La Ville de Montréal revoit son règlement sur la gestion contractuelle

Redéfinition et élargissement de la notion de conflit d’intérêts, précision quant aux situations d’inadmissibilité à contracter, introduction d’un principe de rotation des fournisseurs, mais augmentation du seuil d’admissibilité à l’octroi d’un contrat de gré à gré. Voilà autant de modifications qu’a apportées la Ville de Montréal à ce qui est désormais son Règlement sur la gestion contractuelle.

Le 1er mars 2010 entrait en vigueur l’article 573.3.1.2 de la Loi sur les cités et villes, RLRQ c. C-19, requérant de toute municipalité l’adoption d’une politique de gestion contractuelle. Celle de la Ville de Montréal, qui devait être adoptée par ses instances le 16 décembre 2010, a connu depuis plusieurs moutures, dont la plus récente le 25 août 20161.

Le 1er janvier 2018, la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, LQ 2017 c. 13 (dite « Loi 122 ») transformait les politiques de gestion contractuelles des municipalités en règlements. La Ville de Montréal a profité de l’occasion pour entreprendre la révision du sien, dont une nouvelle mouture a commencé à être étudiée par les différentes instances de la Ville le 28 mai 2018 pour être adopté le 22 juin 2018. Le nouveau règlement entre en vigueur le 26 juin 2018.

Aperçu des principales modifications

Clarifications quant à la portée :

  • La politique avait bien sûr pour objectif « de sanctionner les actes répréhensibles commis dans le cadre de contrats de la Ville »2, quels qu’ils soient. Le règlement est modifié pour préciser en toutes lettres qu’il s’applique non seulement aux contrats conclus par la Ville, mais également aux sous-contrats reliés directement ou indirectement à ces contrats ou aux démarches connexes (art. 3), ce sur quoi la formulation précédente laissait planer un doute. .
  • Le règlement énonce également qu’il est réputé faire partie intégrante de ces contrats (art. 3 in fine).

Codification de certaines pratiques

  • Obligation de la Ville de conserver les « notes personnelles et l’évaluation individuelle » préparées par chacun des membres d’un comité de sélection, dont la composition, les délibérations et les recommandations demeurent confidentielles (art. 12).
  • Obligation de la Ville de tenir un registre des personnes inadmissibles (art. 31); ce registre est distinct du Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics tenu par le secrétariat du Conseil du trésor suivant la Loi sur les contrats des organismes publics, RLRQ c. C-65.01.

Modifications visant l’inadmissibilité

  • Obligation du soumissionnaire de déclarer non seulement ne pas être en situation de conflit d’intérêts, mais également ne pas être dans une « situation lui conférant un avantage indu » (art. 5), soit toute situation où il aurait eu accès à des renseignements relatifs à un appel d’offres qui ne sont pas généralement disponibles, pour quelque raison que ce soit (art. 1(12°).
  • Par exemple, un sous-traitant pourrait être disqualifié ou voir son contrat résilié et être déclaré inadmissible si la Ville découvre qu’un de ses anciens employés « a été associ[é] de quelque manière que ce soit à la préparation d[‘un] appel d’offres » pour le contrat en cause.
  • Ce nouvel article prend également acte d’une sentence arbitrale qui concluait que l’interdiction faite d’embaucher pendant douze mois une personne ayant participé à l’élaboration d’un appel d’offres était formulée de manière trop large et constituait une « entrave abusive à l’employabilité des scientifiques »3; la reformulation proposée (art. 5-7) vise à réduire l’interdiction au strict nécessaire, soit les situations où cette participation confère un avantage indu ou crée un conflit d’intérêts.
  • Interdiction faite à une personne inscrite au registre des personnes inadmissibles de la Ville de travailler ou d’avoir un intérêt dans un contrat de la Ville, sauf autorisation particulière de la Ville (art. 15-16, 28-30).
  • Ainsi, un architecte inscrit au registre des personnes inadmissibles ne pourrait ni être embauché dans l’équipe des professionnels engagée par la Ville ni même financer cette équipe.
  • Précision quant au caractère cumulatif des durées d’inadmissibilité pour les récidivistes (art. 32)
  • Celui qui, alors qu’il en est à sa première de deux années d’inadmissibilité, commet une autre infraction, passible de cinq années d’inadmissibilité devient inadmissible pour six ans à partir de la date de la seconde infraction. 

Assouplissements et resserrement de certaines règles relatives à l’octroi des contrats et à la gestion contractuelle

  • Augmentation du seuil d’admissibilité : la Ville peut conclure un contrat de gré à gré s’il comporte une dépense inférieure au seuil de la dépense d’un contrat qui ne peut être adjugé qu’après demande de soumissions publiques en vertu de l’article 573 de la Loi sur les cités et villes, RLRQ c. C-19 (art. 33). Fixé par décret ministériel, ce seuil est présentement de 101 100$.
  • Principe de rotation : pour ces contrats de gré à gré, la Ville ne peut conclure deux contrats semblables avec le même fournisseur à moins de quatre-vingt-dix jours d’intervalle (art. 34)
  • Introduction de règles précises relativement à la gestion de la variation des quantités d’éléments prévus pour les contrats à prix unitaires (art. 1(14°), 18) et à l’utilisation du budget alloué aux contingences; ces dernières font désormais l’objet d’une définition expresse, soit « toute modification à un contrat qui constitue un accessoire à celui-ci et qui n’en change pas la nature » (art. 1(4°), 19-20).

Plusieurs des modifications envisagées prennent acte de recommandations issues de sentences arbitrales ou formulées par le Bureau de l’inspecteur général de Montréal4. Toutes s’inscrivent dans une volonté de renforcer les principes de saine concurrence, de transparence et d’équité qui gouvernent les marchés publics québécois.

 

  1. Ville de Montréal, Politique de gestion contractuelle (version finale), telle qu’adoptée par le conseil municipal, à sa séance du 23 août 2016, et par le conseil d’agglomération, à son assemblée du 25 août 2016, en ligne.
  2. Voir le Sommaire décisionnel du dossier no 1184990002 des documents décisionnels transmis aux élus en prévision de l’assemblée ordinaire du conseil d’agglomération du 31 mai 2018, en ligne, p. 13/35.
  3. Le syndicat professionnel des scientifiques à pratique exclusive de Montréal c. Montréal (Ville), 2016 CanLII 68692 (Me André Sylvestre).
  4. Voir le Sommaire décisionnel du dossier no 1184990002 des documents décisionnels transmis aux élus en prévision de l’assemblée ordinaire du conseil d’agglomération du 31 mai 2018, en ligne.
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