Vos contrats : une approche systématique et disciplinée s’impose

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À chaque jour et plusieurs fois par jour, nous concluons des contrats sans le savoir ou sans en mesurer et en encadrer les effets. Ce bulletin vise, de façon sommaire et non exhaustive, à vous aider à mieux comprendre, préparer et suivre votre environnement contractuel.

Saviez-vous que :

  • un contrat est un accord de volontés qui peut s’exprimer et être conclu de différentes façons (écrit, verbal, courriels, exécution de commandes) ;
  • un contrat peut être modifié ou des droits abandonnés par des gestes, des paroles ou des écrits subséquents, ou par l’absence d’action en temps opportun ;
  • la loi régissant l’interprétation ou l’exécution d’un contrat sera établie en fonction de différents facteurs et circonstances, en l’absence de choix de la loi applicable ;
  • les dispositions impératives de certaines lois peuvent avoir préséance sur certaines clauses contractuelles ;
  • les dispositions supplétives de certaines lois peuvent venir compléter un contrat silencieux quant aux matières couvertes par ces dispositions supplétives ;
  • les lois ne sont pas identiques d’un territoire à l’autre et certaines clauses contractuelles peuvent être valides et exécutoires en vertu des lois d’un État, mais ne pas l’être en vertu des lois d’un autre État ;
  • les tribunaux ne sont pas liés par la désignation, la description ou l’appellation donnée au contrat par les parties et vont plutôt examiner la nature véritable des relations et transactions des parties ;
  • en vertu du Code civil du Québec (articles 6, 7 et 1375), les contrats et leur exécution doivent être empreints de bonne foi; la Cour suprême du Canada a également reconnu une obligation d’exécution honnête des contrats en common law1 ;
  • en droit québécois, la bonne foi ne se limite pas à l’absence de malice, de vindicte et de mauvaise foi ;
  • en droit québécois, la légalité d’un droit n’est pas garante de la légitimité de son exercice (la réponse à la question suivante vient caractériser cette légitimité : « Une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait-elle agi de la sorte ? ») ;
  • en vertu du Code civil du Québec (article 1434), le contrat oblige les parties « non seulement pour ce qu’ils ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature, et suivant les usages, l’équité ou la loi » ;
  • en vertu du Code civil du Québec (article 1425), les tribunaux doivent « rechercher dans l’interprétation du contrat quelle a été la commune intention des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés »; toutefois, lorsque le sens des mots utilisés, placés dans le contexte de la conclusion et de l’exécution du contrat, est clair, les tribunaux n’iront pas au-delà;
  • en vertu du Code civil du Québec (article 1435), « la clause externe à laquelle renvoie le contrat lie les parties »; la clause externe est celle que l’on retrouve dans un autre document (comme par exemple, les conditions générales se retrouvant sur un site internet) ;
  • toujours en vertu du Code civil du Québec (article 1428), le contrat doit être interprété de façon à donner à une clause « un sens qui lui confère quelque effet plutôt que dans celui qui n’en produit aucun » ; et
  • un contrat avec un consommateur est soumis à des règles particulières, tant sur le fond que sur la forme.

Exemples d’interprétations jurisprudentielles

La jurisprudence nous offre plusieurs exemples d’interventions et d’interprétation des tribunaux. En voici certains :

  • dans un contrat de service, à moins qu’il n’ait renoncé de façon non équivoque à son droit de résiliation, le client a le droit de résilier unilatéralement et sans cause le contrat avant l’expiration de la durée prévue tel que l’énonce l’article 2125 du Code civil du Québec2 ;
  • dans un contrat de franchisage ou de distribution, même en l’absence de clause d’exclusivité territoriale ou géographique ou de nonconcurrence, une concurrence déloyale du franchiseur ne sera pas tolérée par le tribunal3 ;
  • le droit de mettre fin unilatéralement à un contrat peut être mis en échec ou balisé par les tribunaux si l’exercice particulier de ce droit contrevient au devoir de loyauté ou s’il est abusif4 ;
  • la clause de modification unilatérale est valide dans la mesure où elle contient des critères objectifs et des balises qui ne dépendent pas du seul contrôle du bénéficiaire5 ;
  • même dans les cas où un droit de résiliation par une partie est prévu (par exemple, sur avis préalable de 60 jours) dans le cas d’un contrat à durée indéterminée, un avis préalable de résiliation plus long que celui prévu au contrat peut possiblement être exigé par le tribunal dans le cas où le contrat a été en vigueur pendant de nombreuses années6 ;
  • l’erreur commune des parties à un contrat peut être corrigée par elles de consentement mutuel et le tribunal peut intervenir pour constater la légitimité et la nécessité des modifications apportées par les parties7.

Conseils pratiques avant d’entreprendre l’élaboration d’un contrat

Avant d’entreprendre l’élaboration d’un contrat, il est nettement préférable :

  • de vérifier l’identité, la capacité et la solvabilité de l’autre partie ;
  • de comprendre l’environnement, les objectifs et les attentes d’affaires des deux parties ;
  • d’éviter les déclarations ou les réticences ou omissions susceptibles d’induire l’autre partie en erreur sur votre capacité ou sur les caractéristiques de vos biens, produits ou services ;
  • de comprendre et de circonscrire la nature et les caractéristiques des biens, du produit ou des services ou des droits d’utilisation, etc. (spécifications) ;
  • de préciser et de bien comprendre les lois et le cadre juridique qui s’appliqueront (dispositions impératives et supplétives) ;
  • d’être au fait des liens et des expériences impliquant l’autre partie en général (autres contrats, qualité d’exécution, différends) et portant sur l’objet du contrat en particulier (lettre d’intention, communications écrites, etc.) ;
  • d’être conscient des rapports de force, des contraintes temporelles et des solutions de remplacement (p. ex., la rétention de la contrepartie financière, la non disponibilité des biens, des services ou des produits, etc.) ;
  • de prévoir les risques d’inexécution ou d’insolvabilité de l’autre partie et les mesures qui pourront être prises pour en réduire l’impact négatif, tant par des droits contractuels que des moyens pratiques ;
  • de clarifier tous les éléments principaux du contrat à élaborer ou, en d’autres termes, préparer un document, idéalement de concert avec l’autre partie, du style « term sheet » ou liste de vérification ;
  • de choisir la forme, le type de contrat (lettre, contrat court, contrat long, de type adhésion ou contrat équilibré) et la langue du contrat ;
  • de prévoir les modes de règlement des différends, mais de se méfier des clauses d’arbitrage laissant le pouvoir à un ou des arbitres le soin de prendre des décisions d’affaires ou à des personnes n’ayant pas de formation juridique le pouvoir d’interpréter les clauses contractuelles ;
  • de déterminer quel sera le processus de révision et d’approbation à l’interne pour chaque partie.

Conseils pratiques pour la rédaction et la négociation des contrats

Dans la rédaction et la négociation des contrats, il y a intérêt à :

  • utiliser un langage simple et compréhensible pour les non-juristes ;
  • adopter une approche équilibrée, légitime et raisonnable ;
  • se méfier des modèles déjà négociés dans d’autres circonstances ;
  • être cohérent dans l’utilisation d’expressions et de mots et prévoir des définitions ;
  • ne pas compliquer indûment, tout en demeurant suffisamment précis ;
  • formuler les objectifs d’affaires communs et ceux de chaque partie et préciser le contexte (préambule), dans la mesure où ceux-ci pourraient être pertinents en cas de différend ;
  • prévoir de façon claire ce qui se passera en cas de défaut et à la fin du contrat ;
  • décrire comment les différends seront traités et comment les ajustements de prix, de biens, de produits ou de services, selon le cas, seront effectués, le cas échéant ;
  • si vous êtes le client, privilégier l’approche des paiements progressifs et si vous êtes le fournisseur, prévoir des garanties de paiement ;
  • prévoir comment et par qui le contrat peut être modifié et qui peut vous lier ;
  • protéger votre propriété intellectuelle et la confidentialité de vos renseignements ;
  • délimiter les exclusivités, les restrictions à la concurrence et les protections de territoire ou de secteur d’activités requises de part et d’autre.

Conseils quant à l’exécution et au suivi des contrats

Il est important :

  • de ne pas commencer à fournir des produits et des services ou à transférer des biens sans avoir convenu des modalités et des conditions du contrat ;
  • de ne pas laisser des délais expirer et, par conséquent, de tenir un calendrier des échéances avec avertissements préalables ;
  • de ne pas renoncer involontairement à des droits ;
  • de ne pas procéder à des modifications au contrat sans que les personnes en autorité aient donné explicitement leur accord ; ainsi, faire attention aux bons de commande qui modifient les contrats ;
  • de documenter les cas d’inexécution de part et d’autre ;
  • de déterminer rapidement comment vous entendez faire face à des cas de défaut de l’autre partie, d’aviser rapidement l’autre partie du défaut constaté et, si des discussions s’engagent, de bien souligner par écrit à l’autre partie qu’elles se font sous réserve de vos droits et sans renonciation à ceux-ci ;
  • de ne pas laisser les ambiguïtés perdurer si elles ne favorisent pas votre position ;
  • de désigner un responsable dans votre entreprise qui va coordonner et suivre l’exécution du contrat ;
  • si vous êtes l’acheteur, de vérifier immédiatement, à la réception, la conformité de tout service, bien ou produit fourni par l’autre partie et de ne pas signer de reçu ou de connaissement qui mentionne, en caractères imprimés, que le bien ou le produit était en bon état ;
  • si vous êtes le fournisseur, d’exiger rapidement l’examen et la déclaration de satisfaction ou de créer une présomption d’acceptation.

Conclusion

En somme, la clarté, la transparence, la compréhension commune des objectifs et des attentes de chaque partie, la bonne foi et le recours à une approche systématique et disciplinée devraient être adoptés.


  1. Bhasin c. Hrynew [2014] 3 R.C.S. 494.
  2. Centre régional de récupération C.S. inc. c. Service d’enlèvement de rebuts Laidlaw (Canada) ltée, J.E. 96-1048 (C.A.); Société canadienne des postes c. Morel, 2004 CanLII 21187 (QCCA); Services Matrec inc. c. CFH Sécurité inc., 2014 QCCA 221.
  3. Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G. inc. [1998] R.J.Q. 47 (C.A.).
  4. E. & S. Salsberg inc. c. Dylex Ltd, [1992] R.J.Q. 2445 (C.A.); Mabe Canada inc. (Camco inc.) c. 2849-9937 Québec inc., 2008 QCCA 847.
  5. Laflamme c. Bell Mobilité, 2014 QCCS 525.
  6. Bertrand Équipements inc. c. Kubota Canada Ltée, REJB 2002-32020 (C.S.).
  7. Québec (Agence du revenu) c. Services Environnementaux AES inc. [2013] 3 R.C.S. 838.
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