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Assurance chantier, l'interprétation des exclusions usuelles pour malfaçon et celles du «LEG» en lien avec les jugements Ledcor et Acciona
L'affaire Ledcor La problématique dans l’affaire Ledcor1 était de décider si l’assurance chantier de l’entrepreneur contractuellement responsable de nettoyer les fenêtres d’un édifice couvrait les dommages causés à celles-ci par son mauvais travail de nettoyage. L'impact financier était important puisque le coût de reprise du nettoyage était de 45 000 $, alors que le coût de remplacement des fenêtres endommagées par le nettoyage se chiffrait à 2.5M$. La Cour suprême a décidé que seul le coût de reprise des travaux de nettoyage était exclu et donc le remplacement des fenêtres, soit un dommage découlant de la malfaçon, était couvert. Le jugement de la Cour suprême du Canada dans Ledcor est venu clarifier en matière d'assurance chantier l'interprétation à donner à l'exclusion pour malfaçon, en restreignant celle-ci aux travaux défectueux et en rattachant sa portée aux obligations contractuelles de l'entrepreneur responsable de la malfaçon (notre bulletin Lavery sur cette question est accessible en cliquant ici). Soulignons d'emblée que le libellé de l'exclusion pour malfaçon dans le jugement Ledcor2 se rapproche des libellés usuels pour ce type d'exclusions dans les polices d'assurance chantier. Le jugement Ledcor est un jugement de principe. L'approche qui y est suggérée, soit de s'attarder au contenu obligationnel du contrat afin de tracer la ligne entre la malfaçon et les dommages découlant de cette malfaçon, s'applique aisément dans les cas où le contrat ne comporte qu'un seul volet tel dans l'affaire Ledcor. Toutefois, dans les cas où le contrat d'un entrepreneur fautif comporte plusieurs volets divisibles, et que les travaux défectueux ne concernent qu'un seul volet, l'approche liée au contrat pourrait poser certaines difficultés d'application. En effet, dans une telle hypothèse et en considérant strictement l'approche liée au contrat, les coûts liés aux volets exécutés correctement seraient exclus. Un tel résultat irait cependant à l'encontre de l'objectif des polices d'assurance chantier qui visent à offrir une large garantie afin d'éviter que les projets de construction se retrouvent paralysés par des différends. Les exclusions LEG Les exclusions LEG pourraient bien offrir une solution dans le cas de contrats comportant plusieurs volets divisibles. Ces exclusions ont un libellé précis et une portée bien définie. Les exclusions LEG sont des libellés développés dans les années 1990 par le London Engineering Group (« LEG »). On les retrouve dans certaines polices d’assurance chantier. Elles sont d’usage répandu en Europe, de façon moindre au Canada et surtout dans les projets majeurs et elles sont rarement utilisées aux États-Unis. Ces clauses d'exclusion peuvent être décrites sommairement comme suit : L'exclusion LEG 1/96 - « Outright Defects Exclusion » : exclut toute perte pour dommages découlant d’un défaut d'exécution, de matériaux ou de conception. L'exclusion LEG 2/96 - « Consequences Defects Exclusion » : exclut uniquement les frais inhérents à la bonne exécution des travaux et rendus nécessaires pour la correction du défaut ou du vice découvert immédiatement avant que ne surviennent les dommages. L'exclusion LEG 3/96 (révisée en 06) - « Improvement Defects Exclusion » : exclut uniquement les coûts pour améliorer la conception originale, le matériau d’origine ou l’exécution d’origine au-delà des dommages survenus. Ces trois clauses d’exclusion comprennent donc trois niveaux de couverture graduée avec une prime correspondant au niveau de couverture à laquelle les parties voudront bien souscrire. L'affaire Acciona et les recommandations du BAC Le jugement de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique rendu dans l’affaire Acciona3 a interprété, pour la première fois au Canada l'exclusion LEG 2/96 d'une police d'assurance chantier. Cette exclusion, aussi appelée « Consequences Defects Exclusion »,est celle qui traite des dommages découlant de la malfaçon. L'avenant 4047 du BAC recommandé depuis 2010 pour bonifier le formulaire 4042 du BAC en lien avec l'assurance chantier reprend essentiellement le libellé de l’exclusion LEG 2/96. Le changement entre le formulaire 4042 (dont le libellé se rapproche de l'exclusion dans l'affaire Ledcor) et l'avenant 4047 (dont le libellé se rapproche de l'exclusion LEG 2/96 dans l’affaire Acciona) réside dans l'ajout d'une définition de l'expression « dommage résultant ». Cette définition, tout comme le texte de l’exclusion LEG 2/96, réfère précisément aux coûts qui auraient été engagés pour la correction du défaut ou du vice si celui-ci avait été découvert immédiatement avant que ne surviennent les dommages et si ces dommages avaient été corrigés à ce moment-là. L'exclusion LEG 2/96 sous-tend la divisibilité. Cette exclusion propose une méthode qui permet de délimiter la malfaçon, d'une part, exclue et les dommages, d'autre part, couverts. Seuls les frais inhérents à la bonne exécution des travaux pour corriger les défauts ou le vice avant que les dommages ne surviennent font l’objet de l’exclusion. L'arrêt Acciona4 en lien avec l’application de l’exclusion LEG 2/96 propose de délimiter le vice et les dommages résultants de la manière suivante : « (…) the excluded costs are only those costs that would have remedied or rectified the defect immediately before any consequential or resulting damage occurred, but the exclusion does not extend to exclude the cost of rectifying or replacing the damaged property itself; the excluded costs crystallize immediately prior to the damage occurring and are thus limited to those costs that would have prevented the damage from happening. » Cette approche implique que l'exclusion se cristallise immédiatement avant les dommages mais n'inclut pas ceux-ci qui seront par ailleurs couverts5. Dans la mesure où le marché des assurances chantier voudra y souscrire, l’avenant 4047 suggéré par le BAC, tout comme le texte de l’exclusion LEG 2/96, permettent de délimiter dans le temps et de manière précise la malfaçon et les dommages conséquentiels. Les approches Ledcor et Acciona permettront de diminuer les litiges en assurance chantier La décision de la Cour suprême dans Ledcor et celle de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans Acciona deviennent des incontournables en ce qui concerne les questions de couverture liées aux assurances chantier. Le libellé des exclusions qu'elles ont analysées diffère considérablement et les deux approches qu'elles suggèrent sont différentes. Toutefois, ces deux décisions fournissent des méthodes précises pour circonscrire la portée des exclusions. L’approche liée au contenu obligationnel du contrat suggérée par la Cour suprême dans Ledcor, tout comme l’approche liée à la divisibilité suggérée dans l’affaire Acciona permettront de résoudre plus facilement certaines difficultés d’application des clauses d’exclusions pour malfaçon en assurance chantier. Ces approches permettront aussi de diminuer les litiges. Pour tout questionnement, et afin de déterminer si les méthodes proposées aux jugements Ledcor et Acciona s'appliquent à votre cas, nos spécialistes en assurance dans le domaine de la construction sauront vous aider. Ledcor Construction Ltée c. Société d’assurance d’indemnisation Northbridge et al. [2016]¸2 RCS 23. Ce libellé dans « Ledcor » rejoignait le libellé suggéré par le BAC dans la rédaction d'une exclusion similaire aux termes du formulaire 4042 (assurance des chantiers) 1998. Acciona Infrastructure Canada Inc. v. Allianz Global Risks US Insurance Company, 2015 BCCA 347. Cette décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique est finale, le renvoi qui avait été ordonné par la CSC à la suite de l'arrêt Ledcora fait l'objet d'un désistement avant l'audition qui était fixée en juin 2017. Précitée, note 5. Voir sur cette question Sharon C. Vogel, Journal of the Canadian College of Construction Lawyers 2016, The Evolution of Builder’s Risk Insurance in Canada : A Brave New Wold For Resulting Damages?
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Requêtes Wellington et obligations des assureurs (CGL)
Jurisprudence récente qui confirme les critères applicables lors d’une requête Wellington et qui précise les balises de l’obligation pour l’assureur de défendre son assuré. Recevabilité ou non d’une requête Wellington à l’encontre des exclusions visant « les produits » et « les travaux » de l’assuré compte tenu de la nature des dommages qui font l’objet de la poursuite judiciaire. En juillet dernier, deux jugements ont été rendus en Cour supérieure du Québec relativement à des requêtes Wellington à l’encontre d’assureurs en responsabilité civile des entreprises (ARC), mieux connue sous l’acronyme « CGL » (« Commercial General Liability »). Ailleurs au Canada et aux États-Unis, une requête Wellington est une requête en jugement déclaratoire visant à contraindre l’assureur à prendre fait et cause pour son assuré. Le premier jugement1, rendu par l’honorable Michel Déziel (le « jugement Déziel »), rejette une requête Wellington présentée par Couverture Montréal-Nord Ltée contre son assureur Compagnie d’assurance AIG du Canada. Le second jugement2, rendu par l’honorable André Wery (le « jugement Wery »), accueille une requête Wellington de Les Tuyaux Logard Inc. contre Northbridge. Les juges dans ces deux causes s’entendent sur les principes discutés dans la jurisprudence, où l’on constate que les critères applicables lors d’une requête Wellington sont clairs et que l’état du droit concernant l’obligation de défendre est maintenant bien défini. Ces deux jugements fournissent une conclusion très précise sur la recevabilité ou non d’une requête Wellington à l’encontre des exclusions visant « les produits » et « les travaux » de l’assuré à la lumière des dommages qui font l’objet de la poursuite judiciaire. Requêtes Wellington rejetées Lorsque les procédures font état de dommages qui ne représentent que les coûts relatifs à la reprise des travaux mal exécutés par l’assuré ou les coûts relatifs aux correctifs de produits défectueux livrés par l’assuré, les tribunaux rejettent une requête Wellington au motif que « les dommages à vos produits » et/ou les « dommages à vos travaux » sont des exclusions standards qui doivent recevoir application, même en appliquant tous les principes élaborés par la jurisprudence suivant lesquels l’obligation de défendre est distincte et plus large que l’obligation d’indemniser et qu’elle est engagée dès qu’il est possible qu’une condamnation de l’assuré puisse faire l’objet de la couverture d’assurance. Dans Couverture Montréal-Nord Ltée contre son assureur, Compagnie d’assurance AIG du Canada, le recours visait à refaire la toiture en raison des vices qui affectaient les tuiles. Toutefois, aucun dommage matériel ou corporel causé par le détachement des tuiles viciées n’était allégué, ce qui aurait pu être couvert par la police. Voici quelques extraits pertinents du jugement Déziel : [33] Le présent recours ne vise qu’à refaire la toiture en raison des vices qui affectent les tuiles. [34] Il n’y a aucune allégation d’un dommage matériel ou corporel causé par le détachement des tuiles viciées, ce qui pourrait être couvert par la police. [35] La reprise des travaux et le remplacement des tuiles, en l’absence d’autres dommages, ne sont pas couverts par la police. [36] Les réclamations visant les coûts associés à la garantie de qualité ne constituent pas des dommages couverts au sens des polices couvrant la responsabilité civile générale, comme c’est le cas en l’espèce3. [37] De tels dommages sont exclus de la police à la section 2 des exclusions comme citées ci-dessus. On peut également consulter les jugements suivants, qui traitent de ces principes : Les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal c. Couverture Montréal-Nord Ltée et al. [2016] QCCS 3221 Aviva Compagnie d’assurance du Canada c. Construction et pavages Dujour Ltée et RSA [2015] QCCS 4173 Université de Montréal c. Desnoyers Mercure et Ass. [2013] QCCS 481 Vélan Inc. et Vélan Proquit Inc. c. G-Can Insurance Company [2010] QCCS 4060, jugement maintenu par la Cour d’appel [2012] QCCA 1490 GCU, Compagnie d’assurances du Canada c. Soprema Inc. [2007] QCCA 113 (avec nuance puisqu’avant Progressive) Requêtes Wellington accueillies Les requêtes Wellington sont accueillies lorsque les dommages réclamés comprennent également des éléments autres que « les dommages à vos produits » ou « les dommages à vos travaux ». Voici quelques extraits du jugement Wery dans Tuyaux Logard Inc. contre Northbridge : [87] En somme, comme on l’a vu, il faut toujours garder à l’esprit que la question à résoudre à une étape comme la nôtre n’est pas de déterminer ce qui est couvert de ce qui ne l’est pas, mais simplement de décider s’il existe une possibilité de couverture. [88] Le tribunal estime qu’ici cette possibilité existe. [89] Même en mettant de côté, pour un instant, la question de savoir si le coût de remplacement des drains constitue un « dommage matériel », le dossier laisse voir que certains des dommages réclamés ne correspondent pas seulement au coût de remplacement de ceux-ci. […] [95] Bref, existe-t-il une possibilité que le juge du fond de Logard en vienne à la conclusion que l’absence de collets de serrage sur les drains aux endroits appropriés constitue en elle-même un dommage matériel à l’immeuble en ce sens que le Syndicat ne puisse en jouir sans risquer de causer d’autres dommages à l’immeuble comme ceux du 29 mai ? Existe-t-il une possibilité que le retrait de la couverture d’assurance pour les dommages causés par l’eau par l’assureur du Syndicat constitue une « perte de jouissance » paisible de l’immeuble ? Existe-t-il une possibilité que les travaux de remplacement des drains puissent causer des dommages à l’immeuble et que ceux-ci puissent constituer des « dommages matériels » au sens de la police ? […] [144] Le tribunal estime que la partie des dommages réclamés qui n’ont rien à voir avec les produits de l’assuré, comme ici la démolition et la réfection des murs pour accéder aux drains, de même que les gicleurs, ne semblent pas visés par cette exclusion. […] [147] Dans l‘affaire Université de Montréal (référence voir décision à consulter), le juge Payette, s’inspirant de l’affaire Carwald, dispose d’un argument semblable à celui de Northbridge en écrivant que : « La Cour d’appel de l’Ontario, confrontée au même argument, concluait que si cette clause peut permettre d’exclure la protection initiale en faveur de l’assuré pour le remplacement de son produit, elle n’exclut pas la protection pour les dommages corrélatifs à d’autres biens. » [152] La Cour d’appel de Colombie-Britannique va jusqu’à dire que conclure dans le même sens que le fait Northbridge serait une perversion des enseignements de l’arrêt Progressive Homes : « Je juge que la clause a pour effet d’exclure les requêtes en dommages-intérêts à Bulldog Bag (l’assuré), y compris la perte d’utilisation de ceux-ci, mais qu’elle ne peut être étendue à l’indemnisation des frais de Sure-Gro (le réclamant), qui sépare ces sacs de ses produits, les remballe dans des sacs différents et récupère les « vieux » produits quelques mois plus tard. Le fait de refuser la couverture serait, comme le souligne M. Ward, un « travestissement » de Progressive Homes. De plus, avant le cas de Progressive Homes, des cas tels que Carwald et Gulf Plastics avaient établi que l’exclusion de « produits propre à l’assuré » ne s’appliquait pas à une perte subie par un client de l’assuré en raison de défauts dans un produit propre à l’assuré. »4 (notre traduction) On peut également consulter les jugements suivants, qui traitent de ces principes : Syndicat des copropriétaires le Crystal de la Montagne c. Le Crystal de la Montagne S.E.C. [2016] QCCS 3218 Axor Construction Canada Inc. c. Carrelages SerCo Inc. [2015] QCCS 480 Université de Montréal c. Desnoyers Mercure & Associés [2011] QCCS 3564 Bulldog Bag Ltd. c. Axa Pacific Insurance [2011] BCCA 178 Progressive Homes Ltd. c. Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard [2010] R.C.S. 245. Les Prêtres de Saint-Sulpice de Montréal c. Couverture Montréal-Nord Ltée et al. [2016] QCCS 3221. Syndicat des copropriétaires Le Crystal de la Montagne c. Le Crystal de la Montagne S.E.C. et al. [2016] QCCS 3218. CGU, Compagnie d’assurances du Canada c. Soprema inc., 2007 QCCA 113; Velan inc. et Velan-Proquip inc. c. GCAN Insurance Company, 2010 QCCS 4060. Bulldog Bag Ltd v. Axa Pacific Insurance Company, 2011 BCCA 178, par. 33. LDB:8431299v1.
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Responsabilité municipale – Loi sur la sécurité incendie - La Cour supérieure se prononce – l’immunité est maintenue; à suivre...
La Loi sur la sécurité incendie est entrée en vigueur le 1er septembre 2000; son objectif est de mettre en place les modalités d’organisation de la sécurité incendie au sein des municipalités régionales de comté et des grandes agglomérations du Québec. L’article 8 de la Loi impose à celles-ci l’obligation d’établir un schéma de couverture de risque qui doit, par la suite, être approuvé par le Ministre de la sécurité publique.