Riches en information pertinente, nos publications vous permettent d’être à l’affût de l’actualité juridique qui vous touche, quel que soit votre secteur d’activité. Nos professionnels s’engagent à vous tenir au fait des dernières nouvelles juridiques, à travers l’analyse des derniers jugements, modifications et entrées en vigueur législatives et réglementaires.
Publications
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Les infrastructures de transport, piliers de la relance économique
Comme plusieurs autres gouvernements, le gouvernement du Québec a décidé de miser sur les investissements en infrastructure en vue de contribuer à pallier les impacts de la pandémie de COVID-19 et favoriser la relance économique du Québec. Un nombre important de ces investissements seront effectués dans le secteur des transports et le gouvernement veut accélérer la réalisation de plusieurs projets de transport structurants pour la région du Montréal métropolitain. Cet accent sur la construction comme moyen d’accélérer la sortie de crise s’inscrit dans un contexte de baisse d’intérêt marquée des entrepreneurs et des professionnels en construction pour les marchés publics de construction. Selon une étude récente de trois professionnels de Raymond Chabot Grant Thornton1, effectuée pour le compte des six intervenants importants du secteur de la construction au Québec, ce désintéressement pour les marchés publics s’explique par un certain nombre de facteurs : des modalités de paiement mal adaptées, des clauses contractuelles peu attrayantes, des enjeux en lien avec le processus d’appel d’offres, la lourdeur de la gestion contractuelle et principalement pour les professionnels en construction, les plafonds aux taux horaires prévus dans les décrets gouvernementaux. Le gouvernement du Québec est conscient de cette baisse d’intérêt pour les marchés publics de construction et, à la fin mars 2021, a déposé un plan d’action pour le secteur de la construction pour y faire face. Quatre familles de mesures se retrouvent dans ce plan d’action. Tout d’abord, le gouvernement réitère, d’une part, sa volonté de devancer la réalisation d’un certain nombre de projets prévus dans le plan des infrastructures du Québec et, d’autre part, mettre en œuvre ce plan de manière plus efficace. La Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure présentée en juin 2020 et adoptée en décembre 2020, soit avant même le dépôt du plan d’action, s’inscrit dans cette veine. Les deux autres familles de mesures prévues au plan d’action visent à mettre en place des solutions pour réduire la pénurie de main d’œuvre dans l’industrie de la construction et à favoriser l’augmentation de la productivité de l’industrie. La Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure vise environ 180 projets, dont un grand nombre en matière de transport, de santé et services sociaux et d’éducation. La loi vise en particulier plusieurs projets de transport structurant dans la région du Montréal métropolitain. Notons, en particulier, les projets structurants de transport collectif électrique pour relier l’est, le nord-est et le sud-ouest de Montréal au centre-ville (ce qui comprend le REM de l’Est et la première phase de la ligne rose du Métro), l’amélioration des accès au Port de Montréal, la reconstruction du pont de l’Ile-aux-Tourtes, le tramway de Longueuil, le prolongement du REM vers Laval et la mise en place d’un service de bus rapides à Laval. Les mesures prévues dans la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure s’articulent autour de quatre grands axes. Tout d’abord, le processus d’expropriation des immeubles requis pour la réalisation d’un projet est simplifié. Deuxièmement, en matière environnementale, un certificat d’autorisation ne sera pas requis quant à certains projets et, pour d’autres, la procédure d’étude du projet par le BAPE est simplifiée. Un processus accéléré d’autorisation d’occupation du domaine de l’État est prévu pour les projets où cette occupation est nécessaire. Enfin, on prévoit certains allégements quant à l’obtention des autorisations municipales requises pour la réalisation des projets visés. Des mesures extraordinaires s’imposaient pour faire face à la situation extraordinaire engendrée par la pandémie de COVID-19. On doit donc saluer les efforts du gouvernement québécois pour corriger les conséquences de cette pandémie. Cependant, la démarche choisie par le gouvernement n’est pas exempte de risques. Ainsi, certaines critiques ont mis en garde le gouvernement contre les risques de collusions possibles entre les soumissionnaires, lesquelles pourraient être favorisées par ce contexte d’accélération de la réalisation des projets. Pour réduire ce risque, la Loi concernant l’accélération de certains projets d’infrastructure octroie des pouvoirs de surveillance accrus à l’Autorité des marchés publics, dont, dans des cas patents, le pouvoir de suspendre l’exécution d’un contrat. Des craintes ont également été exprimées quant à la qualité des ouvrages construits, d’où l’importance de maintenir un régime de consultations publiques adéquat. Finalement, les retards de paiement du gouvernement ont été soulevés, comme nous l’avons vu dans le rapport de Raymond Chabot Grant Thornton, mais également dans le cadre des consultations publiques qui ont précédé l’adoption de la loi. La loi tente de répondre, au moins partiellement, à ces critiques en rendant applicable à l’ensemble des projets qu’elle vise le projet pilote visant à faciliter le paiement des entreprises. On peut espérer que la Loi concernant l’accélération des projets d’infrastructure, associée aux autres mesures annoncées par le gouvernement dans son plan d’action pour l’industrie de la construction, fera des infrastructures un fer de la relance économique du Québec alors que la fin de la pandémie de COVID-19 pointe à l’horizon. Une version courte de cette publication a été publiée à titre de lettre ouverte dans La Presse. Cliquer ici pour la consulter. Plante, Nicolas, Jean-Philippe Brosseau et Marie-Pier Bernard, Consultation visant à évaluer le niveau d’intérêt des entrepreneurs et des professionnels envers les marchés publics, Montréal, Raymond Chabot Grant Thornton, avril 2021, 85 p., voir en particulier les pages 17 à 34.
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Commerce électronique : certaines lois et règles que vous devez connaître
Diverses manières de faire du commerce électronique Le commerce électronique prend plusieurs formes : il est dit « direct », lorsque le contrat de vente ou de service est conclu électroniquement et que le produit ou le service est également livré électroniquement (par exemple, la conclusion en ligne d’un contrat d’abonnement à une publication uniquement disponible en ligne), et « indirect » lorsque le contrat de vente ou de service est conclu électroniquement et que le bien est un bien matériel ou que le service est rendu autrement qu’en ligne. Le commerce électronique peut se faire entièrement en ligne ou de manière hybride lorsque le vendeur exerce ses activités à la fois en ligne et au moyen de magasins traditionnels. Il est « fermé », lorsqu’il intervient entre un nombre de participants relativement peu élevé qui ont déjà des liens contractuels ou professionnels entre eux. Il peut intervenir entre une entreprise et un consommateur, on l’appelle alors B2C, ou entre une entreprise et une autre entreprise, on dit alors qu’il est B2B. Le commerce électronique pose des défis particuliers pour les entreprises et si ces défis ne sont pas adéquatement relevés, ils sont susceptibles d’exposer l’entreprise à des responsabilités additionnelles nouvelles. Ces défis font en sorte que le commerce électronique peut être particulièrement risqué pour les entreprises néophytes qui s’y lancent sans être adéquatement préparées. Par exemple, certaines données personnelles des clients, telles que leur nom et leur adresse et leur numéro de carte de crédit, devront nécessairement être mises en la possession directe du commerçant ou encore en sa possession indirecte par le biais d’un fournisseur de plateforme de commerce électronique. L’utilisation de ces données personnelles est soumise aux dispositions des lois sur la protection des renseignements personnels et, de plus, comme elles ont une grande valeur pour des voleurs ou des fraudeurs potentiels, elles devront être protégées. Le commerçant pourrait aussi être victime de commandes frauduleuses ou encore de paiements effectués au moyen de cartes de crédit dont les numéros ont eux-mêmes été volés. Pour mieux contrôler ses risques, l’entreprise néophyte peut donc avoir intérêt à faire affaire avec des fournisseurs de plateformes de commerce électronique déjà établies, telles Shopify, BigCommerce, Squarespace ou encore GoDaddy, lesquelles ont mis en place des infrastructures robustes à l’intention de leurs clients. Malgré tout, l’entreprise devrait tout de même « faire ses devoirs » avant de choisir l’une ou l’autre des plateformes de commerce électronique établies. Ainsi, l’entreprise devrait se renseigner quant aux modalités de la convention de services qu’elle conclura avec le fournisseur choisi et, en particulier, quant aux services offerts (ce qui comprend aussi la manière dont la plateforme traite les retours et la rétrofacturation), quant à la façon dont la plateforme protège ses clients en cas de vol de données ou de fraude, quant aux frais facturés, etc. De plus, dans tous les cas, que l’entreprise fasse ou non affaire avec un fournisseur de plateforme de commerce électronique, elle devrait s’assurer de ne conserver sur ses propres serveurs et ordinateurs que l’information absolument nécessaire et éviter, autant que possible, de conserver une fois la transaction complétée des données personnelles appartenant à un client, comme son nom, son adresse et son numéro de carte de crédit. L’entreprise qui décide de se lancer dans le commerce électronique doit aussi être consciente de certains aspects juridiques particuliers liés, d’une part, aux particularités du commerce électronique lui-même et, d’autre part, au fait que sa clientèle peut se trouver n’importe où dans le monde. Pour les fins de cet article, nous allons nous attarder sur les règles applicables à tous les types de commerces électroniques; un futur article traitera des règles particulières prévues à la Loi sur la protection du consommateur. Taxe à la consommation La majorité des États et provinces imposent une taxe à la consommation sur les biens et, parfois, sur les services vendus sur leur territoire. Les lois applicables en matière de taxes à la consommation prévoient généralement que les entreprises qui ont une présence dans le territoire doivent percevoir la taxe applicable et la remettre aux autorités compétentes. Pour une entreprise qui n’a par ailleurs aucune présence dans un territoire, le simple fait d’y vendre un bien n’est en général pas suffisant pour qu’elle doive s’enregistrer auprès des autorités fiscales de ce territoire, percevoir la taxe applicable et la remettre à ces autorités. Il faut toutefois être conscient que la définition de ce qui constitue une présence suffisante pour exiger l’enregistrement de l’entreprise et la perception et la remise de la taxe à la consommation varie d’un territoire à l’autre. L’entreprise qui veut vendre ses biens et services électroniquement doit donc s’assurer d’être au fait des règles applicables en matière de taxes à la consommation dans les principaux territoires où elle vend ses biens ou fournit ses services. Licences et permis Bien que pour la grande majorité des biens typiquement vendus en ligne, il n’est pas nécessaire que le fabricant ou le vendeur se procure une licence, un permis ou une autre autorisation gouvernementale, des licences, des permis ou d’autres autorisations peuvent être obligatoire avant de pouvoir vendre en ligne ou autrement, au pays ou à l’étranger, certains produits, particulièrement dans le domaine médical ou pharmaceutique. Notons qu’une entreprise pourrait avoir le droit de vendre un bien sans licence, permis ou autre autorisation dans un territoire, mais n’aurait pas le droit de le faire dans un autre. Ainsi, si un commerçant veut vendre son produit dans un territoire où un permis, une licence ou une autre autorisation est nécessaire, il devra s’assurer d’obtenir ce permis ou cette licence avant de procéder à ses ventes. De plus, dans certains territoires la vente au détail de certains biens doit nécessairement se faire par le biais d’entreprises qui détiennent un monopole d’État. De telles restrictions sont encore la norme au Canada en ce qui concerne les boissons alcoolisées. Ainsi, un résident de l’Ontario ne peut commander directement sur Internet des produits alcooliques auprès d’un producteur de boissons alcooliques d’une autre province et se les faire livrer en Ontario, ce qui empêche un producteur artisanal de boissons alcoolisées québécois de vendre ses produits en ligne à des clients ontariens pour livraison en Ontario. Expédition Tous les biens ne peuvent pas être expédiés de la même manière, certains doivent être conditionnés de manière particulière et il est même interdit d’expédier certains autres biens par les moyens ordinaires que sont Postes Canada et les principales sociétés de messagerie. Par exemple, Postes Canada exige que le poisson, le gibier, la viande, les fruits, les légumes ou autres produits périssables soient conditionnés de façon appropriée et satisfassent à certaines autres exigences. D’autres produits ne peuvent tout simplement pas être expédiés par la poste. Il en va ainsi des objets classifiés comme matière dangereuse. Dans un tel cas, il faudra faire affaire avec un service de messagerie qui expédie de telles matières. Enfin, les lois canadiennes interdisent l’exportation de certains biens ou soumettent leur exportateur à l’obtention de permis spéciaux. De la même façon, le commerçant devra s’assurer que les lois du territoire de destination permettent l’importation sur son territoire des biens expédiés. Tous les pays interdisent l’importation de certains biens sur leur territoire ou soumettent leur importateur à l’obtention d’un permis ou d’une licence émis par leur gouvernement. Restrictions quant à l’âge En vertu des lois et règlements applicables, certains biens ne peuvent être vendus qu’à des personnes ayant atteint un certain âge ou ne peuvent être vendus à des enfants. Ces restrictions peuvent varier d’un territoire à l’autre. Par exemple, alors que l’âge pour acheter de l’alcool est de 18 ans au Québec, il est de 19 ans ailleurs au Canada et de 21 ans aux États-Unis. Les commerçants qui veulent vendre des boissons alcoolisées en ligne doivent donc tenir compte de ces restrictions. Il en va de même de la vente de tout autre bien assujetti à des restrictions quant à l’âge. Conformité aux normes PCI-DSS Les entreprises émettrices de cartes de crédit que sont American Express, Discover Financial Services, JCB International, MasterCard et Visa ont constitué en 2006 le Conseil des normes de sécurité PCI pour uniformiser les règles et les normes applicables aux paiements effectués au moyen de leurs cartes de crédit. Pour atteindre cet objectif, le conseil a adopté une série de règles, mieux connues sous leur acronyme anglais PCI-DSS (Payment Card Industry Data Security Standard), auxquelles doivent adhérer tous les marchands qui souhaitent recevoir des paiements par carte de crédit, y compris les paiements directs en ligne. Ainsi, tout marchand qui souhaite traiter des paiements par carte de crédit sur son site Internet doit, à moins de faire affaire avec une plateforme de paiement elle-même conforme, se conformer aux normes PCI-DSS, et ce, peu importe la taille de son entreprise. Les normes PCI DSS spécifient les 12 conditions de conformité suivantes, regroupées dans six groupes appelés « objectifs de contrôle ». Le tableau qui suit, tiré du document intitulé « Industrie des cartes de paiement (PCI) — Norme de sécurité des données — Conditions et procédures d’évaluation de sécurité1, résume la teneur de ces normes. Objectif de contrôle Conditions du PCI DSS Création et gestion d’un réseau et d’un système sécurisé 1. Installer et gérer une configuration de pare-feu pour protéger les données du titulaire de carte 2. Ne pas utiliser les mots de passe système et autres paramètres de sécurité par défaut définis par le fournisseur Protection des données de titulaire de carte 3. Protéger les données de titulaires de carte stockées 4. Crypter la transmission des données du titulaire sur les réseaux publics ouverts Gestion d’un programme de gestion des vulnérabilités 5. Protéger tous les systèmes contre les logiciels malveillants et mettre à jour régulièrement les logiciels ou programmes anti-virus 6. Développer et maintenir des systèmes et des applications sécurisés Mise en œuvre de mesures de contrôle d’accès strictes 7. Restreindre l’accès aux données de titulaires de carte aux seuls individus qui doivent les connaître 8. Identifier et authentifier l’accès à tous les composants du système 9. Restreindre l’accès physique aux données du titulaire de carte Surveillance et test réguliers des réseaux 10. Effectuer le suivi et surveiller tous les accès aux ressources réseau et aux données du titulaire de carte 11. Tester régulièrement les processus et les systèmes de sécurité Gestion d’une politique de sécurité des informations 12. Gérer une politique qui adresse des informations de sécurité pour l’ensemble du personnel Bien que les normes PCI-DSS soient obligatoires, seules Visa et MasterCard exigent que les commerçants et fournisseurs de services qui acceptent les cartes Visa et MasterCard soient en conformité avec ces normes. L’entreprise qui ne serait pas conforme à ces normes engage sa pleine responsabilité si une fraude, associée à un vol des données du titulaire de la carte, a lieu. De plus, dans le cas d’une faille de sécurité, toutes les entreprises exposées qui ne sont pas conformes aux normes PCI-DSS devront payer une amende. Il incombe aux commerçants et aux fournisseurs de services de réaliser, de démontrer et de maintenir leur conformité par le biais d’une validation annuelle. Des fournisseurs offrent leurs services aux entreprises pour leur permettre de se conformer aux normes PCI-DSS et il existe aussi des outils utiles sur Internet pour leur permettre de s’assurer qu’elles sont conformes à ces normes2. Par ailleurs, une entreprise qui ne désire pas passer à travers le processus de conformité aux normes PCI peut toujours décider de faire affaire avec une passerelle de paiement qui elle, sera conforme à ces normes3. PCI Security Standards Council, « Industrie des cartes de paiement (PCI) — Norme de sécurité des données — Conditions et procédures d’évaluation de sécurité » (Version 3.2.1, mai 2018), en ligne (pdf) : Site officiel du conseil de normes de sécurité PCI Une recherche au moyen des mots clés « PCI DSS conformité » ou « PCI DSS conformity » renvoie à une grande partie de ces outils. Une recherche au moyen des mots clés « PCI DSS passerelle de paiement » renvoie également à plusieurs fournisseurs de telles passerelles.
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Quels devoirs et responsabilités pour les administrateurs de sociétés face à la crise de la COVID-19?
Cette publication a été rédigée en collaboration avec André Laurin. De toute évidence, la pandémie du coronavirus et les mesures prises par les gouvernements ont provoqué une situation particulièrement difficile et délicate pour presque toutes les organisations. Malgré cette situation extraordinaire, les devoirs généraux des administrateurs (respect de la loi, diligence et loyauté) prescrits par les lois constitutives des différentes catégories de personnes morales et le Code civil du Québec demeurent les mêmes. Toutefois, dans le contexte actuel, les administrateurs d’une personne morale doivent rehausser de façon importante la qualité et l’intensité de leurs actions et réflexions pour assurer le respect de ces devoirs et, en particulier, pour que les gestes posés soient dans le meilleur intérêt de cette personne morale. Rappelons que selon ces lois constitutives et le Code civil du Québec, le conseil d’administration a la responsabilité de la gestion de la personne morale ou, selon le cas, celle de surveiller la gestion qui en est faite par les personnes à qui les pouvoirs de gestion ont été délégués, soit les membres de la direction de la personne morale. Devoir de diligence Le respect du devoir de diligence imposé aux administrateurs des personnes morales implique notamment, et ce, plus qu’à tout autre moment : une compréhension des enjeux et des risques associés à l’impact de la COVID-19 sur l’entreprise de la personne morale, ses clients, ses employés, ses fournisseurs, etc.; la recherche des meilleures mesures de gestion disponibles en s’appuyant sur les pratiques qui leur apparaissent raisonnablement être les meilleures à appliquer dans les circonstances; un suivi attentif de la mise en œuvre des décisions prises et l’adoption d’ajustements à ces décisions au fur et à mesure de l’évolution des choses. À cet égard, notons que les lois constitutives des sociétés par actions prévoient spécifiquement que les administrateurs sont réputés avoir respecté leur devoir de diligence si leur décision s’appuie de bonne foi sur des rapports de personnes dont la profession permet d’accorder foi à leurs déclarations. Devoir de loyauté En plus de leur imposer un devoir de diligence, la loi impose également aux administrateurs des personnes morales un devoir de loyauté qui prescrit à ces derniers, entre autres, d’agir au mieux des intérêts de cette personne morale. La Cour suprême du Canada a fourni des pistes d’interprétation de ce devoir de loyauté dans l’arrêt BCE1 de 2008 (plusieurs de ces pistes ont été récemment explicitement intégrées dans des modifications récentes à la Loi canadienne sur les sociétés par actions2), entre autres : en caractérisant l’intérêt de la personne morale comme étant celui d’une entreprise socialement responsable (autrement dit, la personne morale doit agir comme un « bon citoyen corporatif » (« good corporate citizen »)); en soulignant qu’il est permis aux administrateurs dans l’accomplissement de leur devoir de loyauté de tenir compte des intérêts des diverses parties intéressées par leurs décisions, telles les actionnaires, les employés,les retraités et les pensionnés, les créanciers, les consommateurs, les gouvernements ou l’environnement; en précisant par ailleurs que si les intérêts des diverses parties intéressées ne peuvent être réconciliés, l’intérêt de la société doit prévaloir en privilégiant son intérêt à long terme par rapport à son intérêt à court terme, et ce, dans un contexte de continuité. En pratique, pour respecter ce devoir, tout d’abord, les administrateurs ne peuvent aller à l’encontre de la loi et, de plus, doivent aussi notamment : s’assurer que la personne morale prenne les mesures requises pour respecter les directives des autorités publiques; s’assurer que la personne morale prenne les mesures appropriées aux circonstances pour protéger la santé de ses employés, de ses clients et de ses fournisseurs; ne pas tolérer des pratiques qui nuisent à la personne morale en général ou qui tentent de profiter frauduleusement de la situation de crise actuelle; privilégier les mesures qui favorisent la survie d’une partie substantielle de l’entreprise de la personne morale et la reprise, si possible, de la plus grande partie de ses activités une fois la situation redevenue normale3. Nous sommes d’avis que dans les circonstances actuelles, les administrateurs devraient examiner les intérêts des parties intéressées. Or, un tel examen implique l’identification de ces intérêts et une évaluation raisonnable et équitable de ceux-ci de même que de la possibilité de les réconcilier avec le meilleur intérêt de la personne morale. Il est évident que la situation présente permet difficilement de réconcilier, à court terme, tous les intérêts de toutes les parties intéressées avec l’intérêt qui doit prévaloir, soit celui de la personne morale. Ainsi, le maintien des conditions et des relations prévalant avant la crise est, dans la plupart des cas, difficilement réconciliable avec le meilleur intérêt de la personne morale à long terme, tel que défini et interprété par la loi et les tribunaux. Les administrateurs doivent donc faire un arbitrage raisonnable entre tous ces intérêts en privilégiant les intérêts de la personne morale, même si cet arbitrage est difficile. Cette crise, les directives gouvernementales et leurs effets exigent que les administrateurs fassent preuve de leadership et de créativité. Comme le soulignent plusieurs intervenants, la crise actuelle favorisera des approches nouvelles quand la pandémie prendra fin. Les administrateurs doivent donc être proactifs et aider les dirigeants à trouver des solutions tant pour limiter les effets négatifs que pour élaborer les activités et planifier comment celles-ci devront être exercées dans les prochaines années. BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, [2008] 3 R.C.S. 560, 2008 CSC 69. Voir le paragraphes 122 (1.1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, c C-44. Un article très à propos sur la façon dont les administrateurs peuvent s’acquitter de leurs devoirs de diligence et de loyauté a été publié sur le forum du Harvard Law School of Corporate Governance du 29 mars 2020 : GREGORY, Holly J., GRAPSAS, Rebecca et HOLLAND, Claire, Ten Considerations for Boards of Directors, Cambridge, Harvard Law School of Corporate Governance, en ligne : https://corpgov.law.harvard.edu/2020/03/29/ten-considerations-for-boards-of-directors/.
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Observateur Infra : Quelles sont les principales nouvelles et transactions du marché des infrastructures?
Télécharger l'Observateur Infra Télécharger l'Observateur Infra 1. Mise en place de l’Autorité des Marchés publics (AMP) : conséquences pratiques sur les processus d’appels d’offres au Québec L’Autorité des marchés financiers est maintenant remplacée par l’AMP pour l’autorisation de contracter avec un organisme public. Cette nouvelle instance, responsable de la surveillance de l’ensemble des contrats publics, a également le pouvoir de vérification, d’enquête, d’ordonnance et de recommandation. 2. Les dernières nouvelles du marché des infrastructures Parmi les nouvelles marquantes des derniers mois : La production de plus de 2,305 GW d’énergie renouvelable, confirmée dans de nouveaux contrats 3 projets d’infrastructures de transport d’envergure en Amérique du Nord progressent rapidement Le projet de réfection du toit du stade olympique va de l’avant Le modèle de PPP est considéré pour la réalisation de 2 nouveaux projets d’infrastructure de transport Une banque majeure cesse de financer des projets d’énergie au charbon, au pétrole et au gaz Télécharger l'Observateur Infra LEGENDE. -->
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L’Autorité européenne des marchés financiers émet un avis favorable à l’élargissement du passeport européen aux gestionnaires de fonds alternatifs au Canada
Martine Samuelian et Virginia Barat, JEANTET L’Autorité européenne des marchés financiers (« l’ESMA ») a émis le 18 juillet 2016 un avis favorable à une future extension du passeport européen concernant les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs1 (« AIFM ») au Canada. Cet avis, qui est fondé sur des critères objectifs de coopération, de garantie d’un niveau de protection global équivalent à celui en vigueur dans les États membres européens, constitue l’ultime étape avant l’élargissement effectif du régime européen au Canada. 1. Critères d’évaluation L’ESMA a ainsi examiné la situation individuelle de 12 pays non européens2, parmi lesquels le Canada, pour apprécier les garanties de la législation locale avec les exigences de la Directive AIFM (« AIFMD »). En matière de coopération, les critères d’appréciation portent sur : les possibilités d‘échanges d’information, de visites sur place, entre les autorités de surveillance compétentes respectivement du Canada et celles des États membres européens; le fait que le pays tiers non européen dans lequel serait établi le gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs (« FIA ») ne figure pas sur la liste des pays et territoires non coopératifs du Groupe d’action financière (GAFI); l’existence d’accords d’échanges d’information en matière fiscale. De plus, des garanties suffisantes définies par la directive AIFMD doivent prévaloir en matière de : protection des investisseurs, notamment dans le traitement des plaintes, la protection des avoirs, les règles prudentielles du dépositaire, la séparation et la gestion des conflits d’intérêts entre la fonction de dépositaire et celle du gestionnaire de fonds alternatifs, le champ de la supervision par les autorités réglementaires locales, la conformité avec les exigences posées par la directive AIFMD; perturbations des marchés, en conséquence d’une potentielle extension du passeport AIFMD à un pays non européen; concurrence, par l’appréciation du niveau de réciprocité en matière de commercialisation de FIA européens dans un pays tiers non européen; gestion du risque systémique, au regard du dispositif de surveillance des marchés en place. 2. Résultat final de l’évaluation du Canada par l’ESMA L’ESMA rappelle que le système financier canadien avait été évalué par le Fonds monétaire international (FMI) en 2014, ce dernier concluant que les principes internationaux de réglementation du marché des valeurs mobilières y étaient mis en oeuvre dans leur ensemble. Dans son avis du 18 juillet 2016 sur une potentielle extension du passeport AIFMD au Canada, l’ESMA confirme ainsi qu’il n’existe aucun obstacle significatif susceptible de gêner l’application du passeport au Canada en matière de gestion du risque systémique, de perturbations des marchés, d’obstacles à la concurrence. Néanmoins, elle relève des différences entre la réglementation canadienne et celle résultant de la directive AIFMD. Ces différences concernent notamment la fonction de supervision qui est dévolue au dépositaire européen de FIA (par opposition au dépositaire canadien qui en vertu de la Norme canadienne 81-102 sur les fonds d’investissement (au Québec, le Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement) (« NI 81-102 ») n’est pas assujetti à des obligations de supervision, mais principalement des obligations de garde de l’actif du portefeuille). L’ESMA mentionne également le faible niveau de règles relatives à la rémunération des gestionnaires (notamment pour mieux assurer un alignement des intérêts entre les gestionnaires et les investisseurs). Les règles à ce niveau sont nombreuses en Europe tandis que NI 81-102 au Canada ne prévoit que peu de règles relatives à la rémunération (sans compter que de nombreux fonds d’investissement au Canada ne sont pas assujettis à NI 81-102). Toutefois, l’ESMA conclut que ces différences entre le cadre réglementaire canadien et celui d’AIFMD ne sont pas de nature à constituer un obstacle significatif à l’élargissement du passeport européen au Canada. Conclusion Ainsi, lorsque l’ESMA3 estime « qu’il n’existe pas d’obstacles significatifs en termes de protection des investisseurs, de perturbation du marché, de concurrence et de suivi du risque systémique, empêchant l’application du passeport à la commercialisation dans les États membres de FIA de pays tiers par des gestionnaires établis dans l’Union et la gestion et/ ou la commercialisation dans les États membres de FIA par des gestionnaires établis dans des pays tiers, elle émet une recommandation positive ». C’est cette recommandation positive de l’ESMA adressée le 18 juillet 2016 à la Commission européenne (« CE »), au Parlement et au Conseil européen, qui devrait ultimement permettre à la CE dans un délai de trois mois, de déterminer par acte délégué, la date d’entrée en vigueur et les modalités d’extension du passeport européen aux gestionnaires canadiens de fonds d’investissement alternatifs pour leur permettre de commercialiser ces fonds dans les pays de l’Union européenne. Inclut notamment les fonds de capital-investissement (private equity) et de capital de risque (venture capital) et les fonds de couverture (hedge funds). Voir à cet effet notre article intitulé « L’impact d’une possible extension du régime de passeport européen à l’égard des gestionnaires de fonds canadiens » publié dans le bulletin Lavery Capital du 25 mai 2016. Australie, Bermudes, Canada, États-Unis, Guernesey, Hong Kong, Îles Caïmans, Île de Man, Japon, Jersey, Singapour, Suisse. Voir article 67(4) de la Directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs.
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Les administrateurs des ordres professionnels
À RETENIR : Le projet de loi 98 propose des modifications au Code des professions dont plusieurs touchent la gouvernance des ordres professionnels et l’encadrement éthique et déontologique des administrateurs. Ce bulletin n’exprime aucun commentaire sur la pertinence ou la suffisance des dispositions actuelles et des modifications proposées. La fonction principale des ordres professionnels projette un éclairage déterminant sur la façon d’exercer la fonction d’administrateur d’un ordre professionnel. Les devoirs des administrateurs sont les mêmes tant pour les administrateurs membres de l’ordre que ceux nommés par l’Office des professions. Les administrateurs et employés doivent agir au mieux des intérêts de l’ordre professionnel. La poursuite de ces intérêts implique d’oeuvrer afin de favoriser la solvabilité, la pérennité, l’efficacité, l’intégrité et la crédibilité de l’ordre dans les décisions prises en soumettant ces décisions au test du respect de la fonction principale de l’ordre, soit la protection du public. Les règlements internes et les codes de déontologie doivent respecter les principes de notre droit, éviter la répétition et ne pas créer la confusion. Une importance considérable devrait être accordée aux cens ou critères d’éligibilité des administrateurs, aux dispositions du Code de déontologie régissant les administrateurs et à l’engagement contractuel que devrait signer chaque administrateur de façon à pouvoir sanctionner les défauts de respect des règles par un administrateur. La remise en question régulière des façons de faire en fonction des orientations stratégiques, les mutations au niveau des postes de direction, la comparaison avec les pratiques exemplaires tant au Québec qu’à l’étranger, l’évaluation régulière du rendement et la sélection des priorités font partie des actions que chaque ordre devrait prendre et que chaque conseil d’administration devrait provoquer et surveiller. L’Office des professions et le gouvernement doivent donner aux ordres professionnels les moyens de remplir leur mission et les ordres eux-mêmes doivent se donner les outils requis à cette fin, le tout en favorisant la flexibilité d’action, en accordant la priorité aux objectifs et résultats recherchés et en permettant aux membres des ordres professionnels de s’adapter aux réalités du marché. 1. Introduction La ministre de la Justice a déposé récemment le projet de loi 98, Loi modifiant diverses lois concernant l’admission aux professions et la gouvernance du système professionnel. Ce projet de loi accorde une importance considérable à la gouvernance des ordres professionnels (« ordres » ou « ordre ») et accroît les pouvoirs de l’Office des professions (« Office ») en plus de traiter de diverses autres questions. Ce bulletin se limitera à traiter d’orientations et de mesures liées à la gouvernance des ordres en accordant une attention particulière à la façon pour leurs administrateurs d’assumer leurs devoirs et à certains enjeux particuliers des ordres. Pour les fins du présent bulletin, nous présumons donc que le projet de loi 98 sera adopté sans modifications et n’exprimons aucun commentaire sur la pertinence ou la suffisance des dispositions existantes et de celles proposées. 2. Mention de certaines dispositions Le projet de loi prévoit, entre autres, les modifications et ajouts suivants au Code des professions1(le « Code ») : l’obligation pour l’Office de déterminer les normes d’éthique et les règles de déontologie applicables aux administrateurs d’un ordre (article 5 modifiant l’article 12.0.1 du Code); l’imposition d’un nombre minimal (8) et d’un nombre maximal d’administrateurs (15) (article 27 modifiant l’article 61 du Code); l’augmentation du nombre d’administrateurs provenant du public et nommés par l’Office (article 37 modifiant l’article 78 du Code); l’obligation de nommer comme administrateur au moins une personne qui est membre de l’ordre, mais n’est inscrite au tableau de l’ordre que depuis dix ans ou moins (article 37 ajoutant un nouvel article 76.1 au Code); l’obligation pour les administrateurs de suivre une formation sur le rôle d’un conseil d’administration, notamment en matière de gouvernance et d’éthique (article 29 ajoutant un nouvel article 62.01 au Code); une description plus détaillée du mandat du conseil d’administration (article 28 modifiant l’article 62 du Code et article 29 ajoutant un nouvel article 62.0.1 au Code); une description plus détaillée et précise des fonctions du président (article 40 modifiant l’article 80 du Code); l’obligation pour les administrateurs de respecter l’éthique et les règles déontologiques déterminées par l’Office dans un règlement et celles du code de déontologie devant être adopté par chaque ordre (article 39 ajoutant un nouvel article 79.1 au Code et article 46 ajoutant un nouvel article 87.1 au Code). 3. Rappel de la fonction d’un ordre professionnel Il est opportun de rappeler quelle est la fonction d’un ordre. Celle-ci est décrite à l’article 23 du Code : « 23. Chaque ordre a pour principale fonction d’assurer la protection du public. À cette fin, il doit notamment contrôler l’exercice de la profession par ses membres. » Cet article n’exclut pas d’autres fonctions, notamment celle d’offrir certains services aux membres. Par exemple, veiller à ce que les membres de l’ordre demeurent capables d’offrir des services pertinents et puissent desservir adéquatement le public découle de cette fonction principale. Par ailleurs, ces fonctions accessoires que les ordres peuvent décider d’assumer ne doivent pas nuire au respect de la fonction principale. La protection du public dont traite le premier paragraphe de cet article 23 renvoie principalement, mais non exclusivement, à la protection des personnes qui font appel ou sont susceptibles de faire appel aux services des membres de l’ordre. Elle peut également impliquer la participation aux débats publics ou politiques. Une telle participation devrait néanmoins être limitée aux domaines d’activités des membres, ne pas entrer en conflit avec la liberté d’expression dont jouissent les membres2 et le droit de ces membres de défendre ou servir les intérêts légitimes de leurs clients. Par conséquent et comme nous le verrons ci-après, cette fonction principale des ordres projette un éclairage déterminant sur la façon d’exercer la fonction d’administrateur au sein de ceux-ci. 4. Respect des principes de notre droit et cohérence du langage Les diverses modifications et ajouts en matière de gouvernance contenus au projet de Loi 98 visent à améliorer la gouvernance et le respect de l’éthique et des règles déontologiques par les administrateurs. Rappelons que le Code civil du Québec (CCQ) énonce déjà plusieurs règles régissant les administrateurs. soit plus spécifiquement celles que l’on retrouve aux articles 321 et suivants et, en particulier, à l’article 322 de même qu’à l’article 2138 (devoir de diligence et devoir de loyauté); soit l’obligation d’agir de bonne foi qu’on retrouve principalement aux articles 6, 7 et 1375. Tant l’Office que les ordres auraient donc intérêt à ne pas réécrire ces dispositions. Ils devraient plutôt y effectuer des renvois dans les codes de déontologie en privilégiant la stipulation de normes plus spécifiques et l’utilisation de guides pratiques. De plus et dans toute la mesure du possible, les lois, règlements et politiques qui sont adoptés devraient être conformes aux principes qui sont énoncés dans le CCQ. De même, ces lois, règlements et politiques devraient ne pas ignorer ni contredire les principes du droit criminel et pénal canadien et des chartes des droits et libertés, tel que ceux-ci ont été interprétés par la jurisprudence. 5. Commentaires sur le caractère exécutoire des critères d’éligibilité et des dispositions du code de déontologie Rappelons qu’un conseil d’administration n’a généralement pas le pouvoir de démettre un administrateur si ce dernier ne respecte pas ses devoirs ou les règles, codes et politiques d’une personne morale. Dans un tel contexte, une importance accrue devrait être accordée aux critères ou cens d’éligibilité des administrateurs d’un ordre dans son règlement intérieur et un engagement contractuel de l’administrateur devrait être souscrit envers l’ordre de respecter les codes de déontologie, le règlement intérieur et les autres politiques de l’ordre. Ainsi, des critères d’éligibilité s’ajoutant à ceux énoncés dans les lois pourraient être formulés dans le règlement intérieur de l’ordre et ce règlement devrait prescrire que la perte du cens ou critère d’éligibilité entraîne automatiquement la perte du statut d’administrateur et provoque une démission automatique. L’article 33 (4o) de la Loi sur le Barreau3 constitue un exemple d’application de cette approche. Il serait également important d’obtenir de chaque administrateur son engagement contractuel envers l’ordre. (a) de respecter ses devoirs généraux de même que les codes, règles et politiques de l’ordre; (b) de se soumettre au processus d’examen de toute violation alléguée de ses devoirs et obligations établi par l’ordre; et (c) d’accepter d’être lié par toute décision concluant à son obligation de démissionner. Une telle approche requiert idéalement que le processus soit clair, indépendant et aussi impartial que possible et respecte le droit de l’administrateur de connaître au préalable ce qui lui est reproché, d’être entendu et de pouvoir présenter une défense. L’article 5 du projet de loi qui ajoute l’article 12.01 à la suite de l’article 12 actuel du Code des professions prescrit que l’Office doit par règlement : « … 5. déterminer dans quel cas et suivant quelles modalités un administrateur peut être relevé provisoirement de ses fonctions. » Il sera intéressant de voir comment le règlement qu’adoptera l’Office traitera de ce droit de suspension provisoire et dans quelle mesure les dispositions de ce règlement pourraient faire l’objet d’une inclusion de clauses similaires dans le Code de déontologie entraînant l’obligation pour l’administrateur de démissionner par le biais d’un engagement contractuel. 6. Devoirs d’un administrateur d’un ordre professionnel Les devoirs généraux des administrateurs d’un ordre sont les mêmes que pour tous les administrateurs des différents types de personnes morales. Dans le cas des administrateurs des ordres, on les retrouve à l’article 322 et à l’article 2138 du CCQ, c’est-à-dire que : l’administrateur doit agir avec prudence et diligence; il doit aussi agir avec honnêteté et loyauté dans l’intérêt de la personne morale. Dans notre document intitulé « L’administrateur de société : questions et réponses »4, nous avons traité de ces deux devoirs généraux et de ce qu’ils impliquent à la lumière de la loi et de la jurisprudence. Nous renvoyons donc le lecteur à ce document pour nous concentrer sur certains aspects dans la rubrique qui suit. 7. Ce qu’impliquent les devoirs généraux dans le cas des administrateurs des ordres professionnels La Cour suprême du Canada a offert une interprétation de ces devoirs de diligence, d’honnêteté et de loyauté. Dans le cas du devoir de diligence, elle l’a fait principalement au paragraphe 67 de l’arrêt Peoples5 : « [67] On ne considèrera pas que les administrateurs et les dirigeants ont manqué à l’obligation de diligence énoncée à l’article 122 (1)(b) de la LCSA s’ils ont agi avec prudence et en s’appuyant sur les renseignements dont ils disposaient. Les décisions prises devaient constituer des décisions d’affaires raisonnables compte tenu de ce qu’ils savaient ou auraient dû savoir. Lorsqu’il s’agit de déterminer si les administrateurs ont manqué à leur obligation de diligence, il convient de répéter que l’on n’exige pas d’eux la perfection. Les tribunaux ne doivent pas substituer leur opinion à celle des administrateurs qui ont utilisé leur expertise commerciale pour évaluer les considérations qui entrent dans la prise de décisions des sociétés. Ils sont toutefois en mesure d’établir, à partir des faits de chaque cas, si l’on a exercé le degré de prudence et de diligence nécessaire pour en arriver à ce qu’on prétend être une décision d’affaires raisonnable au moment où elle a été prise. » (nos soulignements) Dans le cas du devoir dit de « loyauté » c’est de l’arrêt BCE6 que l’on peut tirer les critères que la Cour suprême a retenus pour interpréter la notion d’intérêt de la personne morale tels qu’ils ont été appliqués toutefois à un émetteur assujetti : personne morale comme « entreprise socialement responsable » respect de la bonne foi, de l’intégrité et respect des lois, règlements et contrats (y compris pas d’abus de droit) l’intérêt ne se limite pas à la valeur des actions ou au profit à court terme l’intérêt à long terme (par opposition à court terme) dans un contexte de continuité il peut être opportun sans être obligatoire dans tous les cas de tenir compte de l’effet des décisions sur les parties intéressées ou prenantes (« stakeholders ») un traitement équitable des parties intéressées doit être accordé à la lumière du recours en oppression ouvert aux dirigeants, administrateurs et détenteurs de valeurs mobilières (également aux créanciers dans le cas de la LCSA) si les intérêts des parties intéressées sont non réconciliables avec ceux de la personne morale, ceux de la personne morale doivent prévaloir la règle de l’appréciation commerciale s’applique mais l’intensité des précautions devra être plus grande, plus forte selon les circonstances (p. ex. : opérations avec des parties intéressées ou apparentées) La poursuite de l’intérêt d’un ordre implique de favoriser la solvabilité, la pérennité, l’efficacité, l’intégrité et la crédibilité de l’ordre dans les décisions prises en respectant les parties intéressées et en soumettant ces décisions au test du respect de la fonction principale de l’ordre soit la protection du public. Les administrateurs sont soumis aux mêmes devoirs, qu’ils soient des membres de l’ordre ou aient été nommés par l’Office. Ainsi, l’administrateur membre de l’ordre, ne saurait faire passer son intérêt ou celui d’un tiers au détriment de celui de l’ordre et de sa fonction principale, qui est d’assurer la protection du public. L’ordre n’est pas un syndicat professionnel ni une association de protection des intérêts des membres. Par ailleurs, dans nombre de cas, les intérêts de l’ordre et ceux de ses membres sont réconciliables. Ainsi, la capacité pour les membres d’offrir des services professionnels dans différents champs et dans différentes régions ou, en d’autres termes, leur capacité d’offrir des services pertinents au public se conjugue parfaitement avec la fonction principale de protection du public qui est celle de l’ordre. Quant à l’administrateur qui n’est pas un membre de l’ordre et qui est désigné par l’Office, ses intérêts et ceux de l’ordre sont moins susceptibles de se retrouver en conflit. Par ailleurs, bien qu’il ait été désigné par l’Office, cet administrateur ne doit pas voir son rôle comme celui d’un mandataire de l’Office ou d’un exécuteur des instructions de ce dernier. Comme l’énonce le CCQ, à l’article 321, tout administrateur, peu importe qui le nomme, est le mandataire de l’ordre et l’article 2158 CCQ précise que le mandataire doit agir dans l’intérêt de son mandant, soit l’ordre. Tous les administrateurs doivent donc veiller à ce que l’ordre exécute adéquatement sa fonction principale de protection du public et fournisse aux membres l’encadrement, de même que des moyens et des outils aussi complets que possible pour que ceux-ci demeurent pertinents et qu’ils puissent desservir adéquatement le public. Leur rôle ne se limite pas à la surveillance des activités de l’ordre et de la gestion de la direction. En effet, ils doivent créer de la valeur c’est-à-dire fournir une contribution active et créative qui favorisera un rendement optimal de l’ordre dans la poursuite de sa mission. C’est à ce concept de « gouvernance créatrice de valeurs » que les professeurs Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu7 ont invité les lecteurs à adhérer. L’Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques (« IGOPP ») en fait, avec d’autres, la promotion. 8. Exemples non exhaustifs d’éléments découlant de ces devoirs Dans l’exercice de leurs devoirs généraux, les administrateurs d’un ordre devraient, entre autres, veiller : à l’implantation de saines pratiques de gouvernance; à la mise en place de mécanismes d’audit et de contrôle interne efficaces; à la qualité de la formation donnée aux membres; à la mise en oeuvre d’une rigueur budgétaire et financière; à la mise en oeuvre d’une véritable gestion des risques, dont les risques réputationnels; à la formulation et à la mise en place de mesures favorisant l’accès du public aux services offerts par les membres; à l’optimisation des ressources internes de l’ordre; à la mise en place d’outils fiables d’évaluation du rendement, à l’analyse des résultats de ces évaluations et à l’adoption de mesures de correction et d’amélioration continue; à ce que les autres fonctions que l’ordre désire assumer, comme la prestation de certains services aux membres, n’aient pas d’incidence négative sur le respect de la fonction principale; à l’encadrement des membres au plan déontologique et au plan de la pratique professionnelle, de même qu’à la surveillance de l’efficacité et de la qualité des mesures prises par l’ordre pour assumer ces responsabilités; à l’identification des défis et enjeux de la profession et des moyens disponibles pour permettre aux membres de s’adapter aux changements. 9. Commentaires supplémentaires sur la gouvernance des ordres et l’exercice de la fonction d’administrateur La remise en question régulière des façons de faire en fonction des orientations stratégiques, les mutations au niveau des postes de direction, la comparaison avec les pratiques exemplaires en matière de gouvernance tant au Québec qu’à l’étranger, l’évaluation régulière de la performance de l’ordre et de ses instances, la sélection des priorités font partie des actions que chaque ordre devrait prendre et que chaque conseil d’administration devrait provoquer et surveiller. Le gouvernement, l’Office et les ordres devraient s’abstenir d’alourdir indûment la tâche des ordres par une trop grande quantité de règles, de rapports à fournir et de formules à remplir. Les ordres doivent pouvoir préserver une forte dose de flexibilité et d’agilité pour être en mesure d’agir efficacement et rapidement dans un contexte en évolution. Un juste équilibre doit être trouvé et l’inspiration devrait être puisée dans l’approche du CCQ qui privilégie les principes, les objectifs et les résultats recherchés. De plus, le gouvernement et l’Office doivent donner aux ordres les moyens législatifs et réglementaires de remplir leur mission. Ils ne peuvent ignorer le contexte de la pratique. Le gouvernement, l’Office et les ordres doivent se méfier de l’érosion du système professionnel québécois. Cette érosion est provoquée entre autres par les offres de services de personnes qui ne sont pas encadrées par le régime applicable aux professionnels, mais qui sont néanmoins identiques (ou quasi identiques) aux services offerts par les membres des ordres et par l’« opting out » de plusieurs membres des ordres qui décident tout simplement de démissionner de leur ordre. Ce faisant ces démissionnaires cessent de devoir payer une cotisation annuelle et de devoir se soumettre à un ensemble de règles et normes qui, pour plusieurs, n’ont que peu d’incidences sur la façon dont ils exercent leurs activités. Les professionnels doivent pouvoir faire évoluer leur pratique et s’adapter à la réalité du marché dans un contexte de forte concurrence, de mondialisation, d’harmonisation des lois et pratiques et d’abolition des barrières. Les administrateurs doivent être formés et s’informer sur les enjeux de l’exercice de la profession exercée par les membres de l’ordre dont ils sont administrateurs et sur les moyens pris par cet ordre pour respecter sa fonction principale. Ils doivent être à l’affût non seulement de ce qui se passe au sein de cette profession au Québec, mais également des pratiques exemplaires et de l’encadrement offert ailleurs, de façon à pouvoir offrir une réflexion stratégique éclairée et provoquer un processus d’amélioration continue. Ils doivent apporter des idées et suggestions dans les délibérations du conseil de l’ordre. Il s’agit donc d’un rôle proactif et non simplement réactif, qui doit s’inscrire dans une démarche collégiale qui recherche le consensus et est créatrice de valeurs. Le contrôle des cotisations payables par les membres de l’ordre pour les réduire ou tout au moins pour éviter des augmentations régulières n’est pas en soi un mauvais objectif. Toutefois, la recherche de cet objectif ne doit pas être faite aux dépens de la qualité des mesures prises pour assurer la formation des candidats à l’inscription au tableau de l’ordre et des membres, le respect des règles déontologiques, la prévention des violations à ces règles déontologiques, la discipline, le contrôle de la qualité des candidats admis au tableau de l’ordre et la surveillance adéquate de la qualité des services offerts par les membres, notamment par l’intermédiaire de l’inspection professionnelle. Une gestion rigoureuse, à l’enseigne d’un choix éclairé des priorités et d’une utilisation optimale des ressources s’impose pour contrôler le montant de ces cotisations sans affecter la qualité de l’exécution des responsabilités de l’ordre qui découlent de sa fonction principale. Le président de l’ordre de son côté se doit de créer un contexte favorable à l’apport de chacun des administrateurs et ce, même si cet apport prend à l’occasion la voie de la critique et de la remise en question de la part des administrateurs. Il doit à ces fins agir comme un véritable président de conseil et savoir faire la distinction entre ses fonctions exécutives et celles de président de conseil. 10. Conclusion Les défis auxquels feront face les ordres et leurs responsabilités sont importants et ont tendance à s’accroître. La fonction d’administrateur d’un ordre exige donc une contribution sérieuse, éclairée, proactive et rigoureuse. Code des professions, RLRQ c C-26. Doré c. Barreau du Québec, 2012 CSC 12. Loi sur le Barreau, LRQ c B-1. lavery.ca/Publications/André Laurin/« L’administrateur de société : questions et réponses ». Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, [2004] 3 R.C.S. 461, 2004 CSC 68. BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, [2008] 3 R.C.S. 560, 2008 CSC 69. Gouvernance créatrice de valeurs, Allaire et Firsirotu, 2003, 2005. (voir site Internet d’IGOPP).
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Les solutions offertes aux gestionnaires canadiens en vertu des règles européennes de commercialisation des FIA
Martine Samuelian et Virginia Barat, JEANTET Cet article fait suite à notre bulletin Lavery Capital, numéro 9, mai 2016, à l’égard de l’extension potentielle du régime du passeport européen (le « Passeport ») établi en vertu de la Directive 2011/61/UE (la « Directive »), aux gestionnaires de fonds d’investissement canadiens (les « gestionnaires canadiens »). Dans le cadre de cet article, nous avions présenté les conditions d’une extension potentielle du régime de passeport et les obligations des gestionnaires canadiens qui voudraient en bénéficier. Rappelons, tel que nous l’avions indiqué lors de notre précédent article, que la Directive prévoit pour tout gestionnaire établi dans un pays tiers, c’est-à-dire dans un pays non-membre de l’Union européenne (l’« UE »), la possibilité de commercialiser dans un pays de l’UE des parts ou actions de fonds d’investissement alternatifs (« FIA ») établis dans l’UE ou dans un pays tiers, selon le régime du Passeport (en cas d’extension de ce régime à ces gestionnaires établis dans un pays tiers selon la procédure exposée dans notre précédent article) ou selon les dispositions de l’article 42 de la Directive. L’article 42 de la Directive leur permet de commercialiser les FIA qu’ils gèrent dans la mesure où ils respectent les mécanismes dits « de placements privés » applicables dans chacun des pays de l’UE où ils souhaitent commercialiser leurs FIA. Dans ce deuxième article, notre analyse portera donc davantage sur les solutions actuellement offertes aux gestionnaires canadiens en vertu de ces régimes de placements privés. Nous aborderons également le régime connu sous le nom de sollicitation inversée. Nous référons le lecteur à notre discussion dans le cadre du précédent article sur ce qui constitue un FIA pour les fins de la Directive. 1. Les mécanismes de placements privés européens Tant que le régime du Passeport ne leur aura pas été étendu, les gestionnaires canadiens de FIA ne peuvent bénéficier que des mécanismes de placements privés nationaux, qui sont très disparates au sein des différents pays de l’UE. Les conditions applicables à la commercialisation sans passeport dans les pays membres de l’UE de parts ou d’actions de FIA gérés par des gestionnaires qui sont établis dans des pays tiers sont précisées à l’article 42 de la Directive. En application de cet article, les pays membres « peuvent autoriser des gestionnaires établis dans des pays tiers à commercialiser, sur leur territoire uniquement, auprès d’investisseurs professionnels, des parts ou des actions de FIA qu’ils gèrent ». La Directive pose toutefois certaines conditions à cette commercialisation, destinées à protéger les investisseurs européens. Le gestionnaire d’un pays tiers doit ainsi respecter deux ensembles de conditions : les obligations issues de la Directive et les obligations propres à chaque pays membre ayant autorisé cette commercialisation. 1.1. Les obligations issues de la Directive Aux termes de l’article 42 de la Directive, les placements privés nationaux sont ouverts aux gestionnaires de pays tiers s’ils respectent un nombre minimum d’exigences, soit : le respect des obligations de transparence prévues aux articles 22, 23 et 24 de la Directive : obligation de rédaction d’un rapport annuel pour chaque FIA commercialisé au sein de l’UE (art. 22), obligation d’information adéquate et périodique des investisseurs du FIA (art. 23) et diverses obligations de comptes rendus à l’égard des autorités compétentes (art. 24); l’existence de modalités de coopération appropriées entre les autorités de tutelle de chacun des pays membres de l’UE où aura lieu la commercialisation et les autorités du pays tiers concerné (soit celui où est établi le gestionnaire), mais également celui où le domicile du FIA est situé dans l’hypothèse d’un FIA domicilié dans un pays autre que celui de son gestionnaire1; l’absence du pays tiers dans lequel le gestionnaire est établi des listes des pays et territoires non coopératifs du Groupe d’action financière pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (GAFI). 1.2. Les obligations issues de pays membres Les obligations qui précèdent sont qualifiées de « minimum » par la Directive, et chaque pays membre est libre d’imposer des règles plus strictes. Ainsi, les gestionnaires de pays tiers doivent en outre respecter les conditions spécifiques encadrant le mécanisme de placements privés de chacun des pays membres de l’UE dans lesquels la commercialisation du FIA est envisagée. 1.3. Les obligations encadrant le régime des placements privés propres à la France La législation française n’emploie pas le terme de « placement privé » pour les fins visées par la Directive. En effet, la notion de placement privé existe déjà en droit français, mais désigne un autre type d’opération (levée de capitaux auprès d’un petit nombre d’investisseurs professionnels par opposition à l’appel public à l’épargne). Néanmoins, un régime a bien été adopté afin de permettre aux gestionnaires de pays tiers de commercialiser des FIA en France. L’article 42 de la Directive a été transposé en droit français par les articles L. 214-24-1 et D. 21432 du Code monétaire et financier français qui posent les conditions d’une telle commercialisation par des gestionnaires de pays tiers à destination des clients professionnels et non-professionnels sur le territoire français. a) Conditions applicables aux clients professionnels2 : Les conditions de la commercialisation issues de la Directive transposées et précisées à l’article D. 214-32 du Code monétaire et financier français sont les suivantes : le gestionnaire doit respecter les dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés de gestion relevant de la Directive, et notamment : - avoir désigné une ou plusieurs entités pour effectuer les fonctions du dépositaire (prévues à l'article L. 214-24-8 du Code monétaire et financier français) - s’être soumis aux autres obligations issues de la Directive pour la gestion du FIA l’existence de modalités de coopération appropriées, destinées au suivi du risque systémique et conformes aux normes internationales entre l’autorité de tutelle française, à savoir l’Autorité des marchés financiers (France) (l’« AMF ») et les autorités compétentes du pays membre de l’UE dont est originaire le FIA ou les autorités compétentes du pays tiers où le FIA ou son gestionnaire est établi, afin d’assurer un échange d’informations permettant à l’AMF d’exécuter les missions qui lui incombent; le pays tiers dans lequel le gestionnaire ou le FIA est établi ne doit pas être inscrit sur les listes publiées par le GAFI. Outre ces obligations, l’article L. 214-24-1 du Code monétaire et financier français précise que les gestionnaires de pays tiers peuvent commercialiser des FIA établis dans un pays membre de l’UE ou dans un pays tiers auprès de clients professionnels à la condition de respecter une procédure de notification à l’AMF, dont les modalités sont fixées à l’article 421-13-1 du Règlement général de l’AMF (« RGAMF »). Ainsi, aux termes de cet article, les gestionnaires doivent transmettre à l’AMF un dossier pour autorisation préalable dont les conditions sont fixées par une instruction de l’AMF. L’AMF a, en application de ce même article, publié une instruction intitulée « Procédure de commercialisation de parts ou actions de FIA », qui détaille le processus à suivre pour les gestionnaires de pays tiers3. b) Conditions applicables aux clients non-professionnels : En sus des obligations de l’article D. 214-32 du Code monétaire et financier français, les gestionnaires doivent également justifier le respect des conditions particulières prévues à l’article 421-13 du RGAMF. Cet article prévoit d’une part que les gestionnaires de pays tiers peuvent commercialiser des FIA établis dans un pays membre de l’UE ou dans un pays tiers auprès de clients non-professionnels, à la condition de soumettre à l’AMF une demande d’autorisation préalable dont les conditions sont fixées par l’instruction de l’AMF précitée. L’article 421-13 du RGAMF prévoit d’autre part que cette autorisation est subordonnée au respect des trois conditions complémentaires suivantes, qui s’appliquent selon que le FIA est français ou non : un instrument d’échange d’information et d’assistance mutuelle dans le domaine de la gestion d’actifs pour le compte de tiers a été mis en place entre l’AMF et, d’une part, l’autorité de surveillance du gestionnaire et, d’autre part, l’autorité de surveillance du FIA, dans l’hypothèse où ce FIA n’est pas établi en France; le FIA satisfait aux conditions prévues dans une convention de reconnaissance mutuelle portant sur les FIA pouvant être commercialisés auprès de clients non-professionnels, conclue entre l’AMF et l’autorité de surveillance du FIA, dans l’hypothèse où ce FIA n’est pas établi en France; le gestionnaire satisfait aux conditions prévues dans une convention de reconnaissance mutuelle fixant les exigences particulières applicables à l’agrément des gestionnaires de FIA pouvant être commercialisés auprès de clients non-professionnels, conclue entre l’AMF et l’autorité de surveillance du gestionnaire. Il convient par ailleurs de préciser que toute demande de commercialisation auprès de clients non-professionnels nécessite d’avoir respecté au préalable la procédure de commercialisation auprès de clients professionnels ou de s’y soumettre concomitamment. 2. Sollicitation inversée Depuis le 22 juillet 2014, un gestionnaire non européen de fonds qui est actif sur le marché européen n’est plus autorisé à faire de la sollicitation auprès d’investisseurs situés dans les pays membres de l’UE à moins de se soumettre au régime de placement privé de chacun des pays membres où réside un de ses investisseurs. La seule forme de sollicitation possible pour un gestionnaire qui ne se soumet pas à ce ou ces régimes de placement privé est celle communément appelée « sollicitation inversée », c’est-à-dire l’hypothèse dans laquelle les premières démarches relatives à un investissement proviennent de l’investisseur lui-même. Autrement dit, l’investissement est réalisé à la seule initiative de l’investisseur, sans « commercialisation » préalable de la part du gestionnaire. En effet, la Directive définit la « commercialisation » comme une « offre ou un placement, direct ou indirect, à l’initiative du gestionnaire ou pour son compte, de parts ou d’actions d’un FIA qu’il gère, à destination d’investisseurs domiciliés ou ayant leur siège statutaire dans l’Union ». Or, dans le cas de la « sollicitation inversée », ce n’est pas le gestionnaire qui initie les discussions auprès de l’investisseur, mais bien l’investisseur lui-même, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une commercialisation au sens de la Directive. Toutefois, la difficulté du recours à la sollicitation inversée réside dans le fait de déterminer celui du gestionnaire ou de l’investisseur qui a initié les démarches d’investissement. Les autorités de réglementation définissent la notion de sollicitation inversée de façon différente d’un pays à l’autre, mais cette définition est généralement restrictive. En France, la notion reste floue, mais très récemment4, l’AMF a mis en garde contre cette pratique. La sollicitation inversée pourrait ainsi demeurer une option envisageable pour les gestionnaires canadiens (bien qu’elle ait alors une application limitée), même si l’Autorité européenne des marchés financiers décidait de leur étendre le régime du passeport tel qu’il est décrit dans notre article publié en mai 2016. Conclusion Malgré les délais avant une potentielle extension du régime du passeport européen aux gestionnaires canadiens, les régimes de placements privés nationaux de chacun de ces pays et le régime de la sollicitation inversée peuvent malgré tout, dans l’entre temps, offrir des solutions viables aux gestionnaires canadiens qui souhaitent commercialiser dans un pays de l’UE des parts ou actions d’un FIA. En France, la liste des autorités non européennes avec lesquelles l’Autorité des marchés financiers (France) a signé un accord bilatéral de coopération comprend, pour le Canada : l’Alberta Securities Commission, l’Autorité des marchés financiers (Québec), la British Columbia Securities Commission, la Ontario Securities Commission et le Bureau du surintendant des institutions financières. Se qualifient à titre d’investisseurs professionnels certains investisseurs qui de par leur nature ou taille sont considérés par la législation française comme possédant l’expérience, les connaissances et la compétence nécessaires pour prendre ses propres décisions d’investissement. Cf. notamment les articles 16 à 20 et l’annexe 3 de l’instruction précitée. Guide de bonnes pratiques à destination des associations, fondations, fonds de dotation et autres petites institutions (décembre 2015).
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L’impact d’une possible extension du régime de passeport européen à l’égard des gestionnaires de fonds canadiens
Martine Samuelian et Virginia Barat, JEANTET Les gestionnaires de fonds d’investissement canadiens (les « gestionnaires ») souhaitant effectuer des levées de fonds auprès d’investisseurs situés dans les États membres de l’Union européenne (l’« UE ») doivent, depuis le 22 juillet 2013, tenir compte de la Directive 2011/61/UE1 (la « Directive »), qui porte sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (les « FIA »). Cette Directive a été adoptée à la suite des sommets des pays du G20 qui se sont tenus à Londres en 2009 et à Toronto en 2010, au cours desquels les dirigeants des pays du G20 ont convenu que les gestionnaires de « fonds spéculatifs » devraient faire l’objet d’une surveillance afin de s’assurer qu’ils ont bien instauré des procédures adéquates de gestion des risques. Ce texte vise principalement à assurer la protection des investisseurs en harmonisant les règles applicables aux gestionnaires de fonds, permettant ainsi de renforcer l’attractivité des places financières européennes. Pour fluidifier le marché, la Directive prévoit aussi l’instauration d’un régime de passeport européen permettant aux gestionnaires européens de commercialiser des FIA partout dans l’UE, à la condition d’avoir obtenu l’agrément d’un État membre de l’UE et de respecter certaines obligations prévues par la Directive. Enfin, la Directive encadre également le régime applicable aux gestionnaires établis dans des pays non européens (« pays tiers »), afin de « garantir des règles du jeu équitables entre les gestionnaires établis dans l’Union et les gestionnaires établis dans des pays tiers »2. À ce jour, les gestionnaires de pays tiers sont en effet contraints par la complexité de la commercialisation sans passeport, dont le régime est laissé à la discrétion de l’État membre de l’UE dans lequel ils souhaitent commercialiser leurs FIA. Cette situation est appelée à évoluer prochainement pour leur permettre de bénéficier à terme d’un régime similaire à celui applicable aux gestionnaires européens pouvant se prévaloir du passeport européen. 1. Critères de qualification des FIA Il convient tout d’abord de préciser la notion de FIA afin de circonscrire le champ d’application de la Directive. Il semble que la majorité des fonds de capital de risque (venture capital funds), des fonds de capitalinvestissement (private equity funds) et des fonds de couverture (hedge funds) constitués au Canada doivent être qualifiés de FIA en vertu de la Directive. En effet, aux termes de l’article 4 de la Directive, constitue un FIA3, toute entité qui démontre l’ensemble des caractéristiques suivantes : l’entité lève du capital auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de l’investir, dans l’intérêt de ceux-ci, conformément à une politique d’investissement que ce FIA ou sa société de gestion définissent; l’entité n’est pas un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), c’est-à-dire ni une SICAV (société anonyme ou une société par actions simplifiée qui a pour seul objet la gestion d’un portefeuille d’instruments financiers et de dépôts) ni un fonds commun de placement (FCP) (copropriété d’instruments financiers et de dépôts, dépourvue de la personnalité morale). Par ailleurs, l’entité qui dispose d’une politique d’investissement relative aux modalités de gestion des capitaux regroupés en vue de générer un rendement collectif pour les investisseurs est assimilée à un FIA. Ainsi, compte tenu de ce qui précède, même les fonds de capitalinvestissement traditionnels, qui ne sont normalement pas qualifiés de fonds d’investissement en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières québécoise, seront considérés comme des FIA en vertu de la Directive. La Directive prévoit pour tout gestionnaire établi dans un pays tiers, c’est-à-dire dans un État non-membre de l’UE tel que le Canada, la possibilité éventuelle de commercialiser dans un pays de l’UE des parts ou actions de FIA établis dans l’UE ou dans un pays tiers, selon deux régimes distincts : à ce jour, les gestionnaires de pays tiers ne peuvent pas faire l’objet d’un agrément (inscription) AIFM et ne peuvent donc pas revendiquer l’application du régime du passeport européen. Ils sont donc soumis aux dispositions de l’article 42 de la Directive, qui leur permettent de commercialiser les FIA qu’ils gèrent moyennant le respect des mécanismes dits « de placements privés » applicables au sein de chacun des pays de l’UE dans lesquels ils souhaiteraient commercialiser leurs FIA (ces mécanismes seront étudiés plus en détails dans un bulletin subséquent); conformément à l’article 67 de la Directive, l’Autorité européenne des marchés financiers (« l’ESMA ») devait se prononcer au plus tard le 22 juillet 2015 sur la possible extension du régime du passeport européen aux gestionnaires établis dans certains pays tiers (dont le Canada), en application des dispositions des articles 37 à 41 de la Directive. En ce qui concerne le Canada, cet avis a toutefois été reporté au 30 juin 2016. Cette possible extension du régime du passeport à des gestionnaires établis dans des pays non européens permettra de faciliter la commercialisation au sein de l’UE, de FIA de l’UE ou de pays tiers par des gestionnaires de pays tiers. Il convient par conséquent de préciser les solutions qui seront offertes aux gestionnaires canadiens dans l’hypothèse où le régime du passeport européen prévu par la Directive leur était étendu. 2. Le futur régime du passeport 2.1. La possible extension du régime du passeport européen aux gestionnaires canadiens Le régime de passeport européen (le « Passeport ») permet maintenant à un gestionnaire de fonds d’investissement agréé par l’autorité de tutelle d’un État membre de l’UE (donc un gestionnaire établi dans un pays de l’UE), de créer, gérer et commercialiser ses fonds partout dans l’UE soit en libre prestation de service (LPS) soit en libre prestation d’établissement (LPE). Conformément aux dispositions des articles 37 à 41 de la Directive, ce régime aurait dû être étendu aux gestionnaires de 16 pays non européens, dont le Canada, à la suite de la réception d’un avis positif de l’ESMA sur les garanties présentées par les législations de chacun de ces pays. Ces avis étaient attendus au plus tard le 22 juillet 20154, mais ce délai a été prorogé par la Commission européenne en raison de la progression des travaux de l’ESMA. En effet, l’ESMA n’a à ce jour toujours pas achevé son analyse des législations de l’ensemble de ces pays tiers. Elle a cependant déjà émis, le 30 juillet 2015, un avis favorable à une extension du Passeport aux gestionnaires situés sur les îles de Guernesey et Jersey. La Suisse a, quant à elle, reçu un avis positif conditionné à la levée de certains obstacles. En revanche, l’ESMA a réservé son opinion concernant les gestionnaires situés aux États-Unis, à Hong Kong et à Singapour. En ce qui concerne le Canada, l’ESMA a considéré, le 30 juillet 2015, que la réglementation des fonds d’investissement en vigueur au Canada était plus favorable à l’extension du Passeport à ce pays que celle des États- Unis. La Commission européenne a demandé à l’ESMA, par une lettre datée du 17 décembre 2015, de remettre son avis concernant le Canada au plus tard le 30 juin 2016. D’autres pays attendent également de recevoir la position de l’ESMA le 30 juin 2016, soit les États-Unis, Hong Kong, Singapour, le Japon, l’Île de Man, les Îles Caïmans, les Bermudes et l’Australie. Il convient de préciser que lorsque l’ESMA rend un avis positif, la Commission européenne édicte normalement dans un délai de trois mois un acte délégué prévoyant la date à compter de laquelle le régime du Passeport sera applicable aux gestionnaires de l’État non européen concerné. Au moment d’écrire ces lignes, la Commission européenne n’a toutefois pas encore pris cet acte délégué même en ce qui concerne les pays ayant déjà fait l’objet d’un avis favorable, choisissant plutôt d’attendre qu’un nombre suffisant de pays tiers aient été évalués. À ce jour, les gestionnaires canadiens ne peuvent donc pas commercialiser dans les pays de l’UE des parts ou des actions de FIA en ayant recours au Passeport. Cette possibilité pourrait néanmoins leur être bientôt offerte puisque la réponse est attendue le 30 juin prochain. Il importe donc de présenter les obligations qui leur seraient applicables en cas d’extension du Passeport. Il convient aussi de rappeler que dans l’attente de l’avis de l’ESMA, et dans l’éventualité où cette dernière refuserait d’élargir le régime du Passeport aux gestionnaires canadiens, il est toujours possible pour ces derniers de commercialiser leurs produits soit en créant une société de gestion de portefeuille agréée dans un État membre de l’UE, soit en recourant au dispositif de placement privé (dont il sera traité dans un bulletin Lavery Capital subséquent). 2.2. Obligations applicables aux gestionnaires canadiens en cas d’extension du régime du passeport européen Dans l’hypothèse où le régime du Passeport serait étendu aux gestionnaires canadiens, ces derniers seront tenus de respecter l’ensemble des obligations imposées par la Directive, dont il convient de rappeler ci-dessous les principales dispositions. a) La nécessité d’obtenir un agrément auprès de l’autorité de tutelle d’un État membre de référence En premier lieu, les gestionnaires canadiens devront préalablement faire une demande d’agrément (inscription) auprès de l’autorité compétente d’un État membre de l’UE (l’« État membre de référence »)5. L’article 37 de la Directive précise, à son alinéa 4, les critères de désignation de cet État membre de référence (par exemple l’État membre d’origine du FIA ou l’État membre dans lequel la commercialisation est envisagée). Cet article précise par ailleurs que le gestionnaire devra disposer d’un représentant légal établi au sein de son État membre de référence. Le processus d’agrément des gestionnaires de pays tiers est en grande partie similaire à celui des gestionnaires européens. Toutefois, certaines exigences supplémentaires concernant le pays tiers dans lequel le gestionnaire ou le FIA sont établis ont été instaurées. La demande d’agrément du gestionnaire devra ainsi être adressée à l’autorité compétente de l’État membre de référence, qui vérifiera que l’ensemble des dispositions de la Directive ont bien été respectées par le gestionnaire. Les principales obligations à respecter pour obtenir l’agrément devraient être les suivantes : (i) respecter des exigences minimales de fonds propres, (ii) mettre en place des politiques et pratiques de rémunération, (iii) adopter des procédures internes qui permettent d’évaluer correctement les éléments d’actif détenus par les fonds, (iv) désigner un dépositaire distinct du gestionnaire ayant notamment pour mission de conserver les actifs des fonds et (v) respecter des obligations d’information à l’égard des investisseurs et des autorités de tutelle. De plus, des modalités de coopération appropriées devront exister entre les autorités compétentes de l’État tiers où est établi le gestionnaire, celles de l’État membre de référence, et celles de l’État où le FIA a son domicile (l’État de domiciliation du FIA) s’il diffère des précédents. De même, le pays d’établissement du gestionnaire ou du FIA ne devra pas figurer sur la liste des pays et territoires non coopératifs du Groupe d’action financière pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (GAFI). En outre, l’article 37 de la Directive précise que le pays tiers d’établissement du gestionnaire devra avoir signé avec l’État membre de référence un accord respectant l’article 26 du modèle OCDE de convention fiscale concernant le revenu et la fortune et garantissant un échange efficace d’informations en matière fiscale6. Un gestionnaire canadien qui obtient l’agrément pourra alors gérer et commercialiser ses fonds européens partout dans l’UE en vertu du régime du Passeport après une simple notification auprès de chaque autorité dans chacun des pays européens visés. b) Les conditions applicables à la commercialisation dans l’UE, avec un Passeport, de FIA gérés par un gestionnaire de pays tiers Il convient de distinguer selon que la commercialisation interviendra auprès de clients professionnels ou de clients non-professionnels. i. Commercialisation auprès de clients professionnels (articles 39 et 40 de la Directive) Outre le respect des exigences posées par la Directive aux gestionnaires établis dans des pays membres décrites ci-dessus, les gestionnaires de pays tiers devront également remplir des conditions supplémentaires si le FIA est établi dans un pays tiers7 qui rappellent celles exigées pour l’octroi de l’agrément, soit : l’existence de modalités de coopération appropriées entre les autorités compétentes de l’État membre de référence et celles de l’État où le FIA a son domicile; le pays d’établissement du gestionnaire ne devra pas figurer sur la liste des pays et territoires non coopératifs du GAFI; le pays tiers d’établissement du FIA devra avoir signé avec l’État membre de référence un accord respectant l’article 26 du modèle OCDE de convention fiscale concernant le revenu et la fortune et garantissant un échange efficace d’informations en matière fiscale. Ces dispositions ont été transposées en droit français à l’article L. 214- 24-1 du Code monétaire et financier français, qui prévoit la nécessité d’une notification préalable à l’Autorité des marchés financiers (France) (l’« AMF ») et renvoie aux dispositions du Règlement général de l’AMF (le « RGAMF ») pour en connaître les modalités. Au plus tard 20 jours ouvrables après réception de la notification complète, l’AMF indiquera alors au gestionnaire s’il peut commencer à commercialiser le FIA ayant fait l’objet de la notification en France. Il convient de préciser que l’AMF ne pourra s’opposer à la commercialisation d’un FIA que si la gestion de ce FIA par le gestionnaire n’est pas ou ne serait pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés de gestion de portefeuille françaises. En cas de décision positive, le gestionnaire pourra commencer la commercialisation du FIA en France dès la date de notification en ce sens par l’AMF. L’AMF informera également l’ESMA et les autorités compétentes du pays où le FIA est établi du fait que le gestionnaire a été autorisé à commencer la commercialisation des parts ou actions de ce FIA en France. ii. Commercialisation auprès de clients non-professionnels (article 43 de la Directive) En plus des obligations prévues par la Directive, les gestionnaires de pays tiers bénéficiant du Passeport devront également justifier du respect des conditions particulières prévues à l’article 421-13 du RGAMF. Ils devront à ce titre respecter la même procédure d’autorisation préalable que celle applicable à la commercialisation sans Passeport auprès de clients non professionnels (dont il sera traité dans un bulletin Lavery Capital subséquent). Enfin, il convient de préciser que les gestionnaires canadiens devraient pouvoir être exemptés du respect de certaines dispositions de la Directive relatives au régime du Passeport, s’ils sont en mesure de prouver : d’une part qu’il leur est impossible de respecter à la fois une disposition de la Directive et une disposition obligatoire de la réglementation canadienne, d’autre part que la réglementation canadienne qu’ils respectent prévoit une disposition équivalente à la réglementation européenne offrant le même niveau de protection aux investisseurs du fonds. Il convient de relever que la Directive prévoit à son article 68, l’existence d’une période transitoire de trois ans après l’extension du Passeport aux gestionnaires d’un pays tiers, durant laquelle le régime du Passeport et les régimes de placement nationaux pourront coexister et être choisis librement et alternativement par les gestionnaires de ce pays tiers. À l’expiration de cette période transitoire, en principe, au plus tard trois ans après que le régime de Passeport aura vraisemblablement été étendu aux gestionnaires canadiens de FIA, l’ESMA aura à se prononcer sur la possibilité de laisser les gestionnaires des pays tiers continuer à opter pour le mécanisme des placements privés en dépit de l’extension du Passeport. À cet effet, une nouvelle recommandation de l’ESMA sera transmise à la Commission européenne en vue d’évaluer la possibilité de supprimer les régimes nationaux. Conclusion Les gestionnaires canadiens inscrits auprès de l’une ou l’autre des autorités canadiennes en valeurs mobilières (dont l’Autorité des marchés financiers (Québec)) peuvent espérer que le régime du Passeport sera prochainement élargi afin de leur permettre de bénéficier des avantages offerts par ce régime. Dans l’intervalle, en raison de l’incertitude quant aux délais avant qu’une décision soit rendue par l’ESMA à l’égard du Canada, les gestionnaires canadiens qui cherchent à commercialiser des fonds d’investissement dans les pays membres de l’UE n’ont d’autre choix que de s’en remettre aux régimes de placements privés nationaux de chacun de ces pays ou d’opter pour la sollicitation inversée lorsqu’elle est possible. Un autre bulletin Lavery Capital traitant de la possibilité pour les gestionnaires canadiens de bénéficier de ces régimes de placements privés nationaux ou des règles de la sollicitation inversée sera publié au cours des prochains mois. Qui est plus connue sous son acronyme anglais : « AIFM » ou « AIFMD », qui signifie « Alternative Investment Fund Managers Directive ». Considérant 64 de la Directive. Ces dispositions ont été transposées à l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier français. On précisera à ce titre qu’il existe en droit français différents types de FIA répondant à des règles distinctes comme suit : - les FIA ouverts à des investisseurs professionnels, - les FIA ouverts à des investisseurs non-professionnels, - les fonds d’épargne salariale, - les organismes de titrisation, - les autres FIA (groupement forestier, etc.). Voir article 67 de la Directive. Le fait d’être inscrit auprès d’une autorité de réglementation au Canada, tel que l’Autorité des marchés financiers (Québec), n’est pas suffisant. Le Canada a conclu un accord basé sur le modèle OCDE de convention fiscale avec chacun des États membres. Article 40 alinéa 2 de la Directive.
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L’Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public institue une action contre Saba Capital : des leçons à retenir pour les gestionnaires de fonds à l’occasion de l’évaluation de titres peu liquides
Le 25 septembre 2015, l’Office d’investissement des régimes de pensions du secteur public (« Investissements PSP ») a institué des procédures devant la Cour suprême de l'État de New York contre Saba Capital, le fonds de couverture (hedge fund) géré par Boaz Weinstein (ancien cochef des activités de crédit de la Deutsche Bank AG), dans lesquelles il est allégué que Saba Capital a « manipulé la valeur » de certains placements de Saba Capital. Ces manipulations alléguées se seraient produites dans le contexte d’une demande de rachat par Investissements PSP de son entière participation dans Saba Capital. Ce litige met en lumière certains risques inhérents auxquels font face les gestionnaires de fonds de couverture et de fonds de capital-investissement lorsqu’ils évaluent certaines catégories de titres. L’ACTION CONTRE SABA CAPITAL Saba Capital Offshore Fund, Ltd. (le « fonds de Saba Capital »), un fonds de couverture créé en vertu des lois des îles Caïmans, a été mis sur pied en 2009. En février 2012 et en juin 2013, Investissements PSP y a investi un montant global de 500 millions de dollars américains, devenant ainsi le plus important investisseur du fonds. Au début de 2015, à la suite d’une baisse importante de la valeur liquidative du fonds communiquée au cours de l’été 2014, Investissements PSP a décidé de demander le rachat de l’intégralité de sa participation dans le fonds de Saba Capital comme le lui permettaient les documents constitutifs du fonds. À cette époque, la participation d’Investissements PSP dans le fonds de Saba Capital représentait environ 55 % de sa valeur liquidative. Dans l’exposé de sa demande, Investissements PSP allègue qu’en calculant le prix de rachat de sa participation dans le fonds de Saba Capital, le gestionnaire Saba Capital Management, L.P. (« Saba Capital Management »), a réduit de façon inappropriée la valeur des titres à revenu fixe émis par The McClatchy Company (NYSE : MNI) détenue par le fonds de Saba Capital (les « obligations de MNI »). Cette réduction a eu l’effet de réduire la valeur liquidative du fonds au 31 mars 2015, ce qui a fait en sorte qu’Investissements PSP a reçu un prix de rachat moindre pour ses parts de catégorie A du fonds de Saba Capital. Selon la demande d’Investissements PSP, la méthode d’évaluation employée par Saba Capital Management pour l’évaluation du 31 mars 2015 différait de façon importante de celles employées précédemment. De plus, selon Investissements PSP, moins d’un mois plus tard, Saba Capital est revenu à son ancienne méthode d’évaluation, ce qui a entraîné une valeur à la hausse des obligations de MNI par rapport à celle du 31 mars 2015. Investissements PSP allègue également que Saba Capital Management a effectué ces changements brusques dans ses méthodes d’évaluation dans le but de diminuer artificiellement la valeur des obligations de MNI aux fins du calcul du produit du rachat de sa participation dans le fonds de Saba Capital. Les obligations de MNI sont des titres peu liquides qui ne sont inscrits à la cote d’aucune bourse nationale ni à celle du NASDAQ, mais qui sont toutefois négociés de gré à gré sur des marchés hors cote (« pink sheets »). L’absence d’un marché liquide pour un certain type de titres rend leur évaluation très difficile. Dans une telle situation, les fonds utilisent typiquement des prix qu’ils peuvent obtenir de sources de cotation externes telles que les services de cotation indépendants et les cotations de courtiers d’un teneur de marché ou d’institutions financières qui se livrent fréquemment à la pratique de négocier ce titre ou d’en établir le prix. Au soutien de ses prétentions, Investissements PSP déclare qu’aux fins de l’évaluation des obligations de MNI, Saba Capital Management a dans le passé toujours utilisé les cotations fournies par ces sources de cotation externes. Toutefois, une méthode différente a été utilisée dans le cadre du rachat des parts de catégorie A d’Investissements PSP. Dans le cas de ce rachat, Saba Capital Management a plutôt amorcé un processus de sollicitation d’offres visant les obligations de MNI qu’elle détenait auprès de divers courtiers appelées « bids-wanted-incompetition » (BWIC) dans le cadre duquel les courtiers pouvaient présenter des offres sur ces titres. Ce processus a donné lieu à des offres reflétant un escompte important par rapport aux valeurs obtenues à l’aide des méthodes d’évaluation précédemment utilisées par le fonds de Saba Capital en raison du caractère peu liquide des obligations de MNI. Les offres ainsi obtenues par Saba Capital Management ont été utilisées pour évaluer les obligations de MNI, bien que le fonds de Saba Capital n’ait accepté aucune de celles-ci. Selon Investissements PSP, cela a fait en sorte que ces obligations qui étaient précédemment évaluées à 60 cents sur un dollar à la fin du premier trimestre de 2015 étaient évaluées à 31 cents sur un dollar au 31 mars 2015. Il en a résulté une réduction (dont le montant n’est pas divulgué dans les procédures déposées devant le tribunal new-yorkais) de la valeur liquidative des actions de catégorie A de Investissements PSP et du prix de rachat versé pour celles-ci. Investissements PSP cherche à obtenir des dommages-intérêts compensatoires des défendeurs pour un montant à être déterminé lors du procès. LES LEÇONS QUE DOIVENT RETENIR LES GESTIONNAIRES DE FONDS DE COUVERTURE PRIVÉS ET DE FONDS DE SOCIÉTÉS DE CAPITALINVESTISSEMENT VISER LA CONSTANCE DANS LES MÉTHODES D’ÉVALUATION Les documents constitutifs des fonds de couverture exigent communément du gestionnaire que celui-ci effectue des évaluations périodiques, habituellement à tous les mois ou, parfois, à tous les trimestres, des éléments d’actif et du passif du fonds. Les gestionnaires des fonds de capital-investissement ouverts sont couramment soumis à des exigences de production d’évaluations trimestrielles relativement aux éléments d’actif et passif de leurs fonds. La rémunération du gestionnaire d’un fonds est généralement structurée de façon à favoriser l’alignement des intérêts du gestionnaire avec ceux de l’ensemble des autres investisseurs au moyen de l’intéressement à la performance (carried interest) qu’il a le droit de recevoir. Toutefois, dans le contexte du rachat envisagé de participations dans le fonds, l’intérêt du gestionnaire et de la partie demandant le rachat peuvent être très différents en ce que l’intérêt de la partie demandant le rachat est de maximiser son prix de rachat à court terme, tandis que l’intérêt du gestionnaire est de maximiser son intérêt reporté (« carried interest ») à long terme. L’évaluation requise des éléments d’actif et du passif du fonds en vue de déterminer le prix payable à la partie demandant le rachat a une incidence directe sur les montants que celle-ci reçoit, comme c’était le cas pour Investissements PSP. Ce conflit et le risque de litige subséquent sont exacerbés par le fait que l’évaluation des éléments d’actif et du passif du fonds est effectuée dans un contexte où le fonds continue ses activités et n’est donc pas liquidé. Pour cette raison, les gestionnaires de fonds devraient tenter d’éviter autant que possible d’utiliser une méthode d’évaluation aux fins de déterminer le prix de rachat à être payé qui serait différente de la méthode qui a été ordinairement utilisée par le passé. Il sera difficile pour un investisseur demandant le rachat de prétendre que le gestionnaire a manipulé l’évaluation de l’actif du fonds dans le but de réduire le prix de rachat de sa participation si la méthode d’évaluation utilisée par le gestionnaire a été utilisée de façon constante et a fait l’objet de rapports périodiques aux investisseurs, sans qu’aucun problème ne soit survenu. La survenance d’un « choc de liquidité » causé par la demande de rachat soudaine d’un investisseur important ou d’autres circonstances particulières (telles que l’acquisition d’instruments nouvellement créés) peut toutefois empêcher le gestionnaire désirant agir de façon juste et équitable pour l’ensemble des investisseurs de continuer d’utiliser les méthodes qu’il utilisait par le passé. Dans les cas où les circonstances appuyant les évaluations précédentes ont changé, le gestionnaire devrait échanger sur cette question avec les investisseurs pour s’assurer d’un consensus sur l’évaluation la plus juste compte tenu des nouvelles circonstances. Toutefois, cela pourrait ne pas être possible ni même souhaitable à la suite de la réception d’une demande de rachat, puisque l’intérêt financier immédiat de l’investisseur demandant le rachat peut rendre impossible l’atteinte d’un consensus. ADOPTION D’UNE POLITIQUE D’ÉVALUATION DISTINCTE Les méthodes d’évaluation utilisées par le gestionnaire d’un fonds de couverture ou d’un fonds de capital-investissement sont typiquement décrites dans les documents constitutifs du fonds et dans les notices d’offre ou de placement privé de ces fonds. Toutefois, cela se limite généralement à un aperçu général de la procédure que le gestionnaire entend suivre dans les faits en vue d’évaluer l’actif et le passif du fonds. Bien que ce niveau de flexibilité soit perçu comme favorable par les gestionnaires puisqu’il évite de devoir fréquemment modifier les documents constitutifs ou documents d’offre (ce qui peut entraîner des coûts importants), il peut donner lieu à des conflits tels celui opposant Investissements PSP à Saba Capital Management, particulièrement lorsque la procédure que suit le gestionnaire diffère au fil du temps à l’égard de certaines catégories d’éléments d’actif. Se doter d’une politique d’évaluation officielle (distincte des documents constitutifs et des documents d’offre de façon à pouvoir la modifier sans entraîner de coûts importants pour le fonds et les investisseurs), qui fournit une description plus détaillée des procédures d’évaluation que suit le gestionnaire, constitue donc une pratique exemplaire (« best practice ») pour les gestionnaires de fonds de couverture et de fonds de capital-investissement. Cette politique d’évaluation devrait demeurer disponible pour consultation par les investisseurs actuels et potentiels. La divulgation relative à l’évaluation contenue dans les documents d’offre devrait faire mention de la politique dans le but de s’assurer que tous les investisseurs sont au courant de son existence. Il devrait également être fait mention du fait qu’un exemplaire de celle-ci peut être obtenu sur demande. Le gestionnaire devrait également revoir périodiquement cette politique d’évaluation pour s’assurer qu’elle reflète toujours adéquatement ses procédures courantes en matière d’évaluation. La politique d’évaluation devrait décrire en détail les méthodes d’évaluation que le gestionnaire utilisera pour chaque type d’instrument ou de titre. Elle devrait en outre énoncer les sources de cotation extérieures que le gestionnaire entend utiliser, le cas échéant, la hiérarchie entre ces sources et, si possible, les niveaux de tolérance acceptés pour toute disparité entre les sources de cotation. La politique devrait aussi préciser comment les exceptions seront gérées, le cas échéant. De plus, si le gestionnaire a l’intention d’utiliser certains types de pratique d’évaluation moins habituels, ceux-ci devraient être expressément prévus dans les documents constitutifs. Par exemple, pour éviter les poursuites possibles des investisseurs du fonds, si le gestionnaire a l’intention de placer dans un compte séparé (« side-pocket ») certains titres peu liquides ou difficiles à évaluer, il ne devrait lui être permis de le faire que dans la mesure où il est expressément autorisé à poser un tel geste aux termes des documents constitutifs du fonds. Un simple renvoi à une telle procédure contenu dans une politique d’évaluation pourrait ne pas procurer une protection suffisante. CONCLUSION Les recommandations qui précèdent ne représentent que quelques-unes des pratiques exemplaires (best practices) qui pourraient être adoptées en ce qui concerne l’évaluation de titres peu liquides et, quoi qu’il en soit, elles ne garantissent pas que les investisseurs ne contesteraient pas, judiciairement si nécessaire, l’évaluation que le gestionnaire fait de ces titres. En effet, dans l’affaire d’Investissements PSP, Saba Capital Management a déposé une requête en irrecevabilité, alléguant que « le processus d’évaluation que l’OIRPSP décrit dans l’exposé de sa demande est parfaitement compatible avec les documents constitutifs – en fait, ceux-ci l’exigeaient dans les circonstances » [Notre traduction]. Étant donné que la Cour suprême de l’État de New York a renvoyé l’affaire en médiation obligatoire au début d’octobre 2015, elle n’a pas encore rendu sa décision sur la requête en irrecevabilité de Saba Capital. Néanmoins, le fait de suivre les recommandations ci-dessus devrait réduire le risque de survenance de litiges liés à l’évaluation d’un certain type de titres et procurer une protection non négligeable dans le cadre d’un tel litige.
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L’administrateur de société : questions et réponses
Ce bulletin de cinquante-deux (52) pages répond de manière pratique et simple en respectant l’encadrement juridique à quarante-trois (43) questions que les administrateurs se posent ou devraient se poser. Il constitue un outil très utile pour favoriser une saine gouvernance, créatrice de valeur. Cliquer ici pour consulter le document complet
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Que suppose le devoir de diligence?
5. QUE SUPPOSE LE DEVOIR DE DILIGENCE?Le devoir de diligence signifie que l’administrateur doit être présent aux réunions du conseil et des comités du conseil dont il fait partie, se préparer pour ces réunions, s’informer sur la personne morale, ses activités et son marché, surveiller la gestion de la personne morale et fournir une contribution positive et active selon ses connaissances et compétences.L’administrateur doit donc être bien informé, proactif et avoir le courage d’agir. Le courage d’agir signifie qu’il ne doit pas hésiter à exprimer ce qu’il pense réellement et proposer ce qui lui apparaît devoir être fait dans le meilleur intérêt de la société, même si cela peut déplaire à la direction ou à des collègues ou affecter ses ambitions et intérêts personnels.La Cour suprême du Canada a ainsi interprété le devoir de diligence dans l’arrêt Peoples’1 :« [67] « On ne considèrera pas que les administrateurs et les dirigeants ont manqué à l’obligation de diligence énoncée à l’article 122 (1)(b) de la LCSA s’ils ont agi avec prudence et en s’appuyant sur les renseignements dont ils disposaient. Les décisions prises devaient constituer des décisions d’affaires raisonnables compte tenu de ce qu’ils savaient ou auraient dû savoir.Lorsqu’il s’agit de déterminer si les administrateurs ont manqué à leur obligation de diligence, il convient de répéter que l’on n’exige pas d’eux la perfection. Les tribunaux ne doivent pas substituer leur opinion à celle des administrateurs qui ont utilisé leur expertise commerciale pour évaluer les considérations qui entrent dans la prise de décisions des sociétés. Ils sont toutefois en mesure d’établir, à partir des faits de chaque cas, si l’on a exercé le degré de prudence et de diligence nécessaire pour en arriver à ce qu’on prétend être une décision d’affaires raisonnable au moment où elle a été prise. » (nos soulignements) Lorsque le conseil délègue une partie de ses devoirs à un comité ou aux dirigeants, il doit veiller à ce que cette délégation soit faite à des personnes compétentes qui, selon le jugement raisonnable du conseil, verront elles-mêmes à faire preuve de diligence et de loyauté.Dans le cadre d’une poursuite, diverses circonstances et de nombreux éléments peuvent être pris en compte par les tribunaux dans la détermination de l’exercice ou non d’une diligence raisonnable par la personne morale et par ses administrateurs dans les circonstances. Mentionnons certains éléments qui ont été considérés par les tribunaux selon les circonstances : la nature et la gravité du préjudice; les systèmes d’enquête et de détection mis en place et plus généralement le système de gestion des risques (appréciation et traitement); la qualité des vérifications effectuées sur une base régulière et sur une base ponctuelle; la culture de l’entreprise; les politiques adoptées par l’entreprise dans le domaine et le suivi donné à ces politiques; la formation et l’assistance fournies aux employés en matière de prévention du type de risque qui s’est matérialisé; le caractère prévisible du sinistre, du problème ou de l’événement; la connaissance au préalable du problème ou d’indices d’un problème potentiel; le temps mis pour réagir et les mesures prises pour corriger le problème une fois celui-ci connu; le bilan ou l’historique de l’entreprise en la matière; le degré de tolérance face au risque ou à des manquements dans le passé; la disponibilité de mesures pour prévenir le préjudice ou en réduire l’impact; les compétences des personnes responsables. _________________________________________1 Magasins à rayons Peoples inc. c. Wise, 2004 CSC 68.
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Quelles précautions le candidat-administrateur devrait-il prendre avant d’accepter de siéger comme administrateur d’une société? / À quels devoirs un membre de conseil d’administration est-il soumis?
Ce Droit de savoir express fait partie d’une série de bulletins qui répondent chacun, de manière pratique et concrète, à une ou plusieurs questions. Ceux-ci ont été ou seront publiés au cours des prochaines semaines. De plus, une version consolidée de tous les Droit de savoir express publiés sur ce thème sera disponible sur demande.Ces différents bulletins, de même que d’autres publiés en matière de gouvernance, sont ou seront accessibles dans notre site Web (lavery.ca/publications – André Laurin).3. QUELLES PRÉCAUTIONS LE CANDIDAT-ADMINISTRATEUR DEVRAIT-IL PRENDRE AVANT D’ACCEPTER DE SIÉGER COMME ADMINISTRATEUR D’UNE SOCIÉTÉ?Le candidat à un poste d’administrateur devrait clairement procéder à certaines vérifications préalables. Parmi celles-ci, notons : l’intérêt du candidat pour l’organisation et ses objectifs; les exigences que suppose la fonction en termes de temps et d’efforts et la disponibilité de l’administrateur à cet égard; la possibilité réelle d’apporter une contribution significative, et donc de fournir une valeur ajoutée à la personne morale; la qualité des administrateurs déjà en place qui seront ses collègues s’il accepte de siéger; la réceptivité de la direction à une saine gouvernance et l’aide apportée par cette direction aux administrateurs pour qu’ils puissent respecter leurs devoirs et jouer pleinement leur rôle; la qualité de la gouvernance en place; la santé financière de la personne morale; l’existence de poursuites ou de menaces de poursuite significatives contre la personne morale; le respect par l’organisation des lois et contrats; l’existence de garanties d’assurance « Administrateurs et dirigeants » adéquates; la disponibilité d’un engagement d’indemnisation en faveur de l’administrateur par la personne morale; l’existence de démissions récentes d’administrateurs et les raisons de ces démissions; la proportionnalité de la rémunération par rapport aux risques de responsabilité (principalement dans le cas d’un émetteur assujetti).Des conversations préliminaires avec le chef de la direction, le président du conseil et quelques administrateurs actuels et anciens peuvent permettre d’obtenir certaines confirmations adéquates à l’égard de plusieurs de ces items. Toutefois, ces conversations devraient être complétées par l’examen de documents (états financiers, plumitifs des cours, procès-verbaux, …).La personne qui est dirigeant, administrateur ou employé d’une société doit également veiller à ce que la nouvelle charge d’administrateur soit acceptable à la première société. La nouvelle charge pourrait en effet contrevenir à une politique de la société, au contrat entre l’individu et la société ou à l’intérêt de la société.Les risques à la réputation reliés à l’acceptation de la fonction d’administrateur auprès de certaines personnes morales ne sont pas non plus à négliger. On a vu récemment la réputation de certaines personnes de haute qualité qui avaient accepté d’assumer bénévolement une charge d’administrateur auprès d’un organisme à but non lucratif être écorchée. Les médias, les politiciens et même les vérificateurs généraux tirent quelquefois des conclusions rapides qui ne son pas bien fondées quant au respect par les administrateurs de leurs devoirs.4. À QUELS DEVOIRS UN MEMBRE DE CONSEIL D’ADMINISTRATION EST-IL SOUMIS?Des lois constitutives, notamment, la Loi canadienne sur les sociétés par actions1 et la Loi sur les sociétés par actions (Québec)2 et le Code civil du Québec3 se dégagent deux devoirs généraux auxquels sont soumis les administrateurs, soit le devoir de diligence et le devoir de loyauté. La Loi canadienne sur les sociétés par actions formule ces devoirs comme suit :« 122(1) [Devoir des administrateurs et dirigeants] Les administrateurs et les dirigeants doivent, dans l’exercice de leurs fonctions, agir :a) avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société;b) avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente. »Outre ces devoirs généraux, l’administrateur est également assujetti à certaines obligations statutaires ou à des présomptions de responsabilité ou de culpabilité en vertu de diverses lois particulières, notamment en ce qui concerne les salaires impayés et la remise des déductions à la source ainsi que de la TPS/TVQ. Il est important que l’administrateur soit parfaitement au courant de toutes les obligations et présomptions statutaires et sache les reconnaître et qu’il veille à ce que la personne morale prenne les mesures appropriées à ces égards et à ce que le conseil effectue une surveillance de ces mesures._________________________________________1 Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, c. C-44.2 Loi sur les sociétés par actions, R.L.R.Q., c. S-31.1 art. 119.3 Code civil du Québec, R.L.R.Q., c. C-1991, articles 321 et suivants.
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Nouvelle Loi anti-pourriels : mieux vaut agir rapidement
En décembre 2010, le Parlement fédéral adoptait la Loi visant à promouvoir l’efficacité et la capacité d’adaptation de l’économie canadienne par la réglementation de certaines pratiques qui découragent l’exercice des activités commerciales par voie électronique1, mieux connue sous le nom de « Loi canadienne anti-pourriels » (LCAP). La loi vise essentiellement à protéger les consommateurs et les entreprises canadiennes contre les pourriels non sollicités, les représentations commerciales fausses ou trompeuses, les logiciels malveillants et autres menaces électroniques. Son entrée en vigueur est prévue pour le 1er juillet 2014.Le nouveau régime repose sur un mécanisme d’adhésion plutôt que sur un mécanisme d’exclusion. Ainsi, à compter de l’entrée en vigueur de cette loi, il sera interdit de transmettre un message électronique commercial sans avoir le consentement de son destinataire. Les entreprises canadiennes qui utilisent la messagerie électronique ou les réseaux sociaux pour informer et solliciter leur clientèle devront donc revoir leurs pratiques pour se conformer à la loi, sans quoi elles s’exposeront à des sanctions administratives et à des poursuites civiles. Des mesures transitoires sont toutefois prévues pour donner le temps aux entreprises d’ajuster leurs pratiques.La définition de « message électronique commercial » au sens de la loi est large et couvre l’ensemble des messages électroniques, y compris les messages textuels (communément appelés textos ou SMS), sonores, vocaux ou visuels, pour lesquels il est raisonnable de conclure qu’ils ont pour but d’encourager la participation à une activité commerciale. Un message électronique qui fait la promotion d’une offre d’achat, de vente ou de louage d’un produit ou d’un service constitue donc un message électronique commercial visé par cette loi. Il en va de même de celui qui fait la promotion d’une personne en sa qualité d’acheteuse, de vendeuse ou de loueuse d’un produit ou d’un service ou impliquée dans le domaine des affaires, de l’investissement ou du jeu.Puisque les activités non commerciales ne sont pas visées par la loi, il faut garder à l’esprit que les partis politiques, les organismes de charité ainsi que les sociétés qui procèdent à des études de marché ou des sondages ne sont généralement pas visés par la loi, à moins que leurs messages électroniques ne visent la vente ou la promotion d’un produit.En outre, plusieurs cas d’exception sont prévus par la loi. Notons, par exemple, que l’interdiction ne vise pas les messages transmis entre des personnes ayant des liens personnels ou familiaux, ni les messages électroniques commerciaux visant à répondre à un destinataire qui a demandé des informations relatives au prix ou une estimation pour la fourniture ou la livraison de biens, produits ou services.Pour l’instant, l’interdiction ne vise pas non plus les communications vocales par téléphone, actuellement réglementées par la Loi sur les télécommunications2 (au moyen, notamment, de la Liste nationale de numéros de télécommunication exclus). Cette exception est cependant sujette à abrogation par voie de décret si le gouvernement l’estime approprié.Le consentement exprès ou implicite du destinataireLe consentement requis pour transmettre un message électronique commercial peut être exprès ou implicite. Les situations où l’expéditeur d’un tel message peut se fonder sur le consentement implicite du destinataire sont déterminées par la loi. Par exemple, la loi prévoit qu’il y a consentement implicite lorsque l’expéditeur et le destinataire ont eu des relations d’affaires au cours des deux ans précédant la date d’envoi du message. Il en va de même lorsque le destinataire s’est enquis auprès de l’expéditeur à l’égard d’un bien, produit ou service au cours des six mois précédant la date du message.Le consentement du destinataire est également implicite si ce dernier a publié bien en vue son adresse électronique sans ajouter de mention à l’effet qu’il ne veut pas recevoir de messages électroniques commerciaux non sollicités, dans la mesure, bien entendu, où le message transmis a un lien avec l’emploi ou l’entreprise du destinataire ou ses fonctions au sein de cette entreprise.Le consentement est aussi implicite lorsque le destinataire a communiqué son adresse électronique à l’expéditeur sans aucune mention précisant qu’il ne veut recevoir aucun message électronique commercial non sollicité et, encore une fois, dans la mesure où ce message a un lien avec l’emploi ou l’entreprise du destinataire ou encore avec ses fonctions au sein de cette entreprise.Enfin, l’existence de relations privées entre l’expéditeur et le destinataire au cours des deux ans précédant l’envoi du message permet également, dans les cas prévus par la loi, de déduire le consentement implicite du destinataire à la transmission d’un message électronique commercial.Dans tous les autres cas où la loi ne permet pas d’inférer un consentement implicite, le consentement exprès du destinataire est requis pour lui transmettre un message électronique commercial. Ce consentement ne se présume pas et le fardeau de la preuve repose sur l’expéditeur.Pour obtenir ce consentement, l’expéditeur doit énoncer en termes simples et clairs les fins pour lesquelles il le sollicite; il doit aussi inclure des renseignements permettant de l’identifier (ou si l’expéditeur sollicite le consentement au nom d’une autre personne, les renseignements qui permettent d’identifier cette autre personne). L’étendue des renseignements qui doivent être donnés pour identifier la personne qui recherche un consentement est précisée dans les règlements.Il est important de noter qu’à compter de l’entrée en vigueur de la loi une demande de consentement constituera elle-même un message électronique commercial; il ne sera donc pas permis de demander ce consentement par voie électronique.Le mécanisme de retrait du consentement et la forme des messages électroniques commerciauxLa loi prévoit que toute personne qui transmet un message électronique commercial à une autre doit mettre en place un mécanisme d’exclusion permettant au destinataire de pouvoir retirer son consentement à recevoir des messages électroniques commerciaux de cet expéditeur. L’expéditeur doit permettre au destinataire d’exprimer sa volonté par voie électronique, que ce soit par courriel ou par l’intermédiaire d’un site Web, sans frais et en tout temps. L’expéditeur doit donner suite à toute demande de retrait à l’intérieur d’un délai de 10 jours.La description de ce mécanisme d’exclusion doit apparaître dans le message électronique commercial qui doit, en outre, comporter des renseignements sur l’identité de la personne qui envoie le message ou, si le message est envoyé au nom d’une autre personne, une mention indiquant le nom de la personne qui envoie le message et celui au nom de qui il est envoyé. Le message électronique commercial doit également comporter l’adresse postale et soit le numéro de téléphone donnant accès à un agent de service ou à un service de messagerie vocale, soit l’adresse de courriel ou du site Web de la personne qui envoie le message ou, le cas échéant, de celle au nom de qui il est envoyé.Si, dans la pratique, il est impossible d’inclure ces renseignements et le mécanisme d’exclusion dans le message électronique commercial, ils peuvent être affichés sur une page Web facilement accessible sans frais par le destinataire au moyen d’un lien indiqué dans le message en termes clairs et facilement lisibles.Les sanctions administratives et le droit privé d’actionLa Loi canadienne anti-pourriels prévoit des pénalités sévères pour les personnes qui ne se conformeront pas à ses dispositions. En effet, une personne qui y contrevient s’expose à des sanctions administratives pécuniaires qui peuvent atteindre 1 000 000 $ dans le cas d’une personne physique et 10 000 000 $ dans le cas de toute autre personne.De plus, l’existence d’un droit privé d’action contre l’expéditeur d’un message électronique commercial non sollicité constitue un point crucial de ce nouveau régime. En effet, la loi permet à toute personne qui subit une perte ou un dommage en raison du nonrespect des dispositions de la loi par l’expéditeur d’un message électronique commercial de demander au tribunal compétent de rendre une ordonnance condamnant cet expéditeur à lui payer le montant de ces dommages, majoré de dommages liquidés qui peuvent atteindre 1 000 000 $. Ainsi, les destinataires d’un pourriel qui auraient subi des dommages après s’être fiés à une information trompeuse qui y figurait pourraient, par exemple, former un recours collectif pour faire valoir leurs revendications communes sur la base de cette nouvelle loi.ConclusionLes messages électroniques non sollicités sont une nuisance qui mérite qu’on s’y attaque. D’ailleurs, le Canada est la seule juridiction du G8 qui n’avait pas encore de mesures spécifiques pour réglementer ou interdire les pourriels. Cependant, l’obligation d’obtenir le consentement des destinataires de messages électroniques commerciaux, lesquels n’ont le plus souvent rien à voir avec les pourriels, ne manquera pas pour plusieurs entreprises de se révéler ardue et coûteuse.Il est donc important que les entreprises revoient leurs listes d’envois électroniques pour s’assurer qu’elles sont conformes aux dispositions de la loi, c’est-à-dire que les personnes dont le nom s’y trouve ont donné leur consentement exprès à recevoir des messages électroniques commerciaux de l’entreprise ou que l’entreprise peut se fonder sur le consentement implicite de ces personnes. À défaut, les entreprises devront obtenir les consentements adéquats. Rappelons que les entreprises défaillantes s’exposeront à des pénalités substantielles et à des réclamations qui pourraient être décuplées par l’introduction de recours collectifs visant des centaines, voire des milliers de destinataires qui se considèrent lésés._________________________________________1 L.C. 2010, c. 23.2 L.C. 1993, c. 38.