Les revendications d’utilisation médicale qui n’impliquent pas les compétences d’un médecin sont brevetables au Canada.

Dans une nouvelle précédente 1, nous avions discuté d’un changement de pratique canadienne concernant les revendications d’utilisation médicale à la suite d’une décision de la Cour fédérale 2. Suite à cette décision, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) avait émis un avis de pratique 3 stipulant que les revendications dont l’élément inventif définit un traitement à un dosage fixe ou à un régime posologique fixe sont acceptables, contrairement aux revendications dont l’élément inventif définit une posologie comprenant une gamme de dosages ou de régimes d’administration qu’un patient peut recevoir, qui selon l’OPIC pourraient limiter les compétences ou jugement professionnels d’un médecin, et étaient donc communément rejetées par les Examinateurs canadiens.

Dans une décision récente 4, la Commission d’Appel des brevets (CAB) a conclu que des revendications dont l’élément inventif définit une posologie comprenant une gamme de régimes d’administration qu’un patient peut recevoir ne limitent pas nécessairement les compétences ou jugement professionnels d’un médecin et sont donc acceptables selon les circonstances, contrastant ainsi avec la position plutôt rigide adoptée durant l’examen.

La revendication 1 qui était contestée dans ce dossier se lit comme suit :

  • Use of calcitonin (CT) in combination with one or more oral delivery agents selected from N-(5-chlorosalicyloyl)-8-aminocaprylic acid, N-(10-[2-hydroxybenzoyl] aminodecanoic acid or N-(8-[2-hydroxybenzoyl]amino) caprylic acid, or a disodium salt, hydrate or solvate thereof for the manufacture of a medicament for the treatment of a disorder responsive to the action of calcitonin, wherein said medicament is for oral administration to a human host from about 5 minutes to 2 hours prior to a meal.

L’invention vise à solutionner le problème de la faible biodisponibilité de calcitonine (CT) qui est observée lorsqu’une formulation de CT est administrée par voie orale en même temps qu’un repas, et la solution proposée consiste à administrer par voie orale la composition pharmaceutique de CT à l’intérieur d’une fenêtre temporelle de courte durée précédant la prise de nourriture, c.-à-d. environ 5 minutes à 2 heures avant le repas tel que stipulé dans la revendication 1.

L’Examinateur a rejeté les revendications en vertu de l’article 2 de la Loi sur les brevets, alléguant que l’objet des revendications équivalait à une méthode de traitement médical nécessitant l’exercice des compétences professionnelles d’un médecin parce que l’élément essentiel qu’est le moment de l’administration de la formulation par voie orale se rapporte à la façon de traiter un patient, notamment les instructions de prendre la formulation de 5 minutes à 2 heures avant un repas.

Le CAB a renversé la décision finale de l’Examinateur, affirmant que la personne versée dans l’art comprendrait que n’importe quel moment compris dans la fenêtre temporelle définie dans la revendication 1 permettrait de remédier au problème de la faible biodisponibilité observée lorsque la formulation de CT est administrée par voie orale en même temps qu’un repas et, par conséquent, le jugement d’un médecin n’est pas requis pour choisir un moment compris dans cet intervalle. Donc, à partir du moment où le médecin a pris la décision de prescrire la prise de la formulation de CT à administration orale peu avant un repas, l’exercice des compétences et du jugement du médecin n’est plus requis. Le PAB a donc conclu que l’objet défini par les revendications n’est pas une méthode de traitement médical et est inclus dans la définition d’une « invention » énoncée à l’article 2 de la Loi sur les brevets.

Cette décision confirme que les revendications d’utilisation médicale sont brevetables selon le droit canadien des brevets, même dans les cas où l’élément inventif définit une posologie comprenant une gamme de dosages ou de régimes d’administration, en autant qu’il peut être établie que l’utilisation revendiquée n’implique pas les compétences ou le jugement d’un professionnel de la santé.

Les Demandeurs de brevets souhaitant obtenir une protection au Canada pour ce type d’inventions devraient tenir compte de ce changement à la pratique canadienne.


  1. Développements récents concernant la brevetabilité des revendications d’utilisations médicales au Canada
  2. AbbVie Biotechnology Ltd. c. Canada (Attorney General), 2014 FC 1251
  3. PN 2015-01, émises le 18 mars 2015.
  4. Décision du Commissaire No. 1418
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