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Riches en information pertinente, nos publications vous permettent d’être à l’affût de l’actualité juridique qui vous touche, quel que soit votre secteur d’activité. Nos professionnels s’engagent à vous tenir au fait des dernières nouvelles juridiques, à travers l’analyse des derniers jugements, modifications et entrées en vigueur législatives et réglementaires.

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  • La cybersécurité et les dangers liés à l’Internet des objets

    Alors que le gouvernement canadien manifeste son intention de légiférer en matière de cybersécurité (voir le projet de loi C-26 visant à mettre en place une Loi sur la protection des cybersystèmes essentiels), plusieurs entreprises ont déjà entrepris des démarches sérieuses pour sécuriser leurs infrastructures informatiques. Toutefois, l’Internet des objets et trop souvent négligé lors de ces démarches. Pourtant, plusieurs appareils sont directement connectés aux infrastructures informatiques les plus importantes pour les entreprises. Les robots industriels, les dispositifs qui contrôlent l’équipement de production en usine ou ceux qui aident les employés sur la route à effectuer leurs livraisons en sont des exemples. Des systèmes d’exploitation ainsi que diverses applications sont installés sur ces appareils. Le fonctionnement même de nombreuses entreprises et la sécurité de certains renseignements personnels dépendent de la sécurité de ces appareils et de leurs logiciels. Par exemple : Une attaque pourrait viser les systèmes de contrôle d’équipement de fabrication en usine et entraîner une interruption de la production de l’entreprise ainsi que des coûts importants de remise en fonction et des délais de production; En visant les équipements de production et les robots industriels, un attaquant pourrait subtiliser les plans et les paramètres de fabrication de différents procédés, ce qui pourrait mettre en péril les secrets industriels d’une entreprise; Des lecteurs de codes à barres utilisés pour la livraison de colis pourraient être infectés et transmettre des renseignements, notamment des renseignements personnels, à des pirates informatiques L’Open Web Application Security Project (OWASP), un organisme sans but lucratif, a publié une liste des dix plus grands risques de sécurité pour l’Internet des objets1. Les gestionnaires d’entreprises qui utilisent de tels équipements doivent être conscients de ces enjeux et prendre des mesures pour mitiger ces risques. Nous nous permettons de commenter certains de ces risques dont la mitigation requiert des politiques adaptées et une saine gouvernance au sein de l’entreprise : Mots de passe faibles ou immuables : certains dispositifs sont vendus avec des mots de passe initiaux connus ou faibles. Il est important de s’assurer que, dès leur installation, ces mots de passe sont changés, puis d’en garder un contrôle serré. Seul le personnel informatique désigné devrait connaître les mots de passe permettant de configurer ces appareils. De plus, il faut éviter d’acquérir des équipements ne permettant pas une gestion de mots de passe (par exemple, dont le mot de passe est immuable). Absence de mises à jour : l’Internet des objets repose souvent sur des ordinateurs dont les systèmes d’exploitation ne sont pas mis à jour pendant leur durée de vie. Il en résulte que certains appareils sont vulnérables parce qu’ils utilisent des systèmes d’exploitation et des logiciels ayant des vulnérabilités connues. À cet égard, une saine gouvernance permet d’une part de s’assurer que de tels appareils sont mis à jour, et d’autre part, de n’acquérir que des appareils permettant de procéder aisément à de telles mises à jour régulières. Gestion déficiente du parc d’appareils connectés : Certaines entreprises n’ont pas un portrait clair de l’Internet des objets déployés au sein de leur entreprise. Il est impératif d’avoir un inventaire de ces appareils, de leur rôle au sein de l’entreprise, du type de renseignements qui s’y trouvent et des paramètres essentiels à leur sécurité. Manque de sécurité physique : Dans la mesure du possible, l’accès à ces appareils devrait être sécurisé. Trop souvent, des appareils sont laissés sans surveillance dans des lieux où ils sont accessibles au public. Des directives claires doivent être données aux employés pour que ceux-ci adoptent des pratiques sécuritaires, notamment en ce qui concerne l’équipement destiné à être déployé sur la route. Le conseil d’administration d’une entreprise joue un rôle clé en matière de cybersécurité. En effet, le défaut des administrateurs de s’assurer qu’un système de contrôle adéquat est mis en place et d’assurer une surveillance des risques peut engager leur responsabilité. Dans ce contexte, voici quelques éléments que les entreprises devraient considérer pour assurer une saine gouvernance : Revoir la composition du conseil d’administration et réviser la matrice des compétences afin de s’assurer que l’équipe possède les compétences requises; Offrir de la formation à tous les membres du conseil d’administration afin de développer la cybervigilance et leur donner des outils pour remplir leur devoir d’administrateur; et Évaluer les risques associés à la cybersécurité, notamment ceux découlant des appareils connectés, et établir les moyens de mitiger ces risques. La Loi 25, soit la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, prévoit plusieurs obligations destinées au conseil d’administration, notamment celle de nommer un responsable de la protection des renseignements personnels et celle d’avoir un plan de gestion et un registre des incidents de confidentialité. À cet effet, nous vous invitons à consulter le bulletin suivant : Modifications aux lois sur la protection des renseignements personnels : ce que les entreprises doivent savoir (lavery.ca) Finalement, une entreprise doit en tout temps s’assurer que les identifiants, mots de passe et autorisations auprès des fournisseurs permettant au personnel informatique d’intervenir  ne sont pas entre les mains d’une seule personne ou d’un seul fournisseur. Ceci placerait l’entreprise en position de vulnérabilité si la relation avec cette personne ou ce fournisseur venait à se dégrader. Voir notamment OWASP top 10

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  • Brevets au Canada : la Cour fédérale confirme que le Règlement MB(AC) instaure un mécanisme de mise en application des brevets uniquement en ce qui concerne les produits qui sont effectivement offerts

    Dans une décision récente de la Cour fédérale, le juge Fothergill a rejeté les demandes de contrôle judiciaire d’AbbVie concernant les décisions suivantes du ministre de la Santé (le « Ministre ») : JAMP n’est pas une « seconde personne » au sens du paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [le « Règlement sur les MB(AC) »]; la délivrance d’un avis de conformité à JAMP pour ses formes pharmaceutiques de SIMLANDIMC. Préambule Le médicament HUMIRAMD d’AbbVie a reçu une première approbation de mise en marché au Canada en 2004 à une concentration de 50 mg/mL d’adalimumab. HUMIRA est utilisé pour traiter de nombreuses affections médicales, notamment la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn chez l’adulte et chez l’enfant ainsi que le psoriasis. En 2016, Santé Canada a approuvé l’utilisation d’HUMIRA à haute concentration (100 mg/ml) sous la forme d’une seringue et d’un stylo auto-injecteur contenant une dose de 40 mg/0,4 ml (correspondant respectivement aux DIN 02458349 et DIN 02458357). En fait, AbbVie a obtenu l’autorisation de commercialiser diverses concentrations d’HUMIRA sous diverses formes au Canada, mais elle ne vend activement que certaines d’entre elles soit : la formulation originale à plus faible concentration (50 mg/ml) sous la forme d’un stylo auto-injecteur contenant une dose de 50 mg/ml et d’une seringue contenant une dose de 40 mg/0,8 ml, et la récente formulation à concentration plus élevée (100 mg/ml) sous la forme d’une seringue contenant une dose de 20 mg/0,2 ml. En décembre 2020 ou janvier 2021, JAMP a demandé au Canada l’approbation réglementaire de son médicament SIMLANDI, un « biosimilaire » d’HUMIRA, à certaines des teneurs qu’AbbVie ne vend pas activement, c’est-à-dire : des seringues contenant des doses de 40 mg/0,4 ml et de 80 mg/0,8 ml, et un stylo auto-injecteur contenant une dose de 40 mg/0,4 ml. Dans sa présentation de drogue nouvelle (la « PDN »), JAMP a fait référence aux trois produits médicamenteux HUMIRA qui ont exactement les mêmes formes pharmaceutiques, dosages et voies d’administration que les médicaments à commercialiser sous le nom de SIMLANDI. Dans les présentes, on appellera ces trois produits médicamenteux HUMIRA (DIN 02458349, 02458357 et 02466872) les « produits HUMIRA de référence ». Au moment où JAMP a soumis sa PDN, AbbVie n’avait mis en marché aucun de ces produits HUMIRA de référence. Dans sa correspondance avec le Bureau des présentations et de la propriété intellectuelle (le « BPPI ») de Santé Canada, et après qu’on lui a mentionné que sa PDN était incomplète, JAMP a soumis des formulaires V « sans préjudice » et a indiqué qu’elle n’était pas tenue de se conformer au paragraphe 5(1) du Règlement sur les MB(AC) puisqu’elle n’était pas une « seconde personne » au sens de ce dernier, car les produits HUMIRA de référence n’avaient pas été mis en marché au Canada depuis plusieurs années et qu’il ne s’agissait donc pas de médicaments « commercialisé[s] sur le marché canadien » comme le stipule le paragraphe 5(1). 5 (1) Dans le cas où la seconde personne dépose une présentation pour un avis de conformité à l’égard d’une drogue, laquelle présentation, directement ou indirectement, compare celle-ci à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien aux termes d’un avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard de laquelle une liste de brevets a été présentée — ou y fait renvoi —, cette seconde personne inclut dans sa présentation les déclarations ou allégations visées au paragraphe (2.1). [soulignement ajouté] Le Bureau des médicaments brevetés et de la liaison (le « BMBL ») de Santé Canada a par la suite informé AbbVie de son opinion préliminaire selon laquelle les produits HUMIRA de référence n’étaient effectivement pas commercialisés sur le marché canadien. Par conséquent, le paragraphe 5(1) du Règlement sur les MB(AC) ne s’appliquait pas à ces produits de référence. Cependant, AbbVie a soutenu que JAMP faisait néanmoins référence à un médicament qu’elle avait mis en marché au Canada, qui relève donc du paragraphe 5(1) du Règlement sur les MB(AC). Plus précisément, AbbVie a soutenu que la PDN de JAMP pour SIMLANDI faisait indirectement référence à sa seringue HUMIRA préremplie à 20 mg/0,2 ml parce que les deux produits avaient la même concentration (soit 100 mg/ml). Il s’agissait donc de déterminer si une seconde personne qui demandait l’approbation d’un médicament contenant une ou des doses particulières (40 mg/0,4 ml et 80 mg/0,8 ml dans ce cas-ci) pouvait être considérée comme faisant indirectement référence à une « drogue commercialisée sur le marché canadien » contenant une autre dose (20 mg/0,2 ml), les deux produits ayant par ailleurs la même concentration d’ingrédient actif (soit 100 mg/ml). La décision du Ministre Après avoir examiné les arguments des deux parties, le BMBL a rendu sa décision définitive le 23 décembre 2021. Il a confirmé sa détermination préliminaire selon laquelle JAMP n’était pas une seconde personne au sens du paragraphe 5(1) du Règlement MB(AC), et que les obligations à l’avenant ne s’appliquaient que si la PDN de la seconde personne, « directement ou indirectement, compare [ce médicament] à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien [...] ou y fait renvoi ». Le BMBL a conclu que l’expression « une autre drogue commercialisée sur le marché canadien » ne désigne qu’un produit de référence qui a précisément la même dose, la même forme posologique et la même voie d’administration que le produit de la seconde personne (c’est-à-dire que la correspondance doit être précise au niveau du DIN). Le Ministre a conclu que la comparaison « indirecte » mentionnée au paragraphe 5(1) n’élargissait pas la portée des médicaments pour lesquels une seconde personne devait se reporter aux brevets inscrits au registre des brevets à l’égard de produits n’ayant pas exactement les mêmes dose, forme posologique et voie d’administration. Par conséquent, la seringue HUMIRA préremplie à 20 mg/0,2 ml qu’AbbVie a commercialisée n’était pas un produit de référence approprié pour les seringues préremplies à 40 mg/0,4 ml et à 80 mg/0,8 ml, et un stylo auto-injecteur à 40 mg/0,4 ml de JAMP. Le Ministre a donc délivré des avis de conformité à JAMP le 5 janvier 2022 et JAMP a lancé ses produits le 13 avril 2022. Par la suite, AbbVie a demandé un contrôle judiciaire de ces deux décisions connexes du Ministre, ce qui a mené à la présente décision de la Cour fédérale. Finalement, la cour a donné raison au Ministre. Plus précisément, elle a conclu que, inter alia, les verdicts suivants du Ministre sont raisonnables : l’expression « une autre drogue » au paragraphe 5(1) du Règlement MB(AC) se limite à un produit de référence qui doit avoir exactement la même dose, la même forme posologique et la même voie d’administration que le médicament de la seconde personne; le paragraphe 5(1) du Règlement MB(AC) ne s’applique que si 1) une seconde personne soumet une demande d’avis de conformité qui compare directement ou indirectement son médicament à « une autre drogue » ou y fait renvoi, 2) cette « autre drogue » est commercialisée sur le marché canadien en vertu d’un avis de conformité délivré à une première personne, et 3) cette « autre drogue » est un médicament pour lequel la première personne a déposé une liste de brevets; un médicament qui n’est pas commercialisé n’est pas protégé par le Règlement MB(AC); et JAMP n’était pas une seconde personne au sens du paragraphe 5(1) pour la simple raison qu’AbbVie ne commercialisait pas sur le marché canadien les médicaments HUMIRA auxquels JAMP devait faire référence dans sa PDN. Conclusion Les décisions du Ministre, ainsi que le verdict de la Cour fédérale qui atteste le caractère raisonnable de ces décisions (dans l’attente de tout appel), soulignent l’un des objectifs législatifs du Règlement MB(AC), à savoir instaurer un mécanisme de mise en application des brevets uniquement en ce qui concerne les produits qui sont effectivement offerts à la population canadienne. Elles clarifient également certains effets pratiques de cet objectif législatif, à savoir que le mécanisme de mise en application du Règlement MB(AC) n’est accessible qu’à un innovateur qui met son médicament novateur en marché au Canada, et que le paragraphe 5(1) du Règlement MB(AC) ne s’applique qu’à un produit de référence qui a exactement la même dose, la même forme posologique et la même voie d’administration que le médicament à approuver. Toutefois, les innovateurs ont quand même des recours lorsqu’il s’agit de médicaments qu’ils ne commercialisent pas sur le marché canadien. Dans de telles circonstances, bien qu’ils ne puissent pas utiliser le Règlement MB(AC) pour empêcher la délivrance d’un avis de conformité à un concurrent, ils peuvent néanmoins entamer une procédure normale devant la Cour fédérale pour la contrefaçon d’un brevet.   Vous pouvez consulter une copie de la décision, AbbVie Corporation c. Canada (Santé), 2022 FC 1209, en cliquant ici.   Notre équipe responsable de la propriété intellectuelle se fera un plaisir de répondre à toutes vos questions concernant le Règlement MB(AC).

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  • La vente sans garantie légale et aux risques et périls de l’acquéreur : la clarté s’impose!

    Le 15 juillet 2022, le juge François Lebel de la Cour du Québec a rendu une décision1 confirmant que dans le cadre d’une vente immobilière, une clause d’exclusion de garantie aux risques et périls de l’acquéreur, claire et non ambiguë, entraîne une rupture dans la chaîne de titres qui empêche l’acquéreur d’intenter tout recours fondé sur cette garantie contre son vendeur et contre les vendeurs précédents. Le juge Lebel a ainsi déclaré irrecevable la demande introductive d’instance contre les défendeurs Marshall et Bergeron et a rejeté l’appel en garantie. La décision s’arrime avec le récent arrêt Blais2rendu en mai 2022 par la Cour d’appel du Québec ayant clarifié l’état du droit sur l’impact de la présence de l’exclusion de la garantie légale dans un cadre de ventes successives. Les faits En mars 2009, le défendeur Bergeron vend un immeuble à logements (ci-après l’« Immeuble ») aux défendeurs  Marshall, avec la garantie légale de qualité. En mai 2012, les Marshall vendent à leur tour l’Immeuble aux défendeurs Hamel et Drouin, toujours avec la garantie légale de qualité. En décembre 2016, les défendeurs Hamel et Drouin revendent l’Immeuble à la demanderesse, mais cette fois-ci « sans la garantie légale de qualité, aux risques et périls de l’acquéreur, mais avec la garantie quant aux titres ». À l’automne 2020, la demanderesse procède à des travaux de réfection des drains agricoles. C’est à cette occasion qu’elle constate la présence d’hydrocarbures pétroliers dans les sols situés sous les fondations de l’Immeuble, rendant le sol non conforme pour un usage résidentiel. Selon un rapport d’expertise, la contamination alléguée provient de la présence antérieure d’un réservoir d’huile à chauffage situé dans une remise à l’arrière de l’Immeuble. Ce réservoir aurait été retiré avant la vente de décembre 2016. La demanderesse demande la diminution du prix de vente et la condamnation solidaire des défendeurs Hamel et Drouin et des deux vendeurs antérieurs, les défendeurs Marshall et Bergeron. Elle invoque la garantie de qualité prévue aux articles 1726 et suivants du Code civil du Québec (C.c.Q.) et la garantie contre les limitations de droit public prévue à l’article 1725 C.c.Q. La demanderesse se dit également victime d’un dol de la part des défendeurs Hamel et Drouin. Après avoir été appelés en garantie par les défendeurs Hamel et Drouin, les défendeurs Marshall demandent le rejet de la demande principale et de la demande en garantie. Ils allèguent que la vente de l’Immeuble entre les défendeurs Drouin et Hamel et la demanderesse a été faite aux risques et périls de l’acquéreur et qu’une telle mention dans un acte de vente postérieur rompt de façon irrémédiable la chaîne de titres, faisant échec à tout recours de la demanderesse contre son vendeur et les vendeurs antérieurs. Le droit et l’importance d’une clause claire L’article 1442 C.c.Q., qui codifie les principes découlant de l’arrêt Kravitz3 permet en principe à l’acheteur de rechercher la responsabilité des vendeurs antérieurs à son propre vendeur. Toutefois, pour que ce recours soit valide, il doit être démontré : que le vice existait au moment où les vendeurs antérieurs étaient propriétaires de l’immeuble; et que le droit à la garantie légale s’est transmis jusqu’à la demanderesse par les ventes subséquentes. En effet, le recours direct de l’acquéreur d’un immeuble contre un vendeur précédent existe conformément à l’article 1442 C.c.Q. Il présuppose toutefois que le droit à la garantie légale s’est transmis entre chaque propriétaire, et ce, jusqu’à l’acquéreur actuel qui tenterait de déposer un recours en vices cachés. Autrement dit, la garantie légale doit avoir été transmise entre chaque propriétaire, soit à travers la chaîne de titres. Dans l’arrêt Blais, la Cour d’appel confirme qu’une clause d’exclusion de garantie qui ne souffre d’aucune ambiguïté entraîne une rupture dans la chaîne de titres. Une telle clause a donc pour conséquence de priver l’acheteur d’un immeuble d’un recours direct contre les anciens propriétaires qui ont vendu l’immeuble avec la garantie légale. Suivant l’arrêt Blais, il est maintenant clair qu’une telle clause d’exclusion de la garantie légale ferme la porte à tout recours direct contre les auteurs d’un vendeur, même si ceux-ci ont vendu l’immeuble avec les garanties légales4. Dans ces circonstances, celui qui acquiert l’immeuble à ses risques et périls est privé d’un droit d’action direct contre les vendeurs antérieurs dans la mesure où la clause de limitation de garantie à l’acte de vente est claire et non équivoque. En l’espèce, le juge Lebel considère que la formulation de la clause d’exclusion de garantie à l’acte de vente qui lie la demanderesse est claire et non ambiguë et qu’une vente « aux risques et périls » de l’acheteur écarte tant la garantie de qualité que la garantie de propriété qui couvre les limitations de droit public sous l’article 1725 C.c.Q. Le juge Lebel mentionne qu’il y a rupture dans la chaîne de titres créée par la vente aux risques et périls de l’acheteur et que la demanderesse ne peut prétendre qu’il subsiste un droit d’action direct contre les vendeurs au-delà des défendeurs Hamel et Drouin. Il donne donc raison aux défendeurs Marshall et Bergeron et déclare irrecevable la demande introductive d’instance contre eux. Ce qu’il faut retenir Pour qu’une clause d’exclusion de garantie dans un contrat de vente soit valide, elle doit être claire et non ambiguë; La mention qu’une vente se fait « aux risques et périls de l’acheteur » écarte de façon complète tant la garantie de qualité prévue par l’article 1726 C.c.Q que la garantie de propriété prévue par l’article 1725 C.c.Q.; Un contrat de vente comportant une clause d’exclusion de garantie valide ET une mention que la vente est faite « aux risques et périls de l’acheteur » fait échec à tout recours de l’acheteur contre le vendeur, mais aussi contre les vendeurs antérieurs. Dans le contexte actuel du marché immobilier québécois, la décision Hamel, qui s’arrime avec les enseignements de la Cour d’appel dans Blais, a le mérite de clarifier l’application des courants jurisprudentiels établis pendant les dernières années et notamment l’effet de la clause de limitation de garantie sur les ventes successives. Nos membres de l’équipe Litige et règlements des différends demeurent disponibles pour vous conseiller et répondre à vos questionnements. 9348-4376 Québec inc. c. Hamel, 2022 QCCQ 5217 Blais c. Laforce, 2022 QCCA 858. General Motors Products of Canada Ltd c. Kravitz, [1979] 1 R.C.S. 790 Préc. note 1, par. 6 et 8.

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  • Autorisations de soins: la Cour d’appel se prononce sur la représentation des patients par avocat, les clauses d’hospitalisation et de ré-hospitalisation

    Dans un arrêt rendu le 1er septembre 20221, la Cour d’appel du Québec affirme qu’un juge saisi d’une demande en autorisation de soins doit s’assurer que le patient visé puisse être entendu et faire valoir ses droits. La Cour en profite également pour analyser les clauses d’hospitalisation à durée indéterminée et les clauses de ré hospitalisation rendues nécessaires suite à une détérioration ultérieure de la santé d’un patient. Représentation des patients par avocat Le raisonnement de la Cour s’appuie sur les éléments suivants : L’article 90 C.p.c. permet au juge de nommer d’office un avocat pour assurer la sauvegarde des droits et des intérêts d’une personne inapte; Une audience portant sur une demande d’autorisation de soins ne devrait pas se tenir sans que la personne visée ne soit représentée par avocat; Le principe voulant qu’une personne visée soit représentée par avocat peut comporter certaines exceptions mais il ne pourra être écarté qu’après que des démarches aient été effectuées pour proposer à la personne visée la présence d’un avocat, à la suite d’une fine pondération des enjeux et des circonstances de l’espèce et d’une décision expressément motivée par le juge. Ainsi, lorsqu’une demande en autorisation de soins est présentée, le cadre d’analyse suivant doit être suivi dès le début de l’audience: Le juge doit évaluer si la personne visée est inapte. Pour satisfaire cette première exigence, la preuve préliminaire d’une « vraisemblance d’inaptitude » doit être administrée2; La nomination d’un avocat doit être nécessaire à la sauvegarde des droits et intérêts de la personne3 Lorsque ces conditions sont satisfaites, le juge doit suspendre l’instance en vertu de l’article 160 C.p.c., pour la période nécessaire pour qu’un avocat soit nommé en vue de représenter le patient. Le tribunal pourra également prononcer une ordonnance de sauvegarde. Si le juge n’est pas convaincu que la seconde condition est remplie, il peut retenir sa décision et entendre la preuve. Une fois la preuve administrée, il peut décider de prononcer une ordonnance de sauvegarde si les étapes sont satisfaites ou trancher le fond de la demande si ce second critère n’est pas satisfait. Dans ce dernier cas, il devra exposer expressément les motifs qui l’ont mené à conclure ainsi. La Cour rappelle qu’en amont d’une audience, un établissement de santé doit s’assurer que tout soit mis en œuvre pour que la personne visée ait la possibilité d’être représentée par avocat. La présence d’un avocat disponible aux audiences de soins serait, selon la Cour, une pratique idéale afin de permettre au juge de le nommer d’office. Les clauses d’hospitalisation et de ré hospitalisation Dans cette affaire, le patient attaquait la conclusion selon laquelle il devait demeurer hospitalisé à compter du prononcé du jugement autorisant ses soins jusqu’à son congé médical. La cour rappelle qu’en l’absence d’une preuve appropriée, il n’appartient pas à la Cour d’usurper le rôle du corps médical en fixant une durée à une hospitalisation en cours. La cour maintient la conclusion de l’ordonnance selon laquelle l’hospitalisation du patient doit se poursuive « jusqu’à ce que le médecin traitant juge la condition [du patient] suffisamment stabilisée pour lui permettre d’obtenir un congé sécuritaire. Enfin, le patient contestait également la conclusion du jugement portant sur sa ré-hospitalisation en cas de non-collaboration aux soins. La cour d’appel précise d’une clause de cette nature ne doit pas être une sanction à l’inobservation du plan de traitement. Une clause de ré-hospitalisation pour cause de non-collaboration dépend des circonstances de chaque dossier et doit faire l’objet d’une preuve appropriée. La cour n’écarte cependant pas que cette éventualité puisse justifier la ré-hospitalisation d’un patient si une preuve en ce sens est présentée. Les membres de l’équipe Droit de la santé de Lavery représentent régulièrement des établissements de santé et demeurent disponibles pour vous conseiller et répondre à vos questions en lien avec cette nouvelle évolution de la jurisprudence. A.N. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal, 2022 QCCA 1167 Par. 33 et s. Par. 49 et s.

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  • Nourrir son ambition : Lavery dévoile une nouvelle image de marque

    Lavery dévoile aujourd’hui sa nouvelle image de marque. Au-delà d’un changement visuel, cette transformation traduit notre ambition de propulser la croissance des organisations faisant des affaires au Québec. Couleurs actuelles distinctives, imagerie contemporaine d’un illustrateur québécois de renom, volonté de briser les codes de l’industrie : tout a été pensé pour incarner pleinement notre ADN axé sur le partenariat d’affaires avec nos clients. À la fois chaleureuse et distinctive, la nouvelle signature et l’optimisation de notre positionnement témoignent de notre unicité dans le marché et dans le secteur des services professionnels.  Notre image de marque s’appuie sur l’engagement, l’expérience, la création de valeur et la croissance, les quatre piliers principaux qui guident nos actions et donnent un sens à chacune de nos interventions.   L’engagement, signé Lavery, c’est un gage de loyauté et d’excellence. Une promesse d’atteindre les plus hauts standards de la profession, au service de nos clients. Une passion de contribuer au succès des entreprises. Une responsabilité de mettre en œuvre nos connaissances, notre expérience, notre rigueur et notre talent pour arriver au résultat optimal. Une volonté d’écouter pour bien saisir les attentes, et de s’adapter pour bien y répondre. Une garantie qu’en toute chose, Lavery persiste et signe. Notre identité visuelle reflète également notre vaste expérience. Chez Lavery, elle ne se compte pas seulement en années, elle se bâtit sur nos réalisations. Elle nous éclaire, sans nous aveugler. C’est l’assise de notre pérennité et de notre solide réputation. Et surtout, elle se partage au bénéfice de nos clients, acteurs clés de l’économie. Notre équipe se compose d’insatiables créateurs de valeur qui mettent leur talent au profit des clients. Nous comprenons que notre expertise n’est pas une fin en soi – c’est un outil. Un outil pour vous propulser. Un outil pour débusquer et saisir les occasions d’affaires. Un outil pour élargir les horizons. Un outil pour gagner des causes… et du terrain. Un outil qui vous procure des résultats concrets, tangibles, chiffrables. Une promesse de mettre notre talent à votre profit. La croissance pour Lavery, c’est d’accumuler les plus pour créer une valeur ajoutée concrète. Une valeur pour nos clients, qui veulent grandir et contribuer dans leur milieu. Une valeur pour nos professionnels et employés, qui ont soif d’atteindre leur plein potentiel. Une valeur pour la collectivité, qui profite des retombées que nous aidons à générer. Chez Lavery, la croissance, c’est ce qui nous permet tous de voir grand. Ces quatre traits distinctifs forment l’assise sur laquelle repose la promesse Lavery. C’est précisément ce que nous voulons transmettre avec notre nouvelle image : une approche personnalisée aux résultats démontrés, portée par une équipe compétente et intégrée, résolument engagée dans la réussite de ses clients. C’est ça, la signature Lavery. Nous vous invitons également à consulter notre communiqué de presse.

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  • Dix choses que vous devez savoir au sujet des modifications apportées à la Charte de la langue française du Québec

    Le Québec a adopté et promulgué le projet de loi no 96 intitulé Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, qui se veut une réforme majeure de la Charte de la langue française. Voici 10 principales modifications prévues par cette loi qui imposeront des obligations considérables aux entreprises : À compter du 1er juin 2025, les entreprises employant plus de 25 personnes (actuellement, le seuil est de 50 personnes) pendant au moins six mois seront tenues de respecter diverses obligations concernant la « francisation1 ». Les entreprises comptant entre 25 et 99 employés peuvent également se voir contraintes par l’Office québécois de la langue française (l’« OQLF »)2 de former un comité de francisation. De plus, sur demande de l’OQLF, un programme de francisation pourrait devoir être fourni pour examen dans les trois mois. À compter du 1er juin 2025, seules les marques de commerce déposées dans une langue autre que le français (et pour lesquelles aucune version en français n’a été déposée ou enregistrée) seront acceptées à titre d’exception au principe général voulant que les marques de commerce doivent être traduites en français. Les marques de commerce non déposées qui ne sont pas en français devront être accompagnées de leur équivalent en français. Sur les produits ainsi que l’étiquetage et l’emballage de ceux-ci, la règle demeure la même, c’est-à-dire que toute inscription doit être rédigée en français. Le texte en français peut être accompagné d’une ou de plusieurs traductions, mais aucune inscription écrite dans une autre langue ne doit être prédominante par rapport au texte en langue française ni être accessible dans des conditions plus favorables. Toutefois, à compter du 1er juin 2025, les termes génériques ou descriptifs inclus dans une marque de commerce déposée dans une langue autre que le français (pour laquelle aucune version en français n’a été déposée) devront être traduits en français. En outre, à compter du 1er juin 2025, dans l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local, (i) le français devra figurer de façon nettement prédominante (plutôt que d’être suffisamment présent) et (ii) les marques de commerce qui ne sont pas en français (pour lesquelles aucune version en français n’a été déposée) se limiteront aux marques de commerce déposées. Depuis le 1er juin 2022, les entreprises qui offrent au public des biens ou des services doivent respecter le droit du consommateur d’être informé et servi en français. Dans les cas de manquements à cette obligation, les clients auront le droit de déposer une plainte auprès de l’OQLF ou de demander une mesure injonctive, sauf si l’entreprise compte moins de 5 employés. En outre, toute personne morale ou entreprise qui fournit des services à l’Administration sera tenue de fournir ces services en français, y compris lorsque les services sont destinés au public. Depuis le 1er juin 2022, sous réserve de certains critères prévus dans le projet de loi, les employeurs sont tenus de rédiger les documents écrits suivants en français : les contrats individuels de travail3, les communications adressées à un travailleur ou à une association de travailleurs, incluant les communications suivant la fin du lien d’emploi avec un employé. En outre, d’autres documents tels que les formulaires de demande d’emploi, les documents ayant trait aux conditions de travail et les documents de formation doivent être rendus accessibles en français4. Depuis le 1er juin 2022, les employeurs qui souhaitent exiger que les employés aient un certain niveau de compétence dans une langue autre que le français pour pouvoir accéder à un poste doivent faire la preuve que cette exigence est nécessaire à l’accomplissement des tâches liées au poste, qu’il est impossible de procéder autrement au moyen de ressources internes et qu’ils ont déployé des efforts pour restreindre le plus possible le nombre de postes dans leur entreprise nécessitant la connaissance d’une langue autre que le français. À compter du 1er juin 2023, les parties qui souhaitent conclure, dans une autre langue que le français, un contrat de consommation et, sous réserve de diverses exceptions5, un contrat d’adhésion qui n’est pas un contrat de consommation devront avoir reçu une version en français du contrat avant d’y consentir. Dans le cas contraire, une partie peut exiger que le contrat soit annulé sans qu’il soit nécessaire de faire la preuve d’un préjudice. À compter du 1er juin 2023, il sera interdit à l’Administration6  de conclure un contrat ou d’accorder une subvention à une entreprise qui emploie 25 personnes ou plus et qui ne se conforme pas aux obligations suivantes sur l’utilisation de la langue française, soit : obtenir une attestation d’inscription, transmettre à l’OQLF une analyse de la situation linguistique de l’entreprise en temps utile ou obtenir une attestation d’application d’un programme de francisation ou un certificat de francisation, selon le cas. À compter du 1er juin 2023, l’ensemble des contrats et des ententes conclus par l’Administration, de même que tous les écrits transmis à un organisme de l’Administration par une personne morale ou une entreprise pour obtenir un permis, une autorisation, une subvention ou une autre forme d’aide financière devront être rédigés exclusivement en français. À compter du 1er septembre 2022, une traduction en français certifiée devra être jointe aux requêtes et autres actes de procédures rédigés en anglais et émanant d’une entreprise ou d’une personne morale qui est partie à un acte de procédure au Québec, et ce, aux frais de cette dernière. L’application des dispositions imposant cette obligation a cependant été suspendue pour l’instant par la Cour supérieure7. À compter du 1er septembre 2022, les inscriptions au Registre des droits personnels et réels mobiliers et au Bureau de la publicité foncière, notamment les inscriptions de sûretés, d’actes de vente, de baux et de divers autres droits, devront être faites en français. Veuillez noter que les déclarations de copropriété doivent être déposées au Bureau de la publicité foncière en français depuis le 1er juin 2022. Les avocats de Lavery connaissent les lois linguistiques du Québec et peuvent vous aider à comprendre l’incidence de la Loi n° 96 sur votre entreprise, de même que vous indiquer les mesures qu’il convient de prendre face à ces nouvelles obligations. N’hésitez pas à communiquer avec un des membres de l’équipe Lavery nommé dans le présent article pour obtenir de l’aide. Nous vous invitons à consulter les autres articles concernant les modifications apportées à la Charte de la langue française du Québec : Marques de commerce et Charte de la langue française : que vous réserve le projet de loi 96? Modifications de la Charte de la langue française : quelles incidences pour le milieu de l’assurance? La « francisation » désigne un processus établi par la Charte de la langue française pour assurer la généralisation de l’utilisation du français dans les entreprises. L’OQLF est l’organisme de réglementation chargé de faire respecter la Charte de la langue française. L’employé ayant signé un contrat individuel de travail avant le 1er juin 2022 aura jusqu’au 1er juin 2023 pour demander à son employeur de lui fournir une traduction en français si l’employé le souhaite. Si le contrat individuel de travail est un contrat de travail à durée déterminée qui prend fin avant le 1er juin 2024, l’employeur n’a pas l’obligation de le faire traduire en français à la demande de l’employé. Les employeurs auront jusqu’au 1er juin 2023 pour faire traduire en français les formulaires de demande d’emploi, les documents ayant trait aux conditions de travail et les documents de formation si ceux-ci ne sont pas déjà accessibles aux employés en français. Parmi ces exceptions, on trouve les contrats d’emploi, les contrats d’emprunt et les contrats servant dans le cadre de « relations à l’extérieur du Québec ». Il semble y avoir une contradiction dans la loi en ce qui concerne les contrats individuels de travail qui sont des contrats d’adhésion et pour lesquels l’obligation de fournir une traduction française semble néanmoins applicable. L’Administration dans cette loi comprend tout organisme public au sens large du terme. Mitchell c. Québec (Procureur général), 2022 QCCS 2983.

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  • La Cour suprême examine la notion d’abus de procédure en cas de délai excessif dans les procédures administratives et disciplinaires

    La Cour suprême s’est récemment penchée, dans le cadre de l’arrêt Law Society of Saskatchewan c. Abrametz1,sur le test applicable pour déterminer si un délai est excessif et constitue un abus de procédure pouvant mener à un arrêt des procédures administratives. Dans cette affaire, un avocat de la Saskatchewan a demandé que soit prononcé l’arrêt des procédures disciplinaires dont il faisait l’objet en raison d’un délai qui, selon lui, était excessif et constituait un abus de procédure. L’enquête du Barreau de la Saskatchewan avait été entamée six ans avant le dépôt de sa demande. Après analyse, la Cour suprême a conclu à l’absence d’abus de procédure. Dans son étude de la question du délai, la Cour suprême a rappelé que le cadre d’analyse permettant de déterminer si un délai constitue un abus de procédure demeure celui développé par la Cour suprême dans l’arrêt Blencoe2 rendu vingt ans auparavant. Ce faisant, les juges majoritaires ont rejeté l’idée d’importer un test portant sur les délais excessifs analogue à celui de l’arrêt Jordan3 dans le contexte de procédures administratives. Voici donc la grille d’analyse permettant de déterminer si un délai constitue un abus de procédure : Le délai doit être excessif. Des facteurs contextuels doivent être considérés, comme la nature et l’objet des procédures, la longueur et les causes du délai, ainsi que la complexité des faits de l’affaire et des questions en litige. Par ailleurs, si la partie a elle-même causé le délai ou y a renoncé, alors celui-ci ne peut pas constituer un abus de procédure. Le délai doit avoir causé directement un préjudice important. Il peut, par exemple, s’agir d’un préjudice psychologique, d’une réputation entachée, d’une attention médiatique soutenue ou d’une perte d’affaires. Si ces deux premières conditions sont remplies, le délai en cause constitue un abus de procédure lorsqu’il est manifestement injuste envers une partie ou qu’il déconsidère d’une autre façon l’administration de la justice. Ainsi, une fois l’abus de procédure établi, plusieurs réparations sont possibles selon la gravité du préjudice subi, allant notamment de la réduction de la sanction ou de la condamnation de l’organisme fautif aux dépens jusqu’à l’arrêt des procédures. Les membres de l’équipe Droit administratif de Lavery représentent régulièrement différents ordres professionnels et demeurent disponibles pour vous conseiller et répondre à vos questions en lien avec cette nouvelle évolution de la jurisprudence. 2022 CSC 29, 8 juillet 2022. Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission),2000 CSC 44. R. c. Jordan, 2016 CSC 27.

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  • Démarrer l’examen en prévision des changements à venir à la pratique canadienne en matière de brevets

    Comme nous l'avons annoncé précédemment, le gouvernement canadien a publié des modifications proposées aux Règles sur les brevets en juillet 2021. L’objectif principal de ces modifications est de simplifier davantage le traitement des demandes de brevets afin d'ouvrir la voie à un futur système d'ajustement de la durée des brevets (APT) au Canada, conformément aux obligations de l'accord Canada-États-Unis-Mexique. (ACEUM), ainsi que pour aligner la pratique canadienne sur la nouvelle norme de listage des séquences ST.26 du Traité de coopération en matière de brevets (PCT). Les Règles sur les brevets modifiées (les « nouvelles règles ») ont maintenant été publiées dans leur version finale et sont très similaires à celles proposées en 2021. Étant donné que la plupart des nouvelles règles entreront en vigueur le 3 octobre 2022, les Demandeurs de brevets doivent sérieusement envisager de demander un examen avant le vendredi 30 septembre 2022, afin d'éviter d’être soumis aux nouvelles pratiques de frais pour revendications excédentaires et de requête pour la poursuite de l’examen (RPE), tel qu’expliqué ci-dessous. Taxe pour revendications excédentaires Les nouvelles règles introduiront une taxe gouvernementale de 100 $ CA pour chaque revendication au-delà de 20 revendications. Ces frais seront payables lors de la requête d'examen et seront réévalués lors de l'acceptation afin de déterminer si une taxe pour revendications excédentaires est due lors du paiement de la taxe finale, en fonction des changements au nombre de revendications durant l'examen. Une revendication multi-dépendante ou une revendication énumérant des éléments dans l’alternative comptera comme une seule revendication pour le calcul de la taxe, ainsi l'utilisation de tels formats de revendication n'augmentera pas davantage ces frais. Il est important de noter que cette taxe sera déterminée en fonction du nombre maximal de revendications présentes dans le dossier à tout moment pendant l'examen. Par conséquent, l'ajout de revendications au-delà de 20 pendant l'examen entraînera des frais qui ne pourront pas être réduits ou évités ultérieurement en supprimant ultérieurement les revendications avant l'acceptation. Par exemple, si une demande contenait 15 revendications au moment de la requête d'examen, qui ont été modifiées à 30 revendications lors de l'examen, puis réduites à 18 avant l'acceptation, une taxe pour revendications excédentaires de 1 000 $ CA ((30-20) x 100 $) devra être payée avec la taxe finale, même si la demande ne comportait pas plus de 20 revendications lors de la demande d'examen ou de l’acceptation. Par conséquent, dans le cadre du nouveau système, minimiser ou éviter les frais pour revendications excédentaires exigera non seulement de limiter le nombre de revendications lors de la requête d'examen, mais également de limiter leur nombre tout au long de l'examen. Étant donné que plusieurs demandes sont initialement déposées avec un grand nombre de revendications, le contrôle de ces taxes implique la modification des revendications avant ou lors de la requête d'examen. Il convient de noter que le droit canadien des brevets, contrairement à celui des États-Unis, ne permet pas le dépôt de demandes de type « continuation ». Par conséquent, les demandes divisionnaires volontaires ne sont généralement pas recommandées au Canada en raison de la stricte doctrine de double brevet en vertu de la loi canadienne, et les objections de double brevet ne peuvent être surmontées par le dépôt d’une renonciation à toute durée excédentaire du deuxième brevet par rapport au premier (« Terminal Disclaimer »). Ces particularités de la pratique canadienne en matière de brevets peuvent limiter la matière pouvant être poursuivie dans les demandes divisionnaires et devront être soigneusement prises en compte par les demandeurs lors de l'élaboration d'une stratégie visant à réduire le nombre de revendications au vu des nouvelles règles. Requête pour la poursuite de l’examen (RPE) Les nouvelles règles introduisent également un système de RPE, limitant à un maximum de 3 le nombre de rapports d'examen pouvant être émis afin d’obtenir un avis d’acceptation. La poursuite de l'examen au-delà de trois rapports nécessitera le dépôt d'une RPE, ce qui donnera droit au demandeur de recevoir jusqu'à deux rapports d'examen supplémentaires, après quoi un autre RPE serait nécessaire pour poursuivre l'examen, et ainsi de suite. Le dépôt d'un RPE peut également être utilisé pour réinitialiser l’examen d’une demande acceptée, permettant notamment le dépôt d’amendements après acceptation, remplaçant ainsi la pratique actuelle de demande de retrait de l'avis d'admission. Les frais d’une RCE sont de l'ordre de 816 $ CAD et seront légèrement ajustés sur une base annuelle. Avis d’acceptation conditionnel (AAC) Les nouvelles règles introduisent un AAC qui informerait le demandeur que la demande serait acceptable moyennant la correction d’irrégularités mineures avant le paiement de la taxe finale. Si l'examinateur considère que la demande n'est toujours pas acceptable suite à la réponse du demandeur à l’AAC, l'acceptation sera retirée, la taxe finale sera remboursée et la demande retournera en examen. Nouvelles normes pour les listages des séquences Compte tenu de la nouvelle norme pour la présentation des listages des séquences « ST.26 » du PCT, le Canada a harmonisé ses exigences en matière de présentation des listages des séquences avec celles du PCT depuis le 1er juillet 2022. Étant donné que les demandes dont la date de dépôt PCT est antérieure à cette date peuvent utiliser la norme ST.25 actuelle ou la nouvelle norme ST.26 lors de l'entrée dans la phase nationale canadienne, l'utilisation de la nouvelle norme n'est pas imminente pour les dépôts de phase nationale au Canada, mais les nouveaux dépôts réguliers (non PCT) au Canada doivent se conformer à la nouvelle norme ST.26 depuis le 1er juillet 2022. Agissez maintenant! Étant donné que les nouvelles règles sur les taxes de revendication excédentaires et de RPE ne s'appliqueront qu'aux demandes pour lesquelles l’examen est demandé le 3 octobre 2022 ou après, il sera très avantageux pour les demandeurs de demander un examen avant cette date afin de bénéficier du système d’examen actuel, permettant ainsi d’éviter les taxes de revendication excédentaires et les RPE pour toute la durée de l'examen, même après l'entrée en vigueur des nouvelles règles. Les demandeurs doivent donc sérieusement envisager de demander un examen avant le 30 septembre 2022 pour les demandes en instance. Pour aider à optimiser la stratégie de poursuite pour un cas donné ou pour toute autre question, n'hésitez pas à contacter un membre de notre équipe brevets pour obtenir des conseils durant cette transition.

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  • Règlement interdisant les plastiques à usage unique : Quel impact pour les entreprises?

    Le 20 juin dernier, le gouvernement fédéral a enregistré un règlement qui, tel que son nom l’indique, interdit (ou restreint dans certains cas) la fabrication, l’importation et la vente de certains plastiques à usage unique qui représentent une menace pour l’environnement. Le Règlement entrera en vigueur le 20 décembre 2022, à l’exception de certaines dispositions entrant en vigueur au cours des mois suivants1. Il sera désormais interdit de fabriquer, importer ou de vendre certains articles manufacturés en plastique à usage unique, composés entièrement ou partiellement de plastique, tels que les récipients alimentaires, les sacs d’emplettes et les pailles. Il est prévu que ce règlement touchera plus de 250 000 entreprises canadiennes qui vendent ou offrent des articles manufacturés de plastique à usage unique, soit principalement les entreprises de commerce au détail, de services de restauration et d’hébergement et du secteur des soins de santé. Voici la liste exhaustive des articles qui seront interdits : les anneaux en plastique à usage unique pour emballage de boissons qui sont conçus pour entourer des récipients de boissons et permettre de les transporter ensemble2; les bâtonnets à mélanger en plastique à usage unique conçus pour remuer ou mélanger des boissons ou pour empêcher le débordement d’une boisson par le couvercle de son contenant3; les récipients alimentaires en plastique à usage unique qui sont à la fois conçus (a) en forme de récipient à clapet, de récipient à couvercle, de boîte, de gobelet, d'assiette ou de bol, (b) pour servir des aliments ou des boissons prêts à consommer ou pour les transporter et (c) qui contiennent certaines matières4; les sacs d’emplettes en plastique à usage unique conçus pour transporter les articles achetés dans une entreprise et (a) dont le plastique n'est pas un tissu ou (b) dont le plastique est un tissu mais qu'il se brise s'il est utilisé pour transporter un poids de dix kilogrammes sur une distance de cinquante-trois mètres à cent reprises ou s'il est lavé conformément aux méthodes de lavage spécifiées pour un seul lavage domestique dans la norme ISO 6330 de l'Organisation internationale de normalisation et ses modifications successives5; les ustensiles en plastique à usage unique en forme de fourchette, de couteau, de cuillère, de cuillère-fourchette ou de baguette et qui, soit a) contiennent du polystyrène ou du polyéthylène, soit b) que leurs propriétés physiques changent après cent lavages dans un lave-vaisselle d'usage domestique alimenté à l'électricité6; les pailles en plastique à usage unique, qui, soit a) contiennent du polystyrène ou du polyéthylène, soit b) que ses propriétés physiques changent après cent lavages dans un lave-vaisselle d'usage domestique alimenté à l'électricité7. Les principales exceptions Les pailles flexibles en plastique à usage unique Les pailles flexibles en plastique à usage unique, soit celles qui comportent un segment articulé qui permet de la plier et de la maintenir en position dans différents angles »8, pourront être fabriquées et importées9. Ces pailles flexibles pourront également être vendues dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes :  La vente n’a pas lieu dans un contexte commercial, industriel, ou institutionnel10. Cette exception signifie que les particuliers peuvent vendre ces pailles flexibles; La vente se fait entre entreprises sous emballage d’un paquet d’au moins 20 pailles11; La vente, par un magasin de commerce au détail, d'un paquet d'au moins 20 pailles est faite à un client, dans la mesure où le client le demande sans que le paquet soit exposé de façon à ce que le client puisse le voir sans l'aide d'un employé de magasin12; La vente, par un magasin de vente au détail, de pailles à un client, si elles sont emballées conjointement avec des récipients de boissons et que les récipients de boissons ont été emballés ailleurs qu'au magasin de vente au détail13; La vente a lieu entre un établissement de soins, tels un hôpital ou un établissement de soins de longue durée, et ses patients ou ses résidents14. L’exportation d’articles en plastique à usage unique Tous les articles manufacturés en plastique à usage unique énumérés ci-dessus pourront toutefois être fabriqués, importés ou vendus à des fins d’exportation15. Cela étant dit, toute personne qui fabrique ou importe ces articles pour fins d’exportation devra conserver dans un registre certains renseignements et documents selon le cas, et ce, pour chaque type d’article manufacturé en plastique16. Ces renseignements et documents devront être conservés pendant au moins cinq ans dans le registre au Canada17. Conclusion : une invitation à repenser les façons de faire À court terme, les entreprises devront amorcer une réflexion afin de déterminer comment elles remplaceront les articles manufacturés en plastique qu’elles utilisent. Afin d’aider les entreprises à sélectionner des substituts aux articles de plastique à usage unique, le gouvernement fédéral a publié une Ébauche du Cadre de gestion pour la sélection d'alternatives aux plastiques à usage unique18. Selon cette ébauche, la réduction des matières plastiques devrait être privilégiée. Ainsi, les entreprises pourraient d’abord se demander si un plastique à usage unique doit être remplacé ou si ce produit ou service peut être éliminé. Seuls les produits ayant des fonctions essentielles devraient être remplacés par des équivalents non plastiques. Il est noté que la plupart du temps, les bâtonnets à mélanger et les pailles pourraient être éliminés. Une autre façon de réduire les déchets serait d’opter pour des produits et emballages réutilisables. Les entreprises sont ainsi invitées à repenser leurs produits et services pour offrir des options réutilisables. Les programmes de contenants réutilisables (c.-à-d. offrir la possibilité aux clients d’utiliser leurs contenants réutilisables) sont une option de réutilisation que les entreprises pourraient envisager, et ce, plus particulièrement pour réduire la quantité de récipients alimentaires en plastique. Ce n’est que lorsqu’il ne serait pas possible d’opter pour des produits réutilisables que l’entreprise devrait substituer au produit de plastique à usage unique un substitut à usage unique qui serait, quant à lui, recyclable. Dans cette situation, les entreprises sont invitées à communiquer avec les installations de recyclage locales pour s’assurer de leur capacité de recycler les produits avec succès lorsqu’ils arriveront en fin de vie. Finalement, faire payer les consommateurs pour certains substituts à usage unique (p. ex. les ustensiles à usage unique en bois ou fibre pressée) peut également décourager leur utilisation. Ibid., art. 1. Ibid., art. 3. Ibid., art. 6. Mousses de polystyrène, chlorure de polyvinyle, plastique contenant un pigment noir produit par la combustion partielle ou incomplète d'hydrocarbures ou plastique oxodégradable; Ibid. Cette norme est intitulée Textiles – Méthodes de lavage et de séchage domestiques en vue des essais des textiles; Ibid. Ibid. Ibid, art. 4 et 5. Ibid., art. 1. Ibid., art. 4. Ibid., par. 5(2). Ibid., par. 5(3). Ibid., par. 5(4); Selon l'Ébauche du Cadre de gestion pour la sélection d'alternatives aux plastiques à usage unique, l'objectif est de faire en sorte que les personnes en situation de handicap qui ont besoin d'une paille flexible en plastique à usage unique continuent d'y avoir accès à la maison et puissent l'apporter dans les restaurants et autres lieux. Ibid., par. 5(5). Ibid., par. 5(6). Ibid., par. 2(2). Ibid., art. 8. Ibid., par. 9(1). https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/gestion-reduction-dechets/consultations/document-consultation-projet-reglement-plastiques-usage-unique.html.

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  • Modifications de la Charte de la langue française : quelles incidences pour le milieu de l’assurance ?

    Le projet de loi 96 – Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français a été adopté le 12 mai dernier et est entré en vigueur à la date de sa sanction, le 1er juin ( « Loi »). Plusieurs dispositions sont déjà en vigueur tandis que pour d’autres une période transitoire variant de quelques mois à 3 ans est prévue. Nous vous proposons un bref survol des changements annoncés par cette réforme de la Charte de la langue française (« Charte ») qui auront une incidence sur plusieurs aspects pertinents pour les membres du secteur de l’assurance faisant affaires au Québec. Au cœur des changements annoncés, cette réforme de la Charte inclut un encadrement renforcé de l’usage du français à titre de langue du commerce et des affaires, des droits linguistiques en matière d’emploi et des communications avec les agents de l’État. L’encadrement de la langue du commerce et des affaires La réforme de l’article 55 de la Charte maintient que les contrats d’adhésion ainsi que les documents qui s’y rattachent doivent être rédigés en français, mais à compter du 1er juin 2023, une version française de ces contrats et documents devra être remise à l’adhérent avant que celui-ci puisse manifester sa « volonté expresse » d’être lié par sa version dans une autre langue. Le premier alinéa de cet article se lit comme suit : 55.Les contrats d’adhésion, ainsi que les documents qui s’y rattachent sont rédigés en français. Les parties à un tel contrat peuvent être liées seulement par sa version dans une autre langue que le français si, après que sa version française ait été remise à l’adhérent, telle est leur volonté expresse. Les documents se rattachant au contrat peuvent alors être rédigés exclusivement dans cette autre langue.1 Ainsi, les clauses selon lesquelles les parties indiquaient simplement qu’elles acceptaient d’être liées par un contrat dans une langue autre que le français ne seront plus suffisantes. Le Code civil du Québec stipule que « le contrat est d’adhésion lorsque les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties ou rédigées par elle pour son compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être librement négociées. »2 Pour qualifier le contrat, l’importance de la modalité négociée et son lien avec le contrat seront analysés. Il est généralement reconnu que si les stipulations essentielles ne sont pas négociables, le contrat sera d’adhésion même si certaines modalités moins importantes ont pu être négociées par les parties. Cette modification codifie l’interprétation qui avait été retenue par l’Office québécois de la langue française (« OQLF ») et les tribunaux3, notamment en ce que les contrats négociés entre les parties n’étaient pas visés par cette disposition. Afin d’écarter tout doute quant à cette interprétation, le projet de loi 96 a été modifié de façon à ne pas étendre la portée de cette obligation aux contrats dans lesquels sont inclus des « clauses-types imprimées ». Le contrat d’assurance Puisque ses stipulations essentielles sont habituellement rédigées par l’assureur, le contrat d’assurance et les avenants constituent généralement des contrats d’adhésion. Ainsi, l’ensemble des documents qui s’y rattachent — avis, lettres, sommaires de produits d’assurance — devront être remis au preneur dans leur version française avant que celui-ci ne soit en mesure de décider s’il sera lié par une version rédigée dans une autre langue. Lors des débats parlementaires, le ministre Jolin-Barette a indiqué que l’article 55 de la Charte ne visait que les consommateurs et que les contrats entre deux entreprises pouvaient être dans la langue de leur choix, sous réserve de l’expression de cette volonté par les deux parties. Le mot « consommateur » n’est toutefois pas défini dans la Charte. Une ambiguïté demeure quant à savoir si ce commentaire concernait seulement les contrats comportant des clauses-types ou visait également les contrats d’adhésion. Il faudra attendre les bulletins d’interprétation et la loi annotée afin de déterminer si l’article 55 de la Charte s’applique aux polices d’assurance commerciales. Dans l’attente, nous sommes d’avis que si le Législateur avait voulu exclure les contrats d’adhésion commerciaux, il l’aurait expressément fait par voie de modification. Les contrats d’assurance existants au 1er juin 2023 n’auront pas à être traduits. À leur renouvellement, s’il est effectué sans modification, ceux-ci n’auront pas non plus à être traduits car en de telles circonstances, un contrat d’assurance ne sera pas considéré comme un nouveau contrat4. Toutefois, le renouvellement d’un contrat d’assurance existant comportant des changements importants est considéré comme étant un nouveau contrat et la version française de ce contrat devra être remise au preneur avant que celui-ci puisse valablement exprimer sa volonté expresse d’être lié par un contrat dans une autre langue que le français. Étant donné que dans la plupart des cas, le contrat d’assurance est transmis aux assurés par la poste ou par courriel, les assureurs, agents ou courtiers, selon le cas, devront à compter du 1er juin 2023 transmettre la version française et la version anglaise de ce contrat dans un même envoi ou tout simplement transmettre uniquement la version française du contrat. Il est important de noter que la Loi prévoit une exception à cette exigence de remise de la version française au preneur lorsque : la police d’assurance « n’a pas d’équivalent en français au Québec »; elle provient de l’extérieur du Québec ou elle est peu répandue au Québec.5 On peut penser que cette exception ne s’appliquera qu’à des produits d’assurance très spécialisés et sera vraisemblablement interprétée restrictivement compte tenu de l’objectif premier de la Loi.  Contrairement aux contrats d’assurance et documents connexes, les factures, les reçus, les quittances et les autres documents de même nature pourront être transmis en anglais si leur version française demeure accessible dans des conditions aussi favorables6. Services et marketing en français La Loi introduit le nouvel article 50.2 de la Charte qui précise que les entreprises devront respecter le droit linguistique fondamental des consommateurs d’être informés et servis en français. Ce même article réitère cette obligation à l’égard du « public autre que des consommateurs des biens et des services » ,que les entreprises devront désormais informer et servir en français. Toutefois, les clients ne bénéficient pas d’un droit linguistique fondamental protégé par la Charte contrairement aux consommateurs. Quant à l’aspect marketing, l’ajout de la mention « quel qu’en soit le support » à l’article 52 de la Charte confirme que non seulement les documents de marketing en format papier, mais également les sites internet doivent être établis en français. Si une version est disponible au public dans une langue autre que le français, sa version française doit être accessible dans des conditions au moins aussi favorables. Cette disposition est en vigueur depuis le 1er juin 2022. Les plateformes de type « chat » ou favorisant une communication directe avec l’assureur devraient permettre en tout temps de communiquer en français avec les représentants de l’assureur. Communication avec les agents et courtiers d’assurance  Depuis le 1er juin 2022, l’assureur a l’obligation de communiquer en français avec les agents et les courtiers d’assurance qui en expriment le désir7. Également, l’ensemble des documents destinés aux agents et aux courtiers d’assurance à titre informatif, qu’il s’agisse de questions de souscription ou de réclamation, devront être en version française s’ils le demandent. En ce qui concerne les ententes contractuelles entre l’assureur et l’agent ou courtier d’assurance, la nécessité de les présenter en français dépendra de la nature du contrat, à savoir si celui-ci peut être qualifié de contrat d’adhésion ou non. Le français en milieu de travail Depuis le 1er juin 2022, toutes les entreprises faisant affaires au Québec doivent se conformer aux obligations suivantes en matière de droit de l’emploi : Respecter le droit des employés de travailler en français8; Utiliser le français dans toutes les communications écrites adressées aux employés; Rédiger en français toutes les offres d’emploi, de promotion ou de mutation, les contrats individuels de travail, les formulaires de demande d’emploi, les documents concernant les conditions de travail et les formations destinés aux employés9; Prendre tous les moyens raisonnables pour éviter d’exiger la connaissance ou un niveau spécifique de connaissance d’une autre langue que le français pour accéder à un emploi ou pour maintenir un employé en poste, plus précisément : Évaluer les besoins réels associés aux tâches à accomplir; Vérifier que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l’accomplissement de ces tâches; Restreindre le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l’accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau spécifique d’une autre langue que le français10 Il est à noter que les employés dont le contrat de travail actuel est établi en anglais ont jusqu’au 1er juin 2023 pour demander à leur employeur de traduire leur contrat de travail. À partir du 1er juin 2025, les entreprises comptant 25 employés ou plus au Québec devront satisfaire à des exigences additionnelles de francisation pour leurs employés au Québec afin d’obtenir un certificat de francisation, c’est-à-dire : S’inscrire auprès de l’OQLF; Présenter une analyse de la situation du français dans l’entreprise; Mettre en place un programme de francisation dans un délai de 3 mois suivant une demande en ce sens de l’OQLF. Cette obligation était déjà en vigueur pour les entreprises comptant plus de 50 employés au Québec. Le français comme langue de l’administration publique La Loi propose plusieurs modifications à l’égard du français à titre de langue de l’administration publique. Il donne ainsi à l’administration le devoir d’utiliser le français de façon exemplaire et exclusive, sous réserve de certaines exceptions. À compter du 1er juin 2023, les agents de l’État et de ses organismes auront l’obligation de communiquer en français avec toute personne, y compris des représentants d’entreprises. Tout document échangé avec l’administration publique ainsi que les contrats et permis devront être rédigés en français. Les membres du secteur de l’assurance de l’extérieur du Québec devront  s’attendre à recevoir plus de communications en français de l’Autorité des marchés financiers considérant qu’il s’agit d’un organisme gouvernemental qui fait partie de « l’administration publique ». Sanctions Il est à noter que de nouveaux pouvoirs seront accordés à l’OQLF, lui permettant de faire enquête et d’imposer des sanctions administratives et disciplinaires. Pour toute infraction aux dispositions de la Charte, la Loi prévoit des amendes de 3000 $ à 30 000 S pour les entreprises et de 700 $ à 7000 $ pour toute personne physique. Les amendes sont doublées pour une première récidive et triplées pour toute récidive additionnelle. Aussi, si une infraction se poursuit pendant plus d’un jour, chaque jour constitue une infraction distincte. Si une infraction est commise par un administrateur ou dirigeant d’une entreprise, la Loi prévoit des amendes de 1 400 $ à 14 000 $. Questions d’interprétation Plusieurs dispositions soulèvent des questions d’interprétation qui sont encore à ce jour difficiles à résoudre. Des bulletins d’interprétation et une loi annotée seront publiés par le gouvernement afin d’accompagner les entreprises dans l’application de la Loi et aideront à clarifier certaines dispositions qui demeurent pour l’instant ambigües. Pour en apprendre un peu plus sur les modifications qui concerneront les marques de commerce, nous vous invitons à consulter une récente publication signée par nos collègues spécialistes en propriété intellectuelle. Article 55 al. 1 de la Charte. Code civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, article 1379 al. 1. Westboro Mortgage Investment c. 9080-9013 Québec inc., 2018 QCCS 1. Autorisation d’appel rejetée 2019 QCCA 1599. Didier LLUELLES, Droit des assurances terrestres, 6e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2017, par. 186. Art. 21.5 et 55 de la Charte. Art. 57 de la Charte. Art. 50.2 de la Charte. Art. 5 et 50.2 de la Charte. Art. 41 de la Charte. Art. 46 de la Charte.

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  • Gardes en établissement : le juge doit intervenir en cas d’insuffisance de preuve

    Par un arrêt rendu le 3 juin 20221, la Cour d’appel du Québec rappelle qu’un juge saisi d’une demande d’ordonnance de garde en établissement doit aviser les parties lorsqu’il considère que les rapports d’examen psychiatriques déposés sont insuffisamment détaillés. En pareilles circonstances, la Cour doit permettre aux parties de combler les lacunes dans la preuve plutôt que de rejeter la demande. Le raisonnement de la Cour d’appel s’appuie sur les articles suivants : L’article 268 du C.p.c. 2 permet au juge de signaler à un avocat une lacune dans la preuve et lui permettre de la combler, et ce, particulièrement lorsqu’il constate l’absence de preuve sur un élément essentiel ayant pour conséquence une insuffisance de preuve déterminante sur le sort du litige L’article 50 du C.p.c. donne aux juges le pouvoir, même de leur propre initiative, d'exiger la présence de témoins ou la présentation de preuves Compte tenu de l'importance pour le juge de prendre une décision en connaissance de cause, tant en ce qui concerne le respect de l'intégrité personnelle du patient que l'évaluation du danger qu'il représente pour lui-même ou pour autrui, la Cour considère que le juge a l’obligation d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’exiger la présence d’un, voire des deux psychiatres, signataires des rapports déposés au soutien de la demande.  En 2009, la Cour avait déjà conclu qu’il était loisible au juge chargé de se prononcer sur une demande de garde en établissement de « signaler, lors de l’audition, que les mentions figurant dans deux portions du formulaire Rapport d’examen psychiatrique pour ordonnance de garde en établissement intitulées "Motifs et faits sur lesquels le médecin fonde son opinion " et " Évaluation de la gravité de l’état et de ses conséquences probables (dangerosité) pour le patient et pour autrui" lui paraissaient insuffisantes »3. Un pas de plus semble aujourd’hui franchi, alors que la Cour conclut au caractère obligatoire de l’exercice de la discrétion que lui octroient les articles 50 et 268 C.p.c. afin que l’établissement de santé qui demande une garde en établissement ait l’occasion de compléter sa preuve. Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais c. J.L., 2022 QCCA 792 Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01. (C.p.c.) Centre de santé et de services sociaux Pierre Boucher c. A.G., 2009 QCCA 2395, par. 38.

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  • Marques de commerce et Charte de la langue française : que vous réserve le projet de loi 96?

    Le 13 mai 2021, le gouvernement québécois déposait le projet de loi 96 visant à modifier la Charte de la langue française(la « Charte ») pour renforcer les dispositions relatives à l’usage du français, notamment en ce qui a trait à la langue du commerce et des affaires. Ce projet de loi a fait l’objet d’un examen détaillé en commission parlementaire et le comité a déposé son rapport le 26 avril dernier. Dans le contexte politique actuel, il est à prévoir que le projet de loi 96 sera adopté au cours des prochains mois. La forme finale du projet de loi et la date d’entrée en vigueur restent à déterminer. Toutefois, nous pouvons déjà prévoir que le délai pour se conformer à ces nouvelles règles sera de trois ans suivant la sanction du projet de loi1. Le projet de loi prévoit de nombreuses modifications à la Charte, y compris des modifications visant les marques de commerce qui bénéficient actuellement d’une exception. En vertu de cette exception, les entreprises peuvent, à l’heure actuelle, employer une marque dans une autre langue que le français au Québec, pourvu que la version française de la marque n’ait pas été enregistrée. Depuis 2019, la présence suffisante du français doit être assurée dans l’affichage public à l’extérieur d’un immeuble, lorsqu’une marque est utilisée dans une autre langue que le français2. En vertu du projet de loi 96, il sera toujours possible d’utiliser une marque de commerce dans une autre langue que le français sur les produits, dans les publications commerciales ainsi que dans l’affichage public et la publicité commerciale au Québec. Cependant, les conditions pour bénéficier de cette exception prévue à la Charte seront modifiées et méritent non seulement qu’on leur porte attention, mais qu’on agisse en conséquence! À commencer par lire ce qui suit. Si vous utilisez une marque de commerce dans une autre langue que le français au Québec ou que vous prévoyez le faire, vous devrez tout d’abord, vous assurer que cette marque est enregistrée3. Vous devrez également revoir votre affichage public, à l’extérieur des locaux, pour vous conformer à la nouvelle exigence de la présence nettement prédominante du français4. Vous devrez enfin réviser vos étiquettes et emballages de produits, si vos marques enregistrées contiennent des termes descriptifs ou génériques dans une autre langue que le français5. Dans un tel cas, vous pourriez devoir modifier vos emballages et étiquettes pour y ajouter une traduction française. Il est à noter que la Charte s’applique aux entreprises ayant un établissement au Québec, mais aussi possiblement aux entreprises situées à l’extérieur du Québec, dans la mesure où leur site web vise à réaliser un acte de commerce sur le territoire québécois. En ce qui concerne les sites web, la pratique actuelle de l’Office québécois de la langue française (« OQLF ») est d’intervenir seulement dans les cas où l’entreprise possède un établissement dans la province de Québec.Si l’entreprise qui communique avec la clientèle québécoise n’y a pas d’établissement, l’OQLF privilégie une approche incitative6. L’avenir nous dira si cette pratique sera maintenue lorsque la Charte sera modifiée. Il ne fait aucun doute que les entreprises étrangères qui feraient l’objet d’une plainte à cet égard auront un délai pour traduire leur site en langue française afin d’éviter les sanctions qui seront plus sévères en vertu des nouvelles règles. Voyons de plus près ce que signifie chacun des changements proposés, dans l’éventualité où le projet de loi serait adopté dans sa forme actuelle. Changement no 1 : présence nettement prédominante du français dans l’affichage public à l’extérieur d’un local Avec le projet de loi 96, l’exigence de la présence suffisante du français est remplacée par le critère de la nette prédominance du français visible de l’extérieur d’un local7. À l’heure actuelle, la nette prédominance du français est évaluée selon les paramètres établis au Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française. Selon ce règlement, le français est considéré comme nettement prédominant si le texte rédigé en français a un impact visuel beaucoup plus important que celui rédigé dans une autre langue. Il sera intéressant de voir si ces règles seront maintenues ou si de nouveaux critères seront prévus pour l’application du projet de loi 96. Premier élément à retenir en ce qui a trait à l’exigence de la nette prédominance du français selon le droit actuel: faire abstraction de la marque dans l’impact visuel. L’article 1 du règlement prévoit en effet ce qui suit : « Dans l’appréciation de l’impact visuel, il est fait abstraction d’un patronyme, d’un toponyme, d’une marque de commerce ou d’autres termes dans une langue autre que le français lorsque leur présence est spécifiquement permise dans le cadre d’une exception prévue par la Charte de la langue française (chapitre C-11) ou par sa réglementation. » Dans la mesure où la marque est enregistrée et conformément aux nouvelles règles applicables, il faut donc faire abstraction du champ visuel que la marque occupe pour évaluer si le français est autrement nettement prédominant dans l’affichage public à l’extérieur des locaux. En d’autres mots, aucune modification de votre affichage public ne sera nécessaire dans la mesure où votre enseigne est composée des éléments suivants : (1) une marque (enregistrée) dans une autre langue que le français et (2) des termes génériques ou descriptifs en français. En effet, les seuls éléments affichés dans un tel cas (abstraction faite de la marque) seraient en français. Toutefois, si votre affichage comprend des éléments dans une autre langue que le français, il faudra alors s’assurer que le français est nettement prédominant (c’est-à-dire deux fois plus grand) dans le champ visuel (en excluant l’espace occupé par la marque). La réglementation prévoit différentes présomptions permettant de déterminer si le critère de l’impact visuel beaucoup plus important du français est respecté. Dans le cas d’une même affiche : le texte français sera considéré avoir un impact visuel beaucoup plus important si les conditions suivantes sont réunies8: l’espace consacré au texte français est au moins deux fois plus grand que celui consacré au texte dans une autre langue; les caractères utilisés dans le texte français sont au moins deux fois plus grands que ceux utilisés dans le texte rédigé dans une autre langue; les autres caractéristiques de cet affichage n’ont pas pour effet de réduire l’impact visuel du texte français. Dans le cas d’affiches distinctes de même dimension :  le texte français sera réputé avoir un impact visuel beaucoup plus important si les conditions suivantes sont réunies9: les affiches sur lesquelles figure le texte rédigé en français sont au moins deux fois plus nombreuses que celles sur lesquelles figure le texte rédigé dans l’autre langue; les caractères utilisés dans le texte rédigé en français sont au moins aussi grands que ceux utilisés dans le texte rédigé dans l’autre langue; les autres caractéristiques de cet affichage n’ont pas pour effet de réduire l’impact visuel du texte rédigé en français. Dans le cas d’affiches distinctes de dimensions différentes : le texte français sera réputé avoir un impact visuel beaucoup plus important si les conditions suivantes sont réunies10: les affiches sur lesquelles figure le texte rédigé en français sont au moins aussi nombreuses que celles sur lesquelles figure le texte rédigé dans l’autre langue; les affiches sur lesquelles figure le texte rédigé en français sont au moins deux fois plus grandes que celles sur lesquelles figure le texte rédigé dans l’autre langue; les caractères utilisés dans le texte rédigé en français sont au moins deux fois plus grands que ceux utilisés dans le texte rédigé dans l’autre langue; les autres caractéristiques de cet affichage n’ont pas pour effet de réduire l’impact visuel du texte rédigé en français. Il est enfin à noter que le critère de la nette prédominance du français s’appliquera également au nom commercial de l’entreprise, s’il est visible de  l’extérieur d’un local et qu’il comprend une expression tirée d’une autre langue que le français11. Changement no 2 : obligation d’enregistrer la marque employée dans le cadre de l’affichage public et de la publicité commerciale pour éviter la traduction française Pour pouvoir utiliser une marque dans une autre langue que le français, sans traduction, dans un contexte d’affichage public et de publicité commerciale, il faudra dorénavant pouvoir démontrer que les conditions suivantes sont respectées : la marque est enregistrée au Canada; aucune version correspondante en français n’est inscrite au Registre des Marques de Commerce12. Si ces conditions ne sont pas respectées, la marque devra alors être accompagnée d’une traduction française, nettement prédominante. Si vous employez actuellement une marque dans une autre langue que le français et qu’elle n’est pas enregistrée, faites vite car le processus d’enregistrement au Canada peut facilement prendre trois ans!Autrement, vous risquez d’être dans l’obligation de modifier votre affichage public et votre publicité commerciale afin d’ajouter une version française nettement prédominante de la marque. Bien qu’il soit possible de demander l’examen accéléré d’une demande d’enregistrement dans certaines circonstances spéciales (y compris le fait qu’une procédure judiciaire soit attendue), il est loin d’être acquis que l’Office Canadien de la Propriété Intellectuelle acceptera de traiter les demandes de façon accélérée pour des raisons de conformité avec la Charte. Mieux vaut donc ne pas tarder à déposer ses marques pour ne pas s’exposer aux conséquences prévues à loi. En terme pratique, l’affichage public comprend tout message affiché dans un lieu accessible au public, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur d’un établissement, alors que la publicité commerciale est l’expression d’un message commercial, peu importe la forme. Les exemples suivants sont considérés comme un affichage public ou une publicité commerciale : enseignes, affiches, panneaux publicitaires, présentoirs, babillards; véhicules de livraison, sacs promotionnels, chariots, uniformes d’employés; catalogues, brochures, dépliants, annuaires et autres publications de même nature; sites web et médias sociaux. Changement no 3 : obligation d’enregistrer la marque utilisée en liaison avec les produits pour éviter la traduction française Dans sa forme originale, le projet de loi était silencieux sur la question de l’emploi d’une marque sur un produit, ce qui laissait croire que le statu quo continuerait de s’appliquer, c’est-à-dire qu’il serait toujours possible d’utiliser une marque dans une autre langue que le français sur un produit (incluant son emballage ou son étiquette), sans nécessité d’enregistrement. Or, le gouvernement a ajouté une disposition dans le cadre des travaux parlementaires en prévoyant l’obligation d’enregistrer les marques dans une autre langue que le français, pour éviter l’ajout d’une traduction française13. Donc, pas d’exception pour les marques de produits : assurez-vous d’enregistrer votre marque si ce n’est déjà fait. Sinon, vous pourriez être contraints de retirer vos produits du marché et de payer des amendes en vertu du nouveau régime, tel qu’il est décrit ci-après. Changement no 4 : obligation de traduire les termes génériques et descriptifs pour les marques de produits La modification proposée en commission parlementaire telle qu’elle est décrite ci-dessus va beaucoup plus loin que la nécessité d’enregistrer la marque et pourrait avoir une incidence importante pour certaines entreprises, soit l’obligation d’avoir à modifier leurs emballages et étiquettes de produits vendus au Québec. Le nouvel article 51.1 de la Charte, proposé en commission parlementaire, prévoit que si la marque enregistrée (dans une autre langue que le français) contient des termes génériques ou descriptifs, ceux-ci devront être traduits en français, en vertu de l’article 51.1. « 51.1 malgré l'article 51, sur un produit, une marque de commerce déposée au sens de la Loi sur les marques de commerce (Lois révisées du Canada, 1985, chapitre T-13) peut être, même en partie, uniquement dans une autre langue que le français lorsqu'aucune version correspondante en français ne se retrouve au registre tenu selon cette loi. Toutefois, si un générique ou un descriptif du produit est compris dans cette marque, celui-ci doit figurer en français sur le produit ou sur un support qui s'y rattache de manière permanente.» (nos soulignés) Une lecture des travaux de la commission permet de mieux comprendre l’objectif visé par cette règle spécifique aux produits : le gouvernement semble vouloir limiter la pratique de certaines entreprises qui enregistrent, à titre de marque, l’étiquette apposée sur un produit composée de la marque principale, mais aussi de plusieurs termes descriptifs ou génériques, qui devraient autrement être traduits pour être conforme à la Charte. L’exemple de la marque SOFTSOAP a notamment été discuté en commission parlementaire. Pour illustrer le propos, nous reproduisons ici deux exemples de marques enregistrées pour les produits SOFTSOAP : Dans l’état actuel du droit, ces marques sont enregistrables en vertu de la Loi sur les Marques de Commerce et elles sont conformes à la Charte.  Le titulaire de ces marques peut donc invoquer l’exception de la « marque reconnue » et vendre ses produits au Québec, sans traduire en langue française les termes descriptifs ou génériques tels que « soothing clean », « aloe vera fresh scent », « refill » et « good for 800 dispenses ».   Selon les discussions en commission parlementaire, la préoccupation du gouvernement ne semble pas dirigée vers les marques principales, en l’occurrence SOFTSOAP, mais plutôt vers l’enregistrement de termes purement descriptifs qui n’ont pas, en soi, la vocation de marque de commerce et qui bénéficient néanmoins de l’exception des marques reconnues dans le régime actuel. La réglementation viendra, nous l’espérons, préciser la portée de cet article 51.1 de la Charte, s’il est adopté, en prévoyant notamment que cette nouvelle exigence ne vise pas la marque principale des produits. Espérons de plus qu’un délai raisonnable sera accordé aux entreprises pour leur permettre de modifier leurs étiquettes et emballages. Changement no 5 : plaintes, pouvoirs et sanctions en cas de violation L’OQLF est responsable d’assurer le respect de la Charte et de ses règlements. Bien qu’elle dispose des pouvoirs pour identifier les violations, elle agit surtout en cas de plaintes du public. Après étude d’une plainte, l’OQLF achemine une lettre officielle si elle juge qu’il y a violation et elle accorde à l’entreprise un délai pour répondre. L’OQLF peut référer le dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales si le dossier n’est pas réglé à sa satisfaction, qui peut à son tour intenter une action devant la Cour du Québec. En cas de condamnation, la cour détermine le montant de l’amende à payer. En pratique, l’OQLF intervient principalement dans les cas de violations en matière d’affichage public et de sites web pour les entreprises ayant un établissement au Québec. Le projet de loi apporte quelques changements au niveau du traitement des plaintes. L’OQLF devra rendre compte au plaignant en l’informant du traitement de sa plainte et des mesures que l’OQLF entend prendre contre l’entreprise visée par la plainte14. L’OQLF bénéficiera par ailleurs de nouveaux pouvoirs à compter de la sanction du projet de loi 9615, notamment : le pouvoir d’émettre des ordonnances en cas de manquement (retrait des produits des tablettes)16; le pouvoir de demander à la Cour supérieure d’émettre une injonction pour le retrait des produits non conformes ou encore le retrait ou la destruction des affiches, des annonces, des panneaux-réclame ou enseignes lumineuses qui contreviennent à la Charte17. Enfin, le montant des amendes à payer en cas de violation est augmenté de la façon suivante18: personnes physiques : 700$ à 7,000$; personnes morales : 3,000$ à 30,000$. Le projet de loi prévoit que le montant des amendes double pour une première récidive et triple pour toute récidive additionnelle19. Le montant s’accroît à chaque jour où l’infraction se poursuit, chaque jour étant considéré comme une infraction distincte20. Conclusions : quoi faire pour se préparer à l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi 96? En pratique, l’exigence d’avoir une marque de commerce enregistrée, plutôt que déposée, posera problème dans l’avenir pour les entreprises voulant utiliser une marque dans une autre langue que le français au Québec, sans traduction française. Les entreprises devront en effet repousser la mise en marché de leurs produits et services au Québec jusqu’à ce que leur marque soit enregistrée, pour être conformes aux nouvelles règles. Rappelons que dans l’état actuel des choses, le processus d’enregistrement d’une marque au Canada peut facilement prendre trois ans. Espérons que le projet de loi sera amendé pour que l’exigence applicable soit le dépôt d’une demande d’enregistrement plutôt que l’enregistrement de la marque. Les entreprises qui utilisent des marques dans une langue autre que le français ont tout avantage à prendre dès maintenant les mesures suivantes :  Dresser la liste des marques employées dans une langue autre que le français (incluant les slogans) et celles faisant l’objet de projets futurs; Consulter un expert en marque de commerce pour établir la meilleure stratégie, incluant effectuer des recherches appropriées pour s’assurer que les marques sont enregistrables; Déposer rapidement des demandes d’enregistrement, compte tenu du long processus d’enregistrement au Canada (c’est-à-dire d’un minimum de trois ans). Une révision des étiquettes et emballages de produits devrait aussi être amorcée pour s’assurer de la conformité avec les nouvelles règles, une fois le projet de loi sanctionné. Enfin, l’affichage public à l’extérieur des locaux devra également faire l’objet d’une révision dans la mesure où une autre langue que le français est utilisé, abstraction faite de la marque de commerce. Une approche proactive vous permettra d’éviter des coûts reliés à l’ajout d’une traduction française dans l’affichage, la publicité et l’étiquetage de vos produits et services et de surcroît, d’éviter des amendes en cas de non-conformité aux nouvelles règles. À vos marques, prêts? Déposez! Projet de loi 96, article 201 paragraphe 5 Règlement sur la langue française du commerce et des affaires, article 25.1 Projet de loi 96, article 47 Projet de loi 96, article 47 Projet de loi 96, article 42.1 10 questions juridiques sur la Charte de la langue française, Sites Web et comptes de médias sociaux, Question 3 et Question 6; Les médias sociaux et la Charte de la langue française – Guide pratique à l’intention des entreprises, https://www.oqlf.gouv.qc.ca/francisation/entreprises/guide-medias-sociaux.pdf, pages 7 et 8 Projet de loi 96, article 47 Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française, article 2  Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française, article 3  Règlement précisant la portée de l’expression « de façon nettement prédominante » pour l’application de la Charte de la langue française, article 4 Projet de loi 96, article 48 Projet de loi 96, article 47 Projet de loi 96, article 42.1 Projet de loi 96, article 107 Projet de loi 96, article 201 Projet de loi 96, article 113 (177) Projet de loi 96, article 113 (184) Projet de loi 96, article 114 (205) Projet de loi 96, article 114 (206) Projet de loi 96, article 114 (208)

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  • Télétravail : Il vaut mieux prévenir

    Le télétravail n’est pas un phénomène nouveau. Selon l’Organisation internationale du Travail, son essor remonte aux années 1970 alors qu’une importante crise pétrolière avait incité plusieurs entreprises à maintenir leurs effectifs à domicile pour réduire leur consommation énergétique1. Cela dit, depuis la pandémie de Covid, le télétravail s'est largement répandu. Maintenant, près du quart des entreprises canadiennes (22,5 %) s'attendent à ce que 10 % ou plus de leur effectif continue de faire du télétravail après le retour à la normale2. Ce mode de travail est donc bien enraciné. Toutefois, le télétravail peut être un réel casse-tête pour les employeurs lorsqu’il est question de la prévention des accidents du travail et de la survenance de ceux-ci. Une jurisprudence plus permissive La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles3 (la « LATMP ») peut s’appliquer aux travailleurs à domicile4. De fait, les tribunaux ont statué il y a longtemps déjà que le domicile de ceux-ci peut être considéré comme un lieu de travail au sens de cette loi lorsqu’il y a une exécution d’une partie du travail avec le consentement de l’employeur5 Outre le cas des blessures, il y avait avant la pandémie deux courants jurisprudentiels contraires concernant l’acceptation des lésions professionnelles lorsque l’accident survenait au sein du domicile du travailleur qui était dûment autorisé à travailler à distance : un les acceptant, l’autre les refusant. Toutefois, tout était question de circonstances. Il ressortait de cela que si la situation relevait de la sphère d’activités professionnelles, elle était acceptée, même si celle-ci pouvait être considérée comme relevant en partie de la sphère personnelle6 Or, depuis la pandémie, soit durant 2020 et 2021, le Tribunal administratif du travail (le « TAT ») a rendu plusieurs décisions élargissant les pourtours de cette sphère d’activités professionnelles. Plusieurs activités dites « de confort » ont été admises en contexte de télétravail, comme le fait de chuter lors d’une marche durant une pause santé7 ou dans l’escalier du domicile au début de l’heure de dîner8. Au même titre, les activités de se rendre aux toilettes9, d’aller à l'extérieur pour fumer10, de se procurer une boisson gazeuse11, un café12, ou un plat du four à micro-ondes13 pourraient se qualifier à titre d’activités de confort relevant de la sphère d’activités professionnelles à l’occasion du travail, et ce, même en télétravail. Bien que le courant restrictif puisse encore trouver application, il est important de noter que chaque situation doit être analysée individuellement, et ce, en considérant le lieu de l’événement, l’existence et le degré d’autorité sur le travailleur, la finalité de l’exercice et son utilité en regard de l’accomplissement du travail de ce dernier. En somme, considérant l’utilisation accrue du télétravail, les employeurs doivent s’attendre à une multiplication de telles réclamations. Ce constat devrait les guider dans l’organisation de ce mode de travail, surtout considérant les nouvelles modifications à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (la « LSST »). L’impact des modifications à la Loi sur la santé et la sécurité du travail En 2021, la LSST a subi de nombreuses modifications importantes. L’une d’elles veut que la loi et ses obligations en matière de prévention s’appliquent au travailleur qui exécute du télétravail et à son employeur14. Ceci signifie que le domicile du travailleur ou des espaces de travail ouverts sont maintenant sous la responsabilité de l’employeur. À titre d’exemple, l’obligation prévue à l’article 51(7) de la LSST, soit que l’employeur doit notamment fournir un matériel sécuritaire et assurer son maintien en bon état, trouve application en l’espèce dans le milieu de télétravail où se trouve le travailleur. Cette nouvelle réalité entraîne des obligations pour les employeurs et aura nul doute des impacts sur l’interprétation des tribunaux sur l’acceptation de lésions professionnelles. En effet, comme il appert de la section précédente, les décisions récentes tendent à démontrer que les accidents qui se produisent à domicile dans le contexte du télétravail sont majoritairement admissibles. De plus, il y a fort à parier que les tribunaux interpréteront comme favorisant davantage la reconnaissance des lésions professionnelles la nouvelle obligation prévue par la LSST selon laquelle le milieu de télétravail est sous la responsabilité de l’employeur pour les questions de prévention en matière de santé et sécurité au travail. Il est certain que le lien n’est pas direct, mais la tendance jurisprudentielle et la modification à la LSST nous portent à croire que tel sera le cas. Recommandations au regard de l’évolution de la jurisprudence et des modifications à la LSST À la lumière de la présente, il serait important de prévoir ou de réviser une politique de télétravail afin de s’assurer de bien baliser les obligations de l’employeur et celles du travailleur quant au lieu du télétravail. À titre d’exemple, selon les activités qui peuvent être exercées, il sera important d’encadrer la notion de lieu de travail dans un milieu de télétravail. Pour ce faire, chaque employeur devra se poser de nombreuses questions, telles que : Voulez-vous permettre le télétravail dans un lieu de télétravail coopératif? Quelles mesures peuvent être mises en place pour s’assurer de remplir les obligations en matière de prévention et ainsi éviter des lésions professionnelles? Qui sera responsable de s’assurer de remplir les obligations de l’employeur quant à la prévention dans un contexte où l’employé travaille à distance? Comment gérer des employés qui sont à l’extérieur du pays? Bref, toutes ces questions devront être analysées dans le cadre de la rédaction ou de la réécriture d’une politique de télétravail. Les membres de l’équipe Droit du travail et de l’emploi demeurent disponibles pour vous assister dans votre réflexion et la révision de votre politique, le cas échéant. Organisation internationale du Travail, Difficultés et avantages du télétravail pour les travailleurs et les employeurs dans les secteurs des TIC et des services financiers, Genève, 2016. Statistique Canada, Enquête canadienne sur la situation des entreprises : les répercussions de la COVID-19 sur les entreprises au Canada, mai 2020. RLRQ, c. A-3.001. Club des petits déjeuners du Québec c. M.C. Frappier, 2009 QCCLP 7647. Québecor Média inc. et Marco Delgadillo, 2011 QCCLP 4843. Desrochers et Agence du revenu du Canada, 2011 QCCLP 7562; Futura manufacturier de portes & fenêtres inc. et Rossignol, 2020 QCTAT 2562; Benoît et NCH Canada inc., 2021 QCTAT 856. Laverdière et Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (Opérations régionales), 2021 QCTAT 5644. Air Canada et Gentile-Patti, 2021 QCTAT 5829. Lefèbvre (Re), 2006 CanLII 70745 (QC CLP). Miljours et Ameublement Branchaud, 2016 QCTAT 809. Cormier et Société des Entreprises Innues d’Ekuanitshit (2009), 2019 QCTAT 3752, Robillard et DPCP, 2020 QCTAT 2933. Giroux et Pro Mec Élite inc., 2014 QCCLP 2853. Beaudry et Ministère de la Sécurité publique (Santé-sécurité), 2004 CanLII 92916 (QC CLP). LSST, art. 5.1.

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