En appel d’un jugement sur requête de type Wellington

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La Cour d'appel du Québec se prononce sur la permission d'appeler d'un jugement interlocutoire rejetant une requête de type Wellington, visant à enjoindre un assureur d'assumer la défense d'un assuré.

La décision Technologies CII inc. c. Société d'assurances générales Northbridge1 fait suite à celle rendue le 21 avril 2015 par l'honorable Michel A. Pinsonnault, rejetant une requête de ce type dans le cadre du litige opposant la Procureure Générale du Québec (ci-après « PGQ ») et la Commission scolaire de la Rivière du Nord (la « Commission Scolaire ») à, entre autres, Technologies CII inc. (« CII ») et son assureur responsabilité Société d'assurance générale Northbridge (« Northbridge »).

Après analyse, la juge Marie-France Bich, juge unique, conclut qu'il faut continuer de reconnaître que le jugement interlocutoire rejetant une requête de type Wellington est un de ceux que vise l'article 29, al. 1(2) du Code de procédure civile du Québec (« C.p.c. »).

LE LITIGE

CII est une entreprise spécialisée dans l'installation de systèmes de chauffage et de climatisation. Elle est poursuivie, solidairement avec d'autres défenderesses, pour la somme de 16 537 687,00 $ par la PGQ et la Commission Scolaire pour un incendie survenu le 21 septembre 2011. Ces dernières allèguent que l'incendie a été causé par la négligence de CII dans le cadre de l'exécution de ses travaux, celle-ci n'ayant pas respecté les obligations juridiques et les normes en vigueur en matière de soudage.

Northbridge, après avoir procédé à l'interrogatoire statutaire d'un représentant de CII, refuse de prendre fait et cause pour son assuré, prétendant que la garantie prévue à la police d'assurance était suspendue au moment des événements en raison du défaut de CII d'avoir respecté un avenant d'exclusion, contrevenant ainsi à l'article 2412 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »), qui prévoit qu'un manquement aux engagements formels aggravant le risque suspend la garantie.

L'avenant en question prévoyait des conditions précises en matière de contrôle des étincelles lors de travaux de soudure, tel que l'utilisation d'écrans ou de toiles protecteurs.

Northbridge reproche ainsi à CII d'avoir violé ce qu'elle considère être un engagement formel en procédant à des travaux de soudure dans un endroit fermé sans utiliser aucune forme de protection incendie, le tout contrairement aux dispositions de l'avenant d'exclusion.

Pour sa part, CII prétend que l'avenant d'exclusion ne constitue pas un engagement formel, mais un avenant d'exclusion modifiant les modalités de la police. Elle ajoute que cet avenant ne lui est pas opposable, notamment parce qu'il n'a pas été porté à la connaissance d'une personne en autorité, qu'il ne faisait pas partie de la police originale et que les dispositions de l'article 2405 C.c.Q. n'ont pas été respectées.

C'est dans ce contexte que CII s'adresse à la Cour supérieure afin de contraindre Northbridge à assumer sa défense dans le cadre du litige l'opposant à la PGQ et à la Commission Scolaire.

LE JUGEMENT SUR LA REQUÊTE DE TYPE WELLINGTON 2

Au terme de son analyse, la Cour supérieure conclut que, en fonction des allégations des procédures, de la police d'assurance, des pièces produites et de l'interrogatoire statutaire, CII a clairement violé les modalités de l'avenant d'exclusion. Selon la Cour, « il ne fait aucun doute que lors des travaux exécutés par [l]es employés [de CII] le jour de l'incendie, ces derniers n'ont pu utiliser aucun écran protecteur ou toile en amiante pour limiter la propagation des flammèches et des étincelles (...). »

La Cour ajoute que l'avenant d'exclusion constituait bel et bien un engagement formel prévu à la police originale, rejetant les arguments plaidés par CII et, de ce fait, sa requête de type Wellington.

LA PERMISSION D'APPELER DU JUGEMENT DE LA COUR SUPÉRIEUR

Se fondant sur l'article 511 C.p.c., CII sollicite la permission d'appeler du jugement de la Cour supérieure. D'entrée de jeu, la Cour d'appel réitère les deux conditions nécessaires pour obtenir la permission d'en appeler d'un jugement interlocutoire, soit :

  • le jugement est l'un de ceux visés à l'article 29 C.p.c.; et
  • les fins de la justice militent en faveur de l'octroi de la permission.

La Cour d'appel s'interroge à savoir si le courant jurisprudentiel antérieur à 2012, selon lequel le jugement rejetant une requête de type Wellington est un jugement visé par l'article 29, al. 1(2) C.p.c., tenait toujours à la suite de l'arrêt Elitis Pharma inc. c. RX Job inc.>3 où les juges Rochon et Kasirer écrivaient que le seul préjudice économique ou encore l'inconvénient de nature financière ou commercial du fait d'un jugement interlocutoire n'était pas suffisant.

À ce sujet, la Cour conclut qu'il faut continuer de reconnaître que le jugement interlocutoire rejetant une requête de type Wellington peut faire l'objet d'un appel en vertu de cette disposition. En effet, outre le préjudice économique causé à l'assuré par le rejet de ce type de requête, la Cour est d'avis que celui-ci se trouve également privé de l'un des droits substantiels que lui confère sa police d'assurance, prévu également à l'article 2503 C.c.Q.

Le second critère lié aux fins de la justice n'est pas abordé en détail dans cette décision, où il est simplement mentionné que les fins de la justice militaient en faveur de la permission de l'appel. Au final, la Cour accueille la permission d'appeler du jugement de la Cour supérieure, réitérant que le jugement qui rejette une requête de type Wellington est de ceux que vise l'article 29, al. 1(2) C.p.c.

ET LA PERMISSION D'APPELER D'UN JUGEMENT QUI ACCUEILLE UNE REQUÊTE DE TYPE WELLINGTON?

S'il semble désormais clair qu'un jugement rejetant une requête de type Wellington est de ceux visés à l'article 29, al. 1(2) C.p.c., ce n'est pas nécessairement le cas d'un jugement accueillant une telle requête.

En effet, la question demeure à savoir si le préjudice subi par un assureur qui se voit contraint d'assumer la défense de son assuré est purement économique et réparable au fond.

Dans la décision Lloyd's Underwriters c. 4170831 Canada inc.>4 rendue le 12 août dernier, le juge Kasirer accepte, pour fins de discussion seulement, que le jugement interlocutoire accueillant en partie une requête de type Wellington satisfaisait aux conditions de l'article 29 C.p.c. et rejette la permission d'appeler du jugement interlocutoire sur la base du critère des fins de la justice.

Or, se référant à la décision de la juge Bich, le juge Kasirer mentionne :

« On pourrait se demander, dans les circonstances où le préjudice subi par l'assureur est purement économique et réparable au fond, si l'article 29 C.p.c. est réellement satisfait dans tous les cas. Je souligne la pertinence de la discussion de ce point par ma collègue la juge Bich dans le cadre du rejet d'une demande de type Wellington dans Technologies CII inc. c. Société d'assurances générales Northbridge, 2015 QCCA 1246, paragr. [9] (juge unique). Cela dit, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de trancher la question aux fins de la présente requête compte tenu de ma conclusion en regard du critère énoncé à l'article 511 C.p.c. »

Ayant déterminé que les fins de la justice ne militaient pas en faveur de la permission d'appeler, la Cour a préféré ne pas traiter de la question à savoir si le jugement accueillant une requête de type Wellington était un de ceux visés à l'article 29, al. 1(2) C.p.c. Ce n'est que partie remise.


12015 QCCA 1246.
22015 QCCS 1988.
3 2012 QCCA 1348.
4 2015 QCCA 1333.

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