La nouvelle loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique

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Le 4 mai 2017, le Sénat a sanctionné la Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique (Loi sur la non-discrimination génétique), qui est entrée en vigueur à la date de sa sanction. Cette loi a entraîné des modifications au Code canadien du travail et à la Loi canadienne sur les droits de la personne.

La nouvelle loi vise à réglementer l’utilisation des tests génétiques, soit les tests d’analyse de l’ADN1, de l’ARN2 ou des chromosomes d’une personne à des fins de prédiction, de surveillance de diagnostic ou de pronostic, le tout dans un cadre principalement contractuel. Ainsi, elle comporte l’interdiction pour quiconque d’obliger une personne à subir un test génétique comme condition préalable à la fourniture de biens ou de services et à la conclusion ou au maintien d’un contrat (article 3).

Elle interdit en outre d’invoquer le refus de subir un test génétique ou d’en communiquer les résultats pour refuser de fournir à cette personne des biens ou des services ou pour refuser de conclure ou de maintenir un contrat avec elle (article 4).

Enfin, elle interdit à quiconque exerce les activités contractuelles prévues à la loi de recueillir, d’utiliser ou de communiquer les résultats d’un test génétique sans le consentement de la personne qui l’a subi (article 5).

Ces interdictions ne s’appliquent pas aux professionnels de la santé fournissant des services de santé à la personne subissant le test génétique, non plus qu’aux chercheurs dans les domaines médical, pharmaceutique ou scientifique à l’égard d’une personne participant à ces recherches.

La Loi crée des infractions de nature pénale et prévoit, en cas de contravention aux articles 3 à 5 mentionnés ci-dessus, des amendes pouvant atteindre un million de dollars et des peines d’emprisonnement maximales de cinq ans, dépendant de la nature des procédures que choisit le poursuivant (mise en accusation ou procédure sommaire).

Les modifications au Code canadien du travail

Au Québec, le Code canadien du travail s’applique exclusivement aux entreprises qui relèvent de la compétence fédérale en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867.

Pour les entreprises régies par ce Code, la Loi sur la non-discrimination génétique modifie le Code canadien du travail pour y prévoir que nul ne peut obliger un employé à subir un test génétique ou à communiquer les résultats d’un test génétique qu’il a subi, et le droit corollaire de l’employé de refuser de subir un test génétique et de refuser d’en communiquer les résultats (article 247.98 (2) et (3) du Code).

Le Code canadien du travail est également modifié de façon à interdire à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied, rétrograder un employé, lui imposer une sanction pécuniaire, refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu de ses droits, lui imposer toute autre mesure disciplinaire ou de menacer de le faire au motif que l’employé a refusé de subir un test génétique demandé par l’employeur, refusé de communiquer les résultats d’un tel test ou en raison des résultats de ce test génétique (article 247.98 (4)).

Les modifications apportées au Code canadien du travail ne comportent aucune interdiction directe empêchant l’employeur de refuser d’embaucher un employé en raison de son refus de subir un test génétique ou d’en communiquer les résultats : cette lacune est comblée par les modifications apportées par la Loi sur la non-discrimination génétique à la Loi canadienne sur les droits de la personne, dont nous traitons ci-après.

Les modifications apportées au Code canadien du travail interdisent en outre à un tiers de communiquer l’existence ou les résultats de tests génétiques à l’employeur sans le consentement de l’employé, en plus d’interdire à l’employeur de recueillir ou d’utiliser les résultats d’un test génétique sans le consentement écrit de l’employé qui l’a subi.

L’employé peut déposer une plainte auprès d’un inspecteur s’il estime que son employeur a contrevenu au nouvel article 247.98 (4) du Code canadien du travail : une conciliation est alors instituée par l’inspecteur et, en cas d’échec, le cas peut être renvoyé à un arbitre qui possède alors le pouvoir d’émettre diverses ordonnances de la même nature que celles prévues par d’autres dispositions du Code canadien du travail en cas de recours.

Les modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne

La Loi sur la non-discrimination génétique ajoute les « caractéristiques génétiques » aux motifs de distinction illicite prévus à l’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Bien que cette notion ne soit pas définie par la loi, le résumé législatif relatif à l’adoption de la Loi sur la non-discrimination génétique nous indique que « les tests génétiques consistent en l’analyse des gènes d’une personne pour déceler des traits ou des marqueurs particuliers, qui forment ce qu’on appelle les caractéristiques génétiques d’une personne ».

En outre, est ajouté à l’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne une disposition prévoyant qu’une distinction fondée sur le refus d’une personne de subir un test génétique, d’en communiquer les résultats ou d’en autoriser la communication est réputée constituer de la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques.

Cet ajout à l’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne permettra de couvrir le refus d’embauche qui, nous l’avons souligné ci-dessus, n’est pas spécifiquement prévu aux modifications apportées au Code canadien du travail.

Conclusion

La Loi adoptée par le législateur fédéral a pour objet la protection du public compte tenu des avancées technologiques importantes et de plus en plus rapides en matière de génomique.

Sa portée est toutefois relativement restreinte. Le Code canadien du travail ne s’applique qu’aux entreprises fédérales, alors que la Loi canadienne sur les droits de la personne ne s’applique qu’aux activités se situant dans les champs de compétence fédérale en vertu de la Loi constitutionnelle.

Le résumé législatif mentionne que les débats relatifs à l’adoption de la Loi sur la non-discrimination génétique ont suscité plusieurs questions quant à savoir si son adoption constituait un exercice légitime des pouvoirs fédéraux ou s’il y avait empiétement du fédéral sur l’autorité législative des provinces en matière de propriété et droit civil. Il n’est par conséquent pas impossible que des recours soient institués afin de faire déclarer la Loi sur la non-discrimination génétique inconstitutionnelle en tout ou en partie3.

Toutefois, de tels débats ne devraient pas affecter la constitutionnalité des modifications apportées au Code canadien du travail et à la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui ne s’appliquent qu’aux entreprises qui relèvent de la compétence fédérale.


  1. Acide désoxyribonucléique.
  2. Acide ribonucléique.
  3. Un avis a été publié à cet effet indiquant « qu’un renvoi devant la Cour d’appel permettrait d’obtenir l’avis de cette cour sur la constitutionalité de la Loi sur la non-discrimination génétique. »
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