Congédiement lors d’un manquement aux règles de santé et de sécurité au travail liées au cadenassage

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Dans une décision rendue le 14 août 20171, l’arbitre François Blais a rejeté un grief contestant un congédiement en déterminant qu’un manquement aux règles de santé et de sécurité du travail constitue une faute objectivement grave qui doit être traitée sévèrement, peu importe que les gestes commis aient causé ou non un accident ou un danger imminent pour les personnes travaillant dans l’entreprise.

Les faits

Un employé a été congédié pour avoir effectué un déblocage dans le convoyeur de la déligneuse sur laquelle il travaillait sans avoir appliqué la procédure de cadenassage2 de l’employeur, Produits Forestiers Résolu. La politique interne de l’employeur, affichée dans l’entreprise, prévoyait que l’employé pouvait être congédié après trois manquements aux règles de santé et de sécurité. Or, l’employé avait déjà été suspendu à deux occasions pour avoir contrevenu à la politique de cadenassage au cours de la période de neuf mois prévue à la clause d’amnistie de la convention collective.

Au moment du congédiement, l’employé cumulait plus de 20 ans d’ancienneté et il était principalement assigné au nettoyage des installations de la scierie à titre de journalier.

L’employé connaissait la procédure de cadenassage et il a reconnu que cette procédure était obligatoire avant de tenter de débloquer une machine lorsqu’une affiche de « cadenassage obligatoire » était apposée, comme c’était le cas en l’espèce. Toutefois, il soutient ne pas avoir vu l’affiche et avoir débloqué la machine à l’aide d’une gaffe (perche) d’une longueur de cinq pieds et non pas avec ses mains.

Décision

Selon l’arbitre, le fait d’avoir utilisé ses mains ou une gaffe pour débloquer la machine n’est pas déterminant sur la question de la faute commise par l’employé et n’a aucun impact sur l’issue du litige, puisque le cadenassage était dans tous les cas obligatoire et il est invraisemblable que l’employé n’ait pas vu l’affiche. En l’espèce, l’arbitre ne reconnaît pas que le comportement reproché à l’employé pouvait découler d’un manque d’information ou de formation de la part de l’employeur.

Les manquements relatifs à la santé et la sécurité du travail sont considérés constituer des fautes objectivement graves. Par ailleurs, les lourdes responsabilités imposées à l’employeur, qui doit faire preuve de la plus grande diligence en matière de santé et de sécurité du travail, constituent l’une des dimensions très importantes dont l’arbitre doit tenir compte dans l’analyse de la mesure disciplinaire imposée.

Dans le cadre de son obligation de diligence, l’employeur a également un devoir d’autorité eu égard aux règles de santé et sécurité du travail, ce qui fait en sorte qu’il doit être intolérant à l’égard des conduites dangereuses et imposer des sanctions aux employés qui enfreignent les règles de prudence. À cet égard, la politique, qui était connue de l’employé, prévoyait que le fait de ne pas appliquer la procédure de cadenassage constituait un manquement grave et qu’une troisième infraction serait sanctionnée par un congédiement.

L’arbitre indique qu’une telle politique, établie unilatéralement par l’employeur, ne peut le lier quant à la justesse de la sanction imposée, mais demeure néanmoins valide, en ce qu’elle ne contrevient pas à la convention collective. Une telle politique est également raisonnable, compte tenu de la dangerosité associée au secteur d’activité de l’employeur. En reprenant les motifs d’un autre arbitre, il indique que la politique disciplinaire de l’employeur en matière de santé et de sécurité « constitue […] un indice, par les sanctions qu’elle annonce, connues des salariés, de ce à quoi un travailleur doit s’attendre en cas de manquement de sa part aux règles de sécurité en question »3.

Ainsi, en considérant le dossier disciplinaire de l’employé, son attitude et le caractère aggravant de ses mauvaises habitudes de travail en dépit de ses 20 ans d’ancienneté, mais aussi tenant compte de la politique disciplinaire de l’employeur et l’absence de facteurs atténuants, l’arbitre conclut que le congédiement était justifié.

Conclusion

Il demeure pertinent pour les employeurs de se doter d’une politique disciplinaire en matière de santé et de sécurité du travail. Même si une telle politique ne lie pas l’arbitre, une fois son caractère raisonnable et sa conformité avec la convention collective établie, le cas échéant, la connaissance par les employés des sanctions applicables en cas de contravention aux règles de santé et de sécurité peut avoir pour effet, aux yeux de l’arbitre, de justifier la mesure disciplinaire imposée par l’employeur, qu’un danger se soit matérialisé ou non à l’égard des autres travailleurs.

 

  1. Produits forestiers Résolu (usine Girardville) et Unifor, section locale 497 (Éloi Thiffault), 2017 QCTA 591.
  2. Le cadenassage consiste généralement à installer un cadenas sur un dispositif afin d’empêcher que ce dispositif soit actionné pendant qu’un employé entretient la machine.
  3. Paragraphe 174 de la décision.
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