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Motifs religieux : nouvelle étape dans le traitement des demandes d’accommodements
Le 1er juillet 2018, les dispositions de la Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements pour un motif religieux dans certains organismes, RLRQ, c. R-26.2.01 (« la Loi »), sont entrées en vigueur. Cette Loi s’applique aux « organismes publics » qu’elle définit, mais demeure d’intérêt pour tout employeur québécois appelé à traiter une demande d’accommodement puisqu’elle établit un cadre d’analyse général d’une telle demande sur la base des principes généralement retenus par les tribunaux. Depuis presque trois décennies, les tribunaux canadiens et québécois ont été saisis de nombreux litiges relatifs au traitement de demandes d’accommodements pour un motif religieux formulées par des employés auprès de leurs employeurs. Les décisions rendues, en particulier par la Cour suprême du Canada, ont permis d’identifier les principales balises qui doivent être observées lors de l’analyse de ces demandes. Ces balises sont toutefois érigées sur des concepts fluides comme l’existence d’une croyance religieuse sincère, l’effet discriminatoire d’une mesure ou la qualification de la contrainte imposée par l’accommodement. Les débats entourant l’adoption de la Loi, en octobre 2017, ont surtout porté sur les enjeux de neutralité religieuse de l’État, comme celui de fournir et recevoir à visage découvert les services de tout organisme associé de près ou de loin à l’État. Ils ont beaucoup moins porté sur le dispositif, pourtant important, qui prescrit une méthode d’analyse des demandes d’accommodements formulées par les membres du personnel de ces organismes. La Loi codifie implicitement les orientations retenues par les tribunaux, non seulement en matière de religion, mais aussi à propos d’autres motifs pouvant constituer une atteinte au droit à l’égalité reconnu, notamment, par la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 (la « Charte »). À cet égard, la Loi ne modifie pas l’état du droit, mais elle en précise les modalités d’application quoique dans l’unique périmètre de la liberté de religion et de son exercice. En revanche, les critères retenus par celle-ci sont suffisamment génériques pour être étendus, par simple analogie, à des motifs différents, comme celui du handicap. L’article 11 de la Loi énumère quatre critères devant être considérés lors du traitement d’une demande d’accommodement : 1° que la demande est sérieuse; 2° que l’accommodement demandé respecte le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que le droit de toute personne d’être traitée sans discrimination; 3°que l’accommodement demandé respecte le principe de la neutralité religieuse de l’État; 4°que l’accommodement est raisonnable, c’est-à-dire qu’il ne doit imposer aucune contrainte excessive eu égard, entre autres, au respect des droits d’autrui, à la santé ou à la sécurité des personnes, au bon fonctionnement de l’organisme, ainsi qu’aux coûts qui s’y rattachent. Par un procédé législatif peu commun, l’article 12 de la Loi prévoit que le ministre de la Justice doit établir des lignes directrices « afin d’accompagner les organismes dans l’application de l’article 11 ». Ces lignes directrices ont été publiées le 9 mai 20181 et constituent un guide d’application de l’article 11 de la Loi ainsi que de l’article 13 qui porte expressément sur les demandes qui impliquent une absence du travail. Elles proposent plusieurs définitions des notions et concepts en présence. Elles illustrent, notamment, plusieurs situations dans lesquelles les demandes peuvent être formulées, de même que les circonstances permettant d’évaluer si les contraintes qui en découlent ont un caractère excessif qui justifie de ne pas y donner suite. Elles énoncent clairement que toute demande d’accommodement pour un motif religieux requiert une évaluation contextuelle et personnalisée, confirmant ainsi qu’en cette matière il est incontournable de procéder au cas par cas, en dépit des critiques que cette approche soulève dans certains milieux. Il faut souligner que la Loi et les lignes directrices sont explicites sur l’obligation de collaboration à laquelle est tenue la personne qui demande un accommodement : à défaut, cette demande peut être écartée. La Loi ne comporte pas, au sens strict, de mesures de sanction en cas de non-respect de ses dispositions. Toutefois, puisqu’elle est étroitement liée à l’application de la Charte, les mécanismes prévus par cette dernière sont accessibles aux personnes qui s’estimeront insatisfaites des décisions prises par un organisme assujetti, comme va le demeurer le processus d’arbitrage, selon le cas. La Loi s’applique aux organismes publics, qu’elle définit de manière très large pour y inclure, par exemple2, les sociétés de transport en commun, les centres de la petite enfance, les établissements privés conventionnés et les ressources intermédiaires du secteur de la santé . On peut toutefois penser qu’elle fournira une référence informelle à la manière de traiter toute demande d’accommodement, peu importe le milieu de travail. Il serait dès lors utile que les gestionnaires d’autres entités s’inspirent des orientations retenues lorsqu’ils auront à traiter des demandes d’accommodements de même qu’il serait pertinent de prendre en considération les approches proposées dans les lignes directrices. L’objectif voulant que les droits fondamentaux soient exercés en toute égalité n’est pas qu’une affaire d’État, c’est avant tout une affaire de société. https://www.justice.gouv.qc.ca/fileadmin/user_upload/contenu/documents/Fr__francais_/centredoc/publications/ministere/dossiers/neutralite/PL62-lignes-FR.pdf (site consulté le 21 juin 2018). Un répertoire des organismes visés est disponible à : https://www.justice.gouv.qc.ca/fileadmin/user_upload/contenu/documents/Fr__francais_/centredoc/publications/ministere/dossiers/neutralite/Liste_organismes_PL62.pdf (site consulté le 21 juin 2018).
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Délai de traitement des plaintes des usagers d’établissements de santé : la Cour Suprême du Canada refuse d’intervenir
Le 26 février 2015, la Cour suprême du Canada a rejeté la demande du docteur Gilbert Liu d’en appeler d’une décision de la Cour d’appel en matière de délai de traitement des plaintes des usagers d’établissements de santé. Dans cet arrêt unanime du 4 septembre 2014, la Cour d’appel confirme que le délai de 45 jours prévu par la Loi sur les services de santé et les services sociaux1 (« LSSSS ») pour le traitement des plaintes des usagers par le médecin examinateur et le commissaire local aux plaintes et à la qualité des services n’est pas impératif. Selon la Cour, ce délai servirait plutôt à souligner le désir du législateur que les plaintes soient traitées avec diligence2. Conformément aux pratiques de la Cour suprême, le jugement n’exprime aucun motif. Il met cependant fin à la controverse qui était entretenue sur la portée effective de l’arrêt de la Cour d’appel confirmant le jugement d’avril 2013 de la Cour supérieure3. L’état du droit est désormais clair et l’arrêt de la Cour d’appel fait jurisprudence. Les dossiers en cours, judiciaires ou institutionnels, doivent maintenant être traités conformément aux conclusions de la Cour d’appel et procéder. Il faut rappeler que la position du médecin reposait sur un argument d’interprétation des articles 47 et 49 de la LSSSS suivant lequel un médecin examinateur qui, au terme du délai prévu de 45 jours, n’avait pas encore procédé au traitement d’une plainte et n’avait émis aucune conclusion à son sujet, perdait compétence. Cette plainte devenait alors caduque à moins que le plaignant ne se prévale de son droit d’en saisir le comité de révision. Or, tout comme l’avait fait la Cour supérieure, la Cour d’appel a reconnu que l’objectif principal du régime de traitement des plaintes des usagers est « l’exercice simple et efficace de leurs droits par les usagers ». Interpréter ce délai de 45 jours de la manière suggérée par le médecin en viendrait à pénaliser le plaignant en le privant du droit au traitement de sa plainte. Ce serait faire échec à la finalité recherchée par le législateur. La conclusion de la Cour d’appel peut être étendue à toutes les plaintes des usagers, et non pas uniquement à celles qui concernent des médecins, dentistes ou pharmaciens. Selon la LSSSS, celles-ci doivent être traitées dans un délai imparti. La Cour a fait écho à la réalité observée dans plusieurs milieux où une variété de facteurs peuvent expliquer que le médecin examinateur ou le commissaire aux plaintes ne puisse formuler les conclusions recherchées dans le délai de 45 jours. Ces facteurs peuvent être attribuables au plaignant, à la personne visée par la plainte ou à des événements de toute nature. Cela dit, il faut souligner à nouveau que le délai de 45 jours indiqué dans la loi pour traiter une plainte exprime l’intention du législateur que les plaintes des usagers soient traitées rapidement. Les instances qui seraient dans l’incapacité d’agir dans ce délai seraient bien avisées d’en documenter les raisons de manière à éviter les controverses inutiles. _________________________________________ 1 RLRQ, c. S-4.2. 2 Liu c. Comité de discipline du Centre de santé et de services sociaux Haut-Richelieu-Rouville, 2014 QCCA 1613. 3 Liu c. Comité de discipline du Centre de santé et de services sociaux Haut-Richelieu-Rouville, 2013 QCCS 1856.
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Délai de traitement des plaintes des usagers d’établissements de santé : la Cour d’appel confirme que le délai de 45 jours n’est pas impératif
Dans un arrêt unanime du 4 septembre 20141, la Cour d’appel confirme que le délai de 45 jours prévu par la Loi sur les services de santé et les services sociaux2 pour permettre au médecin examinateur ainsi qu’au commissaire local aux plaintes et à la qualité des services de traiter la plainte d’un usager n’est pas impératif, mais qu’il sert plutôt à indiquer le choix du législateur qu’il soit procédé avec diligence au traitement de celle-ci. Cet arrêt fait suite à un jugement d’avril 2013 de la Cour supérieure qui en était arrivé à la même conclusion3.Les faits sont simples : un médecin visé par une plainte estimait qu’à l’expiration d’un délai de 45 jours, le médecin examinateur qui n’avait pas encore procédé au traitement de cette plainte et n’avait émis aucune conclusion à son sujet perdait compétence. À toutes fins utiles, cette plainte devenait alors caduque à moins que le plaignant ne se prévale de son droit d’en saisir un comité de révision. En l’espèce, le médecin examinateur avait décidé que la plainte devait faire l’objet d’une étude à des fins disciplinaires et avait transmis le dossier aux instances concernées 22 jours après l’expiration du délai.Il faut souligner que la LSSSS ne contient aucune autre disposition prévoyant un délai dans lequel les différentes instances disciplinaires compétentes seraient tenues de statuer sur l’imposition de sanctions à l’endroit d’un médecin. La LSSSS ne prévoit pas davantage d’indication sur le délai dans lequel une plainte peut être portée. Si la position du médecin avait été retenue, il en aurait résulté que, tout au long d’un processus qui n’est balisé par aucun délai particulier, le dépassement du délai initial de 45 jours constituerait un événement tellement déterminant que la plainte ne pourrait plus être traitée.Tout comme l’avait fait la Cour supérieure, la Cour d’appel reconnaît que l’objectif principal du régime de traitement des plaintes des usagers est «l’exercice simple et efficace de leurs droits par les usagers ». Interpréter le délai de 45 jours pour le traitement d’une plainte de la manière suggérée par le médecin priverait en somme le plaignant du droit au traitement de sa plainte alors qu’il n’a rien à se reprocher. Ce serait ainsi faire échec à la finalité recherchée par le Législateur, qui n’a du reste employé aucun terme qui permettrait de conclure qu’il ait voulu conférer un caractère impératif à ce délai.En fait, la Cour d’appel retient que le délai a plutôt été prévu, certes, pour indiquer que celui qui y est soumis doit agir avec diligence, mais principalement pour être le déclencheur du droit du plaignant de provoquer l’accélération du traitement de sa plainte puisqu’il peut, dès son expiration, saisir le comité de révision, celui-ci agissant, pour reprendre les termes de la Cour, comme « un comité de surveillance ».L’arrêt de la Cour d’appel a une portée qui va bien au-delà de l’affaire immédiate puisque ce sont toutes les plaintes des usagers, et non pas uniquement celles qui concernent des médecins, dentistes ou pharmaciens, qui devraient être traitées dans le délai imparti. Or la Cour a fait écho à la réalité observée dans plusieurs milieux selon laquelle une variété de facteurs pouvaient expliquer que le médecin examinateur ou le commissaire aux plaintes n'étaient pas en mesure de formuler les conclusions recherchées dans le délai de 45 jours. Ces facteurs peuvent être attribuables au plaignant, à la personne visée par la plainte ou à des événements de toute nature. La Cour souligne à cet égard que le médecin examinateur n’a pas de véritable pouvoir de contrainte et que malgré son souhait de procéder avec diligence, le comportement de tiers pouvait l’en empêcher.Cela dit, il faut garder à l’esprit que le délai de 45 jours, malgré son caractère indicatif, demeure l’expression de la volonté du Législateur que les plaintes des usagers soient traitées rapidement. L’arrêt de la Cour d’appel reconnaît certes au médecin examinateur la compétence de continuer à traiter une plainte malgré l’expiration de ce délai, mais il y est bien précisé que celui-ci a l’obligation de procéder avec toute la diligence possible._________________________________________1 Liu c. Comité de discipline du Centre de santé et de services sociaux Haut-Richelieu-Rouville, 500-09-023569-130, 4 septembre 2014.2 RLRQ, c. S-4.2.3 Liu c. Comité de discipline du Centre de santé et de services sociaux Haut-Richelieu-Rouville, 2013 QCCS 1856.