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  • La vente sans garantie légale et aux risques et périls de l’acquéreur : la clarté s’impose!

    Le 15 juillet 2022, le juge François Lebel de la Cour du Québec a rendu une décision1 confirmant que dans le cadre d’une vente immobilière, une clause d’exclusion de garantie aux risques et périls de l’acquéreur, claire et non ambiguë, entraîne une rupture dans la chaîne de titres qui empêche l’acquéreur d’intenter tout recours fondé sur cette garantie contre son vendeur et contre les vendeurs précédents. Le juge Lebel a ainsi déclaré irrecevable la demande introductive d’instance contre les défendeurs Marshall et Bergeron et a rejeté l’appel en garantie. La décision s’arrime avec le récent arrêt Blais2rendu en mai 2022 par la Cour d’appel du Québec ayant clarifié l’état du droit sur l’impact de la présence de l’exclusion de la garantie légale dans un cadre de ventes successives. Les faits En mars 2009, le défendeur Bergeron vend un immeuble à logements (ci-après l’« Immeuble ») aux défendeurs  Marshall, avec la garantie légale de qualité. En mai 2012, les Marshall vendent à leur tour l’Immeuble aux défendeurs Hamel et Drouin, toujours avec la garantie légale de qualité. En décembre 2016, les défendeurs Hamel et Drouin revendent l’Immeuble à la demanderesse, mais cette fois-ci « sans la garantie légale de qualité, aux risques et périls de l’acquéreur, mais avec la garantie quant aux titres ». À l’automne 2020, la demanderesse procède à des travaux de réfection des drains agricoles. C’est à cette occasion qu’elle constate la présence d’hydrocarbures pétroliers dans les sols situés sous les fondations de l’Immeuble, rendant le sol non conforme pour un usage résidentiel. Selon un rapport d’expertise, la contamination alléguée provient de la présence antérieure d’un réservoir d’huile à chauffage situé dans une remise à l’arrière de l’Immeuble. Ce réservoir aurait été retiré avant la vente de décembre 2016. La demanderesse demande la diminution du prix de vente et la condamnation solidaire des défendeurs Hamel et Drouin et des deux vendeurs antérieurs, les défendeurs Marshall et Bergeron. Elle invoque la garantie de qualité prévue aux articles 1726 et suivants du Code civil du Québec (C.c.Q.) et la garantie contre les limitations de droit public prévue à l’article 1725 C.c.Q. La demanderesse se dit également victime d’un dol de la part des défendeurs Hamel et Drouin. Après avoir été appelés en garantie par les défendeurs Hamel et Drouin, les défendeurs Marshall demandent le rejet de la demande principale et de la demande en garantie. Ils allèguent que la vente de l’Immeuble entre les défendeurs Drouin et Hamel et la demanderesse a été faite aux risques et périls de l’acquéreur et qu’une telle mention dans un acte de vente postérieur rompt de façon irrémédiable la chaîne de titres, faisant échec à tout recours de la demanderesse contre son vendeur et les vendeurs antérieurs. Le droit et l’importance d’une clause claire L’article 1442 C.c.Q., qui codifie les principes découlant de l’arrêt Kravitz3 permet en principe à l’acheteur de rechercher la responsabilité des vendeurs antérieurs à son propre vendeur. Toutefois, pour que ce recours soit valide, il doit être démontré : que le vice existait au moment où les vendeurs antérieurs étaient propriétaires de l’immeuble; et que le droit à la garantie légale s’est transmis jusqu’à la demanderesse par les ventes subséquentes. En effet, le recours direct de l’acquéreur d’un immeuble contre un vendeur précédent existe conformément à l’article 1442 C.c.Q. Il présuppose toutefois que le droit à la garantie légale s’est transmis entre chaque propriétaire, et ce, jusqu’à l’acquéreur actuel qui tenterait de déposer un recours en vices cachés. Autrement dit, la garantie légale doit avoir été transmise entre chaque propriétaire, soit à travers la chaîne de titres. Dans l’arrêt Blais, la Cour d’appel confirme qu’une clause d’exclusion de garantie qui ne souffre d’aucune ambiguïté entraîne une rupture dans la chaîne de titres. Une telle clause a donc pour conséquence de priver l’acheteur d’un immeuble d’un recours direct contre les anciens propriétaires qui ont vendu l’immeuble avec la garantie légale. Suivant l’arrêt Blais, il est maintenant clair qu’une telle clause d’exclusion de la garantie légale ferme la porte à tout recours direct contre les auteurs d’un vendeur, même si ceux-ci ont vendu l’immeuble avec les garanties légales4. Dans ces circonstances, celui qui acquiert l’immeuble à ses risques et périls est privé d’un droit d’action direct contre les vendeurs antérieurs dans la mesure où la clause de limitation de garantie à l’acte de vente est claire et non équivoque. En l’espèce, le juge Lebel considère que la formulation de la clause d’exclusion de garantie à l’acte de vente qui lie la demanderesse est claire et non ambiguë et qu’une vente « aux risques et périls » de l’acheteur écarte tant la garantie de qualité que la garantie de propriété qui couvre les limitations de droit public sous l’article 1725 C.c.Q. Le juge Lebel mentionne qu’il y a rupture dans la chaîne de titres créée par la vente aux risques et périls de l’acheteur et que la demanderesse ne peut prétendre qu’il subsiste un droit d’action direct contre les vendeurs au-delà des défendeurs Hamel et Drouin. Il donne donc raison aux défendeurs Marshall et Bergeron et déclare irrecevable la demande introductive d’instance contre eux. Ce qu’il faut retenir Pour qu’une clause d’exclusion de garantie dans un contrat de vente soit valide, elle doit être claire et non ambiguë; La mention qu’une vente se fait « aux risques et périls de l’acheteur » écarte de façon complète tant la garantie de qualité prévue par l’article 1726 C.c.Q que la garantie de propriété prévue par l’article 1725 C.c.Q.; Un contrat de vente comportant une clause d’exclusion de garantie valide ET une mention que la vente est faite « aux risques et périls de l’acheteur » fait échec à tout recours de l’acheteur contre le vendeur, mais aussi contre les vendeurs antérieurs. Dans le contexte actuel du marché immobilier québécois, la décision Hamel, qui s’arrime avec les enseignements de la Cour d’appel dans Blais, a le mérite de clarifier l’application des courants jurisprudentiels établis pendant les dernières années et notamment l’effet de la clause de limitation de garantie sur les ventes successives. Nos membres de l’équipe Litige et règlements des différends demeurent disponibles pour vous conseiller et répondre à vos questionnements. 9348-4376 Québec inc. c. Hamel, 2022 QCCQ 5217 Blais c. Laforce, 2022 QCCA 858. General Motors Products of Canada Ltd c. Kravitz, [1979] 1 R.C.S. 790 Préc. note 1, par. 6 et 8.

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  • La fiducie en droit familial : êtes-vous vraiment à l’abri?

    Bien que la fiducie soit un outil précieux de planification financière, fiscale et successorale, permet-elle de mettre certains biens « à l’abri » des règles d’ordre public qui s’appliquent en matière familiale ? Qu’est-ce qu’une fiducie ? La fiducie est une disposition juridique permettant à une personne de transférer la propriété d’un ou de plusieurs de ses biens à une fiducie pour que celle-ci les administre dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires. Les biens transférés forment donc un patrimoine autonome et distinct de celui de l’auteur du transfert. Même s’il existe plusieurs types de fiducies, celle créée pour protéger ses actifs contre des créanciers futurs est appelée fiducie de protection d’actifs. Cependant, le transfert de certains biens du patrimoine familial ou de la société d’acquêts dans une fiducie pendant le mariage ou l’union civile ne soustrait pas automatiquement ceux-ci aux règles du Code civil du Québec. Les effets obligatoires du mariage ou de l’union civile... vous n’y échapperez pas! Tout comme les biens transférés dans une société par actions, ceux transférés à la fiducie ne font plus partie du patrimoine personnel de l’auteur du transfert. Lorsque s’ouvre le droit au partage du patrimoine familial, par exemple, lors d’un divorce, est-ce que l’époux(se) peut encore faire valoir son droit de créance de la moitié de la valeur nette de la résidence familiale dont la propriété a été transférée à la fiducie ? Qu’advient-il d’un bien qui aurait fait partie du patrimoine familial ou de la société d’acquêts, n’eût été son transfert dans une fiducie ? Le droit de la famille prévoit plusieurs effets obligatoires du mariage, comme la constitution par le mariage d’un patrimoine familial composé de certains biens appartenant à l’un ou l’autre des époux, soit les résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage, les meubles ornant ces résidences et les véhicules qui servent à l’usage de la famille. Même si en pratique, l’outil fiduciaire peut être utilisé pour masquer la réalité des actifs et contourner des règles juridiques en matière familiale, les tribunaux peuvent avoir recours à certains mécanismes juridiques afin d’empêcher cette tentative de contournement des règles qui visent à protéger le conjoint vulnérable. Les tribunaux peuvent lever le voile fiduciaire, c’est-à-dire de considérer que le patrimoine de la fiducie n’est pas distinct de l'auteur du transfert des biens. Ce mécanisme a pour effet de ramener dans le patrimoine du conjoint qui est l'auteur du transfert les biens qui auraient autrement composé le patrimoine familial ou la société d’acquêts et qui ont fait l’objet d’un transfert à la fiducie. Ce procédé permettrait alors le partage de la valeur de ces biens entre les époux ou les conjoints unis civilement. Les tribunaux accorderont une grande importance à la façon dont les biens transférés à la fiducie ont été employés durant le mariage, à la façon dont les parties ont agi au moment de la création de la fiducie et durant son existence ou aux ententes souscrites par eux. Des leçons à tirer ? Il faut retenir que c’est la nature de la preuve administrée qui permettra au tribunal de déterminer si le conjoint a créé la fiducie dans le but de se soustraire aux effets obligatoires du mariage ou de l’union civile. Lors de la création de la fiducie, il pourrait être opportun de demander un mémorandum fiscal expliquant le contexte et le but poursuivi par celle-ci, par exemple la mise en place dans un contexte de gel successoral. Le préambule de l’acte de fiducie devient également un outil précieux lorsque vient le temps d’analyser l’intention des parties au moment de la constitution de la fiducie. Bien que la fiducie puisse s’avérer un mécanisme intéressant, notamment pour des motifs de protection d’actifs, il faut garder à l’esprit que celle-ci doit être utilisée dans le respect des règles d’ordre public en matière familiale.

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