’équité salariale vont bien plus loin que l’essentiel des ajustements requis par la Cour suprême du Canada et ce, malgré les consultations publiques et les nombreux commentaires émanant de regroupements patronaux en ce sens. Voici un bref résumé des plus importantes modifications apportées à la Loi sur l’équité salariale et que votre organisation devrait examiner en vue d’en mesurer rapidement les impacts : 1. Évaluation du maintien : Événements ayant engendré un ajustement Les ajustements salariaux, suivant le processus d’évaluation du maintien, devront dorénavant être versés rétroactivement à la date de l’événement les ayant engendrés. Par ailleurs, la Loi sur l’équité salariale ne fournit aucune précision quant à la notion d’événement ayant engendré l’ajustement. En pratique, l’employeur devra donc examiner au cas par cas les événements ayant eu un effet sur le maintien de l’équité salariale. On peut facilement imaginer que l’application de cette modification sera loin d’être facile et qu’en présence de plusieurs événements et ajustements, la rétroactivité devra être mise en application à des dates différentes. Le paiement rétroactif requis à la suite de l’évaluation du maintien devra être payable en un montant forfaitaire. Toutefois, dans certains cas, pour les personnes toujours au service de l’employeur, ce montant forfaitaire pourra être étalé sur plusieurs versements, après consultation du comité de maintien ou de l’association syndicale, le cas échéant. Au surplus, l’employeur devra indiquer la date de l’événement sur l’affichage faisant état des résultats de l’évaluation du maintien. Concernant la date à laquelle un employeur doit évaluer le maintien de l’équité salariale dans son organisation, la Loi sur l’équité salariale prévoit désormais que le délai périodique de cinq (5) ans est établi à partir du premier affichage et non du deuxième affichage, qu’il s’agisse de la réalisation initiale de l’équité salariale (par le biais d’un programme ou non) ou de l’exercice de maintien antérieur. 2. Évaluation du maintien : Processus de participation des salariés et associations accréditées Autre modification majeure : l’introduction d’un processus de participation des employés dans les cas où l’exercice initial a été réalisé en comité ou dans le cas où il existe au moins une association syndicale chez l’employeur. Ce processus de participation fait notamment en sorte que l’employeur a l’obligation de transmettre les renseignements relatifs aux travaux d’évaluation, entre autres au moyen de documents écrits. La Loi sur l’équité salariale prévoit que les personnes ayant accès à ces renseignements sont tenues d’en assurer la confidentialité. L’employeur doit en outre instituer des mesures de consultation afin que l’association accréditée ou les salariés puissent poser des questions et soumettre des observations. L’employeur a également l’obligation d’autoriser les employés à se réunir sur les lieux de travail pour déterminer qui sera désigné dans le processus de participation. Quoi qu’il en soit, les salariés sont réputés être au travail dans le cadre de cette démarche. Finalement, l’employeur devra faire état dans l’affichage des questions ou observations soumises dans le cadre du processus de participation et comment celles-ci ont été considérées dans l’évaluation du maintien. 3. Conservation des documents Les documents ayant servi à réaliser l’équité salariale ou à l’évaluation du maintien de cette équité devront désormais être conservés pour une durée de six (6) ans au lieu de cinq (5). Dans le cas d’une plainte ou d’une enquête, l’employeur est tenu de conserver ces documents jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue ou jusqu’à la fermeture du dossier d’enquête. 4. Fin des avis d’affichage Bonne nouvelle : dans le but d’alléger quelque peu le processus d’affichage, il ne sera désormais plus nécessaire pour les employeurs de publier des avis d’affichage indiquant aux employés qu’un affichage en matière d’équité salariale est en cours. 5. Création d’un formulaire de plainte La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (« CNESST ») a conçu un formulaire de plainte que les salariés devront utiliser afin de déposer une plainte. Cette plainte devra exposer sommairement les motifs pour lesquels elle est déposée. 6. Regroupement de plaintes et conciliation La Loi sur l’équité salariale prévoit dorénavant la possibilité pour la CNESST de regrouper des plaintes si celles-ci ont le même fondement juridique, reposent sur les mêmes faits, soulèvent les mêmes questions de droit ou si les circonstances s’y prêtent. Par ailleurs, lorsque plus d’une association syndicale représente des salariés d’une même catégorie d’emploi et qu’une de ces associations dépose une plainte, le processus impose la nomination d’un conciliateur. En cas de regroupement de plaintes ou d’une plainte déposée par l’une des associations syndicales présentes chez un employeur, le salarié ayant également déposé une plainte doit recevoir une copie de l’accord qui est intervenu et ce salarié peut indiquer son refus d’être lié par cette entente. Dans le cas où aucune entente n’a été conclue, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (« CNESST ») devra alors déterminer les mesures qui doivent être prises afin d’assurer que l’équité salariale soit atteinte ou maintenue. Mesures transitoires Les deuxièmes affichages liés à l’évaluation du maintien effectués avant le 10 avril 2019 continuent d’être régis par les dispositions antérieures de la Loi sur l’équité salariale. Toutefois, dans le cas d’un premier affichage effectué avant le 10 avril 2019, le deuxième affichage devra inclure la date de chaque événement ayant généré un ajustement, conformément aux modifications apportées : Un délai de 90 jours (jusqu’au 9 juillet 2019) est accordé pour effectuer ce deuxième affichage. À noter : Les ajustements seront dus à partir de la date de l’événement ayant généré ces ajustements et seront donc rétroactifs selon le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Un employeur qui doit effectuer un affichage lié à l’évaluation du maintien d’ici le 9 juillet 2019, n’a pas l’obligation de mettre en place un processus de participation suivant les nouvelles dispositions de la Loi sur l’équité salariale, même si un comité d’équité salariale avait été formé lors de la réalisation de l’équité salariale ou si une association accréditée représente la totalité ou une partie des salariés visés. Si un employeur a fait l’objet d’une autorisation de la CNESST avant le 12 février 2019 pour réaliser son évaluation du maintien après le 10 avril 2019 et que, n’eût été de cette autorisation, l’affichage de l’évaluation du maintien aurait été effectué avant le 10 avril 2019, alors les dispositions antérieures de la Loi sur l’équité salariale s’appliqueront Pour les évaluations de maintien devant être réalisées d’ici le 10 avril 2020, les nouvelles dates de références pour calculer le délai d’évaluation du maintien ne s’appliqueront qu’à partir de la prochaine évaluation de ce maintien. Comportements à privilégier rapidement? Le législateur devait modifier la Loi sur l’équité salariale afin de tenir compte des conclusions de la CSC. Par ailleurs, ces modifications apporteront un lot de difficultés pratiques que les employeurs devront anticiper. Exercice de maintien Ainsi, bien que le maintien de l’équité salariale doive être évalué aux cinq ans, nous croyons que les employeurs devront instituer un mécanisme leur permettant de déterminer périodiquement les changements majeurs survenus au sein de l’entreprise qui pourraient occasionner des iniquités salariales pour les catégories à prédominance féminine. Il sera nécessaire de conserver un historique de ces événements afin d’être en mesure de déterminer ceux qui auront généré des ajustements, le cas échéant, lors de l’affichage des résultats du maintien. Quoi qu’il en soit, un historique des travaux devrait être conservé, que ces travaux aient ou non été effectués en comité, afin d’assurer une certaine pérennité au sein de l’entreprise en cas de changement de gestionnaire. Puisqu’il exige de suivre continuellement l’évolution de la courbe salariale pour se conformer aux exigences de la loi, le processus de maintien deviendra une formalité moins contraignante. Participation des salariés En ce qui concerne les employeurs désormais tenus d’instituer un processus de participation des salariés, il sera également prudent de faire signer une entente de confidentialité aux salariés qui participent au processus de maintien et de les sensibiliser au caractère privilégié des renseignements auxquels ils ont accès. Affichage Il faudra assurer une divulgation adéquate des renseignements dans le cadre de l’affichage, ce qui aura notamment pour effet de permettre une meilleure compréhension des résultats du maintien et éventuellement minimiser les risques de plaintes. Formation et communication La formation des gestionnaires en ce qui a trait à l’équité salariale deviendra un incontournable afin d’assurer une bonne compréhension de la législation et éviter des incongruités dans la mise en place du processus d’évaluation du maintien. En somme, bien que l’équité salariale soit maintenant une valeur consensuelle bien ancrée dans notre société, il n’en reste pas moins que le législateur impose un cadre restrictif et lourd de formalités qui devront être mises en place afin de répondre aux exigences de la loi. Notre équipe de Droit du travail et de l’emploi peut vous appuyer concrètement dans cet exercice et nous vous invitons à communiquer avec nous. Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17
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Motifs religieux : nouvelle étape dans le traitement des demandes d’accommodements
Le 1er juillet 2018, les dispositions de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes, RLRQ, c. R-26.2.01 (« la Loi »), sont entrées en vigueur. Cette Loi s’applique aux « organismes publics » qu’elle définit, mais demeure d’intérêt pour tout employeur québécois appelé à traiter une demande d’accommodement puisqu’elle établit un cadre d’analyse général d’une telle demande sur la base des principes généralement retenus par les tribunaux. Depuis presque trois décennies, les tribunaux canadiens et québécois ont été saisis de nombreux litiges relatifs au traitement de demandes d’accommodements pour un motif religieux formulées par des employés auprès de leurs employeurs. Les décisions rendues, en particulier par la Cour suprême du Canada, ont permis d’identifier les principales balises qui doivent être observées lors de l’analyse de ces demandes. Ces balises sont toutefois érigées sur des concepts fluides comme l’existence d’une croyance religieuse sincère, l’effet discriminatoire d’une mesure ou la qualification de la contrainte imposée par l’accommodement. Les débats entourant l’adoption de la Loi, en octobre 2017, ont surtout porté sur les enjeux de neutralité religieuse de l’État, comme celui de fournir et recevoir à visage découvert les services de tout organisme associé de près ou de loin à l’État. Ils ont beaucoup moins porté sur le dispositif, pourtant important, qui prescrit une méthode d’analyse des demandes d’accommodements formulées par les membres du personnel de ces organismes. La Loi codifie implicitement les orientations retenues par les tribunaux, non seulement en matière de religion, mais aussi à propos d’autres motifs pouvant constituer une atteinte au droit à l’égalité reconnu, notamment, par la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 (la « Charte »). À cet égard, la Loi ne modifie pas l’état du droit, mais elle en précise les modalités d’application quoique dans l’unique périmètre de la liberté de religion et de son exercice. En revanche, les critères retenus par celle-ci sont suffisamment génériques pour être étendus, par simple analogie, à des motifs différents, comme celui du handicap. L’article 11 de la Loi énumère quatre critères devant être considérés lors du traitement d’une demande d’accommodement : 1° que la demande est sérieuse; 2° que l’accommodement demandé respecte le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que le droit de toute personne d’être traitée sans discrimination; 3°que l’accommodement demandé respecte le principe de la neutralité religieuse de l’État; 4°que l’accommodement est raisonnable, c’est-à-dire qu’il ne doit imposer aucune contrainte excessive eu égard, entre autres, au respect des droits d’autrui, à la santé ou à la sécurité des personnes, au bon fonctionnement de l’organisme, ainsi qu’aux coûts qui s’y rattachent. Par un procédé législatif peu commun, l’article 12 de la Loi prévoit que le ministre de la Justice doit établir des lignes directrices « afin d’accompagner les organismes dans l’application de l’article 11 ». Ces lignes directrices ont été publiées le 9 mai 20181 et constituent un guide d’application de l’article 11 de la Loi ainsi que de l’article 13 qui porte expressément sur les demandes qui impliquent une absence du travail. Elles proposent plusieurs définitions des notions et concepts en présence. Elles illustrent, notamment, plusieurs situations dans lesquelles les demandes peuvent être formulées, de même que les circonstances permettant d’évaluer si les contraintes qui en découlent ont un caractère excessif qui justifie de ne pas y donner suite. Elles énoncent clairement que toute demande d’accommodement pour un motif religieux requiert une évaluation contextuelle et personnalisée, confirmant ainsi qu’en cette matière il est incontournable de procéder au cas par cas, en dépit des critiques que cette approche soulève dans certains milieux. Il faut souligner que la Loi et les lignes directrices sont explicites sur l’obligation de collaboration à laquelle est tenue la personne qui demande un accommodement : à défaut, cette demande peut être écartée. La Loi ne comporte pas, au sens strict, de mesures de sanction en cas de non-respect de ses dispositions. Toutefois, puisqu’elle est étroitement liée à l’application de la Charte, les mécanismes prévus par cette dernière sont accessibles aux personnes qui s’estimeront insatisfaites des décisions prises par un organisme assujetti, comme va le demeurer le processus d’arbitrage, selon le cas. La Loi s’applique aux organismes publics, qu’elle définit de manière très large pour y inclure, par exemple2, les sociétés de transport en commun, les centres de la petite enfance, les établissements privés conventionnés et les ressources intermédiaires du secteur de la santé . On peut toutefois penser qu’elle fournira une référence informelle à la manière de traiter toute demande d’accommodement, peu importe le milieu de travail. Il serait dès lors utile que les gestionnaires d’autres entités s’inspirent des orientations retenues lorsqu’ils auront à traiter des demandes d’accommodements de même qu’il serait pertinent de prendre en considération les approches proposées dans les lignes directrices. L’objectif voulant que les droits fondamentaux soient exercés en toute égalité n’est pas qu’une affaire d’État, c’est avant tout une affaire de société. https://www.justice.gouv.qc.ca/fileadmin/user_upload/contenu/documents/Fr__francais_/centredoc/publications/ministere/dossiers/neutralite/PL62-lignes-FR.pdf (site consulté le 21 juin 2018). Un répertoire des organismes visés est disponible à : https://www.justice.gouv.qc.ca/fileadmin/user_upload/contenu/documents/Fr__francais_/centredoc/publications/ministere/dossiers/neutralite/Liste_organismes_PL62.pdf (site consulté le 21 juin 2018).
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Maintien de l’équité salariale : la Cour suprême met un terme au débat!
Le 10 mai 2018, la Cour suprême a rendu une décision fort attendue en matière d’équité salariale au Québec1. La Cour suprême dans une décision partagée a rejeté l’appel formé par la Procureure générale du Québec et maintient la décision rendue par la Cour d’appel et la Cour supérieure. Trois juges auraient plutôt accueilli l’appel. Par cette décision, la Cour suprême confirme que les articles 76.3, 76.5 et 103.1 al. 2 de la Loi sur l’équité salariale2 portant sur l’exercice de maintien que doivent compléter tous les employeurs assujettis à la Loi sur l’équité salariale (la « LES ») tous les cinq ans portent atteinte au droit à l’égalité garanti par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés3. La Cour suprême rappelle que l’objectif même de la LES est de corriger la discrimination que subissent les femmes au niveau de leur rémunération en raison de leur sexe. Selon le régime qui prévalait jusqu’à maintenant, les employeurs devaient conduire un exercice de maintien tous les cinq ans suivant leur premier exercice ou leur exercice de maintien antérieur, le cas échéant. En cas de disparité salariale, l’employeur devait procéder à des ajustements pour le salaire versé postérieurement à cet exercice, sans donner droit à un ajustement rétroactif pour les années précédentes où cette disparité existait pourtant. La Cour suprême a confirmé l’interprétation faite par les instances précédentes et conclut qu’un tel processus viole le droit à l’égalité de traitement des femmes. En d’autres mots, l’exercice de maintien tel qu’il existe actuellement perpétuait le désavantage des femmes face aux hommes. La LES accordait en quelque sorte une amnistie à l’employeur pour la discrimination qu’il faisait subir aux femmes. Dans un passage fort éloquent, la juge Abella écrit : « [38] Bien qu’il soit censé remédier à la discrimination systémique, le régime codifie en fait le refus d’accorder aux femmes des avantages dont jouissent habituellement les hommes — à savoir une rémunération liée à la valeur de leur travail. Les hommes reçoivent cette rémunération comme si cela allait de soi; les femmes, suivant ce régime, sont quant à elles censées endurer des périodes de cinq ans d’iniquité salariale et recevoir une rémunération égale uniquement lorsque leur employeur agit volontairement de manière non discriminatoire, ou encore lorsqu’elles peuvent s’acquitter du lourd fardeau de prouver que celui-ci a eu une conduite délibérée ou inappropriée. Le régime fait donc obstacle à l’accès des femmes à l’équité salariale. […] » La Cour suprême vient à la conclusion que cette atteinte à un droit constitutionnellement garanti, bien que pouvant être justifiée d’une certaine façon par un souci d’encourager un respect accru de la LES, ne constitue pas une atteinte minimale et emporte un préjudice qui excède les effets bénéfiques d’une telle mesure. La Cour suprême souligne également qu’en l’absence des dates auxquelles sont apparues les disparités de traitement dans le cadre de l’affichage suivant l’exercice de maintien, les femmes sont privées de la possibilité de réclamer des ajustements rétroactifs puisqu’elles peuvent alors très difficilement faire la preuve de la mauvaise foi de leur employeur. Nous tenons également à souligner qu’une autre décision fut rendue par la Cour suprême à cette même date en matière d’équité salariale au Québec4. Cette décision portait plus précisément sur l’implantation d’un mécanisme d’équité salariale chez les employeurs n’ayant pas de comparateurs masculins et du délai d’entrée en vigueur d’un tel mécanisme. La Cour suprême a retenu qu’il y avait également discrimination, mais que celle-ci se justifiait notamment en raison de la complexité de ce type de législation et de l’implantation de telles mesures. Le gouvernement du Québec devra donc procéder à des modifications législatives et nous invitons les employeurs à garder l’œil ouvert à ce sujet! Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2018 CSC 17 L.R.Q., c. E-12.001 Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11. Centrale des syndicats du Québec c. Québec (Procureure générale), 2018 CSC 18
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L’essentiel des changements apportés à la Loi sur les normes du travail
Le 20 mars 2018, la ministre Dominique Vien a présenté le très attendu projet de loi n° 176 à l’Assemblée nationale, intitulé la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d’autres dispositions législatives afin principalement de faciliter la conciliation «famille-travail», un sujet d’importance et d’actualité chez plusieurs employeurs au Québec. Plusieurs groupes patronaux, syndicaux et communautaires ont été consultés relativement aux améliorations à apporter à la Loi sur les normes du travail (la «LNT»). Toutefois, il s’agit d’un projet qui fera possiblement l’objet de révision et amendement avant son adoption, si tel est le cas. Voici pour l’essentiel certaines des modifications législatives importantes proposées par ce projet de loi : La responsabilité de l’administrateur ou du dirigeant de la personne morale : Dans le contexte d’une poursuite pénale pour violation de la Loi sur les normes du travail (la «LNT») par une personne morale ou ses représentants, l’administrateur ou le dirigeant de la personne morale sera présumé avoir commis lui-même une infraction, à moins d’établir qu’il a fait preuve de diligence raisonnable. Cela serait par ailleurs cohérent avec les modifications législatives quant à la responsabilité des administrateurs, en matière de santé et sécurité au travail. Du nouveau en matière de harcèlement psychologique : Obligation d’adopter une politique de prévention du harcèlement psychologique («HP») et de traitement des plaintes; Dans un objectif de prévention accrue, la Loi sur les normes du travail (la «LNT») explicitera que les paroles, actes et gestes à caractère sexuel constituent du harcèlement psychologique, conformément à l’interprétation actuelle des tribunaux; En cas de plainte pour inconduite sexuelle, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail («CNESST») devra aviser sans délai la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse («CDPDJ»). L’équité intergénérationnelle : Bonification de la protection existante contre la disparité des conditions de travail fondées sur la date d’embauche des salariés effectuant les mêmes tâches dans un même établissement : en plus d’une équité salariale et d’attribution de congés annuels, les régimes de retraite et d’autres avantages sociaux s’ajoutent à la liste des conditions de travail ne pouvant pas faire l’objet de disparité; - À noter : les employeurs ayant déjà mis en place des régimes d’avantages sociaux et des régimes de retraite différents selon la date d’embauche des employés (par exemple à prestations déterminées pour les anciens, et à cotisations déterminées pour les nouveaux) ne seront pas tenus de les modifier; Certains congés bonifiés, dont : Une durée de vacances annuelles de 3 semaines pour les salariés ayant 3 ans de service continu, au lieu de 5 ans, tel que le prévoit actuellement la Loi sur les normes du travail (la «LNT»); 26 semaines d’absence protégée sur une période de douze mois, par la LNT pour un salarié victime de violence conjugale; Rémunération des deux premiers jours d’absences pour un salarié justifiant trois mois de service continu pour cause de don d’organes ou de tissus, d’accident, de violence conjugale ou d’acte criminel : Possiblement inspiré de la loi ontarienne, tout salarié pourra s’absenter dix jours par année pour remplir ses obligations familiales et les deux premières journées prises annuellement seront payées; La période d’absence déjà permise de 12 semaines passerait à 16 semaines lorsque la présence d’un salarié est requise par l’état de santé d’un proche, sur une période de 12 mois et ce congé est augmenté à 36 semaines lorsque le proche est un enfant mineur; Le projet de loi propose qu’un salarié puisse s’absenter pendant deux journées payées à l’occasion d’un décès ou de funérailles (au lieu d’une journée), mais prévoit qu’il ne bénéficie que de trois autres journées sans salaire (au lieu de quatre). Soulignons que le projet de loi reformule certains congés pour prévoir qu’un salarié agissant auprès d’un parent ou comme «proche aidant» pourra bénéficier de ces congés et d’une plus longue période de protection de son lien d’emploi en cas d’absence. Les dispositions relatives aux heures de travail : Un refus de travail sera possible au-delà de deux heures des heures habituelles quotidiennes de travail d’un salarié (au lieu de quatre heures); Un salarié aura le droit de refuser de travailler s’il n’a pas été informé cinq jours à l’avance qu’il serait requis de travailler, sauf lorsque la nature de ses fonctions exige qu’il demeure en disponibilité; L’article 53 de la LNT sera modifié de façon à permettre à l’employeur et au salarié de convenir d’un étalement des heures de travail aux fins du calcul du temps supplémentaire sans que l’autorisation de la CNESST ne soit nécessaire; Pour les agences de placement, spécifiquement : Protection accrue des travailleurs embauchés par l’entremise d’agences de placement de personnel et des travailleurs étrangers temporaires. De telles agences devront désormais détenir un permis afin d’exercer leurs activités; De plus, une agence de placement de personnel ne pourra accorder à un salarié un taux de salaire inférieur à celui consenti aux salariés de l’entreprise cliente qui effectue les mêmes tâches uniquement en raison de son statut d’emploi; L’agence de placement et l’entreprise cliente seront également solidairement responsables des obligations pécuniaires découlant de la Loi sur les normes du travail (la «LNT»). Nous suivrons avec intérêt l’évolution de l’adoption de ce projet de loi qui, rappelons-le, pourrait faire l’objet de plusieurs amendements. Nous anticipons que les dispositions relatives à l’équité intergénérationnelle ainsi que celles relatives aux agences de placement feront l’objet de vifs débats parlementaires, vu les enjeux sociaux importants qu’elles tentent de circonscrire. Pour la version intégrale du projet de loi, cliquez ici.
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Maintien de l’équité salariale : La Cour d’appel du Québec tranche
Le 12 octobre dernier, la Cour d’appel du Québec a rendu une importante décision en matière d’équité salariale1, confirmant la décision rendue par l’honorable Édouard Martin de la Cour supérieure le 22 janvier 2014 et invalidant les articles 76.3 et 76.5 de la Loi sur l’équité salariale2 (ci-après « la LES ») portant sur le maintien de l’équité salariale et le paiement des ajustements salariaux. De fait, depuis 2009, la LES exige des employeurs qu’ils révisent leur programme d’équité salariale à tous les cinq ans. Toutefois, la LES ne prévoit pas de paiements rétroactifs si des ajustements salariaux seraient autrement exigibles à la suite d’une telle révision. Par conséquent, les employeurs ne compensent pas l’écart salarial qu’auraient pu subir les catégories d’emploi à prédominance féminine au cours des cinq années précédant le maintien. De plus, l’affichage des résultats de la révision n’inclut pas les informations nécessaires aux employés afin que ces derniers puissent faire valoir leurs droits. La Cour d’appel a déclaré que ces modalités de la LES sont discriminatoires au sens de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Charte des droits et libertés de la personne, en ce qu’elles permettent que l’inégalité dont auraient été victimes les femmes en milieu de travail antérieurement à l’exercice du maintien ne fasse l’objet d’aucune compensation rétroactive. En effet, selon la Cour d’appel, la LES dans sa forme actuelle permet qu’une salariée soit victime de discrimination quant à son salaire pour une durée pouvant aller jusqu’à 5 ans. En vertu de ce jugement, le Gouvernement du Québec doit procéder à des modifications législatives d’ici la prochaine année, période durant laquelle les dispositions actuelles continuent de s’appliquer. À défaut de respecter cette échéance, les articles 76.3 et 76.5 de la LES deviendront inopérants. Le Gouvernement du Québec peut porter en appel cette décision devant la Cour suprême du Canada. Il dispose d’un délai de 60 jours pour le faire. Il sera sans doute important de suivre ce dossier avec attention. Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux, 2016 QCCA 1659. RLRQ, c. E-12.001.
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Droit de retour au travail : du ressort de l’arbitre ou de la CNESST et du TAT?
Le 24 novembre dernier, la Cour d’appel du Québec a rendu un jugement attendu dans l’affaire Université McGill c. McGill University Non Academic Certified Association (MUNACA)1 (affaire « McGill »). Par ce jugement, la Cour dissipe l’ambiguïté jurisprudentielle qui existait depuis quelques années au sujet de la compétence de l’arbitre de grief en matière de litiges découlant de l’interprétation et de l’application de dispositions de conventions collectives relatives au retour au travail d’un salarié à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (« LATMP »)2. Dans cette affaire, la Cour devait se pencher sur les questions suivantes : les parties à une convention collective peuvent-elles prévoir, au bénéfice de salariés, des conditions plus avantageuses que celles qui sont prévues par la LATMP et, le cas échéant, qui a compétence pour entendre et décider des mésententes découlant des telles dispositions conventionnelles ? Enfin, la Cour devait déterminer si la convention collective unissant les parties en cause contient une telle disposition plus avantageuse que la loi. LE CONTEXTE DE L’AFFAIRE McGILL Un salarié a conservé des limitations fonctionnelles permanentes à la suite d’une lésion professionnelle. La Commission de la santé et de la sécurité du travail3 (« CSST ») a déterminé que celles-ci l’empêchaient d’occuper son poste prélésionnel et identifié un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, un tel emploi n’étant pas disponible chez l’employeur. Après avoir temporairement assigné le salarié à des travaux légers, l’employeur a mis fin à l’emploi du salarié près de cinq ans après la détermination par la CSST de l’emploi convenable, au motif qu’un tel emploi n’existe toujours pas au sein de son organisation. La convention collective unissant les parties prévoit par ailleurs que « [l]e salarié qui redevient capable de travailler, mais qui demeure avec une limitation fonctionnelle permanente l’empêchant d’occuper le poste qu’il occupait antérieurement est replacé, sans affichage, à un autre poste que son état de santé lui permet d’occuper, compte tenu des postes disponibles à combler. » Le salarié conteste la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi par voie de griefs et réclame qu’un autre poste lui soit offert et ce, malgré les conclusions de la CSST à l’effet que l’emploi convenable déterminé n’existe pas chez l’employeur. Pour sa part, l’employeur soulève une objection à la compétence de l’arbitre, au motif que celui-ci n’a pas « juridiction sur la capacité d’un travailleur victime d’un accident du travail ayant entraîné des limitations fonctionnelles permanentes, à exercer un emploi chez son employeur4. » Les parties ont convenu d’en traiter de manière préliminaire et l’arbitre conclut que la compétence que lui confère l’article 244 de la LATMP pour régler les modalités de retour au travail « n’inclut pas celle de décider [de] la capacité [d’un salarié] d’exercer un emploi à la suite d’une lésion professionnelle, question réservée à la CSST et à la CLP en appel5 ». Par conséquent, il accueille l’objection de l’employeur et décline compétence, sans se prononcer sur le bien-fondé des griefs contestant notamment la fin d’emploi du salarié. Le Syndicat demande la révision judiciaire de cette décision et la Cour supérieure casse la sentence arbitrale et renvoie les griefs devant l’arbitre afin qu’il se prononce sur le mérite de ceux-ci6. L’employeur interjette appel du jugement. La Cour d’appel du Québec confirme la décision de la Cour supérieure et rejette l’appel de l’employeur. LA DÉCISION DE LA COUR D’APPEL À l’instar de la Cour supérieure, la Cour d’appel conclut que l’article 4 de la LATMP permet aux parties à une convention collective d’y prévoir des dispositions plus avantageuses pour les salariés que celles qui sont prévues par cette loi. L’article 244 de la LATMP ne limite pas cette possibilité. Par conséquent, l’arbitre de grief a compétence exclusive sur la question de savoir si une convention contient une clause conférant des avantages supérieurs à ceux prévus à la LATMP et, le cas échéant, quant à l’interprétation et à l’application d’une telle clause7. À titre d’exemple, la Cour précise qu’une convention collective pourrait prévoir des dispositions avantageuses qui auraient pour effet, notamment : d’allonger le délai d’exercice du droit au retour au travail prévu à l’article 240 de la LATMP et ainsi obliger l’employeur à réintégrer le salarié dans l’emploi prélésionnel ou dans l’emploi convenable et ce, au-delà de la période prescrite par la loi8; d’obliger l’employeur à rendre disponible ou à créer un emploi convenable au sein de son entreprise, s’il n’en existe pas ou s’il n’est pas disponible; d’obliger l’employeur à offrir au salarié incapable de reprendre son emploi prélésionnel tout autre emploi correspondant à ses capacités résiduelles, même s’il ne s’agit pas d’un « emploi convenable » au sens de la LATMP9. La Cour rappelle toutefois que, dans le cadre de l’exercice de sa compétence, l’arbitre demeure lié par les déterminations faites par la CSST ou la Commission des lésions professionnelles (« CLP »), le cas échéant, notamment quant à l’existence d’une lésion professionnelle, à la capacité du salarié à reprendre son emploi prélésionnel, à ses limitations fonctionnelles ou à l’emploi convenable10. Ces déterminations constituent la « toile de fond » sur laquelle s’inscrira la sentence arbitrale. En revanche, si l’arbitre conclut que la convention collective ne comporte aucun avantage additionnel au régime prévu par la LATMP, il ne peut s’arroger compétence pour imposer des obligations additionnelles à l’employeur, et le salarié qui exerce les droits que lui donne cette loi ne peut exiger davantage. Dans une telle éventualité, les parties sont et demeurent liées par les déterminations de la CSST et, le cas échéant, de la CLP11. COMMENTAIRES En somme, selon l’arrêt McGill, l’arbitre de grief a compétence exclusive pour, en premier lieu, déterminer si une convention collective confère à un salarié des droits plus avantageux que ceux qui sont prévus par la LATMP et, le cas échéant, interpréter ces dispositions et en assurer l’application. Dans le cadre de cet exercice, l’arbitre de grief ne peut rejeter, réfuter ni discuter les déterminations faites par la CSST ou la CLP et son intervention doit s’intégrer au cadre tracé par ces organismes en vertu de la LATMP. Cet arrêt dissipe donc l’ambiguïté12 qui pouvait notamment résulter des arrêts Société des établissements de plein air du Québec c. Syndicat de la fonction publique du Québec13 et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 427 c. Tembec, usine de Matane14, dans lesquels les tribunaux confirment les décisions des arbitres de grief accueillant les objections préliminaires des employeurs portant sur leur compétence au motif qu’ils ne pouvaient remettre en question les décisions rendues par la CSST et la CLP dans le cadre de leur juridiction exclusive. Notons que, dans ces deux affaires, les conventions collectives ne contenaient aucune disposition plus avantageuse que la LATMP au chapitre du droit de retour au travail15. L’avenir nous dira si le jugement de la Cour d’appel dans l’affaire McGill aura un impact sur la négociation de clauses de conventions collectives prévoyant des dispositions plus avantageuses que celles prévues par la LATMP. Cependant, nous croyons que les litiges découlant de la mise en oeuvre du retour au travail d’un salarié suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle devront également être analysés sous l’angle du jugement de la Cour d’appel dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Caron16, selon lequel l’employeur doit, dans le cadre de l’exercice du droit de retour au travail d’un salarié et de la recherche d’un emploi convenable, procéder à un exercice d’accommodement raisonnable conforme à la Charte des droits et libertés de la personne17, jusqu’à la contrainte excessive. 2015 QCCA 1943. En date du 4 janvier 2016, aucune demande d’autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada n’a été déposée. Nous attirons également votre attention sur les arrêts rendus par la Cour d’appel sur le même sujet dans les affaires Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301 c. Beaconsfield (Ville de), 2015 QCCA 1958 et Montréal-Est (Ville de) c. Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal, section locale 301, 2015 QCCA 1957. RLRQ c A-3.001. Depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2016, de la Loi regroupant la Commission de l’équité salariale, la Commission des normes du travail et la Commission de la santé et de la sécurité du travail et instituant le Tribunal administratif du Québec, L.Q. 2015, c. 15, la CSST a été remplacée par la « Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail » et la CLP est désormais remplacée par le « Tribunal administratif du travail ». Propos rapportés, en première instance, au paragraphe 56 de la sentence arbitrale (D.T.E. 2011T-582), et repris par la Cour d’appel dans l’arrêt McGill, au paragraphe 10. Paragraphe 103 de la sentence arbitrale, repris par la Cour d’appel au paragraphe 15. 2013 QCCS 1175. Arrêt McGill, paragraphe 95. Ce délai prévu à l’article 240 de la LATMP est d’un ou de deux ans, selon le cas. Voir notamment le paragraphe 51. Arrêt McGill, paragraphes 73 et 74. Id., paragraphe 78. Id., paragraphe 20. 2009 QCCA 329. 2012 QCCA 179. Tel que noté par la Cour d’appel dans l’arrêt McGill, paragraphe 60. 2015 QCCA 1048. À cet égard, nous vous référons à notre publication antérieure concernant cet arrêt, que vous pouvez consulter en cliquant ici. RLRQ c C-12.
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La Cour suprême du Canada rend une décision au sujet des clauses restrictives prévues dans une convention de vente d’actifs
Le 12 septembre dernier, dans l’affaire Payette c. Guay inc.1, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement d’intérêt pour toutes parties impliquées dans une transaction d’achat ou de vente d’actifs. En effet, la Cour apporte un éclairage important sur l’interprétation des clauses limitant l’emploi et la concurrence post-emploi lorsque celles-ci sont établies dans une convention de vente d’actifs qui prévoit accessoirement la formation d’un contrat de travail.La Cour suprême confirme, après une analyse détaillée du libellé de la convention de vente d’actifs et du contexte des négociations s’y rapportant, que les clauses faisant l’objet du litige ne sont pas rattachées à un contrat de travail, mais plutôt à un contrat de vente. En effet, selon la Cour, la nature des obligations principales du contrat-cadre ne relève pas d’une relation de travail, celle-ci n’étant qu’accessoire au contrat de vente.Mais il y a plus : le Juge Wagner, au nom de la Cour, confirme qu’il n’est pas nécessaire qu’une clause de non-sollicitation, négociée dans le cadre d’une convention de vente d’actifs, soit assortie d’une limitation quant à sa portée territoriale pour être valide.Voici ses motifs : L’objet de la clause de non-sollicitation est plus étroit que celui de la clause de non-concurrence. La clause de non-sollicitation crée des obligations moins strictes qu’une clause de non-concurrence. La portée territoriale, bien qu’elle ne soit pas spécifiée, peut être aisément circonscrite par l’analyse de la clientèle ciblée. L’économie moderne, les nouvelles technologies ne permettent plus de limiter la clientèle d’un point de vue géographique.Par conséquent, l’absence de limite territoriale dans une clause de non-sollicitation, intervenue dans le cadre d’une convention de vente d’actifs, ne permet pas de l’invalider d’emblée.Cette décision fera l’objet d’une analyse plus détaillée dans le cadre d’une publication ultérieure._________________________________________ 1 2013 C.S.C. 45.
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« J’ai menti, mais c’était de bonne foi!1 »
Le processus de pré-embauche est une étape déterminante pour la viabilité de la relation employeur-employé. Tant l’employeur que le postulant ne doivent pas négliger l’importance de ce processus qui permet d’établir les bases de leur relation contractuelle. Ce processus est balisé par un cadre législatif sur lequel l’employeur doit articuler sa démarche en pondérant la nécessité de recueillir certaines informations personnelles du postulant tout en respectant le droit de ce dernier de ne pas être discriminé.C’est de cette pondération dont traite la Cour d’appel, en confirmant la décision de l’arbitre Me Michel Bolduc2, dans Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Cœur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières3. Cette décision de la Cour d’appel constitue un rappel des principes devant guider aussi bien les postulants que les employeurs au stade de la cueillette de renseignements personnels avant l’embauche.LES FAITSLe salarié a occupé un poste d’infirmier-auxiliaire de 1987 à 1994 au Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (« CHRTR »). En 1994, il quitte son poste pour poursuivre des études. C’est alors qu’il fait face à des problèmes de dépression et de dépendance à l’alcool et au jeu. En février 2005, après avoir subi une cure pour pallier à ses problèmes, il postule pour un poste d’infirmier-auxiliaire au CHRTR. Lorsqu’il complète le questionnaire médical pré-embauche, il omet de répondre à toute question reliée à ses antécédents psychiatriques.Un peu plus d’un an après son embauche par le CHRTR, le salarié est mis en arrêt de travail pour subir des examens concernant une entérite chronique. Il dépose une réclamation pour obtenir des prestations d’assurance-salaire afin de prolonger son arrêt de travail en raison, cette fois, d’une dépression et d’une maladie physique. L’employeur exige alors du salarié qu’il soit examiné par un médecin de son service de santé et de sécurité au travail. Après évaluation médicale, le médecin désigné, en recensant les antécédents du salarié, suspecte une maladie affective bipolaire et prolonge son arrêt de travail de six semaines. Dans ces circonstances, le médecin estime utile d’obtenir le dossier médical psychiatrique du salarié.Le dossier médical psychiatrique révèle des antécédents de dépression et de troubles de l’adaptation avec humeur dépressive pour lesquels le salarié avait pris de la médication avant février 2005. Au moment où le salarié a postulé à l’emploi d’infirmier-auxiliaire, il était en sevrage de sa médication. En février 2007, considérant les antécédents médicaux mis en lumière, le médecin désigné par l’employeur émet l’avis que le salarié présente un risque important d’absentéisme et qu’il n’était pas « médicalement stable » lors de son embauche4. Constatant qu’aucun des antécédents psychiatriques du salarié n’a été déclaré dans le questionnaire médical pré-embauche, l’employeur congédie le salarié en date du 12 mars 2007 pour fausses déclarations.Le syndicat a contesté le congédiement au motif que le questionnaire médical pré-embauche portait atteinte aux droits fondamentaux du salarié prescrits par la Charte des droits et libertés de la personne5 (la « Charte »). Selon le syndicat, le salarié ne devait pas être sanctionné pour avoir omis de répondre à des questions discriminatoires6.L’employeur, quant à lui, a principalement soumis que : (i) les questions posées au salarié étaient justifiées, compte tenu de la nature du poste convoité; (ii) le syndicat n’a pas fait la preuve d’une utilisation abusive du questionnaire; (iii) il avait le droit et le devoir de vérifier que les candidats ont les aptitudes requises pour exécuter, de manière sécuritaire, les tâches qui leurs sont confiées.Selon l’employeur, de par sa mission, il coule de source qu’il doit être informé de l’état de santé de ses employés pour protéger la santé des patients. Le consentement requis pour la formation du contrat de travail et nécessaire pour prendre une décision éclairée quant à l’embauche du salarié a été vicié par ses fausses déclarations.L’arbitre Bolduc a conclu que le salarié a induit l’employeur en erreur car ce dernier doit, au moment de l’embauche, pouvoir établir si le candidat peut fournir une prestation de travail adéquate et régulière. Il a donc rejeté le grief. La Cour supérieure, siégeant en révision judiciaire de cette décision, a estimé que la décision de l’arbitre était raisonnable7.ANALYSE DE L’ARRÊT DE LA COUR D’APPELDans tout contrat, les parties se doivent une divulgation mutuelle des informations pertinentes afin de fournir un consentement libre et éclairé à leur relation. Pour la Cour d’appel, le salarié avait l’obligation d’agir de bonne foi en répondant au questionnaire pré-embauche.Toutefois, une fausse déclaration par un employé n’entraîne pas automatiquement la peine capitale qu’est le congédiement. La justification d’un congédiement pour fausse déclaration répond à certains critères développés par la jurisprudence arbitrale et avalisés par la Cour d’appel, à savoir :1) l’objet de la fausse déclaration;2) la relation entre les renseignements omis et l’emploi du salarié;3) l’effet de la fausse déclaration sur le consentement de l’employeur;4) le caractère volontaire de la fausse déclaration8.Ces critères ne sont pas cumulatifs et l’un d’entre eux peut suffire à justifier un congédiement. Toutefois, pour qu’une fausse déclaration à un questionnaire médical pré-embauche soit susceptible de mener à un congédiement, encore faut-il que les questions auxquelles le postulant a omis de répondre soient valides au sens de la Charte.De fait, l’article 18.1 de la Charte interdit, au stade de la pré-embauche, toute recherche d’information basée sur l’un des motifs de l’article 10 dont, notamment, la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.Or, l’état de santé d’un individu rejoint la notion de handicap énumérée à l’article 10 de la Charte. Incidemment, toute question à ce sujet constituera, à première vue, une pratique discriminatoire.Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’un employeur n’est pas justifié de recueillir des informations à ce sujet. Par cet arrêt, la Cour d’appel cristallise cette position et rappelle qu’il faut, dans de telles circonstances, démontrer par prépondérance des probabilités que les informations demandées quant à l’état de santé du postulant établissent une distinction ou une préférence fondée sur les aptitudes ou les qualités requises par l’emploi postulé9, tel que le permet l’article 20 de la Charte.En s’inspirant des critères développés par la Cour suprême10 en matière d’« exigence professionnelle justifiée », la Cour d’appel nous enseigne que pour déterminer si une aptitude ou qualité est requise par l’emploi au sens de l’article 20 de la Charte, il faut examiner le but et l’objectif poursuivis par l’employeur et le lien rationnel qui les rattache aux exigences objectives de l’emploi11.C’est ainsi que, tel que l’exprime la Cour d’appel : « […] le droit de l’employeur d’obtenir des informations du postulant doit être modulé en fonction de l’emploi convoité et des tâches à accomplir. »En l’espèce, le salarié a certes fait une preuve prima facie qu’il a été discriminé au sens de l’article 18.1 de la Charte, mais l’employeur a réussi à établir qu’il y avait une relation directe entre les questions posées et le travail d’infirmier-auxiliaire. Faute d’avoir des réponses véridiques aux questions posées au salarié, l’employeur ne pouvait procéder à l’évaluation adéquate des aptitudes de celui-ci.Ainsi, dans la mesure où la collecte de renseignements est légitime, une fausse déclaration du postulant sur ce sujet pourrait entraîner un congédiement sans que cela ne constitue une mesure discriminatoire.L’APPLICATION RÉCENTE DE CET ARRÊT PAR LA JURISPRUDENCE ARBITRALEL’arbitre Me Maureen Flynn, sans s’y référer directement, a suivi l’approche de la Cour d’appel dans la décision Syndicat des chauffeurs d’autobus, opérateurs de métro et employés des services connexes au transport de la STM, section locale 1983- S.C.F.P. et La STM12, rendue le 17 avril dernier.L’arbitre devait déterminer si les informations dissimulées par le salarié quant au fait qu’il avait déjà été victime d’un accident de travail et qu’il avait déjà eu une hernie discale avaient eu pour effet de vicier le consentement de l’employeur au stade de l’embauche. Elle considère incidemment qu’en omettant de divulguer cette information directement en lien avec l’emploi et dont l’importance aurait pu avoir pour effet d’affecter l’embauche du salarié, ce dernier a fait une fausse déclaration alors qu’il était en pleine connaissance des conséquences que celle-ci pouvait entraîner.CONCLUSION ET COMMENTAIRESBien que l’employeur soit en droit de poser les questions nécessaires pour guider son évaluation des aptitudes du postulant à exercer les fonctions reliées à l’emploi et de prendre une décision d’embauche éclairée13, le postulant a droit, quant à lui, à un processus d’embauche exempt de discrimination.La cueillette d’informations relatives à l’état de santé et aux antécédents d’un postulant ne doit pas servir à exclure d’emblée celui qui ne jouit pas d’une parfaite santé.Le postulant doit cependant faire preuve de bonne foi lorsqu’il répond aux questions de l’employeur. Il ne peut, dans le doute, dissimuler certaines informations qui pourraient lui être préjudiciables et, une fois le subterfuge découvert, réclamer la protection qui lui est conférée par la Charte pour justifier ses fausses déclarations14.Le postulant doit s’en remettre à la bonne foi de l’employeur quant à la pertinence du questionnaire. Les redressements en vertu de la Charte demeurent toujours disponibles en cas d’abus, mais celle-ci ne constitue pas une panacée sous laquelle le postulant peut ultérieurement se réfugier pour justifier une fausse déclaration sur des éléments que l’employeur était en droit de connaître.L’employeur devra quant à lui restreindre sa collecte de renseignements à ceux qui sont nécessaires pour l’évaluation éclairée de la candidature du postulant, sans que cet exercice ne soit abusif. Il devra s’en remettre à la bonne foi du postulant en ayant à l’esprit que toute fausse déclaration sur un élément déterminant de l’évaluation des aptitudes requises pour le poste à combler pourra être sanctionnée, ultimement, par un congédiement justifié._________________________________________ 1 Citation de M. Bernard Tapie, tirée de son procès. 2 Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Coeur du Québec (SIIIACQ) et Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, AZ 50665143 (T.A.). 3 Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Coeur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, 2012 QCCA 1867 (C.A.) (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée le 21 mars 2013, 2013 CanLII 14333 (C.S.C.)). 4 Id., au par. 9. 5 L.R.Q., c. C-12. 6 Préc., note 2, au par. 36. 7 Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Coeur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, 2010 QCCS 5311 (C.S.). 8 Id., au par. 60. 9 Id., au par. 67. 10 Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3. 11 Id.; voir également : Hôpital Général juif Sir Mortimer B. Davis c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2010 QCCA 172 (C.A.) (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée le 8 juillet 2010 (no 33631)); Brossard c. Québec (Commission des droits de la personne), [1988] 2 R.C.S. 279. 12 2013 CanLII 26264 (QC SAT). 13 Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes, infirmières auxiliaires du Coeur du Québec (SIIIACQ) c. Centre hospitalier régional de Trois-Rivières, préc., note 3, au par. 77. 14 Id., au par. 78.
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Bulletin d’information juridique à l’intention des entrepreneurs et des décideurs, Numéro 13
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