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  • La conduite des voitures autonomes au Québec : plusieurs questions demeurent

    Selon une étude, 25 % des nouvelles voitures vendues dans l’ensemble du réseau mondial seront des voitures intelligentes dites autonomes d’ici 20351. Un groupe de recherche de l’université Princeton, aux États-Unis, évalue quant à lui que d’ici 2035-2050, plus de la moitié du parc automobile américain sera composé de ces automobiles autonomes2. Il existe présentement des voitures intelligentes sur le marché québécois, mais la conduite de voitures intelligentes dites autonomes aura sans aucun doute des répercussions sur plusieurs joueurs. Les voitures autonomes Les voitures intelligentes utilisent les technologies de l’information et de la communication dans des systèmes préventifs d’accident présentant un niveau d’automatisation variable. De manière simplifiée, l’automobile intelligente utilise un système de contrôle muni d’un algorithme qui prévoit comment l’automobile doit réagir. Ce système sophistiqué est connecté à des satellites et se maintient constamment à jour pour s’adapter aux nouvelles situations en enregistrant de nouveaux risques. Il existe six niveaux d’automatisation pour les voitures3 : niveau 0, c’est-à-dire aucune automatisation; niveau 1, procurant des fonctions d’assistance au conducteur; niveau 2, d’autonomie dite partielle, c’est-à-dire qui procure des fonctions d’assistance et d’accélération/décélération automatique, mais exige que le conducteur humain garde le contrôle sur toutes les fonctions de conduite dynamique; niveau 3, c’est-à-dire d’automatisation conditionnelle, qui propose des fonctions de conduite dynamiques exécutées par le système de contrôle, mais nécessitant que le conducteur humain demeure disponible en tout temps; niveau 4, c’est-à-dire d’automatisation importante, soit lorsque le système de contrôle d’un véhicule offre un contrôle total de toutes les fonctions de conduite, même en situation de sécurité critique; et niveau 5, d’automatisation complète, lorsqu’un véhicule exécute toutes les fonctions de conduite seul, sans possibilité pour l’humain d’intervenir. Les voitures sont dites autonomes à compter du niveau 3, lorsque le système de contrôle peut effectuer une conduite dynamique. La Loi sur l’assurance automobile du Québec La Loi sur l’assurance automobile du Québec (ci-après la « Loi ») prévoit un régime de responsabilité sans faute4. Ainsi, la Société de l’assurance automobile du Québec accorde des indemnités aux victimes d’accidents de voiture ayant subi un préjudice corporel sans égard à la responsabilité de quiconque. Selon la Loi, le propriétaire d’une voiture est toutefois responsable des dommages matériels causés par sa voiture et ne peut se décharger de cette responsabilité que s’il prouve la faute de la victime, celle d’un tiers ou la survenance d’un cas de force majeure. Or, il existe actuellement un flou juridique quant à la conduite des voitures autonomes au Québec, celle-ci n’étant à ce jour pas encadrée par la législation en vigueur. En 2016, un premier projet pilote régissant la conduite de voitures autonomes au Canada a été présenté par le gouvernement ontarien. En plus de prévoir un investissement de la province dans la recherche sur les automobiles autonomes, ce projet a donné lieu à une modification au Code de la route5 ontarien en y incorporant le Règlement 306/156. Bien que ce règlement autorise la conduite de voitures autonomes dans des situations précises, il n’a toutefois pas modifié le régime de responsabilité prévu à la loi ontarienne7. Il semble nécessaire d’encadrer la conduite de voitures autonomes au Québec. D’une part, cette activité n’y est pas encore encadrée par la loi. D’autre part, la conduite de ces voitures suscite de nombreuses questions quant à la responsabilité en cas d’accident. En effet, la responsabilité à la suite d’un accident causé lors de la conduite d’une automobile autonome sera-t-elle celle du fabricant automobile ou demeurera-t-elle celle du conducteur ? Qui assumera dorénavant ce risque ? La responsabilité du fabricant au Québec Au Québec, suivant le régime de la responsabilité du fabricant du Code civil du Québec8 et de la Loi sur la protection du consommateur9, une présomption existe à l’encontre du distributeur, du vendeur professionnel et du fabricant d’un bien lorsque l’acheteur de ce bien a établi que celui-ci a fait défaut ou s’est détérioré prématurément par rapport à un bien similaire, ce qui opère un déplacement du fardeau de preuve sur le fabricant. Afin de repousser cette présomption, un fabricant ne peut plaider l’ignorance du défaut ni même l’usure du bien. Seulement deux moyens de défense s’offrent à lui10 : la démonstration de la faute de l’acheteur ou d’un tiers, ou de la survenance d’un cas de force majeure; ou la preuve que l’état des connaissances scientifiques lors de la mise en marché du bien ne lui permettait pas de déceler un vice. Commentaires La question de savoir quand le transfert de responsabilité du conducteur d’un véhicule autonome vers le fabricant s’effectuera demeure nébuleuse pour l’instant. Il est toutefois à prévoir que le niveau de responsabilité du fabricant tendra à croître suivant l’accroissement du niveau d’utilisation de la technologie dans l’automatisation de la conduite d’un véhicule. En effet, la conception même de certaines voitures autonomes fait en sorte qu’elles ne peuvent plus être contrôlées par l’humain : celui-ci devient donc simple passager, la conduite étant dorénavant entièrement assurée par le système de contrôle du véhicule. Ainsi, la responsabilité entière lors d’un accident pourrait désormais reposer sur le fabricant de la voiture, mettant par le fait même en cause l’application du régime québécois de responsabilité du fabricant. Si la responsabilité des fabricants de voitures autonomes devait être engagée en cas d’accident automobile, les recours pourraient mener à des litiges pyramidaux complexes. En effet, la responsabilité des souscontractants du fabricant d’une voiture autonome, tels le concepteur de l’algorithme de la voiture et l’entreprise responsable de la transmission de données, pourrait possiblement être engagée. Le transfert de responsabilité vers les fabricants de voitures autonomes pourrait aussi avoir des répercussions en terme d’assurance. Tant la détermination des prestations d’assurance des conducteurs que des fabricants, que la souscription à des polices d’assurance par ces parties pourraient être affectées, le tout dépendant évidement de qui sera appelé à assumer le risque. La conduite de voitures autonomes pourrait également engendrer la venue de nouveaux joueurs en matière d’assurance automobile. Par exemple, Tesla propose présentement en Australie une police d’assurance adaptée à l’une de ses voitures intelligentes11. Conclusion Les statistiques en termes de nombre d’accident démontrent que la conduite de véhicules autonomes engendrera une baisse d’accidents de la route, ceux-ci étant présentement attribuables aux États-Unis dans une proportion de 93 % à des erreurs humaines12. La conduite de voitures autonomes changera la manière dont nous effectuons nos déplacements et aura certainement aussi des incidences sur la législation québécoise en matière de responsabilité en cas d’accident d’automobile. Boston Consulting Group, (2016), Autonomous Vehicle Adoption Study. Jane Bierstedt et al., (2014), Effects of Next-Generation Vehicles on Travel Demand and Highway Capacity, FP Think Working Group. Pilot Project - Automated Vehicles, O Reg 306/15, art 2. Loi sur l’assurance automobile du Québec, R.L.R.Q. c. A-25, art 108 et ss. Code de la route, L.R.O. 1990, c H.8. Pilot Project - Automated Vehicles, O Reg 306/15. Loi sur les assurances, LRO 1990, c I.8, art. 267.1. Code civil du Québec, R.L.R.Q. c. CCQ-1991, art. 1726 et ss. Loi sur la protection du consommateur, R.L.R.Q. c. P-40.1, art 38. ABB Inc. c. Domtar Inc., [2007] 3 RCS 461, par 72. Voir tesla.com John MADDOX, Improving Driving Safety Through Automation, Congressional Robotics Caucus, National Highway Traffic Safety Administration, 2012.

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  • L’assurance « pair à pair » : un retour aux sources… révolutionnaire ?

    Après l’hôtellerie, le transport de personnes et le financement de sociétés, le domaine de l’assurance pourrait être le prochain à voir son modèle d’affaires influencé par l’économie de partage. Dans les dernières années, de nombreuses jeunes entreprises se sont lancées dans l’assurance « pair à pair » (ci-après « P2P ») et dans les plateformes de partage de risques, alléguant réduire bureaucratie et coûts et assurer des risques que les marchés traditionnels ne couvrent pas. Bref survol de ce modèle d’affaires toujours discret au Québec et qui fait l’objet d’une mise en garde de l’Autorité des marchés financiers (« AMF »). Qu’est-ce que l’assurance P2P ? L’idée derrière les entreprises d’assurance P2P est simple : il s’agit de former des communautés d’utilisateurs ayant comme but d’assurer des biens semblables. Ce sont les utilisateurs qui déterminent quels risques associés à leurs biens seront couverts et c’est collectivement que la communauté décide de la recevabilité des réclamations. L’idée n’est pourtant pas si nouvelle. Après tout, il s’agit là d’un retour aux sources pour le milieu de l’assurance. Déjà, entre 1000 et 600 av. J-C, la Lex Rhodia — précurseur du droit maritime contemporain — prévoyait un mécanisme d’indemnisation pour avaries communes en vertu duquel un groupe de marchands expédiant leurs biens ensemble versaient chacun une somme avant le voyage servant à indemniser celui dont la cargaison se voyait larguée en mer pendant le transport afin d’assurer l’arrivée du navire — et du reste du chargement — à bon port1. Tel principe existe toujours dans le domaine de l’assurance maritime, mais le modèle d’affaires du domaine de l’assurance de biens et de l’assurance de personnes s’en est, depuis, quelque peu éloigné. Deux types d’entreprises P2P ont vu le jour dans les dernières années : celles qui agissent comme courtier auprès de compagnies d’assurance existantes et celles qui offrent une couverture indépendamment de toute autre compagnie. Les entreprises P2P allèguent que le processus simplifié qu’elles proposent permettrait de réduire le nombre d’intermédiaires entre l’utilisateur et le produit d’assurance et par ce fait même réduire les coûts, notamment ceux liés aux commissions des courtiers, aux frais administratifs et aux honoraires des experts en sinistres. Les entreprises P2P allèguent également qu’elles redonneraient aussi le contrôle des risques, des réclamations et même de l’indemnisation aux assurés. À cet égard, certaines plateformes ont créé des « tribunaux communautaires » constitués de « jurés » volontaires puisés au sein des membres qui décideront du bienfondé des réclamations et de l’indemnisation qui sera versée. C’est notamment le fonctionnement de l’entreprise P2P canadienne Besure2. Mise en garde de l’AMF Les consommateurs doivent néanmoins être vigilants. Au Québec, l’AMF a récemment mis en garde les utilisateurs potentiels de ces plateformes3. Elle rappelle que l’offre de services ou de produits d’assurance est une activité réglementée qui nécessite l’obtention d’un permis. De plus, les produits offerts doivent l’être conformément à la Loi sur la distribution de produits et services financiers. L’AMF en est encore à analyser les similitudes et les différences entre ces plateformes et les compagnies d’assurance. En attendant que l’AMF statue sur la conformité des plateformes P2P à la réglementation québécoise, des risques guettent les utilisateurs. Ces derniers pourraient, notamment, s’exposer à des pertes potentielles advenant le cas où le fonds d’indemnisation recueilli par les utilisateurs ne serait pas assez important pour couvrir l’entièreté de leurs dommages ou si la communauté refusait de les indemniser raisonnablement à la suite d’une perte. De plus, l’AMF recommande aux particuliers de vérifier si l’entreprise de partage des risques possède bel et bien un permis avant d’effectuer une transaction par l’entremise de celle-ci, puisqu’en cas d’insolvabilité de la communauté, les pertes des assurés pourraient ne pas être couvertes par le Fonds d’indemnisation des services financiers, qui ne protège que les consommateurs ayant souscrit à une assurance auprès d’un titulaire de permis. Quelques exemples hors Québec Bien que le phénomène de l’assurance P2P soit actuellement en vogue à l’étranger, il demeure pour l’instant discret au Québec. La plateforme canadienne Besure4, lancée en janvier 2016, reste un acteur marginal5. Celle-ci permet à ses utilisateurs de se rassembler en petits groupes afin de souscrire à diverses assurances et bénéficier d’une ristourne en l’absence de réclamations. Le fonctionnement de Besure est similaire à l’entreprise P2P allemande Friendsurance6. Ces deux entreprises, tout comme l’entreprise française Inspeer7 l’entreprise anglaise Guevara8, s’éloignent des données actuarielles et s’en remettent plutôt aux études comportementales pour fixer les primes d’assurance. En effet, leur concept repose sur une hypothèse : le caractère dissuasif du système communautaire, où tout le monde gagne à adopter un comportement prudent. Puisque le coût de la prime à payer pour faire partie d’un groupe dépend du comportement de ses membres, les entreprises P2P prétendent que les comportements plus risqués et les réclamations frauduleuses seraient découragés9. Malgré que le modèle P2P n’en soit qu’à ses balbutiements, la jeune entreprise new-yorkaise P2P en assurance de dommages Lemonade10 a pu amasser plus de treize (13) millions de dollars au cours de la dernière année, et ce, avant même de dévoiler son modèle d’affaires11. Plus loin, en Chine, les assurés de la compagnie TongJuBao12 contribuent à un bassin d’indemnisation et en obtiennent, au besoin suite à un sinistre, une somme aux termes de l’assurance qu’ils ont souscrite. Conclusion Les entreprises P2P promettent aux utilisateurs un système simplifié. Or, l’assurance P2P comporte également son lot d’inconvénients, notamment l’incertitude quant à la suffisance de fonds afin d’indemniser toute réclamation éventuelle, tant les petites que les plus importantes. L’objectif premier de l’assurance n’est-il pas, après tout, d’assurer l’indemnisation de toute perte couverte ? Bien que le phénomène demeure pour l’instant marginal et bien qu’aucune plateforme de partage des risques P2P n’ait encore reçu l’aval des autorités réglementaires québécoises à notre connaissance, le marché de l’assurance doit s’assurer de bien comprendre ces nouveaux joueurs et leur modèle d’affaires. Hudson, N. Geoffrey. The York-Antwerp Rules – The Principles and Practice of General Average Adjustment, 2e Ed., 1996, London, pp.1-2. https://www.besure.com/Home/HowItWorks Autorité des marchés financiers, « Prudence à l’égard des plateformes de partage de risques entre particuliers (« peer to peer risk sharing ») », 19 avril 2016. https://www.besure.com À notre connaissance, Besure ne possède pas encore de permis émis par l’AMF. http://friendsurance.com https://www.inspeer.me https://heyguevara.com Zack Guzman, « The social(ist) revolution coming for insurance », CNBC, 18 juillet 2015. http://lemonade.com Jacqueline Nelson, « Regulator eyes peer-to-peer insurance start-ups, warns of potential risk », The Globe and Mail, 24 avril 2016. http://www.tongjubao.com/en

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  • À louer (à vos risques) : L’assurance habitation à l’ère de l’économie de partage

    Pour plusieurs, il est difficile aujourd’hui de planifier ses vacances sans envisager l’utilisation de plateformes communautaires de location résidentielle. Pour les locateurs, il peut être tout aussi difficile de ne pas être attiré par la perspective d’augmenter ses revenus en affichant sa chambre, son appartement, sa maison ou son chalet sur des sites tels Airbnb, Homeaway et Chaletsauquébec. Offrant, dans certains cas, des prix avantageux par rapport aux hôtels et faisant miroiter la possibilité de se sentir chez soi à des kilomètres de la maison, c’est sans surprise que ces entreprises voient leur nombre d’utilisateurs augmenter chaque année. Or, la discordance entre les produits d’assurance habitation disponibles au Québec et les réalités de l’économie de partage, souvent combinée à l’incompréhension de la part des hôtes des formalités de la loi en matière d’assurance, pourrait réserver de bien mauvaises surprises aux utilisateurs de ces plateformes communautaires. Divulgation du risque Le Code civil du Québec prévoit que l'assuré est tenu de promptement déclarer à son assureur toute circonstance susceptible d'aggravation des risques stipulés dans la police d'assurance et pouvant influencer le taux de la prime, l'appréciation du risque ou le maintien de la police1. En cas de défaut, l'indemnité pouvant être perçue par l'assuré pourra être réduite, la réclamation exclue, voire la police annulée. La Cour supérieure du Québec s'est récemment penchée sur la question dans une affaire impliquant un couple qui avait loué son chalet à quelques reprises et ce, sans le déclarer à son assureur2. Bien que le sinistre dans cette affaire n'ait pas eu lieu lors d'une telle location, la Cour a confirmé que la location du chalet via l'affichage sur Internet aurait dû être mentionnée à l'assureur, celle-ci constituant une aggravation du risque. Le couple en question a donc vu l'indemnité qui aurait dû lui être versée réduite en fonction du montant de la prime qu'il aurait alors dû payer. Dans ce contexte, les hôtes actuels et potentiels doivent non seulement prévoir les conséquences que pourraient avoir leurs activités locatives sur leur couverture d'assurance, mais également s'assurer qu'ils seront bel et bien couverts en cas de dommage subi lors de ces activités et ce faisant, de respecter la loi. Une réglementation plus stricte Au Québec, le Règlement sur les établissements d'hébergement touristique a été modifié par l'entrée en vigueur, en avril 2016, de la Loi visant principalement à améliorer l'encadrement de l'hébergement touristique et à définir une nouvelle gouvernance en ce qui a trait à la promotion internationale afin de répondre aux nouvelles réalités du marché et à l'arrivée des nouveaux joueurs issus de l'économie de partage. Le législateur québécois fait désormais une distinction entre les offres de location occasionnelles et les offres de location régulières. Les premières sont dispensées de l'obtention d'un permis. Ces offres occasionnelles doivent cependant clairement refléter le caractère exceptionnel de la location, et toute répétition de l'offre sera considérée comme étant régulière. Quant aux hôtes qui offrent régulièrement leur résidence sur des plateformes communautaires de location résidentielle, ils doivent dorénavant se conformer aux règles d'exploitation d'un établissement d'hébergement touristique3. Selon la nouvelle réglementation en vigueur, ces hôtes doivent notamment obtenir une attestation de la Corporation de l'industrie touristique4 et s'assurer que les règles de zonage leur permettent d'exercer ce type d'activité commerciale5. De plus, les hôtes doivent prélever des taxes aux voyageurs et déclarer leurs revenus. Finalement, l'obtention d'une assurance responsabilité civile de 2 millions de dollars couvrant les risques liés à l'exploitation de l'établissement d'hébergement touristique est dorénavant obligatoire6. Plateformes similaires, couvertures inégales Parmi les plateformes les plus populaires, seule Airbnb offre une protection « par défaut » à ses hôtes. La « Garantie hôte », en vigueur depuis 2011, permet d'indemniser les hôtes en cas de dommages matériels causés par les voyageurs dans leur logement à hauteur de 1 million de dollars, notamment lorsque les dommages ne sont pas couverts par les assurances personnelles des hôtes. Cette garantie s'applique, que l'hôte soit locataire ou propriétaire du logement affiché. La « Garantie hôte » s'accompagne toutefois de plusieurs conditions et exclusions, notamment que l'hôte doit avoir préalablement tenté de contacter le voyageur afin de lui demander un remboursement avant d'être indemnisé aux termes de cette garantie7. Depuis le 22 octobre 2015, les hôtes canadiens sur Airbnb sont également couverts par le programme « Assurance hôte » qui vise à les protéger en cas de poursuites engagées par des tiers pour préjudice corporel ou dommage matériel lors d'un séjour8. Au Canada, la limite est de 1 million de dollars par sinistre, par année9. Cette couverture est donc actuellement insuffisante pour répondre aux nouvelles exigences du législateur québécois en ce qui a trait aux hôtes « réguliers », car ceux-ci sont désormais considérés comme exploitant un établissement d'hébergement touristique. Un marché lacunaire Les exigences de la loi s'alourdissent en matière d'exploitation d'établissements d'hébergement touristique. À lui seul, le programme « Assurance hôte » offert par Airbnb n'est pas suffisant pour que les hôtes « réguliers » respectent les nouvelles exigences québécoises en matière d'hébergement touristique. Malgré cela, un récent sondage effectué par la firme Léger pour le compte de la Chambre d'assurance de dommages révèle que 44 % des Québécois participant à l'économie de partage n'ont pas avisé leur compagnie d'assurance de ce fait10. Cette réticence peut peutêtre s'expliquer par le fait que s'il est plutôt simple pour les hôtes qui sont propriétaires du logement offert en location d'ajuster leur police d'assurance résidentielle afin de tenir compte des locations, la situation est beaucoup plus complexe pour les locataires. En effet, la plupart des produits d'assurance offerts aux locataires ne couvrent actuellement aucun dommage pouvant résulter de la sous-location touristique, même occasionnelle. Conclusion Le marché de l'assurance résidentielle n'est pas encore tout à fait adapté aux nouvelles réalités de l'économie de partage. Bien que certaines compagnies d'assurance, ici ou ailleurs, proposent désormais des produits novateurs pouvant répondre aux besoins particuliers des hôtes occasionnels (comme, par exemple, une assurance qui ne couvrirait que les jours où il y a location), les grands joueurs de l'industrie, du moins au Canada, ont peine à s'ouvrir à ce nouveau marché. Quant aux hôtes, il est primordial pour eux de divulguer à leurs assureurs toute augmentation du risque et tout changement dans l'utilisation de leur logement, d'autant plus qu'au Québec, la location touristique régulière à court terme est désormais considérée comme une activité commerciale. En effet, bien que certaines plateformes offrent une protection de base à leurs utilisateurs, celle-ci pourrait se révéler insuffisante – voire inapplicable – dans bien des cas. Art. 2408 CcQ. Leblanc c. Axa Assurances inc., 2014 QCCS 4393. Un établissement qui offre, contre rémunération, l’hébergement à des touristes. Voir l’article 1 de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique, et l’article 1 du Règlement sur les établissements d’hébergement touristique.  Art. 6 de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique. Voir également le Guide d’interprétation de la Loi et du Règlement sur les établissements d’hébergement touristique. Guide d’interprétation de la Loi et du Règlement sur les établissements d’hébergement touristique. Art. 11.1, Règlement sur les établissements d’hébergement touristique. https://www.airbnb.fr/terms/host_guarantee https://www.airbnb.fr/host-protection-insurance Ibid. http://www.chad.ca/fr/membres/publications/actualites

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  • Le droit aux indemnités en cas de retrait préventif de l’article 36 LSST ne s’applique pas à une entreprise de juridiction fédérale : l’affaire Éthier c. Commission des lésions professionnelles

    La décision de la Cour supérieure du Québec Éthier c. Commission des lésions professionnelles1 traite du droit de retrait préventif de la travailleuse enceinte dans le contexte d’une travailleuse à l’emploi d’une entreprise de juridiction fédérale. Dans cette affaire, des questions de compétence constitutionnelle ont été soulevées et la Cour a confirmé que l’article 36 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (« LSST »)2 ne s’applique pas aux entreprises de juridiction fédérale et qu'une travailleuse qui se prévaut de son droit de retrait préventif en vertu du Code canadien du travail (le « C.C.T. »)3 n’a pas droit au versement d’une indemnité de remplacement du revenu en vertu du régime provincial, indépendamment du fait que le régime fédéral ne prévoit aucune indemnisation. LES FAITSMme Éthier travaille pour la Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada (le « CN »), une entreprise de juridiction fédérale. En août 2011, alors qu’elle est enceinte, elle présente une demande à la Commission de la santé et de la sécurité du travail (« CSST ») en vertu du programme « Pour une maternité sans danger ». Par la suite, un médecin recommande qu’en raison de son état, elle soit affectée à des tâches ne comportant pas de danger physique ou, à défaut, qu’elle puisse bénéficier d’un retrait préventif à compter de la 20e semaine de grossesse. Son employeur l’informe qu’il ne peut modifier son poste et qu’il ne peut la réaffecter à d’autres tâches. Par conséquent, Mme Éthier se prévaut du retrait préventif de la femme enceinte prévu aux articles 132, 205 (a) et 205.1 C.C.T. Par la suite, la CSST informe Mme Éthier qu’elle n’est pas admissible au régime de retrait préventif prévu à la LSST, puisque celui-ci ne s’applique pas aux entreprises de juridiction fédérale. Par conséquent, la CSST l’informe qu’elle n’a pas droit aux indemnités de remplacement du revenu versées en vertu de l’article 36 de la LSST. Mme Éthier demande une révision de cette décision et, par la suite, elle conteste la décision de la Direction de la révision administrative de la CSST devant la Commission des lésions professionnelles (« CLP »). Les deux instances ayant rejeté ses requêtes, elle demande à la Cour supérieure de réviser la décision rendue par la CLP4.LA DÉCISION DE LA COUR SUPÉRIEURELa Cour supérieure devait déterminer si le régime d’indemnisation de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles5 (« LATMP ») est, par l’effet de l’article 131 C.C.T., constitutionnellement applicable à la travailleuse enceinte à l’emploi d’une entreprise de juridiction fédérale qui se prévaut du droit de retrait préventif. L’article 131 du C.C.T. se lit comme suit :« 131. [Maintien des autres recours] Le fait qu’un employeur ou un employé se soit conformé ou non à quelque disposition de la présente partie n’a pas pour effet de porter atteinte au droit de l’employé de se faire indemniser aux termes d’une loi portant sur l’indemnisation des employés en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail, ni de modifier la responsabilité ou les obligations qui incombent à l’employeur ou à l’employé aux termes d’une telle loi. »Devant la Cour supérieure, Mme Éthier a prétendu qu’une travailleuse enceinte oeuvrant pour une entreprise de juridiction fédérale doit bénéficier du même avantage qu’une travailleuse enceinte oeuvrant pour une entreprise de juridiction provinciale et donc, recevoir une indemnité de remplacement du revenu suite à l’exercice du droit de retrait préventif. Elle prétend que l’article 131 C.C.T. est un renvoi interlégislatif aux dispositions de la LATMP ayant pour effet de donner à l’employée de l’entreprise fédérale le droit à une indemnité de remplacement du revenu. La Cour supérieure confirme la décision de la CLP et rejette la requête de Mme Éthier. Renvoyant à l’arrêt de la Cour suprême du Canada Bell Canada c. Québec (CSST)6, la Cour supérieure refuse de s’écarter d’une jurisprudence bien établie selon laquelle la LSST ne s’applique pas aux entreprises de juridiction fédérale. Elle juge que l’article 131 C.C.T. ne fait aucun renvoi à la LATMP ni à la LSST; or, un renvoi interlégislatif doit être explicite. De plus, le libellé de l’article 132 C.C.T., qui prévoit le droit de la travailleuse enceinte de cesser d’exercer ses fonctions si elle croit que la poursuite de tout ou partie de celles-ci peut, en raison de sa grossesse, constituer un risque pour sa santé ou celle du foetus, confère à la travailleuse un droit unilatéral de cesser d’exercer ses fonctions. À sa face même, cette disposition est incompatible avec toute forme d’indemnité de remplacement du revenu en vertu du régime provincial. Même en interprétant l’article 131 C.C.T. d’une manière souple, il ne peut être question de renvoi interlégislatif clair aux dispositions de la LATMP permettant l’indemnisation des travailleuses enceintes employées d’une entreprise fédérale.NOS COMMENTAIRESLes développements de cette affaire restent à suivre, car le 16 avril 2014, la Cour d’appel du Québec a accordé à Mme Éthier la permission d’en appeler de la décision de la Cour supérieure. La Cour d’appel est saisie des questions suivantes, qui seraient nouvelles et jamais débattues devant elle ou la Cour suprême du Canada :a) Les modifications législatives apportées au C.C.T. depuis 1993 et les arrêts de la Cour suprême du Canada dans Banque Canadienne de l’ouest c. Alberta7, Tessier Ltée c. Québec (CSST)8, Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association9, Marine Services International c. Ryan10 et Martin c. Alberta (Worker’s Compensation Board)11justifient-ils la remise en question du principe selon lequel les articles 36, 40, 41 et 42 de la LSST ne sont pas applicables à une entreprise fédérale?b) L’article 131 du C.C.T. constitue-t-il une clause de renvoi interlégislatif permettant l’indemnisation d’une travailleuse enceinte ou qui allaite en vertu de l’article 36 de la LSST et de la LATMP même si elle est employée par une entreprise fédérale?Ces questions présenteraient « un intérêt général pour tous les travailleurs et travailleuses et les entreprises relevant de la compétence fédérale12».Pour leur part, le CN, la CSST et le procureur général du Québec estiment que la jurisprudence de la Cour suprême dans l’arrêt Bell Canada13 fait toujours autorité et que les articles 33, 36, 37 et 40 à 45 de la LSST sont inapplicables à une entreprise fédérale.Lavery vous tiendra informé du sort de cet appel._________________________________________1 2014 QCCS 1092 (requête pour permission d’appeler accueillie (C.A., 2014-04-16), 2014 QCCA 793). Notons qu’en date du 16 juillet 2014, aucune décision n’a été rendue par la Cour d’appel dans ce dossier.2 RLRQ c. S-2.1. (« LSST »).3 LRC 1985, c. L-2 (« C.C.T. »).4 Éthier et Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada, 2013 QCCLP 4672.5 RLRQ c. A-3.001 (« LATMP »). Ce régime s’applique au retrait préventif en vertu des articles 36 et 42 de la LSST.6 [1988] 1 R.C.S. 749 (« Bell Canada »).7 2007 CSC 22.8 2012 CSC 23.9 2010 CSC 39.10 2003 CSC 44.11 2014 CSC 25.12 Éthier c. Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada, 2014 QCCA 793, par. 2. 1 3 Préc., note 6.

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  • Droit de refus et retrait préventif : l’arrêt Dionne c. Commission scolaire des Patriotes

    Au Québec, la Loi sur la santé et la sécurité du travail1 (la « LSST ») a pour objet l’élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs. Récemment, la Cour suprême du Canada a rendu une décision dans l’affaire Dionne c. Commission scolaire des Patriotes2portant sur le droit que confère la LSST à un travailleur3 de refuser d’exécuter un travail s’il a des motifs raisonnables de croire que l’exécution de ce travail l’expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou peut avoir l’effet d’exposer une autre personne à un semblable danger4.Cette décision unanime des juges de la Cour suprême du Canada clarifie la portée du droit de la femme enceinte de refuser de travailler dans le contexte particulier d’un statut d’emploi précaire, soit, en l’occurrence, le statut d’enseignante suppléante occasionnelle.LE DROIT DE REFUS ET LE RETRAIT PRÉVENTIF DE LA FEMME ENCEINTE : NOTIONS JURIDIQUESDans le cas plus spécifique de la travailleuse enceinte, la LSST prévoit la possibilité d’un retrait préventif lorsque la travailleuse fournit à son employeur un certificat attestant que les conditions de son travail comportent des dangers physiques pour son enfant à naître ou pour elle-même, en raison de son état de grossesse5. Dans un tel cas, la travailleuse enceinte peut demander d’être affectée à d’autres tâches qui ne comportent pas de tels risques et qu’elle est raisonnablement en mesure d’accomplir. Si l’employeur ne donne pas ou ne peut donner suite à cette demande, la travailleuse peut exercer son droit de refuser de travailler jusqu’à ce qu’elle puisse être affectée à des tâches qui respectent sa condition ou jusqu’à la date de son accouchement6. La travailleuse en retrait préventif est réputée être au travail et conserve tous les avantages liés à l’emploi qu’elle occupait avant son affectation à d’autres tâches ou son retrait du travail7. Elle a aussi droit à sa pleine rémunération pendant les cinq premiers jours ouvrables de son retrait du travail et reçoit, par la suite, 90 % de son salaire net pour les jours où elle aurait normalement travaillé, n’eut été son retrait préventif8. Ces indemnités de remplacement du revenu sont versées à la travailleuse par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la « CSST »).LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA DANS L’ARRÊT DIONNELES FAITSEn 2006, Mme Dionne est une enseignante suppléante inscrite sur la liste des suppléants de la Commission scolaire des Patriotes (la « Commission scolaire»). Une convention collective oblige la Commission scolaire à utiliser les enseignants qui se trouvent sur cette liste lorsqu’elle a besoin de suppléants, lui laissant le choix des enseignants. Mme Dionne a travaillé fréquemment depuis qu’elle est inscrite sur cette liste de rappel, de sorte qu’en 2006, elle a presque travaillé à temps plein. En septembre 2006, elle apprend qu’elle est enceinte. Peu de temps après, son médecin l’informe qu’elle est vulnérable à un virus contagieux qui peut causer du tort au foetus. Parce que ce virus peut se propager par des groupes d’enfants, son médecin remplit deux certificats visant le retrait préventif et la réaffectation, confirmant que son lieu de travail présente un risque pour la santé. Mme Dionne remet ces certificats à la CSST, qui l’informe qu’elle sera admissible à un retrait préventif le jour où elle « sera appelée au travail par [son] employeur pour effectuer un contrat »9. Mme Dionne reçoit plusieurs offres de suppléance de la Commission scolaire en novembre 2006, qu’elle accepte toutes, mais elle n’est jamais affectée à d’autres tâches qui ne présentent pas de risque pour le foetus.La CSST rend une décision déclarant que Mme Dionne a droit à des indemnités de remplacement du revenu liées à son retrait préventif. Cette décision est contestée par la Commission scolaire devant la Commission des lésions professionnelles (la « CLP »), laquelle annule la décision de la CSST10. Dans sa décision, la CLP juge que puisque Mme Dionne ne peut entrer dans l’école en raison des risques pour sa santé, elle était incapable d’effectuer la tâche d’enseignante suppléante et qu’aucun contrat de travail n’a pu être formé. Plus précisément, la CLP juge que l’incapacité de Mme Dionne l’empêchait de fournir la prestation de travail nécessaire à la formation d’un contrat de travail au sens du Code civil du Québec11 (le « C.c.Q. »). Conséquemment, elle ne pouvait être considérée comme un « travailleur » au sens de la LSST ni être admissible à un retrait préventif et aux indemnités qui en découlent. La Cour supérieure confirme la décision de la CLP12. La Cour d’appel fait de même, bien qu’avec une dissidence13.LA DÉCISION DE LA COUR SUPRÊME DU CANADASe basant sur les objectifs et le contexte de la LSST, la Cour suprême du Canada accueille le pourvoi. La Cour rappelle que la LSST a pour objet l’élimination à la source même des dangers pour la santé, l’intégrité et la sécurité des travailleurs14. Après avoir passé en revue les principes applicables au droit de refus prévu à la LSST, la Cour précise que le refus d’exécuter un travail dangereux ne doit pas être considéré comme un refus d’exécuter un contrat de travail, mais plutôt comme « l’exercice d’une protection législative15 ». La LSST étant d’ordre public, ce droit de refus est automatiquement incorporé dans tout contrat de travail16. Quant aux femmes enceintes, la LSST les protège de deux façons importantes : elle protège leur santé en remplaçant des tâches dangereuses par des tâches sécuritaires et elle protège leur emploi en leur assurant la sécurité financière et la sécurité d’emploi17.La Cour reconnaît que pour être considéré un « travailleur » au sens de la LSST, il doit exister un « contrat de travail ». Puisque cette notion n’est pas définie à la LSST, la Cour renvoie à la définition de contrat de travail prévue à l’article 2085 du C.c.Q. Dans le cas de Mme Dionne, la présence d’un danger sur le lieu de travail fait-elle obstacle à la formation d’un contrat de travail ? La CLP a jugé que puisque Mme Dionne ne pouvait entrer sur le lieu de travail pour enseigner, l’élément essentiel de la prestation de travail faisait défaut et aucun contrat de travail ne pouvait être formé. Selon la Cour suprême, cette décision est déraisonnable.La notion de « travailleur » contenue à la LSST doit être distinguée de la notion de « contrat de travail » prévue au C.c.Q. Plusieurs indices témoignent de l’intention du législateur de rejoindre, par la LSST, un ensemble de travailleurs plus large que celui qui est visé par le terme « employé » dans le C.c.Q. L’exigence d’une prestation de travail doit être interprétée de manière à donner un sens au droit de refus prévu à la LSST. Selon la Cour, cette exigence sera respectée même si, après la formation du contrat, le travailleur se retire du lieu de travail pour des raisons de santé et de sécurité puisque, dès lors, la LSST présume qu’il est « au travail »18. Par conséquent, lorsque Mme Dionne a accepté l’offre de suppléance de la Commission scolaire, un contrat de travail a été formé et elle est devenue une travailleuse au sens de la LSST. Sa grossesse n’était pas une incapacité qui l’empêchait d’exécuter son travail; c’est plutôt le lieu de travail dangereux qui l’en empêchait, ce qui a rendu applicable son droit de faire remplacer ce travail par un autre sans danger ou de refuser de travailler19. Le refus d’exécuter un travail dangereux n’est pas un refus d’exécuter un contrat de travail; c’est l’exercice d’un droit prévu par la LSST. La décision de la CLP avait pour effet « anormal » de placer certaines femmes dans la position intenable d’avoir à choisir entre la conclusion d’un contrat de travail et la protection de leur santé et de leur sécurité ou de celle de leur foetus.NOS COMMENTAIRESCette décision aura probablement des répercussions importantes sur les travailleurs à statut occasionnel et les employeurs du secteur de l’éducation québécois. L’interprétation large et libérale faite par la Cour suprême du Canada des droits et protections prévus à la LSST a notamment pour effet d’étendre le droit de refus des travailleurs et les indemnités qui y sont associées aux travailleurs occasionnels qui se voient offrir un travail, qu’ils puissent l’exécuter ou non; le travailleur peut l’accepter et ensuite refuser de s’exécuter en invoquant un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique._________________________________________1 RLRQ c. S-2.1 (la « LSST »).2 2014 CSC 33 (« Dionne »).3 À des fins de commodités, sauf dans les cas où il est spécifiquement question de la travailleuse enceinte, nous n’utilisons que le masculin pour désigner le masculin et le féminin.4 LSST, article 12.5 Id., article 40. Voir également le Règlement sur le certificat délivré pour le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite, RLRQ c. S-2.1, r. 3.6 LSST, article 41.7 Id., articles 14 et 43.8 Id., article 36.9 Id., par. 10.10 Commission scolaire des Patriotes et Dionne, 2008 QCCLP 3215.11 RLRQ c. C-1991, article 2085 (« C.c.Q. »).12 Dionne c. Commission des lésions professionnelles, 2010 QCCS 1550.13 Dionne c. Commission scolaire des Patriotes, 2012 QCCA 609.14 LSST, article 2.15 Dionne, préc., note 2, par. 22, citant Bell Canada c. Québec (CSST), [1988] 1 R.C.S. 749, p. 801.16 LSST, article 4.17 Dionne, préc., note 2, par. 30.18 Id., par. 38.19 Id., par. 43.

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