Ordonnances de traitement pour les patients jugés inaptes à subir leur procès : les établissements de santé doivent donner leur consentement préalable quant à toutes les modalités de l’ordonnance, y compris quant à la date de l’admission

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Dans un arrêt rendu à 5 contre 41, la Cour suprême du Canada a confirmé, le 3 octobre dernier, qu’une décision ordonnant le traitement d’un accusé inapte à subir son procès requiert le consentement préalable de l’hôpital responsable du traitement, et ce, à l’égard de toutes les modalités de l’ordonnance, incluant la date à laquelle le traitement doit débuter.

Dans cette affaire, la juge d’instance de l’Ontario avait déclaré l’accusé inapte à subir son procès et devait, conformément à ses pouvoirs prévus au Code criminel2, rendre une ordonnance de traitement forcé pour une période n’excédant pas 60 jours (article 672.58). En vertu des dispositions applicables, la Cour est alors autorisée à inclure, dans son ordonnance, les modalités du traitement jugées appropriées. Toutefois, avant que la Cour ne rende sa décision, l’hôpital désigné doit donner son consentement (alinéa 672.62 (1)(a)).

En l’espèce, la preuve devant la juge d’instance avait établi que l’accusé pourrait être admis à l’hôpital désigné mais seulement dans un délai de 6 jours, aucun lit n’étant disponible entretemps. Préoccupée par le fait que l’accusé était psychotique, la juge n’a pas accepté de le transférer dans un établissement de détention dans l’intervalle et a donc rendu une ordonnance de traitement applicable « sur-le-champ », ordonnant que l’accusé soit traité à un autre hôpital, soit le Centre for Addiction and Mental Health, ou à « l’établissement désigné » (en l’occurrence Oak Ridge). À la suite de cette décision, l’accusé fut conduit par les services aux tribunaux à l’établissement désigné et fut laissé dans un corridor. Les deux hôpitaux ont interjeté appel de la décision devant la Cour d’appel de l’Ontario qui a accueilli l’appel et cassé l’ordonnance de première instance.

Le débat devant la Cour suprême du Canada était de déterminer la portée de l’exigence du consentement de l’hôpital : est-ce que le consentement est valide du simple fait que l’hôpital désigné a accepté de traiter le patient ou l’hôpital doit-il également donner son accord quant au délai pour exécuter l’ordonnance ?

La Cour suprême décide que les dispositions pertinentes du Code criminel doivent être interprétées comme requérant le consentement de l’hôpital pour toutes les modalités de l’ordonnance de traitement, incluant les conditions que la Cour peut juger nécessaires d’établir. En l’absence d’un tel consentement, la décision ne peut être rendue. Un hôpital peut donc refuser de donner son consentement dans le cas où il n’a pas les ressources humaines ou matérielles pour traiter l’accusé à ce moment précis. Toutefois, la Cour apporte une certaine nuance en indiquant qu’exceptionnellement, dans les très rares cas où il serait démontré que le refus de l’hôpital de traiter immédiatement l’accusé pouvait compromettre les chances qu’il devienne apte à subir son procès dans le délai de 60 jours prévu à la loi, et que cette mesure porte atteinte au droit constitutionnel de l’accusé à la vie, à la liberté ou à sa sécurité, la Cour pourrait déterminer que l’admission immédiate est une mesure de réparation convenable et juste de cette violation.
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1 R. v. Conception, 2014 SCC 60.
2 L.R.C. 1985, ch. C-46.

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