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  • Soirée de Noël organisée par l’employeur : À quoi vous engagez-vous?

    Les invitations sont lancées et les verres sont levés! Êtes-vous prêts à célébrer? Décembre est sans l’ombre d’un doute le mois le plus festif de l’année. Il s’agit de l’occasion pour les employeurs de remercier leurs employés pour les services fournis durant l’année, mais aussi pour ces derniers d’échanger avec leurs collègues dans une atmosphère plus détendue. À l’aube des soirées de fête, il est opportun de rappeler aux employeurs que l’organisation de ces soirées doit s’articuler autour de la santé, de la sécurité et de l’intégrité de tous les participants. En effet, même dans ces temps de réjouissances, l’obligation de l’employeur d’assurer la santé et la sécurité de ses employés subsiste au-delà des lieux et des heures de travail habituelles des employés. Voici donc quelques conseils pour favoriser le déroulement des célébrations dans une ambiance joyeuse, respectueuse et sécuritaire pour tous. La modération a bien meilleur goût D’entrée de jeu, toute prévention quant à des situations indésirables commence par le contrôle de la consommation d’alcool et d’autres substances pouvant entraîner des facultés affaiblies. Étant un produit psychoactif affectant directement et rapidement le fonctionnement du cerveau, la consommation excessive d’alcool ou de cannabis est sans contredit le catalyseur de plusieurs écarts de conduite lors des soirées de Noël. Lorsqu’un employé participe à des festivités offertes par l’employeur, il s’y présente dans le cadre de son emploi et il conserve conséquemment le même statut qu’il occupe au sein de l’entreprise1.  De façon corollaire, l’employeur garde ses pouvoirs de gestion et de direction lors de ces événements sociaux. Ainsi, il peut sanctionner tout écart de conduite commis lors d’une activité de Noël. Afin de limiter la consommation d’alcool et de réduire les risques d’incidents, l’employeur peut notamment : Offrir des coupons de consommation d’alcool en quantité limitée; Interdire la distribution d’alcool quelques heures avant la fin de la soirée; Limiter la formule « bar ouvert », le cas échéant, à un horaire prédéterminé. Quant à l’utilisation du cannabis de même que l’utilisation de la cigarette (incluant la cigarette électronique), il est utile de rappeler que vos convives devront respecter l’interdiction de fumer à l’intérieur ou à proximité des lieux. Prévention du harcèlement Bien que l’émergence du mouvement de dénonciation de harcèlement a incité les employeurs à redoubler d’efforts afin de prévenir les cas d’inconduite sexuelle en milieu de travail, la Loi sur les normes du travail imposait déjà, depuis 2002, une obligation aux employeurs de prendre les moyens raisonnables afin de prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à leur connaissance, de la faire cesser2. L’employeur n’est pas exempté de cette obligation lorsqu’il convie ses employés à une soirée de célébration. Un retour sécuritaire à la maison Au terme de la soirée,il est recommandé à l’employeur d’assurer aux employés un retour sécuritaire à la maison en mettant à leur disposition des options de retour autres que la conduite automobile, dont  : Offrir aux employés des coupons de taxi afin de prévenir tout incident sur la route occasionné par la conduite avec les facultés affaiblies; Rembourser les frais de déplacement de ses employés; Encourager les employés à faire appel à des organismes offrant des services de raccompagnement. Les fêtes de Noël au sein des entreprises sont désormais devenues un incontournable. Au-delà des obligations et responsabilités qui incombent à l’employeur lors du déroulement de telles festivités, ces soirées demeurent une belle occasion pour les employés de tisser des liens avec leurs collègues hors du cadre plus rigide du travail, et pour l’employeur de leur montrer sa reconnaissance et de les remercier. Bonnes festivités à tous et à toutes!   Association internationale des machinistes et des travailleuses et travailleurs de l'aérospatiale, district 140, section locale 2309 et Servisair (Avo Minassian), D.T.E. 2009T-448; Nettoyage de drains A. Ducharme (2000) inc. et Syndicat national des travailleuses et travailleurs de l’environnement (F.E.E.S.P.-C.S.N.), D.T.E. 2001T-1030. Art. 81.19 L.N.T.  

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  • Démystifier la vérification diligente juridique

    Dans le cadre de l’acquisition d’une entreprise, tout acquéreur averti se doit de procéder à un examen sérieux de l’entreprise qu’il désire acquérir. La réalisation d’une vérification diligente est essentielle à la conclusion de toute transaction réussie et sans surprise – même si elle requiert du temps et peut engendrer des frais importants. Qu’est-ce qu’une vérification diligente? La vérification diligente juridique est d’abord et avant tout une mesure de prudence. Il s’agit d’un processus par lequel une entité cible fait l’objet d’un examen plus ou moins approfondi, selon le contexte, et ce, préalablement à ou pendant la négociation d’une transaction. Sans constituer un audit en soi, cette vérification a pour principal objectif de s’assurer que les déclarations et les garanties données par la cible sont exactes. Cette transaction est-elle à l’avantage de l’acquéreur? Le prix de la transaction reflète-t-il la situation financière de la cible? Ses obligations envers des parties tierces sont-elles trop onéreuses? Lorsqu’elle est bien menée, la vérification diligente permet de négocier en toute connaissance de cause, de parvenir à un prix de transaction, ainsi que de circonscrire la portée des déclarations et des garanties du vendeur. Par exemple, l’entrepreneur qui désire acquérir les actions d’une société en vue d’exploiter un terrain qu’elle possède pourrait requérir de la part de celle-ci des garanties voulant que le terrain est libre de toute charge et de toute contamination. Certes, dans des cas plus rares, une transaction peut être mise en péril par suite d’une vérification ayant révélé des risques importants liés à l’entreprise, comme des poursuites judiciaires importantes. De fait, la vérification diligente vise à confirmer les informations communiquées par la cible et identifier les risques susceptibles de porter préjudice à l'acquéreur à court ou long terme. Une vérification « sur mesure » Une vérification diligente se doit d’être bien définie et circonscrite. En effet, les vérifications les plus efficaces sont celles qui tiennent compte des particularités de la cible, c’est-à-dire du type d’entreprise qu’elle constitue, du genre d’activités qu’elle mène, du lieu où elle exerce ses activités, etc. Évidemment, certains éléments de la transaction devront faire l’objet d’une attention plus particulière, en fonction du secteur d’activité de la cible et des objectifs de l’acquéreur. Par exemple, si la cible exploite une entreprise pétrolière, il sera pertinent de vérifier si ses activités sont conformes aux lois environnementales, si l’entreprise détient tous les permis ou certificats requis pour mener ses activités et si les normes applicables en matière de santé et sécurité au travail sont appliquées. Cependant, si la cible exploite une entreprise de gestion de personnel, l’aspect environnemental sera nécessairement moins important. L’étendue de la vérification Bien qu’il soit courant de recourir à une liste générale et préliminaire d’information et de documents requis dans le cadre d’une vérification diligente, celle-ci devrait être adaptée à la réalité de la transaction envisagée. En effet, la vérification peut varier selon la nature des activités de la cible, la structure de transaction envisagée, ou les objectifs spécifiques visés. Ainsi, dans le cadre d’une vente d’actions, l’acquéreur voudra effectuer une revue complète des livres de procès-verbaux de la cible, tandis que cette revue ne sera pas nécessaire dans le cas d’une acquisition d’éléments d’actif. De manière générale, l’acquéreur d’une entreprise cherchera surtout à vérifier les éléments suivants : la capacité de la cible à conclure la transaction; les contraintes projetées relativement à cette dernière; l’incidence d’un changement de contrôle de la cible, dans le cadre d’un achat d’actions; l’incidence d’une cession de contrat, dans le cadre d’un achat d’éléments d’actif; les titres ou les droits de la cible à l’égard des biens faisant directement ou indirectement l’objet de la transaction; les obligations de la cible envers des tiers, qu’elles soient contractuelles ou non; les poursuites, plaintes et avis de contravention, le cas échéant; les contrats individuels de travail ou les conventions collectives; la couverture d’assurance; les permis, licences ou autorisations utilisés le cadre de l’exploitation de l’entreprise. Après avoir identifié les éléments à vérifier dans le cadre d’une transaction, l’acquéreur devrait valider auprès de tiers les informations qu’il a déjà obtenues et s’assurer qu’elles sont complètes. Outre les documents qui sont habituellement fournis par la cible, plusieurs informations publiques peuvent être consultées sans qu’il ne soit nécessaire de lui demander son consentement. On pense notamment aux sites Internet du Registraire des entreprises du Québec, de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada, du Registre des droits personnels et réels mobiliers du Québec, de la Commission des valeurs mobilières du Québec, etc. Par ailleurs, l’acquéreur peut exiger des lettres d’autorisation de la part de la cible afin de mener des vérifications auprès d’organismes gouvernementaux, comme la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail, l’Agence du revenu du Canada, ou Revenu Québec. Vérification diligente : indispensable L’analyse des informations recueillies dans le cadre d’une vérification diligente peut être fastidieuse, d’où la pertinence de faire appel à des experts si les circonstances l’exigent. Quoi qu’il en soit, il faut retenir qu’elle constitue une étape cruciale du processus d’acquisition d’une entreprise et que malgré les coûts qu’elle peut engendrer et le temps qui doit lui être alloué, elle est indispensable à l’acquéreur qui souhaite négocier en toute connaissance de cause et bien circonscrire les risques juridiques de la transaction. 

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  • Les administrateurs dans la mire de la Cour suprême

    Dans le cadre de l’arrêt Wilson c. Alharayeri1 (« Wilson ») rendu le 13 juillet 2017, le plus haut tribunal du pays a confirmé la décision de la Cour d’appel du Québec condamnant personnellement un administrateur de société par actions à verser une somme de 648 310 $ à un actionnaire à la suite d’un abus qui lui était attribuable. Près de deux décennies après l’arrêt Budd c. Gentra2 (« Budd ») de la Cour d’appel de l’Ontario, la Cour suprême du Canada a saisi l’occasion de réaffirmer ce jugement et de clarifier les circonstances dans lesquelles le recours en oppression de la Loi canadienne sur les sociétés par actions3 (« L.c.s.a. ») peut valablement être dirigé contre un administrateur plutôt que contre la société. Le test élaboré dans Budd et repris par la Cour suprême dans Wilson pour retenir la responsabilité extracontractuelle d’un administrateur est moins restrictif que celui du Code civil du Québec (« Code civil »), ce qui facilite l’obtention d’une condamnation personnelle contre un administrateur en utilisant le recours prévu à la L.c.s.a. Par ailleurs, bien que l’arrêt Wilson ait été rendu sous le régime de la L.c.s.a. fédérale, il y a lieu de se questionner sur la possibilité de l’invoquer au soutien d’un recours en redressement en cas d’abus de pouvoir ou d’iniquité, sous l’article 450 de la Loi sur les sociétés par actions4 du Québec (« L.s.a.Q. »). Le contexte Entre 2005 et 2007, M. Ramzi Mahmoud Alharayeri (« Alharayeri ») était président, chef de la direction et administrateur de la société Wi2Wi Corporation (« Wi2Wi »). Alharayeri était également un actionnaire important de Wi2Wi, détenant des actions ordinaires ainsi que des actions privilégiées de catégorie A et de catégorie B. À ce sujet, Alharayeri était le seul détenteur des actions privilégiées A et B, convertibles en actions ordinaires à la condition que la société atteigne certains de ses objectifs financiers en 2006 et en 2007 respectivement. Par ailleurs, Wi2Wi avait également émis des actions privilégiées de catégorie C, dont plusieurs étaient détenues ultimement par M. Andrus Wilson (« Wilson »). En mars 2007, alors que des négociations relatives à la fusion de Wi2Wi et de Mitec Telecom Inc. (« Mitec ») avaient été entamées à la suite de problèmes de liquidité de Wi2Wi, Alharayeri a simultanément conclu une convention d’achat d’actions avec Mitec, à l’insu de Wi2Wi dont il était administrateur. Une fois le conseil d’administration informé de la manoeuvre de Alharayeri, ce dernier a démissionné de ses fonctions et Wilson a pris le contrôle de la direction de la société. Au cours des mois suivants, Wi2Wi est demeurée aux prises avec des difficultés financières. Par conséquent, la société a offert à ses détenteurs d’actions ordinaires des billets garantis convertibles en actions ordinaires dans le cadre d’un placement privé. Cette décision a notamment eu pour effet de réduire la proportion d’actions ordinaires détenues par les actionnaires ne participant pas au placement privé. D’ailleurs, dans le but de permettre à Wilson de prendre part à ce dernier, la société avait préalablement accéléré la conversion des actions privilégiées C de Wilson en actions ordinaires, malgré le fait que des doutes subsistaient quant à la légalité d’une telle conversion. Toutefois, aucune des actions de catégories A et B, dont Alharayeri était le seul détenteur, n’a été convertie en actions ordinaires malgré le fait qu’elles pouvaient l’être à la lumière des tests financiers établis dans les statuts constitutifs de la société. Wilson soutenait que la conversion des actions de Alharayeri ne pouvait pas être réalisée en raison de son inconduite. Alharayeri a donc été empêché de prendre part au placement privé et la valeur de ses actions privilégiées, ainsi que la proportion des actions ordinaires qu’il détenait ont considérablement diminué. Compte tenu de la situation, Alharayeri a intenté un recours en oppression sous l’article 241 L.c.s.a. contre quatre administrateurs de Wi2Wi, dont Wilson. Le recours en oppression en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions Le recours en oppression, prévu au paragraphe 241(3) L.c.s.a., est un recours en equity qui permet au tribunal de rendre toute ordonnance, provisoire ou définitive, à l’encontre d’une société ou d’un administrateur, afin de remédier à une situation d’abus. L’arrêt Budd, rendu en 1998 par la Cour d’appel de l’Ontario, a établi les balises essentielles à l’analyse de la responsabilité d’un administrateur dans le cadre d’un recours en oppression, en établissant un test à deux volets permettant de retenir la responsabilité personnelle d’un administrateur. Étant donné que l’arrêt Budd n’a pas été appliqué uniformément à travers le Canada, la Cour suprême a saisi l’occasion qui lui était présentée de clarifier de manière définitive les balises circonscrivant l’imposition d’une responsabilité personnelle à un administrateur sous la L.c.s.a. Premièrement, la conduite abusive doit être attribuable à l’administrateur en raison du fait de son action ou de son inaction, notamment en ce qui a trait à l’exercice des pouvoirs qui lui sont dévolus. Deuxièmement, la demande de redressement doit constituer une manière équitable de remédier à la situation d’abus et doit être pertinente à la lumière des faits en litige. À cet égard, la Cour suprême rappelle que la pertinence de l’imposition de la responsabilité personnelle à un administrateur doit être évaluée à la lumière de quatre principes généraux qui peuvent être résumés ainsi : La demande de redressement doit constituer une manière équitable de régler la situation d’abus. Par exemple, la condamnation tendra à être équitable lorsqu’un administrateur retire un bénéfice personnel de l’abus, notamment un avantage économique ou un contrôle accru de la société. À cet effet, il importe de préciser que l’existence d’un bénéfice personnel n’est qu’un indicateur permettant de retenir la responsabilité personnelle d’un administrateur et non un critère obligatoire. L’ordonnance, étant de nature réparatrice, ne doit pas excéder ce qui est nécessaire afin de remédier à la situation d’injustice ou d’iniquité entre les parties. L’ordonnance doit uniquement satisfaire aux attentes raisonnables des détenteurs de valeurs mobilières, des créanciers, des administrateurs ou des dirigeants, et ce, à titre de parties intéressées de la société. L’imposition de la responsabilité à un administrateur ne doit pas suppléer d’autres remèdes prévus par la loi ou la common law. Les tribunaux doivent donc considérer le contexte général du droit des sociétés dans le cadre du recours en oppression. À la lumière des faits en litige et du test élaboré dans l’affaire Budd, la Cour suprême a, d’une part, conclu que Wilson avait participé de manière prépondérante dans la décision du conseil d’administration de Wi2Wi de ne pas convertir les actions privilégiées d’Alharayeri en actions ordinaires, ce qui a empêché ce dernier de participer au placement privé. D’autre part, la Cour a jugé que la demande de redressement constitue une manière équitable de remédier à la situation d’abus et est pertinente à la lumière des circonstances du litige. De fait, l’abus a procuré un avantage personnel à Wilson, soit un contrôle accru de la société au détriment d’Alharayeri. L’ordonnance accordée, soit le versement d’une somme de 648 310 $ à Alharayeri, constitue donc un remède équitable à l’abus étant donné qu’elle représente ce dont Alharayeri aurait bénéficié si ses actions privilégiées avaient été valablement converties en actions ordinaires. Les attentes raisonnables de Alharayeri ont donc été respectées. L’applicabilité de l’arrêt Wilson au recours en redressement de la Loi sur les sociétés par actions du Québec À la suite de l’arrêt Wilson, il y a lieu de se questionner sur la possibilité d’invoquer ses principes au soutien d’un recours en redressement sous la L.s.a.Q. D’emblée, il importe de souligner que le libellé de l’article 450 L.s.a.Q. est quasi-identique à celui de l’article 241 L.c.s.a., ce qui a pour effet, selon l’auteur Paul Martel5, de rendre le corpus jurisprudentiel de la L.c.s.a. applicable aux recours de la L.s.a.Q. La Cour supérieure du Québec a d’ailleurs expliqué que « les tribunaux peuvent s’inspirer de la jurisprudence développée concernant les recours similaires prévus à la LCSA »6 afin d’analyser les recours prévus à la L.s.a.Q. Par conséquent, il est raisonnable de croire que l’arrêt Wilson peut, à tout le moins, guider le raisonnement des juges dans la mise en oeuvre du recours provincial. Toutefois, quelques distinctions entre les deux recours devront être prises en considération par les tribunaux lors de l’analyse du recours en redressement sous le régime de la L.s.a.Q.: La L.c.s.a. prévoit trois situations pouvant donner ouverture au recours en oppression sous l’article 241, soit l’abus, le préjudice injuste et l’omission injuste de tenir compte des intérêts des détenteurs de valeurs mobilières, créanciers, administrateurs ou dirigeants. Par contre, l’article 450 L.s.a.Q. ne prévoit que deux situations pouvant donner ouverture au recours en redressement, soit l’abus et le préjudice injuste. Le recours en equity de la L.c.s.a., qui tient compte de l’atteinte aux intérêts des détenteurs de valeurs mobilières, créanciers, administrateurs ou dirigeants, n’existe pas sous la L.s.a.Q. En vertu de la L.c.s.a, l’ordonnance doit uniquement satisfaire les attentes raisonnables des détenteurs de valeurs mobilières, des créanciers, des administrateurs ou des dirigeants. Ceci étant, le recours prévu à l’article 450 L.s.a.Q. ne tient pas compte des intérêts des créanciers, comme le fait l’article 241 L.c.s.a. La loi provinciale ne tient compte que des intérêts des détenteurs de valeurs mobilières, des administrateurs et des dirigeants de la société. En conséquence, la pertinence de l’imposition de la responsabilité personnelle à un administrateur doit être évaluée en faisant abstraction des intérêts des créanciers. Le recours en redressement provincial n’existe que depuis le 14 février 2011, date d’entrée en vigueur de la L.s.a, et peu de décisions portant sur l’article 450 L.s.a.Q. ont été rendues par les tribunaux. Il sera donc intéressant de constater dans quelle mesure l’arrêt Wilson sera appliqué dans le cadre d’un recours en redressement en cas d’abus de pouvoir ou d’iniquité. Considérant l’application de l’arrêt BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 19767 (« BCE ») au soutien de plusieurs recours en redressement8 de la loi provinciale, il est raisonnable de croire que l’arrêt Wilson pourra également être plaidé par les praticiens québécois dans le cadre d’un tel recours, considérant que BCE avait, lui aussi, été jugé sur le fondement de la L.c.s.a. Commentaires La Cour suprême aurait-elle facilité l’obtention d’une condamnation personnelle à l’égard d’un administrateur en établissant un test moins restrictif que celui prévu au Code civil ? En principe, sous le Code civil, un administrateur ne peut être tenu responsable des actes et des obligations de la société qu’il administre puisque cette dernière est distincte de ses membres9. Sans avoir recours à la levée du voile corporatif10, un recours peut toutefois être dirigé contre un administrateur lorsqu’il commet une faute extracontractuelle indépendante des obligations de la société ou en est complice. Un tel recours impose au demandeur d’établir la présence d’une faute11, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre ces deux derniers éléments. Or, comme il a été démontré dans l’affaire Multiver ltée c. Wood12, le fardeau de la preuve peut être lourd. En effet, un administrateur qui commet une faute dans le cadre de son mandat n’engage pas nécessairement sa responsabilité extracontractuelle13. Ensuite, bien que le soulèvement du voile corporatif puisse être envisagé, la jurisprudence14 a établi qu’il constitue un recours d’exception qui ne peut être invoqué que dans les cas où un administrateur dissimule une fraude, un abus de droit ou une contravention à une règle d’ordre public sous le couvert de la société. Dans les faits, il semble dorénavant qu’il sera plus facile de retenir la responsabilité personnelle d’un administrateur d’une société en vertu des lois régissant les sociétés par actions qu’en vertu du Code civil, dans la mesure où il existe une situation d’oppression ou d’abus dans cette société. Enfin, le test élaboré par Budd et repris par Wilson fait état de plusieurs indices permettant d’évaluer le caractère équitable d’une demande de redressement, notamment l’existence d’un bénéfice personnel. Or, le caractère non exhaustif de ces indices confère aux tribunaux un large pouvoir discrétionnaire relativement à la condamnation personnelle d’un administrateur. Les administrateurs devront donc redoubler de prudence et de diligence dans l’exécution de leurs fonctions, car leur responsabilité personnelle pourrait être plus facilement retenue à l’occasion d’un recours fondé sur les lois sur les sociétés fédérale et provinciale plutôt que sur le Code civil. Wilson c. Alharayeri, 2017 CSC 39. Budd c. Gentra Inc, 43 B.L.R. (2d) 27 (C.A. Ont.). L.R.C. (1985), ch. C-44. RLRQ, c. S-31.1. Paul Martel, La société par actions au Québec, vol. 1, Les aspects juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur, Martel Ltée, 2013, no. 31-506. Gagné Excavation ltée c. Vallières, 2015 QCCS 6223, par. 44. Voir aussi Groupe Renaud-Bray inc. c. Innovation FGF inc., 2014 QCCS 1683, par. 56. [2008] 3 R.C.S. 560. Voir notamment Groupe Renaud-Bray inc. c. Innovation FGF inc., 2014 QCCS 1683 et Langlois c. Langlois, 2015 QCCS 4203. 309 C.c.Q. 317 C.c.Q. Comme par exemple un manquement au devoir de prudence et de diligence en général, ou au devoir d’honnêteté et de loyauté envers la société (article 322 C.c.Q.). Multiver ltée c. Wood, 2015 QCCS 2847. Ibid, par. 73. Voir notamment Avi Financial Corporation (1985) inc. c. Pyravision Teleconnection Canada inc., 1998 CanLII 11474 (QCCS), par. 58.

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