Modifications importantes de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières à la suite du dépôt du budget provincial 2016-2017

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L’utilisation d’une société prête-nom

La Loi concernant les droits sur les mutations immobilières (la « Loi ») impose des droits de mutation (aussi connus comme étant la taxe de bienvenue) sur les transferts d’immeubles au Québec.

Ces droits de mutation n’étant exigibles qu’à compter de l’inscription du transfert au registre foncier (article 6 de la Loi), certaines structures de détention de propriété permettent, en pratique, d’éviter le paiement des droits de mutation.

L’une de ces structures de détention consiste à inscrire une société prête-nom comme propriétaire au registre foncier, alors que le propriétaire réel est son actionnaire. Ainsi, lors de la vente, ce n’est pas la société prête-nom qui est partie à l’opération, mais plutôt son actionnaire qui vend l’immeuble ainsi que les actions de la société prêtenom. Le nom du propriétaire de l’immeuble demeurant inchangé au registre foncier, cela permet d’éviter le paiement des droits de mutation immobilière.

Ces opérations privent les municipalités d’importants revenus. C’est notamment ce qui s’est produit pour la Ville de Québec lors de la revente du Concorde en 2014. Le budget 2016-2017 déposé le 17 mars 2016 par le ministre des Finances Carlos Leitão (le « Budget ») prévoit des modifications importantes à la Loi qui visent à mettre fin à cette pratique. Ainsi, avec effet à compter du 18 mars 2016, la Loi sera modifiée pour prévoir que le paiement des droits de mutation sera exigible dès la date de transfert d’un immeuble, sans égard à l’inscription ou non de l’acte de transfert au Registre foncier. Dans le cas d’un transfert qui n’est pas inscrit au Registre foncier, le cessionnaire de l’immeuble devra produire auprès de la municipalité concernée un avis de divulgation dans les 90 jours suivant la date du transfert, à défaut de quoi il sera tenu de payer au ministre du Revenu un droit supplétif égal à 150 % du droit de mutation dû à l’égard du transfert et des intérêts.

Le Budget annonce aussi d’autres changements plus techniques à la loi, qui sont résumés ci-après. Bien que la plupart des changements annoncés dans le Budget s’appliquent également à compter du 18 mars 2016, il faut noter qu’aucun projet de loi n’a été déposé. En attendant l’adoption du Budget et le dépôt d’un projet de loi, la prudence recommande de s’en remettre à ce qui est prévu dans le Budget.

Resserrement de certaines exonérations

Transfert entre une personne morale et un particulier contrôlant les actions : précision quant à la notion de « contrôle »

Jusqu’au Budget, il y avait exonération du paiement du droit de mutation lorsque le transfert d’un immeuble était effectué entre, d’une part, un particulier et, d’autre part, une personne morale dont au moins 90 % des actions émises et ayant plein droit de vote, était la propriété du particulier immédiatement avant le transfert. Le Budget précise les conditions d’exonération quant au pourcentage de 90 % qui devra désormais s’établir en calculant le nombre de votes rattachés aux actions émises du capital-actions de la personne morale peu importe le nombre d’actions détenues. Cette modification élimine l’ambiguïté qui existait lorsque des actions étaient multivotantes.

Transfert entre « personnes morales étroitement liées » : rétrécissement de la portée de cette définition

Une exonération est également prévue lorsque le transfert d’un immeuble a lieu entre deux personnes morales étroitement liées. Jusqu’au Budget, des personnes morales étaient considérées comme étant étroitement liées, notamment lorsque l’une d’elles détenait soit (i) plus de 90 % des actions comportant plein droit de vote de l’autre personne morale ou soit (ii) au moins 90 % de la juste valeur marchande (JVM) de toutes les actions émises et en circulation de l’autre personne morale.

Le Budget restreint la portée de la définition de « personnes morales étroitement liées » en abrogeant la qualification basée sur la JVM des actions, et ce, puisqu’il s’avérait difficile en pratique de s’assurer du respect de celle-ci.

À noter qu’aux fins de cette définition, l’obligation de détenir 90 % des actions comportant droit de vote sera également remplacée par une obligation pour l’une des personnes morales de détenir 90 % des droits de votes rattachés aux actions émises du capital-actions de l’autre personne morale, peu importe le nombre d’actions détenues.

Nouvelle obligation de maintien des conditions d’exonération pour une période minimale de 24 mois suivant ou précédant le transfert

De plus, la Loi sera modifiée afin d’introduire une période minimale de maintien de la condition d’exonération pour les transferts bénéficiant d’une exonération, et ce, afin d’éliminer certains stratagèmes ayant pour seul objet de satisfaire momentanément à la condition d’exonération relative au pourcentage des droits de vote.

Ainsi, dans le cas du transfert exonéré d’un immeuble par un particulier à une personne morale ou entre deux personnes morales étroitement liées, le respect de la condition d’exonération relative au pourcentage de droits de vote devra être maintenu pour une période de 24 mois suivant le transfert. Dans le cas du transfert par une personne morale à un particulier, l’exonération sera accordée uniquement si la condition a été remplie durant une période minimale de 24 mois précédant le transfert. Si la personne morale ayant cédé l’immeuble à un particulier a été constituée moins de 24 mois avant le transfert de l’immeuble, l’exonération du paiement du droit de mutation sera accordée dans la mesure où la condition d’exonération a été satisfaite de la date de la constitution de la personne morale jusqu’au moment précédant immédiatement le transfert.

Dans le cas où un cessionnaire ne bénéficierait pas de l’exonération, il sera dès lors tenu au paiement du droit de mutation. Dans un tel cas, un avis de divulgation devra être produit auprès de la municipalité dans les 90 jours suivant la date à laquelle cette condition cesse d’être remplie, sans quoi le cessionnaire sera tenu de payer au ministre du Revenu un droit supplétif égal à 150 % du droit de mutation exigible à l’égard du transfert et des intérêts.

Attention à certaines dispositions des conventions entre actionnaires et autres conventions

Également, lorsque au cours de la période de 24 mois précédant ou suivant, selon le cas, la date du transfert d’un immeuble ayant permis au cessionnaire de bénéficier de l’exonération du paiement du droit de mutation, une personne obtient un droit d’acquérir, de contrôler les droits de vote ou d’obliger la personne morale à racheter, à acquérir ou à annuler des actions de son capital-actions détenues par d’autres actionnaires, elle sera dès lors réputée avoir acquis les actions sur lesquelles porte ce droit, sauf certaines exceptions qui seront prévues dans les modifications à la Loi.

Nouvelle exonération pour transfert entre ex-conjoints de fait

La Loi sera modifiée afin d’introduire une exonération du paiement du droit de mutation lorsque le transfert d’un immeuble est effectué entre des ex-conjoints de fait dans les 12 mois suivant la rupture. Des conjoints de fait sont deux personnes vivant maritalement l’une avec l’autre tout au long d’une période de 12 mois ou étant les père et mère d’un même enfant. Cette modification s’appliquera à l’égard du transfert d’un immeuble effectué après le 17 mars 2016.

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