Brevets au Canada : que retenir un an après l’entrée en vigueur des nouvelles règles?

Le premier anniversaire de l’entrée en vigueur des nouvelles Règles canadiennes sur les brevets, qui ont modifié de manière significative certaines pratiques entourant le dépôt et la poursuite de demandes de brevets au Canada, constitue une occasion de faire un retour sur les principaux changements qui ont un impact significatif sur la pratique canadienne en brevets. En effet, la dernière année nous a permis de constater les changements, qui semblent créer une certaine confusion chez les demandeurs de brevets, et nous a permis d’observer l’effet des changements en termes pratiques. Le présent article a pour objectif de clarifier et d’analyser la portée de certaines des modifications législatives entrées en vigueur le 30 octobre 2019 afin d’aider les demandeurs de brevets au Canada.

Les choses bougent plus vite!

En vertu des nouvelles règles, le délai pour procéder à la requête d’examen est passé de 5 ans à 4 ans, et le délai pour répondre à un Rapport d’examen est maintenant de 4 mois au lieu de 6 mois, écourtant ainsi les procédures d’obtention d’un brevet au Canada. Bien qu’il existe des mécanismes pour prolonger de quelques mois les délais pour ces actions, ceux-ci occasionnent des frais supplémentaires pour les Demandeurs de brevets et peuvent également compromettre les procédures d’examen prioritaire en vertu de l’alinéa 84(1)a) des Règles sur les brevets. Nous avons donc remarqué un rythme d’examen généralement accéléré au cours de la dernière année.    

Le temps commence à presser pour les « retardataires »!

Le Canada fut pendant longtemps l’une des seules juridictions où il était possible de reporter l’entrée en phase nationale jusqu’au 42e mois suivant la date de priorité en payant simplement une surtaxe de rétablissement. Cependant, en vertu des nouvelles règles, les demandes PCT pourront bénéficier d’une telle entrée en phase nationale dite « tardive » uniquement si le non-respect du délai initial de 30 mois s’est produit malgré une « diligence raisonnable » (il faudra présenter une déclaration pour démontrer cette diligence). Or, il est important de noter que les demandes PCT dont la date de dépôt international, et non pas la date d’entrée en phase nationale, est antérieure au 30 octobre 2019 sont soumises aux anciennes règles, et donc il est toujours possible pour ces demandes de faire une entrée en phase nationale au Canada entre le 30e et le 42e mois suivant la date de priorité en payant une surtaxe de rétablissement, sans justification.

Il serait avisé que les demandeurs de brevets identifient leurs demandes de brevets PCT en instance qui sont toujours éligibles pour une entrée en phase nationale « tardive » en vertu des anciennes règles, et procèdent au dépôt au Canada avant l’expiration du 42e mois dans les dossiers où une protection au Canada est désirée.   

Dates limites plus strictes pour les requêtes d’examen et les taxes de maintien – soyez vigilants!

En vertu des anciennes Règles, pour la plupart des délais fixés par la Loi ou par le Commissaire aux brevets, le non-respect d’un tel délai déclenchait un sursis de 12 mois de plein droit par le système d’abandon et de rétablissement (demandes), ou par le système de retard de paiement des taxes de maintien (brevets). Or, en vertu des nouvelles Règles, ce sursis automatique de 12 mois ne s’applique plus pour les cas de non-respect de la date limite pour les requêtes d’examen et les taxes de maintien. Le nouveau système offre toutefois une protection supplémentaire aux Demandeurs puisque le non-respect des délais pour ces actions déclenche la délivrance d’un avis de l’OPIC demandant la réalisation de l’action requise dans un nouveau délai (généralement 2 mois). Cependant, une exigence de « diligence raisonnable » entre en vigueur après l'expiration du délai indiqué dans l'avis ou six mois après la date limite initiale manquée, selon l’éventualité la plus tardive. En plus de l’exigence de « diligence raisonnable », les droits des tiers peuvent s’appliquer durant la période d’abandon. Ceci amène des situations où une demande de brevet est abandonnée pour deux motifs différents, avec des délais et des exigences distinctes pour le rétablissement, augmentant le risque de confusion pour les Demandeurs.

Prenons un cas hypothétique où un Demandeur incertain de vouloir poursuivre une demande de brevet décida de laisser la demande devenir abandonnée en ne répondant pas à un Rapport d’examen avant l’expiration du délai fixé au 1er novembre 2019, et de garder la possibilité de rétablir la demande l’année suivante. Pour cette demande désormais abandonnée, le Demandeur n'a pas payé la taxe de maintien initialement due le 1er décembre 2019, déclenchant un délai de 6 mois pour payer la taxe de maintien et une taxe pour paiement tardif. Le non-paiement de la taxe de maintien au 1er juin 2020 entraine un deuxième motif d'abandon. Or, en octobre 2020, le Demandeur décide finalement de continuer la poursuite de la demande, et de répondre au Rapport d’examen accompagné d’une requête de rétablissement et du paiement de la taxe de rétablissement, permettant ainsi de retirer le premier motif d’abandon. Cependant, pour le deuxième motif d’abandon, la requête de rétablissement doit être également accompagnée d’une déclaration selon laquelle le non-paiement de la taxe de maintien et de la taxe pour paiement tardif dans les délais prescrits s’est produit malgré le fait que le Demandeur a exercé la « diligence requise » pour tenter de procéder au paiement. 

Il est donc important que les Demandeurs de brevets qui abandonnent une demande de manière délibérée, mais désirent garder la possibilité de la rétablir ultérieurement, soient bien avisés de l’exigence de « diligence raisonnable » et des droits des tiers qui pourraient s’appliquer dans certaines circonstances, et s’assurent notamment de respecter les délais fixés pour les requêtes d’examen et les taxes de maintien afin d’éviter des pertes de droits.

Bien gérer ses priorités!

Il est désormais requis de déposer une copie certifiée de toute demande prioritaire, ou de renvoyer à une bibliothèque numérique donnant accès à ce document (l’OPIC accepte le code « WIPO-DAS » assigné à chaque demande prioritaire à cet égard). Pour les demandes canadiennes découlant de demandes PCT, si les exigences du PCT en matière de copie certifiée lors de la phase internationale ont été respectées, il n’est pas nécessaire de resoumettre une copie certifiée lors de l’entrée en phase nationale canadienne. Cependant, pour les demandes canadiennes avec revendication de priorité en vertu de la Convention de Paris, la copie certifiée ou la référence à la bibliothèque numérique devra être déposée dans un délai de 4 mois à compter du dépôt ou de 16 mois à compter de la date de priorité, selon la date la plus tardive.

Aussi, il est désormais possible de restaurer la priorité d’une demande canadienne dans les 14 mois de la date de priorité lorsque le défaut de déposer une demande dans le délai prescrit de 12 mois n’était pas intentionnel. Le délai pour faire la demande de restauration de la priorité est de deux mois à compter de la date de dépôt dans le cadre d’un dépôt non-PCT, et d’un mois à compter de la date d’entrée en phase nationale pour les dépôts découlant d’une demande PCT.

Ne plus se « perdre dans la traduction » - plus de souplesse pour les dépôts non-PCT

Avant le 30 octobre 2019, la soumission de la demande de brevet dans une des deux langues officielles du Canada (anglais/français) et le paiement de la taxe de dépôt prescrite au moment du dépôt étaient requis pour obtenir une date de dépôt au Canada, et ce, autant pour les entrées en phase nationale d'une demande PCT que pour les dépôts non-PCT. En vertu des nouvelles règles, et uniquement pour les dépôts non-PCT, il est possible de déposer une demande dans une langue autre que les deux langues officielles et/ou de ne pas payer la taxe prescrite au moment du dépôt. Dans ces cas, l’OPIC émettra un avis exigeant de fournir une traduction française ou anglaise de la demande et/ou de payer la taxe de dépôt dans un délai donné.

La souplesse notée ci-haut pour les dépôts non-PCT ne s’applique pas pour les dépôts basés sur les demandes PCT. Pour les entrées en phase nationale d'une demande PCT dans une langue autre que l’anglais ou le français, les demandeurs doivent s’assurer d’avoir une traduction de la demande en main lors du dépôt d’une phase nationale PCT au Canada.

Enregistrement de documents et transferts

Il était auparavant nécessaire de procéder à l’enregistrement d’une copie de l’acte de transfert des droits et de payer une taxe d’enregistrement afin d’effectuer un changement de propriétaire d’une demande de brevet ou d’un brevet. Or, en vertu des nouvelles Règles, l’enregistrement d’un transfert de propriété et l’enregistrement des éléments probants du transfert (p. ex. un document de cession signé) constituent des actions distinctes pour lesquelles des taxes distinctes doivent être acquittées. Il est important de noter que le simple enregistrement d’un document qui a une incidence sur un transfert de brevet entraîne uniquement l'enregistrement de ce document au dossier, mais n’est pas traité comme une demande d’inscription d’un transfert. 

Il importe également de noter que l’ancien article 51 de la Loi sur les brevets, qui stipulait que toute cession est nulle et de nul effet à l’égard d’un cessionnaire subséquent, à moins que l’acte de cession n’ait été enregistré avant l’enregistrement de l’acte sur lequel ce cessionnaire subséquent fonde sa réclamation, a été abrogé et remplacé par le paragraphe 49(4) qui ne fait quant à lui référence qu’aux transferts des brevets. Donc, l’enregistrement du transfert est primordial.

À la lumière de cela, il est fortement recommandé que les demandeurs de brevets et brevetés procèdent promptement à l’enregistrement de tout transfert de droits auprès de l’OPIC afin de mettre à jour leur dossier canadien et de prévenir tout enregistrement de transfert ultérieur et illégitime en faveur d’un tiers.

Conclusion

Pour toute question ou pour de plus amples renseignements sur ces questions ou sur tout autre aspect de la pratique canadienne en brevets, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre équipe!

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