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Publications
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Aucune réduction de taxes municipales pour les minières
Qu’est-ce que l’équipement d’une mine? Qu’est-ce que cela comprend? Qu’est-ce qu’un chemin d’accès à une exploitation minière? Ce sont, direz-vous, des questions simples, voire banales? Détrompez-vous : la réponse à ces questions représente la différence entre le fait de voir des millions de dollars de taxes foncières entrer dans les coffres des municipalités et celui de voir des entreprises minières à l’échelle du Québec les conserver. Le Tribunal administratif du Québec (section des affaires immobilières) (ci-après « TAQ ») a été confronté à ces questions dans le cadre d’un recours introduit par Bloom Lake General Partner Limited contre la Ville de Fermont1. Le principe, à la base, est simple : la taxation municipale s’applique essentiellement en fonction des valeurs inscrites au rôle d’évaluation foncière. Il revient à l’évaluateur2 de déterminer, comment est composée une unité d’évaluation, quels immeubles doivent être portés au rôle d’évaluation foncière et quelles en sont leurs valeurs. La Loi3 prévoit que certains immeubles ne sont pas portés au rôle. Leur valeur n’a donc pas d’incidence sur les taxes qui peuvent être perçues par les municipalités. Parmi les immeubles exclus du rôle : «une galerie, un puits, une excavation, un tunnel l’équipement d’une mine souterraine ou à ciel ouvert »4 «un chemin d’accès à une exploitation […] minière »5. D’où l’importance des questions posées en introduction. En ce qui a trait à l’équipement d’une mine, Bloom Lake a argué que l’équipement d’une mine devait référé à toutes les étapes de l’exploitation d’une mine, de l’extraction du minerai jusqu’à sa commercialisation en passant par sa transformation. Le TAQ a plutôt retenu une interprétation plus restreinte de la notion d’équipement d’une mine qui ne comprenait que les équipements servant à l’extraction du minerai de la mine. Quant à la notion de chemin d’accès à une exploitation minière, Bloom Lake soutenait que cela comprenait tous les chemins faisant partie de l’exploitation minière, c’est-à-dire toutes les voies de circulation comprise à l’intérieur de l’exploitation minière. Encore une fois, cette prétention n’a pas été retenue par le TAQ qui a plutôt circonscrit cette notion au chemin liant la voie publique à la guérite permettant d’accéder à l’exploitation minière. Si le TAQ avait retenu l’interprétation de Bloom Lake, cela aurait pu avoir des répercussions financières importantes pour les minières qui auraient vu une partie importante des immeubles compris dans l’exploitation minière exclue du rôle d’évaluation foncière.6 2018 QCTAQ 04461 Aussi appelé « Organisme municipal responsable de l’évaluation » ou « OMRÉ », articles 19 et suivants de la Loi sur la fiscalité municipale. Loi sur la fiscalité municipale (LFM), articles 63 à 68. Dans le présent cas, les paragraphes pertinents sont 65 al.1 (4) et 65 al.1 (8). Article 65 al.1 (4) LFM. Article 65 al.1 (8) LFM. Notons toutefois qu’au moment de la rédaction de ces lignes, le délai pour demander la révision judiciaire de la décision du TAQ n’est pas écoulé.
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Projet de loi No 162 : Loi modifiant la Loi sur le bâtiment et d’autres dispositions législatives afin principalement de donner suite à certaines recommandations de la Commission Charbonneau
Présenté le 1er décembre 2017 par Madame Lise Thériault, ministre responsable de la Protection des consommateurs et de l’Habitation, le projet de loi N°162 vise principalement à donner suite à certaines recommandations du rapport final de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction. Modification de la Loi sur le bâtiment Dans un premier temps, le projet de loi modifie la définition de «dirigeant» dans la Loi sur le bâtiment de façon à inclure tout actionnaire détenant 10 % ou plus des droits de vote rattachés aux actions, notamment aux fins de l'évaluation par la Régie du bâtiment du Québec (la «Régie») de l'intégrité de l'entreprise. La notion de «répondant» se voit ajoutée pour décrire la personne physique qui, ayant demandé une licence pour le compte d'une société ou d'une personne morale ou étant elle-même titulaire d'une licence, devient responsable de la gestion des activités pour lesquelles cette licence a été délivrée. Les pouvoirs de la Régie en matière d'enquête, de vérification et de contrôle sont par ailleurs augmentés. Enfin, une immunité contre les poursuites civiles et une protection contre les représailles à l’égard de toute personne qui communique de bonne foi à la Régie un renseignement concernant un acte ou une omission qu'elle croit constituer une violation ou une infraction à la Loi sur le bâtiment est ajoutée. Certaines dispositions pénales visant à sanctionner une personne qui exerce des mesures de représailles relativement à une telle dénonciation, de même que l’auteur d’une dénonciation fausse ou trompeuse sont également prévues. Ajouts à la Loi sur le bâtiment Dans un deuxième temps, une déclaration de culpabilité à l'égard de certaines infractions déjà considérées comme restreignant l'accès aux contrats publics mènera au refus de la délivrance d'une licence par la Régie et pourra mener à l'annulation ou à la suspension d'une licence existante. De plus, lorsqu'une telle déclaration de culpabilité a donné lieu à une peine d'emprisonnement, une licence ne pourra être délivrée qu'à l'expiration d'une période de cinq ans suivant la date de la fin de la période d'emprisonnement fixée par la sentence. La Régie aura l'obligation d'annuler une licence lorsque son titulaire ou l'un des dirigeants d’une entreprise détentrice est déclaré coupable d'une infraction ou d'un acte criminel visé par la Loi sur le bâtiment alors qu'il a déjà été déclaré coupable de tels infractions ou actes criminels dans les cinq années précédentes. De nouveaux motifs liés à la probité requise de la part des entreprises sont ajoutés pour permettre à la Régie de refuser de délivrer une licence, de la suspendre ou de l’annuler notamment lorsque la structure corporative de l’entité lui permet d'échapper à l'application de la Loi sur le bâtiment. À cet égard, la Régie devra, par règlement, exiger de tout entrepreneur un cautionnement d'exécution ou un cautionnement pour gages, matériaux et services dans le but d'assurer, en cas d'annulation ou dans certains cas de suspension d'une licence, la poursuite des travaux de construction ou le paiement de créanciers. En dernier lieu, une nouvelle infraction pénale concernant l'utilisation de prête-noms est ajoutée et le délai de prescription en matière pénale est modifié pour passer d'un an à trois ans à compter de la connaissance de l'infraction par le poursuivant, sans excéder sept ans depuis la perpétration de cette dernière. Conclusion Ce projet de loi, qui reprend notamment quatre recommandations de la Commission Charbonneau, sera à surveiller lors du retour des travaux parlementaires le 6 février 2018.
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Une soumission qui ne respecte pas les critères d’admissibilité d’un appel d’offres, comme l’expérience minimale, est entachée d’une irrégularité majeure
Lorsque vient le temps de soumissionner à un appel d’offres d’un organisme public, les entreprises intéressées cherchent deux informations capitales: quelle est la nature du contrat et mon entreprise respecte-t-elle les exigences de l’appel d’offres, par exemple, l’expérience requise des soumissionnaires? À défaut d’être compétentes dans le domaine ciblé par l’appel d’offres ou d’avoir les années d’expérience requises pour respecter les exigences énoncées dans l’appel d’offres, les entreprises s’abstiendront, évidemment, de consacrer du temps à un appel d’offres qu’elles savent n’avoir aucune chance de remporter. Mais, qu’arrive-t-il lorsqu’un organisme public ne respecte pas les conditions qu’il a lui-même qualifiées d’«essentielles», soit expressément, soit implicitement? Traditionnellement, les tribunaux analysaient ces situations en tentant de qualifier de «mineure» ou «majeure» l’irrégularité reprochée à la soumission qui ne respectait pas toutes les conditions. Mais dans deux décisions consécutives rendues à trois mois d’intervalle, la Cour d’appel du Québec a repositionné le débat sur différents éléments qu’il faut considérer dans l’analyse de la conformité d’une soumission. Dans la décision la plus récente, elle a même innové en ajoutant une dimension nouvelle à la façon de considérer la notion «d’équité entre les soumissionnaires» dans le cadre de l’analyse de la conformité des soumissions. Le présent texte se veut une analyse combinée des décisions Ville de Matane c. Jean Dallaire, architectes & EBC inc.1 et Tapitec inc. c. Ville de Blainville2 rendues par la Cour d’appel les 25 novembre 2016 et 24 février 2017 respectivement. Ville de Matane c. Jean Dallaire, architectes & EBC inc. La Ville de Matane a lancé un appel d’offres pour la construction d’un complexe sportif. L’une des exigences fondamentales de l’appel d’offres à l’endroit des soumissionnaires était qu’ils aient de l’expérience dans le cadre d’au moins trois projets d’envergure et de complexité comparables. Cette condition était qualifiée d’«essentielle» dans les documents d’appel d’offres. Malgré cette exigence, la Ville a accordé le contrat à une entreprise qui n’avait pas l’expérience requise et qui, à la connaissance de la Ville, n’avait de l’expérience que dans des projets résidentiels et institutionnels de petite envergure. EBC inc., un autre soumissionnaire, a cherché à faire annuler la résolution octroyant le contrat à l’adjudicataire en raison de l’expérience insuffisante de celui-ci relativement à l’exigence de l’appel d’offres. La Ville de Matane a tenté de convaincre la Cour qu’il s’agissait d’une irrégularité mineure parce que l’adjudicataire s’engageait, postérieurement à l’ouverture des soumissions, à avoir au sein de son équipe du personnel ayant l’expérience suffisante pour répondre à l’exigence des trois projets d’envergure et de complexité comparables énoncée dans l’appel d’offres. La Cour d’appel a rejeté l’argument de la Ville et a confirmé que la soumission de l’adjudicataire était effectivement entachée d’une irrégularité majeure. En effet, en indiquant elle-même que l’expérience sur un minimum de trois projets d’envergure et de complexité comparables était une condition essentielle, la Ville de Matane a imposé une exigence qui se devait d’être respectée et démontrée au moment du dépôt de la soumission. Permettre à l’adjudicataire de faire une preuve différente de son expérience après la réception de la soumission reviendrait à contourner sa propre exigence et irait à l’encontre du contrat et du principe de l’équité entre les soumissionnaires. Ainsi, l’exigence de l’expérience des soumissionnaires énoncée dans l’appel d’offres doit être respectée et appliquée sans détour. Une fois qu’une exigence d’un appel d’offres est qualifiée d’ «essentielle», l’organisme public ne peut pas considérer comme «mineure» une irrégularité la concernant. Au contraire, cela doit nécessairement être une irrégularité majeure. Tapitec inc. c. Ville de Blainville Dans cette décision, la Ville de Blainville voulait faire construire un terrain de sport avec un revêtement de gazon synthétique. Désirant obtenir un entrepreneur hautement qualifié et habitué à procéder à l’installation de ce type de revêtement, la Ville de Blainville a fait le choix de lancer un appel d’offres avec évaluation qualitative des soumissions plutôt que de se baser uniquement sur la soumission la moins chère. Parmi les exigences requises, la Ville demandait que les soumissionnaires aient un établissement au Québec depuis au moins cinq ans. Malgré cette exigence, la Ville a tout de même accordé le contrat à une entreprise qui n’était établie au Québec que depuis deux ans. La Cour d’appel a infirmé la décision de la Ville, confirmant que le nonrespect d’une condition relative à l’expérience d’un soumissionnaire, même si elle n’est pas expressément qualifiée d’essentielle, doit entraîner le rejet automatique de la soumission lorsque les circonstances le justifient. Tel était le cas dans la soumission de la Ville de Blainville, où, même si l’on ne retrouvait pas dans les documents d’appel d’offres des mots comme «essentiel», «rejet automatique» ou «fondamental», la Cour d’appel a considéré que l’exigence d’avoir un établissement existant depuis au moins cinq ans au Québec était une condition essentielle, car elle avait pour effet de limiter le nombre de soumissionnaires en les obligeant à respecter des critères d’expérience ou d’accréditation. La Cour insiste sur l’effet de telles conditions sur la décision de certaines entreprises de soumissionner ou non. Dès lors, un organisme public ne peut pas considérer le défaut concerné comme mineur. La Cour d’appel affirme ainsi clairement que l’obligation de n’accepter qu’une soumission conforme vaut autant pour ceux qui ont participé au processus que pour ceux qui se sont empêchés de le faire parce qu’ils ne respectaient pas les exigences qui y étaient stipulées. En limitant le bassin de soumissionnaires par l’imposition d’une exigence d’expérience, l’organisme public doit absolument rejeter toute soumission qui ne s’y conforme pas. À défaut, l’organisme public porte atteinte au principe de l’équité entre les soumissionnaires, ce qui constitue une irrégularité majeure et expose sa décision à une contestation. Par conséquent, l’exigence de l’expérience des soumissionnaires énoncée dans un appel d’offres, lorsque les circonstances le justifient, est une condition essentielle à laquelle l’organisme public ne peut pas déroger. Évidemment, chaque cas est un cas d’espèce et une analyse approfondie du devis de l’appel d’offres sera nécessaire pour déterminer si l’exigence de l’expérience est une condition essentielle. Que faut-il retenir de ces deux décisions? Ces deux arrêts affirment avec force le principe d’égalité entre les soumissionnaires et l’idée qu’en limitant le nombre de personnes pouvant déposer une soumission par l’imposition de critères d’expérience ou de qualification professionnelle, les organismes publics se créent un devoir de les respecter. Une exigence qualifiée d’essentielle dans un appel d’offres ne peut jamais être contournée et tout défaut à l’une de ces exigences constatées dans une soumission doit entraîner le rejet automatique de celle-ci. Agir autrement permettra aux soumissionnaires lésés de s’adresser au tribunal pour demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. Bien que le caractère essentiel ou non des exigences d’expérience ou de qualification professionnelle des soumissionnaires dans un appel d’offres doive être analysé au cas par cas, la Cour d’appel nous semble inciter certains organismes publics à revoir la manière d’analyser la conformité de soumissions reçues, eu égard tant aux autres soumissionnaires qu’aux entrepreneurs qui se seraient exclus d’un processus qu’ils croyaient n’avoir aucune chance de remporter. Matane (Ville de) c. Jean Dallaire, Architectes, 2016 QCCA 1912. Tapitec inc. c. Ville de Blainville, 2017 QCCA 317.
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Une soumission qui ne respecte pas les critères d’admissibilité d’un appel d’offres, comme l’expérience minimale, est entachée d’une irrégularité majeure
Lorsque vient le temps de soumissionner à un appel d’offres d’un organisme public, les entreprises intéressées cherchent deux informations capitales: quelle est la nature du contrat et mon entreprise respecte-t-elle les exigences de l’appel d’offres, par exemple, l’expérience requise des soumissionnaires? À défaut d’être compétentes dans le domaine ciblé par l’appel d’offres ou d’avoir les années d’expérience requises pour respecter les exigences énoncées dans l’appel d’offres, les entreprises s’abstiendront, évidemment, de consacrer du temps à un appel d’offres qu’elles savent n’avoir aucune chance de remporter. Mais, qu’arrive-t-il lorsqu’un organisme public ne respecte pas les conditions qu’il a lui-même qualifiées d’«essentielles», soit expressément, soit implicitement? Traditionnellement, les tribunaux analysaient ces situations en tentant de qualifier de «mineure» ou «majeure» l’irrégularité reprochée à la soumission qui ne respectait pas toutes les conditions. Mais dans deux décisions consécutives rendues à trois mois d’intervalle, la Cour d’appel du Québec a repositionné le débat sur différents éléments qu’il faut considérer dans l’analyse de la conformité d’une soumission. Dans la décision la plus récente, elle a même innové en ajoutant une dimension nouvelle à la façon de considérer la notion «d’équité entre les soumissionnaires» dans le cadre de l’analyse de la conformité des soumissions. Le présent texte se veut une analyse combinée des décisions Ville de Matane c. Jean Dallaire, architectes & EBC inc.1 et Tapitec inc. c. Ville de Blainville2 rendues par la Cour d’appel les 25 novembre 2016 et 24 février 2017 respectivement. Ville de Matane c. Jean Dallaire, architectes & EBC inc. La Ville de Matane a lancé un appel d’offres pour la construction d’un complexe sportif. L’une des exigences fondamentales de l’appel d’offres à l’endroit des soumissionnaires était qu’ils aient de l’expérience dans le cadre d’au moins trois projets d’envergure et de complexité comparables. Cette condition était qualifiée d’«essentielle» dans les documents d’appel d’offres. Malgré cette exigence, la Ville a accordé le contrat à une entreprise qui n’avait pas l’expérience requise et qui, à la connaissance de la Ville, n’avait de l’expérience que dans des projets résidentiels et institutionnels de petite envergure. EBC inc., un autre soumissionnaire, a cherché à faire annuler la résolution octroyant le contrat à l’adjudicataire en raison de l’expérience insuffisante de celui-ci relativement à l’exigence de l’appel d’offres. La Ville de Matane a tenté de convaincre la Cour qu’il s’agissait d’une irrégularité mineure parce que l’adjudicataire s’engageait, postérieurement à l’ouverture des soumissions, à avoir au sein de son équipe du personnel ayant l’expérience suffisante pour répondre à l’exigence des trois projets d’envergure et de complexité comparables énoncée dans l’appel d’offres. La Cour d’appel a rejeté l’argument de la Ville et a confirmé que la soumission de l’adjudicataire était effectivement entachée d’une irrégularité majeure. En effet, en indiquant elle-même que l’expérience sur un minimum de trois projets d’envergure et de complexité comparables était une condition essentielle, la Ville de Matane a imposé une exigence qui se devait d’être respectée et démontrée au moment du dépôt de la soumission. Permettre à l’adjudicataire de faire une preuve différente de son expérience après la réception de la soumission reviendrait à contourner sa propre exigence et irait à l’encontre du contrat et du principe de l’équité entre les soumissionnaires. Ainsi, l’exigence de l’expérience des soumissionnaires énoncée dans l’appel d’offres doit être respectée et appliquée sans détour. Une fois qu’une exigence d’un appel d’offres est qualifiée d’ «essentielle», l’organisme public ne peut pas considérer comme «mineure» une irrégularité la concernant. Au contraire, cela doit nécessairement être une irrégularité majeure. Tapitec inc. c. Ville de Blainville Dans cette décision, la Ville de Blainville voulait faire construire un terrain de sport avec un revêtement de gazon synthétique. Désirant obtenir un entrepreneur hautement qualifié et habitué à procéder à l’installation de ce type de revêtement, la Ville de Blainville a fait le choix de lancer un appel d’offres avec évaluation qualitative des soumissions plutôt que de se baser uniquement sur la soumission la moins chère. Parmi les exigences requises, la Ville demandait que les soumissionnaires aient un établissement au Québec depuis au moins cinq ans. Malgré cette exigence, la Ville a tout de même accordé le contrat à une entreprise qui n’était établie au Québec que depuis deux ans. La Cour d’appel a infirmé la décision de la Ville, confirmant que le nonrespect d’une condition relative à l’expérience d’un soumissionnaire, même si elle n’est pas expressément qualifiée d’essentielle, doit entraîner le rejet automatique de la soumission lorsque les circonstances le justifient. Tel était le cas dans la soumission de la Ville de Blainville, où, même si l’on ne retrouvait pas dans les documents d’appel d’offres des mots comme «essentiel», «rejet automatique» ou «fondamental», la Cour d’appel a considéré que l’exigence d’avoir un établissement existant depuis au moins cinq ans au Québec était une condition essentielle, car elle avait pour effet de limiter le nombre de soumissionnaires en les obligeant à respecter des critères d’expérience ou d’accréditation. La Cour insiste sur l’effet de telles conditions sur la décision de certaines entreprises de soumissionner ou non. Dès lors, un organisme public ne peut pas considérer le défaut concerné comme mineur. La Cour d’appel affirme ainsi clairement que l’obligation de n’accepter qu’une soumission conforme vaut autant pour ceux qui ont participé au processus que pour ceux qui se sont empêchés de le faire parce qu’ils ne respectaient pas les exigences qui y étaient stipulées. En limitant le bassin de soumissionnaires par l’imposition d’une exigence d’expérience, l’organisme public doit absolument rejeter toute soumission qui ne s’y conforme pas. À défaut, l’organisme public porte atteinte au principe de l’équité entre les soumissionnaires, ce qui constitue une irrégularité majeure et expose sa décision à une contestation. Par conséquent, l’exigence de l’expérience des soumissionnaires énoncée dans un appel d’offres, lorsque les circonstances le justifient, est une condition essentielle à laquelle l’organisme public ne peut pas déroger. Évidemment, chaque cas est un cas d’espèce et une analyse approfondie du devis de l’appel d’offres sera nécessaire pour déterminer si l’exigence de l’expérience est une condition essentielle. Que faut-il retenir de ces deux décisions? Ces deux arrêts affirment avec force le principe d’égalité entre les soumissionnaires et l’idée qu’en limitant le nombre de personnes pouvant déposer une soumission par l’imposition de critères d’expérience ou de qualification professionnelle, les organismes publics se créent un devoir de les respecter. Une exigence qualifiée d’essentielle dans un appel d’offres ne peut jamais être contournée et tout défaut à l’une de ces exigences constatées dans une soumission doit entraîner le rejet automatique de celle-ci. Agir autrement permettra aux soumissionnaires lésés de s’adresser au tribunal pour demander des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi. Bien que le caractère essentiel ou non des exigences d’expérience ou de qualification professionnelle des soumissionnaires dans un appel d’offres doive être analysé au cas par cas, la Cour d’appel nous semble inciter certains organismes publics à revoir la manière d’analyser la conformité de soumissions reçues, eu égard tant aux autres soumissionnaires qu’aux entrepreneurs qui se seraient exclus d’un processus qu’ils croyaient n’avoir aucune chance de remporter. Matane (Ville de) c. Jean Dallaire, Architectes, 2016 QCCA 1912. Tapitec inc. c. Ville de Blainville, 2017 QCCA 317.
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Budget 2017 du Canada et intelligence artificielle : votre entreprise est-elle prête?
Le Budget du 22 mars 2017 du Gouvernement du Canada, dans son « Plan pour l’innovation et les compétences » (http://www.budget.gc.ca/2017/docs/plan/budget-2017-fr.pdf) mentionne que le leadership démontré par le milieu universitaire et celui de la recherche au Canada dans le domaine de l’intelligence artificielle se traduira par une économie plus innovatrice et une croissance économique accrue. Le budget 2017 propose donc de fournir un financement renouvelé et accru de 35 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2017-2018, pour l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA), qui jumelle les chercheurs canadiens à des réseaux de recherche en collaboration dirigés par d’éminents chercheurs canadiens et internationaux pour effectuer des travaux sur des sujets qui touchent notamment l’intelligence artificielle et l’apprentissage profond (deep learning). Ces mesures s’ajoutent à plusieurs mesures fiscales fédérales et provinciales intéressantes qui appuient déjà le secteur de l’intelligence artificielle. Au Canada et au Québec, le programme de recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE) procure des avantages à deux volets : les dépenses de RS&DE sont déductibles du revenu aux fins de l’impôt et un crédit d’impôt à l’investissement (CII) pour la RS&DE est offert pour réduire l’impôt. Le solde du CII est remboursable dans certains cas. Au Québec, un crédit d’impôt remboursable est également disponible pour le développement des affaires électroniques lorsqu’une société exerce principalement ses activités dans les domaines de la conception de systèmes informatiques ou de l’édition de logiciels et qu’elles sont effectuées dans un établissement situé au Québec. Ce Budget 2017 vise donc à rehausser l’avantage concurrentiel et stratégique du Canada en matière d’intelligence artificielle, et par le fait même celui de Montréal, une ville qui jouit déjà d’une réputation internationale dans ce domaine. Il reconnaît d’entrée de jeu que l’intelligence artificielle, au-delà de toutes les questions d’éthique qui passionnent actuellement la communauté internationale, pourrait permettre de générer une croissance économique solide en améliorant la façon de produire des biens, d’offrir des services et de surmonter divers défis de société. Le Budget ajoute également que l’intelligence artificielle « offre des possibilités dans de nombreux secteurs, de l’agriculture aux services financiers, créant des occasions pour les entreprises de toutes tailles, que ce soit des entreprises technologiques en démarrage ou les plus importantes institutions financières du Canada. » Ce rayonnement du Canada sur la scène internationale passe invariablement par un appui gouvernemental aux programmes de recherche et à l’expertise de nos universités. Ce Budget est donc un pas dans la bonne direction pour faire en sorte que toutes les activités reliées à l’intelligence artificielle, de la R&D à la mise en marché en passant par la création et la distribution des produits et services, demeurent ici au Canada. Le budget 2017 attribue ainsi 125 millions de dollars au lancement d’une stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle pour la recherche et le talent afin de favoriser la collaboration entre les principaux centres canadiens d’expertise et renforcer le positionnement du Canada en tant que destination de calibre mondial pour les entreprises désirant investir dans l’intelligence artificielle et l’innovation. Laboratoire juridique Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA) Nous anticipons que d’ici quelques années, toutes les sociétés, entreprises et organisations, dans toutes les sphères d’activités et tous les secteurs, feront appel à certaines formes d’intelligence artificielle dans leurs activités courantes, qu’il s’agisse d’améliorer la productivité ou l’efficacité, d’assurer un meilleur contrôle de la qualité, de conquérir de nouveaux marchés et clients, de mettre en place de nouvelles stratégies marketing, d’améliorer les processus, l’automatisation et la commercialisation ou encore la rentabilité de l’exploitation. Pour cette raison, Lavery a mis sur pied le Laboratoire juridique Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA) qui analyse et suit les développements récents et anticipés dans le domaine de l’intelligence artificielle d’un point de vue juridique. Notre Laboratoire s’intéresse à tous les projets relatifs à l’intelligence artificielle (IA) et à leurs particularités juridiques, notamment quant aux diverses branches et applications de l’intelligence artificielle qui feront rapidement leur apparition dans les entreprises et les industries. Les développements de l’intelligence artificielle, à travers un large éventail de fonctionnalités et d’applications, auront également un impact certain sur plusieurs secteurs et pratiques du droit, de la propriété intellectuelle à la protection des renseignements personnels, en passant par la régie d’entreprise et tous les volets du droit des affaires. Dans nos prochaines publications, l’équipe de notre Laboratoire juridique Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA) analysera de façon plus spécifique certaines applications de l’intelligence artificielle dans différents secteurs.
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Utilisateurs de drones, connaissez-vous vos obligations?
On constate depuis quelques années déjà au Québec la popularité certaine des drones, également appelés « UAV » (Unmanned Aerial Vehicle). Surveillance de carrières et de gravières, de sites industriels, de pipelines, de terres agricoles, de mines à ciel ouvert ou de chantiers de construction, livraison de colis, collecte d’images aériennes pour la promotion d’une municipalité, le cinéma ou le courtage immobilier, voilà seulement quelques-uns des innombrables usages des drones de nos jours. Il faut toutefois savoir que l’utilisation de drones est réglementée par le gouvernement fédéral. Certaines formes d’utilisation de drones sont soumises à des règles particulières, pouvant même aller jusqu’à l’obtention préalable d’un certificat d’opérations aériennes spécialisées (« COAS »). L’encadrement législatif et réglementaire L’utilisation de drones est encadrée par la Loi sur l’aéronautique1 et, plus particulièrement, par le Règlement de l’aviation canadien2. Les règles applicables diffèrent suivant que le drone constitue, au sens du Règlement, un « véhicule aérien non habité » ou un « modèle réduit d’aéronef ». La distinction entre ces deux types d’appareils est axée sur le poids de l’appareil (plus ou moins de 35 kg) et la nature de l’utilisation projetée (à des fins récréatives ou à d’autres fins). Le « modèle réduit d’aéronef » est un aéronef dont la masse totale est d’au plus 35 kg, qui est utilisé à des fins récréatives et qui n’est pas conçu pour transporter des êtres vivants3. Le « véhicule aérien non habité » est un aéronef entraîné par moteur, autre qu’un modèle réduit d’aéronef, conçu pour effectuer des vols sans intervention humaine à bord4. Autrement dit, un « véhicule aérien non habité » est un appareil qui pèse soit plus de 35 kg, soit moins de 35 kg, mais, dans ce cas, est utilisé à des fins autres que récréatives. Véhicules aériens non habités : nécessité d’obtenir un COAS, sauf exemption L’article 602.41 du Règlement5 interdit d’utiliser un « véhicule aérien non habité », à moins que le vol ne soit effectué conformément à un COAS ou à un certificat d’exploitation aérienne6. L’article 603.66 du Règlement interdit également d’utiliser un véhicule aérien non habité, à moins de se conformer aux dispositions du COAS délivré par le ministre. Le COAS est délivré par le ministre conformément à l’article 603.67 du Règlement. Celui qui en fait la demande doit démontrer qu’il est en mesure d’effectuer l’opération aérienne envisagée conformément aux Normes d’opérations aériennes spécialisées7. La forme et la manière de faire la demande sont également déterminées par les Normes d’opérations aériennes spécialisées. En principe, il est donc nécessaire d’obtenir un COAS pour utiliser un véhicule aérien non habité. Toutefois, la Loi8 permet au ministre ou au fonctionnaire du ministère des Transports qu’il autorise à cette fin de soustraire, individuellement ou par catégorie, aux conditions qu’il juge à propos, toute personne, tout produit aéronautique, aérodrome ou service, ou toute installation à l’application du Règlement. Deux exemptions sont actuellement accordées aux personnes effectuant des opérations aériennes à des fins autres que récréatives avec des véhicules aériens non habités. Une première exemption bénéficie aux utilisateurs de drones ayant une masse maximale au décollage dépassant 2 kg, mais inférieure à 25 kg, sous réserve du respect de plusieurs conditions, notamment des suivantes : Les conditions générales : contracter une assurance responsabilité civile d’un montant au moins égal à 100 000 $ et une assurance d’au moins 100 000 $ relativement à l’exploitation du système d’UAV, ne pas exploiter de système d’UAV avant un délai de huit heures après avoir consommé une boisson alcoolisée, ne pas exploiter les contrôles de l’UAV si le pilote est susceptible de présenter une fatigue qui le rend inapte à exécuter ses tâches, mettre à la disposition immédiate des membres de l’équipage un équipement opérationnel et d’urgence, etc. Les conditions de vol : exploiter l’UAV en visibilité directe, ne pas faire voler l’UAV à plus de 300 pieds au-dessus du sol, n’exploiter l’UAV que dans l’espace aérien de classe G9, n’exploiter l’UAV qu’à partir d’un seul poste de commande, ne pas faire décoller/lancer d’UAV dont les surfaces critiques sont couvertes de givre, de glace ou de neige, ne pas exploiter d’UAV au-dessus d’une zone bâtie ou d’un rassemblement de personnes en plein air, maintenir un contact visuel sans aide avec l’UAV afin de connaître sa position et d’être en mesure de balayer du regard l’espace aérien où il est utilisé pour repérer et éviter la circulation aérienne ou des objets, etc. Les conditions liées au personnel (pilote) : avoir réussi un programme de formation au sol destiné aux pilotes et être dûment formé sur le système d’UAV et qualifié pour la zone et le type de vol, etc. La deuxième exemption s’applique aux drones pesant moins de 2 kg qui sont utilisés à des fins autres que récréatives, sous réserve d’obéir à des conditions similaires à la première exemption, mais moins nombreuses. À défaut de se conformer à ces conditions, il est nécessaire d’obtenir un COAS, tout comme pour l’utilisation à des fins récréatives de drones pesant plus de 35 kg. Modèle réduit d’aéronef : la sécurité avant tout L’utilisation d’un « modèle réduit d’aéronef » (drone de moins de 35 kg utilisé à des fins récréatives) ne nécessite, quant à elle, aucune permission spécifique. Le « modèle réduit d’aéronef » doit cependant être piloté de manière sécuritaire. En effet, l’article 602.45 du Règlement interdit de faire voler un tel appareil dans un nuage ou d’une manière qui constitue ou qui est susceptible de constituer un danger pour la sécurité aérienne. En l’absence de définition dans le Règlement de ce que constitue une utilisation « sécuritaire » d’un modèle réduit d’aéronef, Transports Canada publie, à cet égard, une circulaire destinée à informer les opérateurs de modèles réduits d’aéronef et de véhicules aériens non habités des lignes directrices générales et des pratiques de sécurité. Dans cette circulaire, Transports Canada recommande par exemple le respect de certains périmètres de sécurité, notamment de ne pas utiliser de drones : à moins de 9 km d’un aérodrome (par ex. un aéroport); à moins de 150 m de personnes, d’animaux, de bâtiments, de structures ou de véhicules; dans des zones peuplées ou à proximité d’une foule, par exemple, pendant des activités sportives, des spectacles, des festivals ou des feux d’artifice; à proximité de véhicules en mouvement, d’autoroutes, de ponts, de rues achalandées ou de tout autre endroit où des conducteurs pourraient être mis en danger ou distraits; dans un espace aérien spécifiquement réglementé (au-dessus de bases militaires, de prisons ou de feux de forêt), etc.10 Sanctions en cas de non-respect de la réglementation Si un utilisateur effectue un vol sans détenir de COAS alors que celui-ci est nécessaire, il est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 5 000 $ pour une personne physique et jusqu’à 25 000 $ pour une entreprise. Par ailleurs, si un utilisateur ne respecte pas les exigences de son COAS, il est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 3 000 $ pour une personne physique et jusqu’à 15 000 $ pour une entreprise11. Le Code criminel12 prévoit en outre une infraction impliquant l’opération dangereuse d’un aéronef et compromettant la sécurité des autres aéronefs13, pouvant entraîner une sanction pécuniaire ou une période d’emprisonnement allant jusqu’à perpétuité. Soulignons que le respect du Règlement n’exempte pas l’utilisateur d’un drone du respect de la réglementation provinciale (et municipale)14 ou fédérale15 qui s’applique également. En conclusion, retenons qu’il est nécessaire d’obtenir un COAS dans les cas suivants : l’appareil pèse plus de 35 kg, peu importe la nature de l’utilisation projetée; l’appareil pèse moins de 35 kg et l’utilisation projetée est autre que récréative. Dans le cas de l’utilisation d’un appareil pesant moins de 25 kilos à des fins autres que récréatives, il est possible d’être exempté de l’obligation d’obtenir un COAS, à condition toutefois de satisfaire à de nombreuses exigences. Si l’utilisateur n’est pas en mesure de se conformer aux conditions énumérées dans l’une ou l’autre des exemptions applicables, il n’aura d’autre choix que d’obtenir un COAS. Enfin, l’utilisation de drones pesant 35 kilos et moins à des fins de loisirs ne nécessite aucune permission. Le drone doit cependant être piloté de manière sécuritaire. Les exemptions actuellement en vigueur viennent à échéance le 21 décembre 2016. Les règles en la matière sont donc susceptibles de changer. Loi sur l’aéronautique, L.R.C. 1985, c. A-2 (ci-après, la « Loi »). L’aviation est considérée par les tribunaux comme une question d’importance nationale et, par conséquent, relève du pouvoir fédéral de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, voir à cet égard Johannesson v. Municipality of West St. Paul, [1952] 1 S.C.R. 292; Air Canada c. Ontario (Régie des alcools), [1997] 2 RCS 581; Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association [2010] 2 RCS 536. Règlement de l’aviation canadien, 1996, DORS/96-433 (Gaz. Can. II) (ci-après, le « Règlement »). Préc., note 2. Art. 101.01 du Règlement. Préc., note 2. La présente ne traite pas de ce type de certificat, qui vise plutôt les exploitants de service aérien commercial. Normes d’opérations aériennes spécialisées, dans « Règles générales d’utilisation et de vol des aéronefs », Partie VI, norme 623 du Règlement. Préc., note 1. L’article 601.02 (1) du Règlement précise qu’un espace aérien de « classe G » est un espace aérien non contrôlé. Pratiques de sécurité générales, dans « Modèles réduits d’aéronef et systèmes des véhicules aériens sans pilote », 2014, Circulaire d’information (CI) Nº 600-002. Article 103.08 (1) et (2). L.R.C. 1986, c. C-46. Par exemple, l’article 77 du Code criminel, préc. note 12. Par exemple, on pourrait imaginer que l’article 85 de la Loi sur les compétences municipales, RLRQ, c. C-47.1 (permettant aux municipalités d’adopter tout règlement pour assurer la paix, l’ordre, le bon gouvernement et le bien-être général de sa population) puisse conférer aux municipalités le pouvoir de régir les drones. Cette législation/réglementation serait-elle constitutionnelle ? Selon la jurisprudence, la compétence du Parlement fédéral en matière d’aviation est une compétence exclusive, ce qui, en vertu de la doctrine de l’exclusivité des compétences, signifie qu’aucune province n’aurait le pouvoir de régir ou d’interdire l’usage des drones. Toutefois, dans la mesure où une loi provinciale valide (adoptée conformément à une compétence provinciale) aurait pour effet de régir l’utilisation d’un drone, la question suivante se soulève. Les tribunaux appliqueront-ils la doctrine de la prépondérance fédérale permettant ainsi à la législation provinciale de s’appliquer concurremment en l’absence de conflit d’application véritable ? Voir notamment la Charte canadienne des droits et libertés, L.C. 1982, c. 11 (R.-U.); le Code criminel, L.R.C. 1986, c. C-46.; la Loi sur la protection de l’environnement, L.R.Q. 1978, c. Q 2; la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, c. P-21; la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, c. 5; la Loi sur la radiocommunication, L.R.C. 1985, c. R-2; la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, L.C. 1992, c. 34; le Règlement sur l’accès par aéronef aux parcs nationaux du Canada, 1997, DORS/97-150 (Gaz. Can. II).
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Contrats des organismes publics : soyez branchés dès le 1er juin 2016
La réglementation en matière de contrats des organismes publics prend un virage numérique. Les modifications, adoptées le 13 avril 2016 qui prendront effet à compter du 1er juin 2016, visent également à préciser les règles relatives à l’évaluation des résultats1. Cinq points essentiels Recours obligatoire aux soumissions électroniques si précisé aux documents d’appel d’offres —> changement de systèmes informatiques à prévoir pour assurer l’intégrité des signatures et soumissions Modifications mineures aux conditions de conformité —> toujours pas de possibilité pour le donneur d’ouvrage de décréter ce qui constitue une irrégularité mineure dans les documents d’appel d’offres Évaluation qualitative des soumissions —> possibilité de demander le détail de l’évaluation en cas de refus Pour les contrats d’approvisionnement, introduction de la notion de « coût total d’acquisition » —> pour déterminer le prix le plus bas ou le prix ajusté, le donneur d’ouvrage peut prendre en considération des coûts additionnels liés à la vie utile des biens et qui ne sont pas compris dans les soumissions. Adoption d’un nouveau règlement sur les contrats en matière de technologie de l’information2 —> ces contrats sont soustraits au cadre ordinaire des contrats d’approvisionnement et de service Transmission des soumissions par voie électronique Les organismes publics peuvent désormais imposer aux soumissionnaires de ne transmettre leurs soumissions que par le système électronique d’appel d’offres approuvé par le gouvernement (SÉAO)3. Ne pas le faire constituera alors un motif de rejet automatique, de même que le fait que la soumission électronique « soit inintelligible, infectée ou autrement illisible une fois son intégrité établie par le système électronique d’appel d’offres »4. En outre, seules pourront être acceptées les soumissions dont l’intégrité a été vérifiée5, c’est-à-dire pour lesquelles il est possible de vérifier que l’information contenue dans le document n’a pas été altérée, que le support est stable et pérenne et que les mesures de sécurité nécessaires à sa préservation existent6. S’il n’est pas possible de vérifier l’intégrité d’une des soumissions à l’ouverture, l’organisme public ne doit pas divulguer les prix, mais plutôt transmettre un avis de défaut au soumissionnaire visé, qui aura alors deux jours ouvrables pour y remédier, à défaut de quoi sa soumission sera rejetée7. Si l’intégrité peut être constatée, l’organisme public devra publier le résultat de l’ouverture dans le SÉAO dans les quatre jours ouvrables8. Bien sûr, l’organisme public peut continuer d’accepter le dépôt de soumissions sur support papier, de manière exclusive ou en sus des soumissions électroniques. Dans ce dernier cas, à compter du 31 mai 2019, advenant qu’une même soumission soit transmise à la fois par voie électronique et sur support papier, elle sera réputée, aux fins de l’analyse de sa conformité, constituer deux soumissions distinctes9. Avant cette date, on pourra considérer que la version sur support papier fait foi. Évaluation des soumissions Conditions de conformité Si, à compter du 1er juin 2016, la «rature non paraphée dans les prix» ne constituera plus un motif de rejet automatique, des motifs tels la soumission conditionnelle ou restrictive, une garantie ne respectant pas les formes et conditions, la tardiveté de la soumission, le nonrespect d’une condition stipulée essentielle, eux, demeurent10. À cet égard, le règlement est plus timide que le projet de règlement publié le 11 novembre 2015, qui prévoyait par exemple la faculté du donneur d’ouvrage de prévoir les conditions pouvant faire l’objet d’une correction par le soumissionnaire en présence d’une irrégularité. Une telle faculté n’a pas été retenue. Résultats de l’évaluation En ce qui concerne les soumissions devant faire l’objet d’une évaluation de qualité, l’organisme public n’était auparavant tenu que de transmettre au soumissionnaire sa note totale. Il doit désormais également, pour le soumissionnaire qui le demande par écrit dans les 30 jours, lui présenter les résultats de l’évaluation de sa soumission pour chacun des critères utilisés pour l’appréciation de la qualité et lui exposer sommairement les motifs justifiant le fait que sa soumission n’ait pas été retenue, le cas échéant. L’organisme public doit répondre au soumissionnaire dans les 30 jours de la réception de sa demande écrite11. Nouveautés propres aux contrats d’approvisionnement Les contrats d’approvisionnement font l’objet de modifications particulières. La plus importante d’entre elles vise les ajustements à apporter au prix de la soumission pour déterminer le prix le plus bas. La notion de « coût d’impact »12 disparaît, au profit de celle de « coût total d’acquisition », qui permet au donneur d’ouvrage de tenir compte des « coûts additionnels liés à l’acquisition des biens ». Ces coûts doivent être présentés aux documents d’appel d’offres. Ils correspondent à des éléments quantifiables et mesures non compris dans le prix soumis, mais que devra assumer l’organisme public pendant la durée de vie utile des biens acquis. On pensera à des coûts d’installation, d’entretien, de soutien et de formation13. Leur valeur doit être communiquée aux soumissionnaires dans les 15 jours de l’adjudication du contrat14. Les modifications au règlement précisent également la mécanique des appels d’offres en deux étapes15 ainsi que celle relative aux essais de conformité: l’organisme public doit d’abord mettre à l’épreuve l’adjudicataire selon les modalités prévues à l’appel d’offres, et ne se tourner vers les autres soumissionnaires qu’en cas d’échec16. Nouveau règlement en matière de contrats technologiques À ces modifications s’ajoute l’adoption d’un nouveau cadre réglementaire propre aux contrats de technologies de l’information qui, à compter du 1er juin 2016, cesseront d’être soumis au régime ordinaire en matière de contrats de service ou d’approvisionnement selon le cas. Disons simplement que si la structure du Règlement sur les contrats des organismes publics en matière de technologies de l’information, D. 295-2016, reprend généralement celle de la réglementation présentement en vigueur, elle innove également, le gouvernement cherchant à refléter certains enjeux propres à « l’acquisition de biens ou la prestation de services en matière de technologies de l’information […] [qui] cherche[nt] à assurer ou à permettre des fonctions de traitement et de communication d’informations par des moyens électroniques, dont notamment leur collecte, leur transmission, leur affichage et leur stockage ». Ce règlement prévoit ainsi des règles précises relatives à la propriété intellectuelle ou à l’infonuagique ainsi que la possibilité d’avoir recours à un nouveau mode d’adjudication, le « dialogue compétitif ». Conclusion Ces modifications réglementaires marquent la volonté du gouvernement de faire du dépôt de soumissions par voie électronique la norme à moyen terme. Elles reflètent également certains enseignements des tribunaux, notamment quant à l’importance d’une documentation d’appel d’offres précise. Finalement, particulièrement en ce qui concerne l’approvisionnement, elles visent à donner plus de latitude au donneur d’ouvrage afin d’assurer la meilleure valeur possible au contribuable. D. 292-2016, 293-2016, 294-2016 et 295-2016 du 13 avril 2016, GOQ.II.2258-2281 (13 avril 2016), modifiant respectivement le Règlement sur les contrats d’approvisionnement des organismes publics, RLRQ c. C-65.1, r. 2 (Rcaop), le Règlement sur les contrats de services des organismes publics, RLRQ c. C-65.1, r. 4 (Rcsop) et le Règlement sur les contrats de travaux de construction des organismes publics, RLRQ c. C-65.1, r. 5 (Rctcop), tous trois adoptés en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics, RLRQ c. C-65.1. Règlement sur les contrats des organismes publics en matière de technologies de l’information, D. 295-2016. Art. 4(5.2.), 9.2 Rctcop, Rcsop, Rcaop; une exception a été prévue pour les contrats d’approvisionnement visés par l’article 383 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, RLRQ, c. S-4.2 lorsque les documents relatifs au prix soumis sont sous la forme d’une liste de prix dont l’ampleur ou la configuration ne permet pas d’identifier un prix total (art. 46.2 Rcaop). Art. 7 al. 1(5) Rctcop, art. 7 al. 1(4) Rcsop, art. 7 al. 1(4) Rcaop. Art. 13.1 Rctcop, art. 10.1 Rcsop, art. 10.1 Rcaop. Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, RLRQ c C-1.1, art. 6. Art. 7.0.1 al. 1 Rctcop, Rcsop, Rcaop. Art. 14 al. 4 Rctcop, art. 11 al. 4 Rcsop, art. 11 al. 4 Rcaop. Art. 7 al. 3 Rctcop, Rcsop, Rcaop. Art. 7 al. 1 Rctcop, Rcsop, Rcaop. Art. 32 al. 5 Rctcop, art. 28 al. 4 Rcsop, art. 26.3 al. 3 Rcaop. Art. 13 al. 2 Rcaop (2008-2016). Art. 15.1.1 et 15.1.2. Rcaop. Art. 15.1.2 Rcaop. Art. 26.1-26.3 Rcaop. Art. 7 al. 1(5), 12 al. 2 Rcaop.
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Bulletin d’information juridique à l’intention des entrepreneurs et des décideurs, Numéro 23
SOMMAIRE TAXES MUNICIPALES : EST-IL POSSIBLE DE RÉDUIRE LA FACTURE? LES BREVETS EN MATIÈRE INFORMATIQUE : NOUVELLES BALISES TAXES MUNICIPALES : EST-IL POSSIBLE DE RÉDUIRE LA FACTURE? Audrey-Julie Dallaire La pression fiscale découlant des taxes municipales constitue certes un irritant pour les entreprises. Elle a été récemment qualifiée d’« injustifiée » et d’« inéquitable pour les PME » par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (« FCEI »), qui a émis le constat suivant relativement aux taxes municipales : « (…) en 2013, pour un immeuble de même valeur, les propriétaires (québécois) de PME paient en moyenne 2,22 fois les taxes réclamées à leurs concitoyens résidentiels »1. Dans un contexte où le paiement des taxes municipales constitue un poste de dépenses important pour les PME, il apparaît opportun de se pencher sur les moyens et les programmes disponibles pour les entreprises et qui pourraient avoir un impact favorable sur leur fardeau fiscal municipal. LA CONTESTATION DE L’ÉVALUATION FONCIÈRE Le compte de taxes foncières que doit payer le propriétaire d’un immeuble est le résultat de l’opération mathématique suivante : l’évaluation foncière de l’immeuble multipliée par le taux de taxe applicable pour sa catégorie. L’établissement des taxes foncières municipales dont une entreprise est redevable est donc tributaire de la valeur de son immeuble, établie par l’évaluateur municipal et inscrite au rôle d’évaluation de la municipalité. La valeur de l’immeuble portée au rôle d’évaluation doit correspondre à sa valeur réelle, soit « sa valeur d'échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence »2. Que faire si l’immeuble commercial ou industriel est surévalué? Toute personne ayant un intérêt dispose de recours afin de contester l’exactitude, la présence ou l’absence d’une inscription au rôle d’évaluation. Ce recours s’exerce par le dépôt d’une demande de révision auprès de l’organisme municipal responsable de l’évaluation avant le 1er mai qui suit l’entrée en vigueur du rôle triennal d’évaluation. À défaut d’entente avec l’évaluateur municipal, la personne ayant formulé la demande de révision peut exercer un recours devant la section des affaires immobilières du Tribunal administratif du Québec (« TAQ ») dans les délais prescrits par la loi. LES ÉQUIPEMENTS NON TAXABLES Lors de contestations visant des immeubles industriels, le TAQ doit notamment statuer sur le caractère taxable de certains équipements. En effet, la Loi sur la fiscalité municipale prévoit que les équipements utilisés ou destinés à des fins de production industrielle ne sont pas portables au rôle3. Cette notion a récemment été élargie par le TAQ dans l’affaire Winpak Heat Seal Packaging Inc c. Vaudreuil-Dorion (Ville)4, où le Tribunal a conclu à l’exclusion du rôle d’évaluation d’un système de climatisation, de poutres de roulement et de ponts roulants au motif que ceux-ci constituaient les accessoires d’une machine ou d’un appareil utilisés ou destinés à des fins de production industrielle. Dans une autre décision récente, le TAQ statuait que des silos, des robots, des palettiseurs et des enrobeuses utilisés à des fins de production industrielle devaient être exclus de la valeur foncière de l’immeuble5. De même, seuls les systèmes ou portions de systèmes électriques ou mécaniques nécessaires au bâtiment pour l'éclairage, le chauffage, la climatisation, la ventilation, l'alimentation en eau ou l'évacuation des eaux doivent être inclus dans l’évaluation municipale, tout excédent devant y être exclu. En outre, une machine, un appareil et leurs accessoires qui sont utilisés ou destinés à des fins de lutte contre la pollution doivent être exclus de la valeur foncière. LE CRÉDIT DE TAXES ET L’AIDE AUX ENTREPRISES Les entreprises bénéficient également de solutions non litigieuses pour tenter d’alléger leur fardeau fiscal municipal : elles peuvent se prévaloir, lorsqu’ils existent, de programmes municipaux en matière de crédit de taxes et d’aide aux entreprises. Depuis 2006, les municipalités possèdent de nouveaux pouvoirs en matière de soutien au développement économique. Ainsi, une municipalité peut accorder une aide à toute personne qui exploite une entreprise du secteur privé déjà présente sur son territoire et qui est propriétaire ou occupante d'un immeuble autre qu'une résidence. À noter que la valeur de l'aide qui peut ainsi être accordée ne peut cependant dépasser 100 000 $ par exercice financier pour l'ensemble des bénéficiaires de la municipalité6. Les municipalités peuvent aussi accorder une aide à la relocalisation sur leur territoire d’une entreprise commerciale ou industrielle qui y est déjà présente, le montant de cette aide étant par ailleurs limité au coût réel de la relocalisation. Finalement, les municipalités peuvent adopter un programme de crédit de taxes visant les personnes qui exploitent dans un but lucratif une entreprise du secteur privé et les coopératives qui sont propriétaires ou occupantes d'un immeuble du secteur manufacturier ou exerçant certains types d’activités commerciales7. À noter toutefois que bien que de tels programmes constituent un outil intéressant pour le développement économique local, ils ne sont pas instaurés dans toutes les municipalités. CONCLUSION Obstacle majeur à la croissance et au développement des PME, l’impôt foncier constitue un poste de dépenses à caractère récurrent souvent négligé par les entreprises. Dans une économie hautement concurrentielle, les PME auraient intérêt à examiner plus attentivement les pistes de solutions visant à diminuer cette forme d’imposition non reliée au rendement économique de l’entreprise. ________________________________ 1 « PME et bungalow : deux poids, deux mesures dans la taxation municipale », octobre 2013, http://www.cfib-fcei.ca/cfib-documents/rr3304f.pdf. 2 Art. 42 et 43 de la Loi sur la fiscalité municipale, L.R.Q. c. F-2.1. 3 Art. 65 de la Loi sur la fiscalité municipale. 4 2014 CanLII 24982 (QC TAQ). 5 9008-5747 Québec inc. c. Ville de Boucherville et al., 2014 QCTAQ 09135. 6 Art. 92.1 de la Loi sur les compétences municipales L.R.Q. c. C-47.1. 7 Art. 92.1 et 92.2 de la Loi sur les compétences municipales. LES BREVETS EN MATIÈRE INFORMATIQUE : NOUVELLES BALISES Éric Lavallée Il est fréquent que des entreprises mettent au point et tentent de protéger des éléments de propriété intellectuelle relatifs à des méthodes d’affaires mises en oeuvre par ordinateur. Il peut s’agir, par exemple, de sites sur Internet permettant d’exploiter une entreprise commerciale de manière innovante. En 2011, dans la cause de Amazon.com, Inc. c. Canada (Procureur général)1, la Cour d'appel fédérale canadienne invitait la commissaire aux brevets à déterminer la brevetabilité d’un procédé de magasinage sur Internet au moyen d’un seul clic en gardant à l'esprit qu’une nouvelle pratique commerciale pouvait constituer un élément essentiel d'une revendication de brevet valide. Toutefois, la Cour a réitéré que l’on ne devait pas faire droit à cette revendication si le seul élément inventif de la revendication est un algorithme programmé dans un ordinateur. On peut établir un parallèle entre cette décision et celle rendue au mois de juin dernier par la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire Alice Corporation PTY. Ltd. v. CLS Bank International et al.2 (ci-après « Alice »). Dans cette affaire, CLS Bank demandait l'invalidation de brevets détenus par Alice Corporation, qui portaient sur une méthode visant à mitiger des risques financiers. Les revendications au soutien de cette demande de brevet portaient sur une méthode d’échange d’obligations financières, un système informatique permettant de mettre en oeuvre cette méthode, ainsi qu'un support informatique contenant le code source permettant la mise en oeuvre de la méthode. La Cour suprême américaine a conclu que ces brevets étaient invalides au motif qu'ils portaient sur des idées abstraites ne pouvant faire l'objet d'un brevet. Le fait que la méthode d'affaires sous-jacente ait été déclarée non brevetable est conforme aux décisions antérieures de cette même cour. La décision Alice institue toutefois quelques balises supplémentaires quant aux inventions mises en oeuvre par ordinateur. Notamment, de l’avis du plus haut tribunal américain, l’implémentation informatique générique d'une méthode n’a pas pour effet de rendre brevetable une idée abstraite qui ne le serait pas autrement. Ces décisions mettent en lumière la difficulté d'obtenir des brevets valides en matière d'inventions mises en oeuvre par ordinateur et devront dorénavant être prises en compte dans la rédaction de demandes de brevets portant sur de telles inventions. Les concepteurs souhaitent souvent obtenir des brevets sur des logiciels. Toutefois, à la lumière de la jurisprudence récente, ceci ne semble pas possible pour de simples implémentations génériques d'algorithmes informatiques. Dans bien des cas, la meilleure protection ne sera donc plus le monopole qui pourrait être conféré par un brevet, mais plutôt les alliances qui pourront être conclues avec des joueurs importants de l'industrie ou simplement la notoriété acquise par une entreprise du fait d’être la première à occuper un créneau particulier. Par ailleurs, pour les entreprises qui désirent acquérir des droits sur des brevets relatifs à des inventions mises en oeuvre par ordinateur, il sera sûrement pertinent d'évaluer au préalable la validité de ces brevets. Notons que les tribunaux américains d'instances inférieures ont invalidé dans les derniers mois plusieurs brevets accordés avant l’affaire Alice. Acquérir des droits sur de tels brevets pourrait donc se révéler un très mauvais investissement. Enfin, il ne faut pas négliger l'importance de bien documenter le code source relatif aux méthodes d'affaires mises en oeuvre par informatique, celui-ci étant généralement assujetti aux droits d’auteur. Les droits d’auteur confèrent dans plusieurs cas une protection complémentaire à celle pouvant être offerte en vertu d’un brevet. Bien qu'il soit parfois relativement facile de contourner les droits d'auteur en mettant au point des codes sources dont la structure est différente, mais qui donnent des résultats équivalents, il n'en reste pas moins qu'il est fréquent de voir des codes sources dont la mise au point a exigé beaucoup d’efforts de la part d’une entreprise être carrément copiés par d’ex-employés ou des partenaires d’affaires sans scrupule. Dans de telles situations, il est primordial d’être en mesure de faire la preuve à la satisfaction des tribunaux de ce qui a été mis au point au sein de l'entreprise afin de faire valoir les droits d’auteur sur les codes sources en cause. En conclusion, lorsqu’il est question de protection de la propriété intellectuelle d’une entreprise en matière informatique, il est souhaitable d’établir une stratégie qui comprend à la fois les secrets commerciaux, les brevets et les droits d’auteur et tient compte des balises jurisprudentielles récentes en matière de brevets informatiques. ________________________________ 1 2011 CAF 328, [2012] 2 RCF 459. 2 (2014) (Docket No. 13-298).
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Francisation - Projet de loi nº 14 modifiant la Charte de la langue française
Cette publication a été écrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Le titre du présent bulletin résume bien les notes explicatives qui font office de prologue au Projet de loi nº 14 intitulé « Loi modifiant la Charte de la langue française, la Charte des droits et libertés de la personne et d’autres dispositions législatives » (le « Projet de loi »). Le législateur s’inquiète du fait que la langue anglaise soit utilisée de façon systématique dans certains lieux de travail. Le Projet de loi a été présenté le 5 décembre 2012 et les modifications qui y sont suggérées visent à réaffirmer la primauté de la langue française en tant que langue officielle et langue commune au Québec.
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Bulletin d’information juridique à l’intention des entrepreneurs et des décideurs, Numéro 13
La vérification diligente dans le cadre de la location Les facteurs de validité d’un règlement municipal analysés par la Cour suprême Nouvelles embûches pour l’employé constitué en société
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Responsabilité municipale – Loi sur la sécurité incendie - La Cour supérieure se prononce – l’immunité est maintenue; à suivre...
La Loi sur la sécurité incendie est entrée en vigueur le 1er septembre 2000; son objectif est de mettre en place les modalités d’organisation de la sécurité incendie au sein des municipalités régionales de comté et des grandes agglomérations du Québec. L’article 8 de la Loi impose à celles-ci l’obligation d’établir un schéma de couverture de risque qui doit, par la suite, être approuvé par le Ministre de la sécurité publique.
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La collaboration fédérale-provinciale en milieu municipal :un vœu pieux ou un objectif réaliste?
Dans un État fédéral, la complémentarité des pouvoirs d’intervention des deux ordres de gouvernement et la collaboration dans leur exercice favorisent de façon évidente l’efficience de la gouvernance. Au cours des 15 dernières années, il y a une tendance certaine de la Cour suprême à favoriser un fédéralisme plus souple de façon à tenter d’établir un équilibre entre les intérêts locaux et nationaux. Dans ce cadre, le principe du « fédéralisme coopératif », qui implique une approche de coopération des gouvernements quant à l’exercice de leurs compétences, a été invoqué à plusieurs reprises en faveur des législatures locales de manière à atténuer la rigueur de certaines doctrines constitutionnelles favorisant le pouvoir central.
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Bulletin d’information juridique à l’intention des entrepreneurs et des décideurs, Numéro 4
Réforme majeure du droit corporatif québécois Contestation d’évaluation foncière Notions essentielles en matière de main-d’oeuvre étrangère ou Immigration d’affaires 101