Le refus d’un médecin d’effectuer un stage de perfectionnement constitue un motif suffisant pour qu’un établissement ne renouvelle pas son statut et ses privilèges

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Le 18 août 2015, le Tribunal administratif du Québec (TAQ) a confirmé la décision d’un établissement de ne pas renouveler le statut et les privilèges de l’un de ses médecins après que celui-ci ait refusé d’effectuer un stage de perfectionnement pour acquérir les aptitudes nécessaires à ses nouvelles fonctions.1

Ce médecin spécialiste en hématologie avait été recruté comme chercheur il y a plusieurs années. N’ayant pu à l’époque obtenir des privilèges au sein du service d’hématologie, des privilèges lui avaient été octroyés au sein du service de médecine génique.

Pendant plusieurs années, la pratique de ce médecin fut exclusivement dédiée à ses travaux de recherche. Bien que le médecin avait des privilèges au sein du service de médecine génique, il ne participait d’aucune façon à la pratique clinique de ce service. Cette situation, bien qu’imparfaite, était cependant tolérée par l’établissement considérant que le médecin devait avoir un statut et des privilèges en règle au sein d’un service de l’établissement afin de pouvoir y poursuivre ses travaux de recherche.

Graduellement, le médecin ne réussit pas à renouveler le financement associé à ses projets de recherche, et ce, jusqu’à la cessation complète de ses travaux. Il prit donc la décision de réorienter sa carrière vers la pratique clinique. Considérant qu’il avait des privilèges au sein du service de médecine génique, le chef de ce service lui offrit l’occasion de se joindre à la clinique de médecine génique pour y effectuer le suivi clinique de patientes présentant des risques de cancer du sein ou de l’ovaire.

Considérant que le médecin ne disposait pas d’une expérience clinique soutenue et pertinente, le chef de service lui demanda de suivre un stage de perfectionnement relatifs aux examens des seins et aux examens gynécologiques, lesquels sont nécessaires au suivi de cette clientèle. Son intégration à la clinique de médecine génique était conditionnelle à la réussite de ce stage.

Le médecin refusa d’effectuer ce stage. Le chef de service fit donc intervenir le chef de département, ainsi que le directeur des services professionnels. Malgré des discussions et négociations qui s’échelonnèrent sur des mois, le médecin persista dans son refus de suivre le stage.

Devant cette impasse et le fait que le médecin ne se livrait plus à aucune activité au sein de l’établissement, les démarches internes ont été entreprises par le chef de département afin de ne pas renouveler le statut et les privilèges du médecin.

Dans sa décision, le TAQ énonce plusieurs éléments essentiels à la bonne compréhension du fonctionnement interne des établissements et du processus de renouvellement du statut et des privilèges d’un médecin, soit notamment :

  • qu’un établissement, dans le cadre de la gérance d’un service médical, peut exiger d’un médecin qu’il suive un stage de perfectionnement pour acquérir les aptitudes nécessaires à sa pratique;
  • que les privilèges professionnels d’un médecin ne sont pas des droits acquis;
  • que le processus de renouvellement du statut et des privilèges d’un médecin prévu à l’article 238 de la LSSSS2 est une question administrative qui se distingue du processus disciplinaire prévu à l’article 249 de cette même loi.

Relativement à l’étude qui doit être faite par le TAQ en cas de contestation d’un non renouvellement, celui-ci ajoute notamment :

  • qu’il doit apprécier si la situation du médecin justifiait le conseil d’administration de ne pas renouveler ses privilèges en tenant compte des exigences propres de l’établissement;
  • qu’il siège de novo et qu’il n’est donc pas limité aux seuls faits présentés à l’origine dans la décision du conseil d’administration de l’établissement.

En ce qui concerne l’enquête de novo que devait faire le TAQ, dans cette affaire, le TAQ a autorisé la RAMQ à déposer la facturation des dernières années du médecin, et ce, malgré son opposition. Cette demande, faite par les procureurs de l’établissement, visait à démontrer avec certitude au TAQ que le médecin n’avait pas l’expérience nécessaire au suivi de la clientèle de la clinique de médecine génique. L’analyse par le TAQ de cette nouvelle preuve ne laissa planer aucun doute quant à la nécessité du stage. Le non renouvellement du statut et des privilèges du médecin fut donc confirmé par le TAQ. Cette décision sera finale à moins qu’elle ne soit contestée par le médecin par le biais d’un recours en révision judiciaire, ce qui n’a pas été fait à ce jour.


1 2015 QCTAQ 08321.
2 Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c. S-4.2.

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