Financement des crédits d’impôt anticipés

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Les sociétés ayant besoin de liquidités ne peuvent tout simplement pas se permettre d’attendre jusqu’à la fin de leur exercice pour recevoir le paiement de leurs crédits d’impôt remboursables. Pour cette raison, quelques prêteurs offrent d’avancer des fonds aux sociétés contribuables admissibles (les « contribuables ») sous forme de prêt garantis par leurs crédits d’impôt futurs (le « financement des crédits d’impôt anticipés »). Ce bulletin vous présente les aspects clés du financement des crédits d’impôt anticipés, plus particulièrement en ce qui a trait aux crédits d’impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental et aux crédits d’impôt pour les services de production et de post-production cinématographique ou magnétoscopique.

CRÉDITS D’IMPÔT AU QUÉBEC

Les contribuables qui exercent certaines activités économiques désignées peuvent être admissibles à un soutien gouvernemental, notamment sous forme de crédits d’impôt remboursables. Ces activités comprennent entre autres la recherche scientifique et le développement, la diversification du marché dans le secteur manufacturier, le développement de solutions de commerce électronique, l’édition de livres et les services de production et post-production cinématographique.

Il existe une distinction importante entre les crédits d’impôt non remboursables et les crédits d’impôt remboursables. Alors que les crédits d’impôt non remboursables réduisent ou limitent l’impôt à payer et ne peuvent dépasser le montant d’impôt réellement payable par un contribuable, les crédits d’impôt remboursables peuvent être accordés à un contribuable même si celui-ci n’a aucun impôt à payer. Ainsi, le contribuable admissible à un crédit d’impôt remboursable peut recevoir du gouvernement des sommes supérieures à l’impôt qu’il a effectivement versé1.

Pour être admissible à des crédits d’impôt, y compris à des crédits d’impôt remboursables, un contribuable doit respecter certains critères de base au cours de son exercice financier. Toutefois, dans de nombreux cas, avant de se prévaloir d’un crédit d’impôt, un contribuable peut demander à Revenu Québec et/ou l’Agence du revenu du Canada de rendre une décision anticipée afin de déterminer s’il y sera admissible à la fin de l’année. Si les critères d’admissibilité ont été respectés, après la fin de l’exercice du contribuable (généralement dans les six mois de la clôture de l’exercice), le contribuable doit déposer les formulaires de demande de crédit d’impôt pertinents auprès des autorités fiscales compétentes, accompagnés de sa déclaration de revenus.

RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DÉVELOPPEMENT (« R & D »)

Les gouvernements du Canada et du Québec offrent des crédits d’impôt remboursables pour la R & D. Pour être admissible, l’activité de recherche doit se rapporter à la recherche pure, à la recherche appliquée ou au développement expérimental. En outre, le contribuable a le droit de réclamer le coût des travaux de soutien liés directement à cette activité. Par exemple, aux fins du crédit d’impôt du Québec, cela comprendra les travaux de génie, la collecte de données, la conception, la recherche opérationnelle et la mise à l’essai.

Dans le contexte de la R & D, un contribuable est admissible à des crédits d’impôt à l’égard des salaires payés dans le cadre de ses activités. Pour le Québec seulement, ces crédits peuvent représenter jusqu’à 35 % des salaires au niveau fédéral et 30 % pour le Québec, et ils peuvent s’appliquer aux paiements versés aux entrepreneurs et aux sous-traitants, sous réserve du respect de certain seuils. En outre, un contribuable peut recevoir des crédits d’impôt jusqu’à hauteur de 28 % relativement à la recherche précompétitive en partenariat privé, à la recherche universitaire ou aux cotisations et droits versés à un consortium de recherche dont le contribuable est membre.

En dernier lieu, les deux gouvernements exercent un certain contrôle sur les secteurs d’activités admissibles à des crédits d’impôt, mais ce contrôle ne peut être qualifié de restrictif, puisqu’aucun de ces gouvernements n’exige que les projets développés donnent lieu à des activités au Québec ou au Canada une fois que la phase de R & D est terminée et que ces projets sont prêts à passer à l’étape de la production.

SERVICES DE PRODUCTION CINÉMATOGRAPHIQUE OU MAGNÉTOSCOPIQUE

Tout comme les crédits d’impôt pour la R & D, des crédits d’impôt remboursables peuvent être accordés par les gouvernements fédéral et provincial pour les services de production cinématographique ou magnétoscopique. Au niveau fédéral, le Crédit d’impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique (« CISP ») est équivalent à 16 % des « dépenses de main-d’oeuvre admissibles au Canada »2. Au Québec, le crédit d’impôt pour services de production cinématographique (« CISPQ »), est équivalent à 20 % des coûts de production admissibles, incluant les dépenses en main-d’oeuvre admissibles, qui correspondent à peu près aux dépenses de main-d’oeuvre admissibles par le fédéral aux termes du CISP, adaptées au Québec, en plus de crédits pour le coût des biens admissibles et les coûts d’acquisition et de location de biens. En outre, le CISPQ fournit un crédit d’impôt supplémentaire de 16 % des dépenses admissibles liées à la réalisation d’effets visuels et d’animation informatiques, ce qui représente un crédit d’impôt total de 36 % de ces dépenses. Le budget provincial de 2016-2016 a prolongé ces incitatifs fiscaux en certaines circonstances.

Les deux gouvernements ont défini clairement les critères d’admissibilité au CISP et au CISPQ. Outre les exigences ayant trait aux sociétés qui demandent le crédit, dans les deux juridictions, les productions sont assujetties à des exigences en matière de dépenses minimales totales. Ces dépenses englobent chacune des étapes de la production, de la rédaction du scénario jusqu’à la post-production et la compression aux fins de distribution.

Au Québec, pour une série télé ou une émission pilote, les dépenses totales minimales sont de 100 000 $ par épisode de 30 minutes ou moins. Pour les épisodes de plus de 30 minutes, le minimum est de 200 000 $ et, pour les productions cinématographiques, de 1 000 000 $3. De plus, la production ne doit pas entrer dans une des catégories exclues, comme les émissions d’interview-variétés, les événements sportifs et la télé-réalité4. Comme il est indiqué ci-dessus, les productions qui ont recours aux effets visuels et à l’animation informatiques bénéficient d’un crédit d’impôt supplémentaire de 16 %, qui s’applique à l’étape de production des effets visuels, incluant les principaux travaux de prise de vue et les scènes tournées devant un écran chromatique (écran vert).

CONSTITUTION D’UNE GARANTIE - FINANCEMENT DES CRÉDITS D’IMPÔT ANTICIPÉS

La Loi sur la gestion des finances publiques5 énonce clairement que les créances de la Couronne (c.-à-d., de Sa Majesté du chef du Canada) sont en principe incessibles6, ce qui semble de prime abord empêcher la mise en garantie des crédits d’impôt fédéraux; toutefois, la Loi sur les impôts du Québec7 et la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada8 prévoient spécifiquement que les sociétés peuvent céder ou hypothéquer le droit de réclamer un montant qui leur est payable en vertu de chacune de ces lois.

Provincial : Article 1055.2, Loi sur les impôts

Malgré toute disposition inconciliable d’une loi, une société peut céder ou hypothéquer le droit de réclamer un montant qui lui est payable en vertu de la présente loi.

Cette cession ou cette hypothèque ne lie pas l’État et, en conséquence, les règles suivantes s’appliquent :

a) le ministre conserve sa discrétion de verser ou non le montant au cessionnaire ou au créancier;

b) la cession ou l’hypothèque ne crée aucune obligation pour l’État envers le cessionnaire ou le créancier;

c) les droits du cessionnaire ou du créancier sont assujettis à ceux que confère à l’État l’article 31 de la Loi sur l’administration fiscale (chapitre A-6.002) et à tout droit de compensation dont celui-ci peut se prévaloir.

Fédéral : Article 220, Loi de l’impôt sur le revenu

[...]

(6) Malgré l’article 67 de la Loi sur la gestion des finances publiques et toute autre disposition d’une loi fédérale ou provinciale, une société peut céder tout montant qui lui est payable en vertu de la présente loi.

(7) La cession ne lie pas Sa Majesté du chef du Canada
Par ailleurs :

a) le ministre n’est pas tenu de verser le montant cédé au cessionnaire;

b) la cession ne donne naissance à aucune obligation de Sa Majesté du chef du Canada envers le cessionnaire;

c) les droits du cessionnaire sont assujettis à tous les droits de compensation, en equity ou prévus par une loi, en faveur de Sa Majesté du chef du Canada

[c’est nous qui soulignons]

Comme ces crédits d’impôt sont remboursables, ils possèdent une valeur quel que soit le revenu du contribuable pour l’exercice et ils peuvent, dans une certain mesure, être donnés en garantie à des créanciers. Toutefois, comme nous le verrons, compte tenu de la discrétion que le ministre conserve et comme la valeur des crédits d’impôt est tributaire de nombreuses autres variables, la constitution d’une garantie sur des crédits d’impôt est une affaire délicate.

L’équation est d’autant plus complexe du fait que la Loi de l’impôt sur le revenu et la Loi sur les impôts énoncent clairement que la cession ou l’hypothèque ne lie aucunement l’État. Par conséquent, le ministre conserve sa discrétion de verser ou non les crédits d’impôt directement au créancier. La prise d’une garantie valable sur des crédits d’impôt est sans aucun doute un exercice commercial complexe qui oblige les prêteurs à faire appel aux services d’avocats spécialisés, étant donné que les documents de garantie nécessaires exigent la mise en oeuvre de mesures précises – par exemple, les documents comprendront ceux permettant au prêteur d’échanger directement avec le ministre en vue de se tenir à jour quant aux montants des crédits payables, des dates de paiement anticipées et ceux faisant en sorte que les paiements sont faits au prêteur à titre de cessionnaire du contribuable.

Dans le cadre du financement de crédits d’impôt pour services de production cinématographique au Québec, l’emprunteur (le « producteur ») doit notamment s’engager à demeurer admissible aux crédits d’impôt en question et accorder au prêteur une procuration lui permettant de recevoir, de signer & de remettre tous les documents nécessaires et de déposer ces documents auprès de la SODEC ou de communiquer autrement avec la SODEC concernant toutes les questions ayant trait au producteur. En outre, le producteur libère la SODEC de son obligation de préserver sa confidentialité et autorise celle-ci à communiquer au prêteur toute l’information pertinente qu’il demande. Ainsi, le prêteur acquerra un certain degré de contrôle sur l’admissibilité du producteur aux crédits d’impôt. De plus, des hypothèques sont prises à l’égard de l’universalité des réclamations ainsi que de certains biens incorporels (qui comprendront les droits à l’égard du scénario et de la production cinématographique), conférant par le fait même des recours au prêteur sans égard au fait que les crédits soient émis au producteur ou qu’ils demeurent payables. Toutefois, il faut également tenir compte du fait que les perceptions des débiteurs générées peuvent être trop éloignées, du point de vue des flux de trésorerie, pour fournir une garantie adéquate, ou encore que les principaux droits de propriété intellectuelle peuvent ne pas appartenir au producteur, mais plutôt lui avoir été concédés aux termes d’une licence.

Des garanties supplémentaires peuvent être offertes aux prêteurs qui financent des contribuables sur le fondement de leur admissibilité à des crédits d’impôt futurs. En effet, Investissement Québec, un mandataire du gouvernement, a mis sur pied un certain nombre de programmes dans le cadre desquels des prêts sont émis ou garantis afin de permettre le versement d’avances sur les crédits d’impôt remboursables. Dans la plupart des cas, l’emprunteur qui souhaite participer à ces programmes doit fournir une attestation d’admissibilité délivrée par Revenu Québec laquelle confirme son admissibilité au crédit d’impôt en question. La garantie supplémentaire pouvant être offerte par Investissement Québec, en qualité de garant, peut considérablement atténuer le risque de l’institution prêteuse et possiblement réduire les coûts d’emprunt.

Quelques banques canadiennes et des prêteurs spécialisés offrent du financement sur des crédits d’impôt pour le cinéma et la télévision. Dans tous les cas, que ce soit à l’égard du financement de films, d’émissions de télévision ou de R & D, afin de répondre à leurs besoins d’une manière rentable et judicieuse, les financiers demandent l’avis de conseillers juridiques qui doivent bien connaitre les lois locales, mais également les rouages des lois provinciales et, le cas échéant, étrangères applicables à ce type de financement très particulier.


1 Essentiellement, le contribuable qui engage des dépenses admissibles en investissant en recherche et développement, mais qui ne génère pas de revenu imposable au cours d’un exercice, comme c’est souvent le cas pendant les premières étapes d’un projet de développement des affaires, n’aura pas d’impôt à payer à la fin de l’exercice et aura néanmoins le droit de recevoir du gouvernement des fonds sous forme de crédits d’impôt remboursables et il sera réputé avoir payé des impôts. Le crédit d’impôt remboursable correspondant à un pourcentage des dépenses admissibles engagées au cours de l’exercice.
2 Les dépenses de main-d’oeuvre admissibles au Canada, au sens de l’alinéa 125.5(1) de la Loi de l’impôt, (L.R.C. (1985), ch. 1.), incluent uniquement les salaires et traitements payés à des particuliers qui résidaient au Canada au moment où les paiements ont été effectués.
3 Loi concernant les paramètres sectoriels de certaines mesures fiscales, RLRQ., ch. P-5.1, Div II, art. 5.4.
4 Id., art. 5.6.
5 L.R.C. (1985) ch. F11
6 Id., art. 67 a).
7 RLRQ., ch. I-3, art. 1055.2.
8 Cité ci-dessus, note 2, art. 220.

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