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Dépôt du projet de Loi sur l’encadrement du travail des enfants : les principales modifications proposées par le gouvernement du Québec
Le 28 mars dernier, le ministre du Travail a présenté le projet de loi n°19 intitulé Loi sur l’encadrement du travail des enfants (le « Projet de loi »), lequel a notamment pour objet d’établir l’âge minimal général de travail à 14 ans de même qu’un nombre maximal d’heures travaillées pour les enfants assujettis à l’obligation de fréquentation scolaire. Ce Projet de loi s’inscrit dans la foulée d’une entrée massive et remarquée de jeunes travailleurs sur le marché dans un contexte de pénurie de salariés non qualifiés, exacerbée par la pandémie à la COVID-19. Le travail de ces jeunes a été l’objet, au cours des derniers mois, d’une couverture médiatique importante, notamment en raison des préoccupations soulevées par leur présence plus marquée sur le marché du travail, particulièrement en lien avec leur santé et leur sécurité et les risques de décrochage et de désengagement scolaire. Le présent bulletin présentera d’abord un bref rappel des règles qui encadrent déjà le travail des enfants, puis les modifications proposées par le Projet de loi. LA LÉGISLATION ACTUELLE Actuellement au Québec, il n’y a pas d’âge minimal pour travailler ni un nombre d’heures travaillées maximal par semaine. La Loi sur les normes du travail1 prévoit déjà certaines règles applicables au travail des enfants. Les règles suivantes demeurent inchangées : Interdiction de faire effectuer par un enfant un travail disproportionné à ses capacités ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique ou moral2; Interdiction de faire travailler un enfant assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire durant les heures de classe3. Au Québec, l’obligation de fréquentation scolaire s’étend jusqu’au dernier jour de l’année scolaire au cours de laquelle l’enfant aura 16 ans ou au cours de laquelle celui-ci obtiendra son diplôme s’il a moins de 16 ans4. L’employeur doit également faire en sorte que l’enfant puisse être à l’école durant ses heures de classe5; Interdiction de faire effectuer un travail par un enfant entre 23 h et 6 h si l’enfant est assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire, sauf lorsqu’il livre des journaux ou dans les autres cas prévus par règlement, notamment pour certaines catégories d’artistes6; Obligation de s’assurer que l’enfant puisse être à sa résidence entre 23 h et 6 h, sauf s’il s’agit d’un enfant qui n’est plus assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire et dans les cas prévus par règlement7. De plus, notons que certains règlements adoptés en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoient un âge minimal pour effectuer certaines tâches (ex. : plongée, excavation, démolition, etc.). LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PROJET DE LOI Modifications à la Loi sur les normes du travail et au Règlement sur les normes du travail Âge minimal pour travailler: 14 ans, sauf dans les cas d’exceptions prévus au Règlement: Créateur ou interprète dans un domaine de production artistique visé au premier alinéa de l’article 1 de la Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, du cinéma, du disque, de la littérature, des métiers d’art et de la scène; Livreur de journaux ou d’autres publications; Gardien d’enfants; Enfant qui effectue de l’aide aux devoirs ou du tutorat; Enfant qui travaille dans une entreprise familiale qui compte moins de 10 salariés s’il est l’enfant de l’employeur ou, lorsque ce dernier est une personne morale ou une société, l’enfant d’un administrateur de cette personne morale ou d’un associé de cette société, ou s’il est l’enfant du conjoint de l’une de ces personnes; Enfant qui travaille dans un organisme à but non lucratif et à vocation sociale ou communautaire, comme une colonie de vacances ou un organisme de loisirs; Enfant qui travaille dans un organisme sportif à but non lucratif pour assister une autre personne ou en soutien, tel qu’un aide-moniteur, un assistant-entraîneur ou un marqueur. Notons que pour l’application de chacune de ces exceptions, l’employeur devra obtenir le consentement du titulaire de l’autorité parentale sur le formulaire prescrit par la CNESST. De plus, en ce qui a trait aux trois (3) dernières exceptions ci-haut (5) à (7), ces enfants doivent en tout temps travailler sous la supervision d’une personne de 18 ans ou plus. Nombre maximal d’heures : 17 heures par semaine, dont un maximum de 10 heures du lundi au vendredi pour les enfants assujettis à l’obligation de fréquentation scolaire, sauf lors de périodes de plus de 7 jours consécutifs sans service éducatif offert à l’enfant. Cette nouvelle norme du travail entrerait en vigueur le 1er septembre 2023. Avis de cessation d’emploi: Au plus tard 30 jours après la sanction de la Loi, un employeur qui emploie un enfant de moins de 14 ans effectuant un travail désormais interdit doit transmettre à l’enfant un avis de cessation d’emploi dont la durée du préavis variera selon ses années de service: 3 mois à moins d’un an de service continu : 1 semaine de préavis 1 an à 2 ans de service continu : 2 semaines de préavis 2 ans ou plus de service : 3 semaines de préavis L’employeur pourra faire travailler l’enfant durant cette période de préavis ou encore lui verser une indemnité compensatrice. Sanctions pénales : Un employeur qui ne respecte pas les dispositions encadrant le travail des enfants commet une infraction et est passible d’une amende prévue à la Loi sur les normes du travail. Les amendes sont doublées en cas de récidive. Modifications à la Loi sur la santé et la sécurité du travail Le Projet de loi modifie également des dispositions de la Loi sur la santé et sécurité du travail qui font déjà l’objet de modifications par l’effet de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, lesquelles ne sont actuellement pas toutes en vigueur. Les modifications apportées par le Projet de loi concernent notamment les éléments suivants : Programme de prévention : Le programme doit notamment prévoir l’identification et l’analyse des risques pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs de l’établissement, mais plus précisément ceux affectant les travailleurs âgés de 16 ans et moins. Il en est de même pour les établissements assujettis à l’obligation d’élaborer un plan d’action. Comité de santé et de sécurité : Le comité a notamment pour fonctions de participer à l’identification et à l’analyse des risques pouvant affecter la santé et la sécurité des travailleurs de l’établissement, incluant ceux pouvant affecter particulièrement les travailleurs âgés de 16 ans ou moins. Représentant en santé et sécurité et agent de liaison : Il doit identifier les situations qui peuvent être sources de danger pour les travailleurs, incluant celles propres aux travailleurs âgés de 16 ans et moins et faire les recommandations appropriées au comité de santé et de sécurité, à l’employeur et au syndicat, le cas échéant, concernant les tâches qui ne devraient pas être effectuées par les travailleurs âgés de 16 ans ou moins. En conclusion, le Projet de loi prévoit des dispositions plus restrictives quant à l’encadrement du travail des enfants, notamment en fixant l’âge minimal de travail, sauf exception, à 14 ans et en limitant la semaine de travail d’un enfant assujetti à l’obligation de fréquentation scolaire à 17 heures hebdomadaires. Dans l’attente des prochaines étapes de l’étude du Projet de loi à l’Assemblée nationale, nous suggérons aux employeurs de suivre ce dossier de près et de dresser une liste de leurs salariés de 14 ans ou moins afin de pouvoir réagir rapidement si le Projet de loi était adopté, dans la mesure où les modifications proposées sont notamment susceptibles d’avoir des impacts significatifs sur les horaires de travail et la main-d’œuvre disponible au sein de certaines entreprises. En effet, le ministre du Travail a mentionné souhaiter que le Projet de loi entre en vigueur pour l’été 2023. RLRQ, c. N-1.1 (la « Lnt »). Article 84.2 Lnt. Article 84.4 Lnt. Article 14.de la Loi sur l’instruction publique, RLRQ, c. I-13.3. Article 84.5 Lnt. Article 84.6 Lnt et article 35.1 du Règlement sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1, r. 3 (le « Règlement »). Article 84.7 Lnt et article 35.2 du Règlement.
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Condamnation pour abus de procédure en arbitrage de grief : des employeurs ont gain de cause
Le grief patronal est utilisé par les employeurs pour obtenir la réparation de dommages matériels causés par des moyens de pression ou pour récupérer des sommes versées en trop en raison d’agissements fautifs d’un syndicat. Ce recours permet également de réclamer des dommages et des honoraires au syndicat lorsque celui-ci abuse de la procédure d’arbitrage de grief, notamment par des moyens de droit ou des mesures sans fondement, dilatoires ou exercés de mauvaise foi. Bien que peu fréquent, l’abus de procédure existe et peut être sanctionné. C’est toutefois lorsque les actions du syndicat sont téméraires, manifestement mal fondées, empreintes de mauvaise foi ou dilatoires que l’employeur pourra soulever l’abus de droit avec succès. Deux illustrations récentes La décision rendue dans l’affaire Régie intermunicipale de police Richelieu Saint-Laurent et Fraternité des policiers et policières Richelieu Saint-Laurent1 est un exemple intéressant : l’arbitre a condamné la Fraternité à rembourser à la Régie une partie des frais juridiques qu’elle avait engagés, de même que les sommes qu’elle avait versées à trois de ses témoins. L’affaire se résume ainsi. À la suite de moyens de pression, trois policiers sont sommés en discipline. Les parties conviennent par écrit de reporter les rencontres disciplinaires. Les policiers sont finalement rencontrés en 2014, puis déposent des griefs pour contester leurs mesures disciplinaires. L’arbitrage est fixé en mai 2018 et une conférence préparatoire est tenue avant l’audience. Lors de l’audition, la Fraternité annonce un moyen préliminaire faisant valoir que les mesures n’ont pas été imposées dans le délai prévu à la convention collective. La Régie invite la Fraternité à procéder à des vérifications, soutenant qu’il y avait eu entente entre les parties pour le report des rencontres. La Fraternité maintient son moyen. La Régie dépose alors un grief patronal réclamant les dommages découlant du moyen préliminaire tardif et infondé de la Fraternité. En janvier 2019, les parties plaident sur le moyen préliminaire et le grief patronal. Le 14 février, pendant le délibéré, la Fraternité retire son moyen préliminaire. L’arbitre fait droit en partie au grief patronal. Il conclut que le moyen avancé par la Fraternité est dénué de fondement et que son comportement est un exemple patent d’abus du droit d’ester en justice. La Régie est dédommagée pour les frais engagés en défense à cet abus de droit. Dans Syndicat des professeures(eurs) de l’UQAM (SPUQ) et Université du Québec à Montréal (UQAM)2, les parties avaient convenu, lors du récent renouvellement de la convention collective, d’une clause prévoyant la réduction du salaire des professeurs âgés de plus de 70 ans. Peu après l’entrée en vigueur de la convention, des griefs sont déposés afin de contester le caractère discriminatoire de la clause. L’UQAM dépose un grief patronal alléguant l’abus de la procédure de grief par le syndicat. La preuve révélait en effet que le syndicat avait accepté la clause avec la conviction de son caractère discriminatoire et l’intention de la contester en arbitrage. Le syndicat avait même demandé d’ajouter l’âge des professeurs à la clause et cet ajout avait eu pour effet de rendre plus évident son caractère discriminatoire et de maximiser ses chances de succès en arbitrage. L’arbitre a accueilli le grief patronal et a ordonné au syndicat de rembourser les frais et honoraires de l’arbitre ainsi que les honoraires facturés par l’avocat de la partie patronale pour assurer sa représentation dans le cadre de l’arbitrage du grief syndical. Il a conclu qu’une telle façon de faire allait à l’encontre du devoir de négocier de bonne foi et constituait un abus de droit de la part du syndicat. Conseils pratiques : que faut-il retenir? Un abus de procédure peut se manifester de différentes façons, comme le recours à un moyen déclinatoire non fondé ou le dépôt d’un grief abusif découlant d’une négociation collective de mauvaise foi. Lorsqu’il est confronté à des situations qui dépassent le cadre habituel des relations de travail, l’employeur devrait évaluer s’il s’agit d’un cas d’abus de droit. Le cas échéant, l’employeur pourrait exceptionnellement réclamer par le dépôt d’un grief patronal les honoraires de ses procureurs, les frais inhérents à l’assignation de témoins et possiblement d’autres dommages découlant du comportement fautif du syndicat. L’employeur doit toutefois faire preuve de prudence : un grief syndical mal fondé et rejeté parce que le syndicat n’a pas la même interprétation des faits ou de la convention collective que celle l’employeur ne sera pas nécessairement abusif. Pour obtenir gain de cause, l’employeur devra démontrer que les actions du syndicat sont téméraires, manifestement mal fondées, de mauvaise foi ou dilatoires. Il va sans dire que la même médecine sera servie à un employeur qui se rendrait coupable d’abus de procédure. Les membres de l’équipe Droit du travail et Emploi demeurent disponibles pour vous conseiller et répondre à vos questions. 2021 QCTA 319. 2021 QCTA 296.
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Penser la relance post-crise : deux nouveaux programmes pour la formation et la rétention des travailleurs
Alors que nous publions il y a deux semaines sur les défis reliés à la rétention de la main-d’œuvre dans le contexte actuel de la pandémie, voilà que deux nouveaux programmes sont annoncés par le gouvernement provincial. Le premier se veut une réponse aux effets de la prestation canadienne d’urgence (la « PCU ») sur la rétention des employés, tandis que le second favorise la formation des travailleurs. Le programme incitatif pour la rétention des travailleurs essentiels (PIRTE) Bien que la PCU ait été accueillie favorablement, elle a causé des difficultés à certaines entreprises qui doivent maintenir des services essentiels, puisque plusieurs travailleurs, notamment ceux à temps partiel et occupant des postes de caissiers, livreurs, agents de sécurité et préposés à l’entretien, reçoivent habituellement un salaire inférieur à la PCU. Dans certains cas les employés mis à pied et rappelés à temps partiel au travail se voyaient pénalisés comme la PCU ne permet pas, contrairement au programme régulier de l’Assurance-Emploi, de conserver une partie du salaire qu’ils toucheraient en travaillant. Ainsi, le taux d’absentéisme a bondi au sein de certaines entreprises, étant donné qu’il devenait plus avantageux pour les travailleurs de bénéficier de la PCU que de fournir leur prestation de travail. Avec l’objectif de créer un incitatif et un effet de rétention pour les salariés des secteurs essentiels, le PIRTE prévoit que ces derniers pourront, rétroactivement au 15 mars 2020, être admissibles à une prime de 100 $ imposable par semaine, jusqu’à un maximum de 1 600 $ pour l’ensemble de la durée du programme. Le gouvernement estime à 600 000 le nombre de travailleurs qui pourraient en bénéficier. Ceux-ci devront présenter leur demande en ligne à compter du 19 mai. Le premier versement est prévu le 27 mai. Les travailleurs admissibles au PIRTE sont ceux : qui travaillent dans le cadre de la prestation d’un service essentiel, à temps plein ou à temps partiel; qui ont 15 ans ou plus et résident au Québec; qui gagnent 550 $ ou moins par semaine, pour un revenu annuel d’au moins 5 000 $ et d’au plus 28 600 $ pour l’année 2020; qui ne reçoivent pas de PCU ou de PATT. Le travailleur est toutefois admissible si son employeur reçoit de l’aide financière du gouvernement fédéral. À tout évènement, les entreprises non essentielles auront peut-être à considérer la nécessité d’implanter des incitatifs de rétention de leur main-d’œuvre s’inspirant du PIRTE lors du rappel au travail qui suivra le retour graduel aux activités normales d’ici le 4 mai. En effet, ces dernières seront probablement confrontées à des problèmes semblables à ceux qui ont mené à l’adoption du PIRTE puisque la PCU sera disponible jusqu’au 3 octobre 2020. Programme d’actions concertées pour le maintien en emploi (PACME) On peut prévoir que les entreprises qui reprendront leurs activités après cette pause provinciale devront adopter plusieurs nouvelles mesures, notamment en matière de santé sécurité des travailleurs ou, comme nous l’abordions la semaine dernière, en matière de télétravail. La formation des travailleurs deviendra alors plus que jamais essentielle et pertinente. En ce sens, la mise sur pied du PACME constitue une occasion d’être proactif dans ces démarches. Ce programme accorde du financement aux entreprises afin de favoriser la formation et les pratiques exemplaires, notamment en matière de gestion des ressources humaines pendant la crise et afin de préparer la relance. Il s’arrime également avec le programme fédéral des subventions salariales. Le PACME est accessible aux entreprises dont les activités ont été réduites, suspendues, augmentées ou diversifiées par la crise, ainsi qu’aux travailleurs autonomes et aux promoteurs collectifs. Pour connaitre tous les détails sur le PACME, nous vous invitons à consulter l’article à ce sujet publié par nos collègues. Notre équipe Travail et Emploi est disponible afin de vous conseiller et de réfléchir à des solutions pour la mise en œuvre de ces programmes dans le contexte d’une relance de vos activités.