Fiscalité des sociétés minières : Le gouvernement du Québec suspend l’application de certaines mesures annoncées récemment

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Le 28 février dernier, le ministère des Finances et de l’Économie du Québec a discrètement rendu public sur son site Internet le bulletin d’information 2014-5 intitulé Modifications à diverses mesures fiscales. Malgré son titre peu évocateur, ce bulletin contient des renseignements importants pour les sociétés minières œuvrant au Québec qui marquent un nouveau recul du gouvernement relativement à des mesures annoncées il y a deux mois à peine.

Le contenu du bulletin d’information 2014-5 qui est pertinent pour les sociétés minières sera analysé ci-dessous, puis un bref retour sera effectué sur le budget 2014-2015 déposé à l’Assemblée nationale le 20 février 2014 ainsi que sur la réforme du régime de redevances minières.

LE BULLETIN D’INFORMATION 2014-5
Certaines modifications dites « techniques » relativement au Crédit relatif à des ressources minières, pétrolières, gazières ou autres (le « Crédit ressources ») ainsi qu’au régime des actions accréditives avaient été annoncées dans le bulletin d’information 2013-14 publié le 20 décembre 2013.1

De manière générale, ces modifications visaient les conditions que doit satisfaire une société pour bénéficier des taux majorés du Crédit ressources et pour permettre à ses souscripteurs d’actions accréditives de bénéficier, dans certaines circonstances, de deux déductions additionnelles de 25 % chacune (les « super » déductions). Ainsi, la condition à l’effet que la société n’exploite aucune ressource minérale, pétrolière ou gazière en quantité commerciale raisonnable devait être remplacée par l’exigence qu’elle ne tire aucun revenu brut provenant, directement ou indirectement, de l’exploitation d’une telle ressource en quantité commerciale raisonnable, notamment sous la forme de redevances. Ces modifications devaient s’appliquer aux années d’imposition débutant après le 20 décembre 2013 en ce qui concerne le Crédit ressources et aux actions accréditives émises après le 31 décembre 2013.

Or, par l’intermédiaire du bulletin d’information 2014-5, le ministère des Finances et de l’Économie annonce que le gouvernement reporte l’application de ces modifications pour une durée indéterminée. Soulignons qu’il aurait été requis que l’Assemblée nationale adopte un projet de loi modifiant la Loi sur les impôts2 pour que ces mesures puissent entrer en vigueur.

Par contre, le bulletin d’information 2014-5 précise que le remplacement, aux fins de déterminer s'il y a exploitation ou non d'une ressource, des concepts de « société liée » pour ce qui est du Crédit ressources et de « contrôle » en ce qui concerne les actions accréditives par le concept élargi de « groupe associé » s'appliquera tel qu'il a été annoncé dans le bulletin d'information 2013-14.

LA RÉDUCTION DES TAUX APPLICABLES AU CRÉDIT RESSOURCES
Ce nouveau recul du gouvernement survient quelques semaines après l’annonce de sa décision de reporter au 1er janvier 2015 la réduction de 10 % des taux applicables au Crédit ressources pour les sociétés qui n’exploitent aucune ressource minérale et qui ne sont pas liées à une telle société ainsi que la réduction de 5 % pour les autres sociétés.

Cette mesure avait été rendue publique dans le cadre du discours sur le budget du 20 mars 2012 et devait initialement s’appliquer aux frais engagés après le 31 décembre 2013. Dans la même foulée, le gouvernement avait annoncé qu’une société minière aurait la possibilité d’éviter de subir une telle réduction des taux du Crédit ressources à compter du 1er janvier 2014 dans la mesure où elle accepte de consentir à l’État québécois une option de prise de participation dans l’exploitation de la ressource minérale. Il est indiqué dans le bulletin d’information 2013-14 que cette option de prise de participation devra s’élever à cinq ou dix points de pourcentage dans l’exploitation de la ressource relative à un « claim ».

Dans le cadre du budget 2014-2015, le gouvernement québécois a réitéré son intention de mettre en place un système d’options de prise de participation pour l’industrie de l’exploration minière, qui lui permettra de prendre des participations dans un grand nombre de projets sans devoir négocier directement avec chaque société. Le gouvernement entend toutefois tenir des consultations auprès des représentants de l’industrie minière avant d’élaborer ce système. L’un des sujets traités dans le cadre de ces consultations sera les critères d’admissibilité à l’aide fiscale à l’exploration. Les modifications au Crédit ressources et les modalités d’application des options de prise de participation devraient être annoncées avant la fin de l’année 2014.

LA RÉFORME DU RÉGIME DE REDEVANCES MINIÈRES
Rappelons que la réforme du régime de redevances minières, dévoilée en grande pompe par le gouvernement en mai 2013, n’a toujours pas été adoptée par l’Assemblée nationale, bien que l’entrée en vigueur de la plupart des mesures annoncées ait été fixée au 1er janvier 2014. En effet, le projet de loi n° 59, présenté par le ministre des Finances et de l’Économie le 14 novembre 2013, n’a franchi aucune autre étape depuis lors. Les demandes présentées par l’opposition de tenir des consultations particulières sont quant à elles restées lettre morte. Avant le déclenchement des élections générales au Québec, le principal parti d’opposition avait annoncé son intention d’abandonner la réforme du régime de redevances minières s’il était porté au pouvoir. Il s’est par contre ravisé dans les premiers jours de la campagne électorale en promettant de n’apporter au nouveau régime qu’une modification mineure afin de le « moduler selon la taille de l’entreprise et son niveau de maturité » et ainsi ne pas « pénaliser indûment » les petites sociétés minières québécoises. Le nouveau régime demeurerait donc inchangé pour ce qui est des grandes entreprises.

CONCLUSION
Il appert que le gouvernement du Québec n'a pas évalué adéquatement l'impact qu'auraient eu sur les sociétés d'exploration minière les mesures « techniques » annoncées dans le bulletin d’information 2013-14 avant de les rendre publiques. Par exemple, une société junior recevant des redevances d’un montant minime ou qui varient de façon importante d’une année à l’autre n’aurait plus été admissible aux taux majorés du Crédit ressources, même si ce revenu est nettement insuffisant pour financer ses activités d'exploration. La décision du gouvernement de reporter indéfiniment l’application de ces mesures est donc pour le moins heureuse dans les circonstances.

Pour ce qui est du remplacement des concepts de « société liée » et de « contrôle » par celui de « groupe associé » aux fins de déterminer s'il y a exploitation d'une ressource, le bulletin d'interprétation 2013-14 indique qu'il doit s'appliquer aux années d'imposition débutant après le 20 décembre 2013 en ce qui concerne le Crédit ressources ainsi qu'aux actions accréditives émises après le 31 décembre 2013. Même si le gouvernement a annoncé qu'il a toujours l'intention d'aller de l'avant avec ces deux mesures dans le bulletin d’information 2014-5, il n'en demeure pas moins que des modifications à la Loi sur les impôts3 devront un jour ou l'autre être adoptées par l'Assemblée nationale pour les mettre en oeuvre.
_________________________________________
1 Les mesures annoncées dans le bulletin d’information 2013-14 sont plus amplement traitées dans le bulletin Droit de savoir de janvier 2014.
2 RLRQ, c. I-3.
3 Op. cit., note 2.

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