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Publications
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Modification de l’imposition des « fonds de substitution »
À compter du 1er janvier 2017, de nouvelles règles régiront l’imposition des sociétés de placement à capital variable qui sont structurées comme des « fonds de substitution ». Les investisseurs qui échangent des actions entre fonds ne pourront plus le faire sans engager de gains en capital imposables. Le présent article traite de l’incidence de ces changements. Description des « fonds de substitution » dans le régime actuel Au Canada, la plupart des fonds communs de placement sont structurés en tant que fiducies, mais certains sont structurés en tant que sociétés (ce que l’on appelle les « fonds de catégorie de société »). Les fiducies de fonds commun de placement sont composées d’un seul fonds dans lequel les investisseurs obtiennent des parts de la fiducie, tandis que les fonds de catégorie de société peuvent détenir plusieurs fonds. Chaque fonds est structuré comme une catégorie différente d’actions, ce qui permet aux investisseurs d’avoir accès à différents portefeuilles de placement de la société. Dans la structure de catégorie de société, les investisseurs ont la possibilité de faire des échanges entre fonds sans engager de gains ou de pertes en capital. Ils peuvent le faire parce qu’aux termes des règles actuelles, les échanges entre fonds ne sont pas réputés être des dispositions des actions de la société, ce qui donne lieu à un report d’impôt dont ne peuvent pas profiter ceux qui investissent dans des fiducies de fonds commun de placement. L’impôt sur les gains en capital est payé ultérieurement au moment de la disposition des actions de la société. Incidence des propositions législatives de 2016 À compter du 1er janvier 2017, les contribuables qui font des échanges entre fonds seront réputés avoir disposé de leurs actions initiales à leur juste valeur marchande et seront donc immédiatement imposés sur les gains en capital. Toutefois, les propositions législatives de 2016 prévoient deux cas particuliers dans lesquels le report d’impôt est autorisé : si l’échange ou la disposition se produit dans le cadre d’une opération visée à l’article 86 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi de l’impôt ») ou d’une fusion en vertu de l’article 87 de la Loi de l’impôt, l’actionnaire aura droit à un report d’impôt si les conditions suivantes sont réunies : (i) toutes les actions de la catégorie en cause sont échangées; (ii) les actions initiales et les nouvelles actions tirent leur valeur dans la même proportion du même bien, et (iii) l’échange a été effectué uniquement pour des objets véritables et non pas pour obtenir un report d’impôt; si les actions d’une catégorie de la société de placement à capital variable sont échangées contre des actions de la même catégorie, étant donné (i) que les actions initiales et les nouvelles actions tirent leur valeur dans la même proportion du même bien, et (ii) que la catégorie est reconnue en vertu de la législation en valeurs mobilières comme un fonds de placement unique. Les changements susmentionnés entreront en vigueur le 1er janvier 2017. Dès lors, les investisseurs qui souhaitent échanger des actions d’une société de placement à capital variable ont jusqu’au 31 décembre 2016 pour se prévaloir des règles actuelles en matière de report d’impôt.
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Les nouvelles récentes sur le marché canadien des infrastructures
Création d’une banque canadienne d’infrastructure Le 20 octobre 2016, le Conseil consultatif en matière de croissance économique a publié son rapport intitulé « Favoriser la productivité par l’entremise de l’infrastructure ». Une des recommandations du rapport est de créer une banque canadienne de l’infrastructure dont l’objectif serait de livrer des projets d’une valeur de plus de 200 milliards de dollars sur 10 ans, tout en minimisant le recours aux budgets gouvernementaux. La nouvelle banque pourrait octroyer du financement sous forme de dette subordonnée ou d’équité afin de compléter le financement des investisseurs institutionnels dans le cadre des différents projets. La nouvelle entité favoriserait de fait le modèle de réalisation en PPP (partenariat public-privé) ou en financements alternatifs, mais n’aurait pas comme vocation de remplacer les organismes provinciaux existants, tels qu’Infrastructure Ontario ou la Société québécoise des infrastructures. Par ailleurs, le gouvernement fédéral voudra également s’assurer que l’établissement d’une banque de l’infrastructure ne décourage pas les investissements du secteur privé. Finalement, le 1er novembre 2016, le ministre des Finances, Bill Morneau, a confirmé la création de la Banque de l’infrastructure du Canada (la « BIC ») en 2017. La nouvelle institution sera dotée d’une capitalisation initiale de 35 milliards de dollars. Reste à voir si la BIC sera régie par la Loi sur les banques ou si un nouveau régime législatif sera mis en place pour cette nouvelle institution. Projet de privatisation de huit aéroports canadiens Dans son rapport intitulé « Favoriser la productivité par l’entremise de l’infrastructure », le Conseil consultatif en matière de croissance économique propose la privatisation des aéroports des villes de Toronto, Vancouver, Montréal, Calgary, Edmonton, Ottawa, Winnipeg et Halifax. Le Conseil recommande également le recours à l’investissement privé dans d’autres infrastructures publiques comme les routes et les ponts à péage, les lignes ferroviaires à grande vitesse, les villes intelligentes, les réseaux internet à large bande, les lignes de transmission et les infrastructures liées à l’exploitation des ressources naturelles. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement canadien examine un projet de privatisation des aéroports, mais aucune décision ne semble encore avoir été prise à ce stade, ni aucun agenda dévoilé. Toutefois, la Corporation de développement des investissements du Canada (la « CDEV »), une société d’État fédérale supervisée par le ministre des Finances, Bill Morneau, a été mandatée pour engager des consultants afin de conseiller le gouvernement dans son processus de réflexion. Par ailleurs, lors de son allocution devant la Chambre de commerce de Montréal le 2 novembre 2016, le ministre Marc Garneau a toutefois mentionné que la privatisation ne constitue qu’une des options considérées parmi d’autres. Boralex annonce la clôture d’un financement de projets éoliens de 100 millions d’euros en France Boralex inc. a annoncé la clôture d’un financement visant les parcs éoliens de Mont de Bagny (24 MW), d’Artois (23,1 MW) et de Voie des Monts (10 MW) en France pour un montant total d’environ 100 millions d’euros (145 millions de dollars canadiens). Ce financement est assuré par le Crédit Industriel et Commercial (Groupe Crédit Mutuel) et BPI France Financement. La construction de chacun des projets est déjà amorcée et leur mise en service est prévue d’ici la fin de 2017. Cette annonce survient peu après que Boralex ait fait l’acquisition, en septembre 2016, d’un portefeuille de projets éoliens de près de 200 MW en France et en Écosse. Boralex avait également réalisé la clôture d’un autre financement de 20,4 millions d’euros pour deux parcs éoliens en France au mois de juin 2016. Ces transactions d’envergure viennent confirmer la position de Boralex comme premier producteur indépendant d’éolien terrestre sur le territoire français, par l’intermédiaire de sa filiale Boralex Europe. Refinancement possible de la dette de Terminaux Montréal Gateway Le refinancement de la dette bancaire du projet Terminaux Montréal Gateway serait actuellement à l’étude. Rappelons qu’un consortium comprenant Axium, Desjardins, Manuvie, FTQ et Industrielle Alliance a fait l’acquisition des actifs de l’entreprise auprès du premier fonds d’infrastructure de Morgan Stanley en mars 2015. L’opération a été financée par un financement bancaire de type « mini-perm » de 252 millions de dollars et d’une durée de 5 ans. Le syndicat bancaire est actuellement composé de BMO, CIBC, MUFG & BTMU, RBC et de la Banque Scotia. DBRS déclasse les obligations des hôpitaux de Montréal En date du 20 octobre 2016, l’agence de notation DBRS a fait passer la note des obligations de premier rang garanties du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (« CHUM ») de « BBB (élevé) » à « BBB ». Cette rétrogradation est due au report de la date d’achèvement substantiel de la phase 1 du 2e trimestre de 2016 au 1er trimestre de 2017, ce qui représente un retard supplémentaire de 20 semaines par rapport à la dernière révision de DBRS et de 48 semaines par rapport à la date d’achèvement substantiel initiale du 22 avril 2016. Le projet sera en défaut si les retards continuent au-delà de juillet 2017. HSBC met en place une plate-forme mondiale de financement d’infrastructure HSBC a récemment annoncé la mise en place d’une plate-forme de financement d’infrastructure avec un mandat mondial dont le but sera de mobiliser des capitaux provenant d’investisseurs institutionnels. L’équipe sera basée à Londres et compte signer son premier mandat avec la compagnie d’assurance HSBC, qui cherche à investir principalement dans la dette d’infrastructure de premier rang de qualité supérieure (« Investment Grade »). HSBC imite en cela d’autres institutions internationales qui cherchent à tirer profit de l’intérêt des capitaux privés pour la dette d’infrastructure. La banque française Natixis, par exemple, a également établi sa propre plate-forme de dette d’infrastructure fondée sur des investissements provenant de compagnies d’assurance. CIBC Gestion d’actifs se dote d’une équipe énergie et infrastructure CIBC Gestion d’actifs vient de mettre en place une équipe de financement de projets en infrastructure et production d’électricité. Le mandat de l’équipe sera de prendre des participations sous forme de placements privés ou d’émissions obligataires publiques dans le marché canadien des infrastructures, des PPP, et de la production d’électricité renouvelable et non-renouvelable. Il s’agit donc d’un nouveau joueur provenant du secteur bancaire à se positionner sur les financements à long terme publics ou privés de projets d’infrastructure. Jusqu’à présent, TD Gestion d’actifs et Desjardins Gestion d’actifs étaient les deux institutions bancaires canadiennes les plus connues à intervenir sur les financements d’infrastructure à revenu fixe, en concurrence avec les compagnies d’assurance qui dominent traditionnellement ce marché. Refinancement obligataire pour le parc solaire de Kingston Le 19 octobre 2016, Connor, Clark & Lunn (« CC&L »), Samsung et un groupe de co-investisseurs ont réalisé la clôture d’une émission obligataire de 633 millions de dollars afin de refinancer le parc solaire Kingston solar en Ontario. Kingston solar est un projet de 100 MW, soit l’un des plus importants au Canada, qui est situé près de la ville de Kingston, en Ontario, et qui a démarré ses opérations en septembre 2015. Le projet bénéficie d’un contrat d’achat d’électricité de 20 ans avec IESO. L’émission, qui a reçu la note « BBB » de DBRS, arrivera à échéance le 31 juillet 2035 et porte intérêt à un taux fixe de 3,571 %. Il s’agit du deuxième refinancement d’un parc solaire sous forme d’émission obligataire que CC&L réalise, après celui de Grand Renewable Solar, un parc de la même taille que Kinston Solar, effectué en juin 2016. Les émissions d’obligations publiques constituent une possibilité attrayante de refinancement pour les projets canadiens d’énergie renouvelable. Toutefois, le nombre de transactions réalisées jusqu’à maintenant est demeuré relativement modeste, en partie en raison des contraintes imposées par les agences de notation qui encourageaient les promoteurs à se tourner davantage vers des financements plus traditionnels de type prêts bancaires à moyen terme ou placements privés.
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Regard sur le marché canadien des partenariats public-privé
Le modèle de réalisation en partenariat public-privé (« PPP » ou « P3 ») est désormais bien établi au Canada, avec plus de 177 projets réalisés entre 1993 et 2015 (source : InfraAmericas). La grande majorité de ces projets (166) l’a été depuis 2004, et la tendance actuelle indique que le nombre de projets est appelé à augmenter. Ainsi, en tenant compte des projets réalisés en 2016, ainsi que de ceux en cours de processus d’appel d’offre, le Conseil canadien pour les partenariats public-privé (le « CCPPP ») comptabilise actuellement 247 projets en PPP. Le Canada est souvent présenté comme le marché des PPP le plus dynamique au monde, et il demeure certainement l’un des plus matures. Le cycle de vie des infrastructures, la géographie du Canada et le contexte économique actuel constituent un ensemble de facteurs convergents qui favorisent ce marché. De plus, l’amélioration des infrastructures publiques grâce à l’utilisation des capitaux privés est un concept qui a toujours bénéficié du soutien du gouvernement fédéral. Le gouvernement libéral élu en octobre 2015 a fait des infrastructures un pilier majeur de son programme économique, avec la promesse de campagne de doubler les investissements d’infrastructure au pays. Le 1er novembre 2016, le ministre des Finances, Bill Morneau, a annoncé la création de la Banque de l’infrastructure du Canada (la « BIC ») en 2017, laquelle aura comme mandat d’investir dans les grands projets d’infrastructure en attirant des capitaux d’investisseurs institutionnels. En tenant compte des programmes d’infrastructure existants (91 milliards de dollars), des investissements annoncés dans le premier budget gouvernemental en mars (14 milliards de dollars) et des investissements supplémentaires inclus dans la dernière mise à jour économique et financière (81 milliards de dollars), le gouvernement fédéral estime que les investissements totaux dans les infrastructures au pays s’élèveront à 180 milliards de dollars entre 2016 et 2028. Selon les données du CCPPP, l’espace P3 canadien est encore dominé par l’infrastructure sociale (58 %) et par les projets d’infrastructure civils (24 %). Le secteur de la santé demeure le plus grand sous-secteur au sein de l’infrastructure sociale, avec 37 % des transactions effectuées. On note toutefois un accroissement des projets liés au transport, notamment les autoroutes périurbaines et les projets de trains légers sur rails. D’autres types de projets se développent également, comme le traitement des eaux usées, la gestion des déchets et les lignes de transmission d’électricité, qui constituent de nouvelles catégories d’actifs, et autant d’opportunités d’investissement alternatives pour les investisseurs. Les organismes provinciaux, tels qu’Infrastructure Ontario, Partnerships BC, SaskBuilds, Alberta Infrastructure, Partenariats Nouveau-Brunswick, Société québécoise des infrastructures, sont au coeur des programmes de PPP au Canada et directement responsables de la majorité des projets d’infrastructure. Infrastructure Ontario demeure la plus grande agence en termes de taille et du nombre important de transactions réalisées. Elle fait aussi figure de référence en termes de documentation et de processus. Au niveau municipal, une quinzaine de municipalités ont également entrepris de développer leurs propres projets, mais ceux-ci sont souvent réalisés en partenariat avec des agences provinciales. Au niveau fédéral, à ce jour, on compte sept projets lancés selon un mode PPP, notamment le pont de la Confédération et le nouveau pont Champlain. Un autre exemple récent est le pont international Gordie Howe qui relie Windsor, en Ontario, à la ville de Détroit, aux États-Unis, qui est en cours de processus d’appel d’offre. Les 177 projets qui ont été réalisés en PPP depuis 1993 et qui ont été comptabilisés par InfraAmericas représentent une valeur totale de 79 milliards de dollars, soit une valeur moyenne par projet de 482 millions de dollars. Si l’on se reporte à l’ensemble des projets réalisés et en cours qui ont été recensés par le CCPPP (247), on parle alors d’une valeur totale de 118 milliards de dollars. Il est généralement reconnu dans l’industrie qu’un projet doit avoir une valeur minimale se situant entre 50 millions de dollars et 75 millions de dollars pour être admissible de façon viable à un mode de réalisation en PPP. L’Ontario et la Colombie-Britannique ont été les provinces les plus actives au Canada en termes de PPP, contribuant un total de 121 projets sur 177 en 2015 (68 %). L’Ontario a réalisé 90 projets à ce jour, soit 51 % du marché canadien. Suivent ensuite le Québec (10 %), le Nouveau-Brunswick (6 %) et l’Alberta (6 %) puis la Saskatchewan (5 %). Le Canada demeure un marché ouvert à la compétition internationale et aux capitaux étrangers, et il continue d’attirer de nouveaux joueurs provenant d’Europe et des États-Unis. Sur le plan du risque, il s’agit d’un marché relativement conservateur qui est peu ouvert aux projets exposés au risque de volume (ou risque de trafic). Ceci a toutefois pour avantage d’attirer l’intérêt des investisseurs institutionnels pour la dette d’infrastructure canadienne, qui bénéficie de fait de cotes de risque de qualité supérieure. Sur le plan du financement, les fonds de pension canadiens et les compagnies d’assurance-vie constituent les principaux acteurs des investissements sous forme de placements privés. Leur intérêt pour cette catégorie d’actifs a fait des placements privés la principale solution de financement du marché P3 canadien. La plupart des projets ont recours au crédit bancaire durant la phase de construction, qui est ensuite refinancée sur le marché obligataire une fois le projet terminé. Toutefois, certains projets ont été financés uniquement par l’émission d’obligations. Ainsi, selon InfraAmericas, sur les 177 projets déjà financés à la fin de 2015, 125 (71 %) ont été financés uniquement par dette bancaire, 37 (21 %) ont été financés uniquement sur le marché des capitaux et 15 (8 %) ont été financés sous forme hybride, c’est-à-dire au moyen d’une combinaison de dette bancaire et de financement à long terme de type obligataire. Depuis peu, un marché secondaire des projets en PPP se développe et représente maintenant un certain potentiel dans tout le Canada. Si la plupart des investisseurs institutionnels, tels que les caisses de retraite et les compagnies d’assurance, considèrent les PPP comme un placement à long terme, il existe aussi des promoteurs qui souhaitent éventuellement céder leur participation dans certains projets à relativement brève échéance, afin de redéployer leur capital dans d’autres projets ou d’autres secteurs d’activités.
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Énergies renouvelables : la tendance est aux financements hybrides
Depuis environ deux ans, la plupart des projets d’énergie renouvelable, notamment les projets éoliens, se financent selon un modèle dit « hybride », c’est-à–dire une combinaison de dette bancaire à moyen terme et d’un financement à long terme ou d’un placement privé. Le terme « hybride » provient du vocabulaire de l’univers des partenariats public–privé, notamment des projets ayant une composante d’opération et de maintenance dans le cadre d’une concession à long terme. En effet, durant la phase de construction, ces projets comportent généralement un prêt de construction bancaire d’une durée de 2 à 5 ans, combiné à un emprunt obligataire à long terme. Dans la plupart des cas, le financement bancaire sera remboursé au moment de l’achèvement du projet par des paiements en provenance de l’Autorité publique, alors que le financement obligataire s’amortira sur la durée de la phase d’opération du projet. Jusqu’à tout récemment, les projets d’énergie renouvelable étaient financés selon deux modèles distincts : un financement de type bancaire à moyen terme de 5 à 7 ans, et, plus rarement, de 10 ans (dit « mini-perm »), ou un financement à long terme (ou placement privé) dont la durée se rapprochait le plus possible de celle du contrat d’achat d’électricité, soit généralement entre 18 et 20 ans. Les prêts de type bancaire étaient principalement octroyés par les grandes banques canadiennes, alors que les financements à long terme étaient davantage l’apanage des compagnies d’assurance et des banques étrangères. Plus récemment, notamment pour les projets éoliens issus du dernier appel d’offre pour les projets communautaires au Québec, nous avons assisté à l’émergence de financements hybrides qui permettent d’optimiser le coût financier des projets en bénéficiant d’un taux d’intérêt moindre sur la tranche mini-perm, tout en sécurisant malgré tout le financement sur toute la durée du projet. Une des spécificités de ce type de financement est que les prêteurs à long terme doivent accepter de consentir un congé de remboursement de capital pendant la durée d’amortissement de la tranche bancaire. En effet, si les deux tranches devaient s’amortir en parallèle, la charge de remboursement serait excessive pour ce qui est des liquidités du projet. Par ailleurs, les prêteurs à long terme préfèrent généralement que la tranche bancaire soit amortie en totalité sur sa durée initiale afin d’éviter tout risque de refinancement à l’échéance. Il est techniquement possible de modéliser un plan d’amortissement en parallèle des deux tranches de financement qui soit économiquement absorbable par le projet. Toutefois, cela implique de réduire substanciellement le montant de la tranche bancaire, et donc de minimiser l’avantage financier lié à la structure hybride. D’autres questions techniques doivent être également abordées, par exemple la manière d’effectuer les déboursés durant la phase de construction. La façon la plus simple est de procéder de façon similaire aux PPP, à savoir de débourser le financement à long terme en totalité au début de la construction et de démarrer les déboursés progressifs sur la tranche bancaire une fois les fonds de la tranche à long terme totalement dépensés. Une autre façon de procéder est de débourser les deux tranches en même temps par voie de déboursés progressifs et au prorata l’une de l’autre. Cette méthode convient parfois moins aux prêteurs institutionnels, principalement pour des raisons de gestion administrative et de gestion de trésorerie.
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Les régimes de retraite et leurs règles en matière de placement : investir dans un fonds d’investissement en toute conformité
De nombreux régimes de retraite figurent aujourd’hui parmi les plus importants investisseurs de fonds de capital-investissement (private equity), de capital de risque (venture capital) et de couverture (hedge funds)1. Dans divers cas, l’actif de la caisse de retraite de ces régimes s’élève à plusieurs dizaines ou centaines de millions de dollars (voire plus) et est constitué de diverses catégories et sous-catégories de placement. Or, en raison notamment des rendements plus faibles des formes d’investissement plus traditionnelles, les régimes de retraite se tournent de plus en plus vers ce type de fonds pour investir une partie de leur actif. Rappelons que les régimes de retraite sont assujettis à maintes dispositions législatives et réglementaires particulières, y compris en matière de placement. Par exemple, dans le cas de régimes de retraite à prestations déterminées, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite du Québec (ci-après la « Loi RCR ») stipule que seul le comité de retraite2 (ou celui à qui il a délégué ce pouvoir) peut « décider des placements à effectuer avec l’actif du régime »3. En outre, le comité de retraite doit se doter d’une politique écrite de placement. Celle-ci doit être élaborée en tenant compte, entre autres, des caractéristiques du régime, de ses engagements financiers et des autres exigences prévues à la loi4. Toujours selon la Loi RCR, les placements doivent être faits conformément à cette politique de placement, ainsi qu’aux règles et limites prévues par la loi5. La loi fédérale sur les régimes de retraite, soit la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension (ci-après la « LNPP »), ainsi que son principal règlement d’application, soit le Règlement de 1985 sur les normes de prestation de pension (ci-après le « RNPP »), prévoient également différentes obligations incombant à l’administrateur d’un régime de retraite6 en matière de placement. Ainsi, dans le cas d’un régime de retraite à prestations déterminées assujetti à la LNPP, l’administrateur du régime a notamment l’obligation d’établir par écrit une politique de placement7, de se conformer aux dispositions réglementaires en matière de placement8 et d’adopter la pratique d’une personne prudente dans la gestion d’un portefeuille de placement d’une caisse de retraite (soit la méthode de la gestion prudente du portefeuille)9. Le présent article ne vise pas à présenter toutes les obligations de l’administrateur d’un régime de retraite en matière de placement. Son objectif est plutôt de rappeler certains principes importants qu’un administrateur de régime de retraite à prestations déterminées doit garder à l’esprit avant d’effectuer un placement dans un fonds d’investissement. 1. La politique de placement du régime de retraite permet-elle le placement envisagé dans le fonds d’investissement ? La Loi RCR exige non seulement que le comité de retraite se dote d’une politique écrite de placement, mais elle prévoit également que cette politique écrite doit faire état de certains éléments précis telles les catégories et sous-catégories de placement autorisées10. De façon similaire, en vertu du RNPP, la politique écrite de placement du régime doit notamment prévoir les catégories de placement11. L’administrateur du régime de retraite doit donc vérifier si le langage de la politique de placement permet un investissement dans un fonds d’investissement tel celui ciblé (p. ex. : fonds de capital-investissement, de capital de risque ou de couverture). À titre d’exemple, la politique de placement du régime permet-elle qu’une partie de l’actif de la caisse de retraite soit investie dans des parts d’une société en commandite dont l’objet est de posséder des participations dans des projets immobiliers ou d’infrastructure ? Toujours à titre d’exemple, selon les procédures déposées dans l’affaire Syndicat général des professeurs et professeures de l’Université de Montréal c. Gourdeau et al.12, le syndicat demandeur alléguait notamment que les membres du Comité de placement du Régime de retraite de l’Université de Montréal avaient effectué des placements dans un fonds de couverture alors que la politique de placement en vigueur ne prévoyait pas spécifiquement, selon le syndicat, cette catégorie de fonds13. Soulignons également que certaines politiques de placement prévoient uniquement que l’administrateur du régime peut confier une portion du portefeuille à un gestionnaire de portefeuille sans renvoi à la notion de fonds d’investissement. Or, plusieurs gestionnaires des fonds d’investissement dont il est question dans le présent article ne sont pas des gestionnaires inscrits en raison des caractéristiques des fonds qu’ils administrent. Les fonds de capital-investissement ou de capital de risque qui investissent dans le but d’exercer un certain niveau de contrôle ou de participer activement à la gestion des projets ou entreprises dans lesquels ils investissent ne remplissent typiquement pas les critères applicables à la qualification de fonds d’investissement au sens de la loi et leurs gestionnaires ne sont normalement pas inscrits, que ce soit à titre de gestionnaire de portefeuille ou de gestionnaire de fonds d’investissement14. Le langage de la politique de placement doit donc être examiné attentivement et une attention particulière doit donc être portée à la terminologie utilisée et sa signification juridique. À défaut de pouvoir conclure que le placement envisagé fait clairement partie des catégories/sous-catégories de placement autorisées en vertu de la politique de placement du régime, il serait plus prudent que celle-ci soit modifiée avant que le placement envisagé ne soit approuvé. La modification en question pourrait viser spécifiquement ce placement ou plutôt prévoir l’ajout d’une nouvelle catégorie ou sous-catégorie de placement à laquelle appartient clairement le placement envisagé. L’administrateur du régime devrait également s’assurer que la modification à la politique de placement est appropriée dans les circonstances, compte tenu notamment des caractéristiques du régime de retraite, de ses engagements financiers et des autres éléments de la politique de placement. En plus de ce qui précède, nous croyons qu’il serait plus prudent pour l’administrateur du régime de vérifier si les catégories de placement décrites dans la politique de placement du fonds d’investissement ciblé font partie des catégories ou sous-catégories de placement autorisées en vertu de la politique de placement du régime de retraite. Il convient de rappeler qu’en vertu de la structure habituelle des fonds d’investissement, une fois que l’administrateur du régime s’est engagé par la signature d’une convention de souscription à souscrire au capital du fonds d’investissement ciblé, le gestionnaire de ce fonds a généralement le droit de faire des appels de versement à son gré durant la période d’investissement du fonds et d’exiger que les investisseurs (y compris l’administrateur du régime) versent une partie ou la totalité de la somme qu’ils se sont engagés à souscrire. Le gestionnaire du fonds peut ensuite investir ces sommes dans tout investissement de son choix qui respecte la politique de placement du fonds d’investissement. De plus, contrairement aux fonds de couverture, la majorité des fonds de capital-investissement et des fonds de capital de risque ne permettent habituellement pas aux investisseurs de demander que leur intérêt dans le fonds soit racheté. Le régime de retraite devient donc en quelque sorte « captif » et ne peut récupérer son investissement avant la liquidation du fonds, sauf s’il trouve un acheteur sur le marché secondaire. Par ailleurs, l’administrateur du régime ne peut tenir pour acquis que le gestionnaire du fonds s’assurera de suivre les modalités de la politique de placement du régime, même si cette dernière lui a été divulguée. En effet, l’administrateur du régime de retraite ne doit pas assimiler le gestionnaire du fonds d’investissement à un mandataire qui agirait en vertu d’un mandat de gestion. Puisque la somme investie par l’administrateur du régime est mise en commun avec celle des autres investisseurs, le gestionnaire du fonds d’investissement (contrairement à un gestionnaire de portefeuille) ne peut s’engager à suivre un mandat de gestion pour un investisseur particulier. Les décisions d’investissement du gestionnaire sont collectives (pour l’ensemble du fonds) et ne sont donc soumises qu’aux restrictions que lui imposent les documents constitutifs du fonds d’investissement, soit principalement celles prévues à la politique de placement du fonds. Il existe cependant des façons de circonscrire ce pouvoir du gestionnaire, tel que nous le verrons plus en détails dans les sections suivantes. Enfin, notons que l’administrateur du régime devrait en outre s’assurer que les autres documents relatifs au régime de retraite ne contiennent aucune disposition qui pourrait interdire, restreindre ou autrement limiter le placement envisagé. 2. Le placement envisagé respecte-t-il les autres limites ou exigences prévues par la politique de placement ? Les catégories et sous-catégories de placement autorisées ne sont pas les seuls éléments devant être prévus à la politique écrite de placement d’un régime de retraite. En effet, la Loi RCR stipule que la politique de placement doit également faire état, entre autres, de la proportion de l’actif qui peut être placée dans des titres de participation et des titres d’emprunt, ainsi que des mesures qui assurent la diversification du portefeuille15. Le RNPP prévoit pour sa part que la politique de placement doit aussi traiter de la composition de l’actif (asset mix) et de la diversification du portefeuille16. Les politiques de placement contiennent habituellement une ou plusieurs dispositions établissant notamment le pourcentage maximal de l’actif de la caisse de retraite pouvant être alloué dans les différentes catégories ou sous-catégories de placement autorisées. La réalisation du placement envisagé devra donc respecter toute limite applicable à cet égard. En outre, la politique de placement prévoit généralement d’autres exigences particulières en lien avec certaines catégories ou sous-catégories de placement. De telles exigences peuvent notamment porter sur la qualité des titres qui peuvent être détenus à l’égard d’une catégorie ou d’une sous-catégorie de placement (p. ex. : cote minimale de « A » attribuée par une agence de notation reconnue) ou sur la capitalisation boursière minimale d’un titre au moment de l’achat. Elles peuvent également interdire l’achat de certains titres. Toute condition, limite ou interdiction particulière qui pourrait trouver application dans le cas du placement envisagé devra être respectée. Qui plus est, la politique de placement du fonds d’investissement ciblé devrait aussi être examinée en tenant compte de tous les types d’investissement permis par celle-ci, puisque, tel que nous l’avons expliqué ci-dessus, l’administrateur du régime de retraite n’aura normalement aucun droit de regard sur un investissement effectué par le gestionnaire du fonds en conformité avec cette politique. Si certains investissements pouvant être effectués par le gestionnaire du fonds peuvent potentiellement contrevenir à certaines exigences de la politique de placement du régime de retraite, l’administrateur du régime peut alors négocier une entente bilatérale accessoire (appelée communément « side letter ») avec le gestionnaire du fonds afin d’exiger de ce dernier certaines mesures visant à empêcher toute contravention avec la politique de placement du régime de retraite. De telles mesures peuvent notamment comprendre le droit d’être exclu de certains placements. Dans un tel cas, la side letter peut prévoir que le gestionnaire sera forcé de mettre en place une structure d’investissement alternative (souvent désignée sous l’appellation alternative investment vehicule ou parallel fund) en parallèle au fonds d’investissement et dans laquelle le régime de retraite ne détiendra aucun intérêt (mais où les autres investisseurs auront un intérêt miroir à celui qu’ils détiennent dans le fonds d’investissement), et qui sera utilisée pour les fins des investissements desquels l’administrateur du régime demande d’être exclu. La mise en place de ce type de structure est souvent permise par les documents constitutifs des fonds de capital-investissement ou de capital de risque. Si ce n’est pas le cas, il peut devenir important, selon les circonstances, de le prévoir dans une side letter. Par ailleurs, même si les documents constitutifs du fonds d’investissement prévoient ce genre de mécanisme, il est habituel pour un investisseur, tel un administrateur de régime de retraite, d’exiger du gestionnaire une divulgation préalable de toute intention de réaliser un investissement décrit dans la side letter comme pouvant être problématique pour l’investisseur. Notons que la side letter devrait être conclue avec le gestionnaire du fonds au moment où l’administrateur du régime s’engage à contribuer au capital du fonds (elle devrait être signée en parallèle avec la convention de souscription), puisqu’une fois la convention de souscription signée, le gestionnaire n’a plus aucun incitatif à prendre des engagements additionnels en faveur de l’administrateur du régime. 3. Le placement envisagé respecte-t-il les règles et les limites prévues par la législation et la réglementation applicables ? La Loi RCR contient certaines règles et limites en matière de placement. À titre d’exemple : le comité de retraite doit tendre à composer un portefeuille diversifié afin de minimiser les risques de pertes importantes17 l’actif du régime ne peut, directement ou indirectement, être placé dans des actions comportant plus de 30 % des droits de vote rattachés aux actions d’une personne morale18 En vertu de la Loi RCR, celui qui effectue un placement non conforme à la loi est, par ce seul fait et sans autre preuve de faute, responsable des pertes qui en résultent19. Toujours selon cette loi, les membres du comité de retraite qui ont approuvé un tel placement sont, par ce seul fait et sans autre preuve de faute, solidairement responsables des pertes qui en résultent20. Ces personnes n’encourront toutefois aucune responsabilité si elles ont agi de bonne foi en se fondant sur l’avis d’un expert21. Selon Retraite Québec, un « expert » est toute personne en mesure de fournir une opinion de spécialiste sur un sujet. En plus de cette responsabilité, celui qui contrevient à l’une des règles applicables en matière de placement commet une infraction pénale et est passible d’une amende pouvant varier de 500 $ à 25 000 $22. La LNPP et le RNPP contiennent également différentes règles et limites en matière de placement. Ainsi, l’article 8(4.1) de la LNPP énonce que l’administrateur doit se conformer au règlement et adopter la pratique qu’une personne prudente adopterait dans la gestion d’un portefeuille de placement d’une caisse de retraite. Précisons que la responsabilité de l’administrateur aux termes de cet article ne sera pas engagée si une contravention au dit article résulte du fait que l’administrateur s’est appuyé de bonne foi sur le rapport d’une personne dont la profession permet d’ajouter foi à sa déclaration (soit notamment un comptable, un avocat ou un actuaire) ou encore sur des états financiers préparés par un comptable ou un rapport écrit préparé par un vérificateur, ceux-ci étant censés refléter fidèlement la situation du régime de retraite23. Quant au RNPP, il prévoit principalement que le placement de l’actif du régime doit être fait conformément à son annexe III, intitulée « Placements admissibles »24. Cette annexe prévoit diverses règles et limites, dont celle suivant laquelle l’administrateur ne peut effectuer un placement, directement ou indirectement, auprès d’une seule personne si 10 % ou plus de la valeur marchande de l’actif du régime fait déjà l’objet d’un placement à l’égard de cette personne ou si en raison du placement, 10 % ou plus de la valeur marchande de l’actif du régime ferait l’objet d’un placement à l’égard de cette personne25. Selon les définitions prévues à cette annexe, le mot « personne » comprend une personne morale, une fiducie, une société de personnes, un fonds ou tout organisme ou association non doté de la personnalité morale. Une autre règle prévue à l’annexe III est celle suivant laquelle l’administrateur ne peut investir, directement ou indirectement, l’actif du régime dans les valeurs mobilières d’une personne morale qui lui confère plus de 30 % des droits de vote requis pour élire les administrateurs de la personne morale26. Notons que, tout comme la Loi RCR, la LNPP prévoit certaines infractions pénales. Ainsi, quiconque contrevient à une disposition de la LNPP ou de ses règlements commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 100 000 $ et d’un emprisonnement maximal d’un an (ou de l’une de ces peines), dans le cas d’une personne physique27. Dans le cas d’une personne morale ou d’un autre organisme, la peine est une amende maximale de 500 000 $. Dans l’affaire R. v. Christophe et al.28, la Cour de justice de l’Ontario a conclu que certains placements approuvés par les membres d’un comité de placement contrevenaient à l’une des règles applicables en vertu de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario et de son règlement général, et que les membres en question avaient, de ce fait, commis une infraction pénale. La Cour a par la suite condamné chacun des individus à payer une amende de plus de 22 000 $. Étant donné les conséquences importantes pouvant découler de placements non conformes à la loi (ou, le cas échéant, à ses règlements), l’administrateur du régime de retraite a donc tout intérêt à s’assurer de la conformité de ceux-ci. À cet égard, il est habituel de prévoir dans une side letter une confirmation de la part du gestionnaire du fonds d’investissement suivant laquelle il s’assurera qu’aucun investissement du fonds ne fera en sorte que l’administrateur du régime ne viole certaines règles et limites. De telles clauses sont courantes, mais tel que mentionné précédemment, elles doivent être négociées au moment de l’investissement par l’administrateur du régime dans le fonds. 4. Une vérification diligente concernant le placement envisagé a-t-elle été effectuée et les résultats de cette vérification sont-ils satisfaisants pour l’administrateur du régime ? En vertu de la Loi RCR, le comité de retraite doit notamment agir avec prudence, diligence et compétence, comme le ferait en pareilles circonstances une personne raisonnable29. De façon similaire, en vertu de la LNPP, l’administrateur du régime doit agir dans le cadre de sa gestion avec autant de prudence que le ferait une personne normale relativement aux biens d’autrui30. En matière de placement, l’administrateur doit aussi adopter la pratique qu’une personne prudente suivrait dans la gestion d’un portefeuille de placement d’une caisse de retraite31. Par conséquent, lorsqu’il envisage de procéder à un placement particulier, y compris un placement dans un fonds d’investissement, l’administrateur d’un régime de retraite devrait procéder à une vérification diligente dont l’ampleur pourra varier en fonction du placement envisagé. En effet, dans le cas de certains placements envisagés, les vérifications préalables s’avèreront plus simples et faciles à réaliser. Dans le cas de placements dans des fonds d’investissement de grande taille ou dans des instruments financiers complexes et/ou innovateurs, des vérifications étendues et pointues s’avèreront souvent nécessaires. Certains placements impliquent d’analyser une documentation très technique et volumineuse (par exemple, si l’investissement est effectué dans un fonds de type « feeder fund » qui appartient à une structure de fonds complexe). Dans le cas de tels placements, il sera notamment important d’obtenir les informations et/ou précisions nécessaires afin d’être en mesure de bien identifier et comprendre les avantages et risques potentiels du placement envisagé avant de prendre une décision. À cet égard, la notice d’offre ou de placement privé du fonds (offering memorandum ou private placement memorandum) sera l’un des documents cruciaux à examiner. Si le fonds ne propose aucune notice d’offre, il peut être approprié d’en exiger une pour s’assurer de bien comprendre les paramètres de l’investissement. En effet, au moment où l’administrateur du régime réalise son investissement dans le fonds par la signature d’une convention de souscription, il est possible que le fonds d’investissement ne détienne alors que peu ou pas d’investissements (sauf pour les fonds ouverts tels que les fonds de couverture). Dans un tel cas, la notice d’offre ou de placement privé devient presque le seul outil permettant de bien comprendre quels seront les investissements effectués par le fonds et quelle sera la stratégie d’investissement qui sera appliquée. Évidemment, les documents constitutifs du fonds devront également être analysés, car ils constituent le contrat principal liant les investisseurs au gestionnaire. L’administrateur du régime voudra notamment s’assurer que ces documents constitutifs prévoient des mesures de protection advenant que le gestionnaire se trouve en situation de conflit d’intérêts, ainsi que des obligations de divulgation d’information suffisantes de la part du gestionnaire du fonds. Dans le cadre de sa vérification, l’administrateur du régime devrait également exiger de pouvoir examiner les side letters conclues avec tous les autres investisseurs. S’il n’y a aucune disposition de type de la « nation la plus favorisée » (most favoured nation) dans les documents constitutifs du fonds, l’administrateur devrait négocier une telle clause dans le cadre d’une side letter conclue avec le gestionnaire. Si l’administrateur du régime ne possède pas toutes les compétences requises pour analyser la documentation du fonds et prendre une décision éclairée concernant le placement envisagé, il devrait alors demander l’aide de professionnels en la matière. Ces professionnels présenteront à l’administrateur du régime les résultats de leur analyse. Ils pourront, entre autres, lui indiquer si la documentation en question soulève des interrogations ou problèmes particuliers eu égard au régime de retraite. Les professionnels retenus pourront également déterminer si certaines dispositions de la documentation diffèrent substantiellement de ce qui est généralement prévu dans le marché pour ce type de placement. Enfin, dans tous les cas où l’administrateur du régime décide d’effectuer un placement, il sera important pour ce dernier de bien documenter tant le processus suivi que sa décision finale (y compris les motifs de cette décision)32. L’administrateur du régime devrait conserver toute analyse ou rapport fourni par des professionnels ainsi que tous les autres documents ou correspondance pertinents ayant mené à la décision prise. Selon les données recueillies par Preqin, 23 % du capital investi dans les fonds d’investissement dans le monde en 2012 provenait de fonds de pension publics ou privés (source : Benoît Leleux, Hans Van Swaay et Esmeralda Megally, Private Equity 4.0 – Reinventing Value Creation, John Wiley & Sons Ltd., 2015, p. 38). Le comité de retraite est l’administrateur du régime et de la caisse de retraite. Il agit à titre de fiduciaire (article 6, 147 et 150 de la Loi RCR). Article 168 de la Loi RCR. Articles 169 et 170 de la Loi RCR. Article 168 de la Loi RCR. L’administrateur du régime gère le régime et la caisse de retraite en qualité de fiduciaire (article 8(3) de la LNPP). Aticles 7.1(1) et(2) du RNPP. Article 8(4.1) de la LNPP et articles 6(1) et 7 du RNPP. Article 8(4.1) de la LNPP. Article 170 de la Loi RCR. Article 7.1(1) du RNPP. Cour supérieure de Montréal, dossier numéro 500-06-000294-054. Un règlement est intervenu dans ce dossier et a été approuvé le 26 mai 2015 par la Cour supérieure du Québec (2015 QCCS 2496). Article 5 de la Loi sur les valeurs mobilières (Québec). Article 170 de la Loi RCR. Article 7.1(1) du RNPP. À moins que les circonstances n’indiquent qu’il est raisonnable d’agir autrement (article 171.1 de la Loi RCR). Article 175 de la Loi RCR. Cette limite ne s’applique toutefois pas dans les cas prévus au deuxième alinéa de cet article. Article 180 de la Loi RCR. Article 180 de la Loi RCR. Article 180 de la Loi RCR. Article 257 de la Loi RCR. Lorsqu’une telle infraction est commise par une personne morale, l’amende est portée au triple (article 259 de la Loi RCR). Article 8(5.1) de la LNPP Article 6(1)a) du RNPP. Article 9(1) de l’annexe III. La limite de 10 % ne s’applique toutefois pas aux placements énumérés à l’article 9(3) de l’annexe III, lesquels comprennent entre autres les placements dans un fonds de placement qui remplit les exigences applicables aux régimes de retraite prévues à l’annexe III, les placements dans un fonds dont la composition reproduit celle d’un indice généralement reconnu comptant une vaste gamme de titres négociés sur un marché (fonds indiciel, ou en anglais « index fund ») et les placements dans des titres émis ou entièrement garantis par le gouvernement du Canada ou d’une province ou par un de ses organismes. Article 11 de l’annexe III. L’expression « valeur mobilière », définie à l’annexe III, comprend notamment les actions de toute catégorie d’une personne morale et les titres de participation dans le cas de toute autre entité. La limite de 30 % ne s’applique pas aux placements faits dans les valeurs mobilières de sociétés immobilières, de sociétés minières ou de sociétés de placement, telles que définies à l’annexe III. Articles 38(1) et (1.1) de la LNPP. 2009 ONCJ 586. Article 151 de la Loi RCR. Il doit aussi agir avec honnêteté et loyauté dans le meilleur intérêt des participants du régime et éviter les conflits d’intérêts. Article 8(4) de la LNPP Article 8(4.1) de la LNPP. L’Association canadienne des organismes de contrôle des régimes de retraite (ACOR) souligne l’importance de cet élément dans sa Ligne directrice no 6 (Ligne directrice relative aux pratiques prudentes de placement des régimes de retraite) publiée en novembre 2011. L’ACOR est une association nationale et intergouvernementale d’organismes de réglementation des régimes de retraite dont la mission est de faciliter la création d’un système efficient et efficace de réglementation des régimes de retraite au Canada. La Ligne directrice no 6 de l’ACOR vise à aider les administrateurs de régimes de retraite à démontrer qu’ils font preuve de prudence en matière de placement de l’actif du régime de retraite. Quant à la consignation des décisions de l’administrateur du régime, on peut notamment lire ce qui suit dans cette Ligne directrice : « Chaque fois qu’une décision importante est prise, elle doit être bien documentée et comprendre les motifs et les circonstances qui ont été pris en compte ».
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Utilisation de fiducies de fonds commun de placement « fermées » pour les placements faits par des employés par l’intermédiaire d’un REER
De plus en plus d’employeurs considèrent la possibilité de créer des mécanismes d’investissement afin de permettre à leurs employés de faire des placements dans la société-employeur ou dans un portefeuille géré par l’employeur qui satisferont aux exigences de placement, notamment, des régimes enregistrés d’épargne-retraite (« REER »), des fonds enregistrés de revenu de retraite (« FERR »), des régimes enregistrés d’épargne-études (« REEE ») et des comptes d’épargne libre d’impôt (« CELI ») (collectivement, ci-après, les « régimes enregistrés »). Le texte qui suit traite de l’utilisation éventuelle à cette fin d’une entité qui est admissible à titre de « fiducie de fonds commun de placement » (« FFCP ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi de l’impôt »). Le statut de FFCP offre de multiples avantages fiscaux, mais le principal avantage de ce statut réside dans le fait que les parts d’une FFCP sont admissibles aux fins d’inclusion dans les régimes enregistrés. C’est pour cette raison que cette structure est souvent utilisée par les gestionnaires de fonds de couverture (hedge funds) ou de fonds en gestion commune (pooled funds) qui recueillent des capitaux auprès de particuliers. Les conditions d’admissibilité à titre de FFCP sont résumées ci-après. 1. Conditions d’admissibilité à titre de fiducie de fonds commun de placement a) La fiducie doit être résidente du Canada En règle générale, tant que les fiduciaires sont des résidents du Canada et qu’ils exercent leurs fonctions au Canada, cette condition ne devrait pas poser de problème. b) La fiducie doit être une fiducie d’investissement à participation unitaire Une fiducie peut être admissible à titre de fiducie d’investissement à participation unitaire de l’une ou l’autre des deux façons suivantes : En premier lieu, au plus 10 % des biens de la fiducie peuvent être investis dans des obligations, des titres ou des actions d’une société et au moins 80 % des biens de la fiducie doivent être investis dans différents titres, biens immobiliers ou redevances (fiducie d’investissement à participation unitaire à capital fixe). En deuxième lieu, la participation de chaque bénéficiaire doit être décrite par rapport à des parts et les parts émises de la fiducie doivent être assorties de conditions aux termes desquelles la fiducie doit racheter les parts au gré du porteur aux prix déterminés et payables selon les conditions établies. La juste valeur marchande de ces parts ne doit pas être inférieure à 95 % de la juste valeur marchande de toutes les parts émises de la fiducie (fiducie d’investissement à participation unitaire à capital variable). c) L’unique entreprise de la fiducie consiste à investir ses fonds dans des biens Les règles applicables à une FFCP et à une fiducie d’investissement à participation unitaire limitent les activités de celles-ci aux activités autorisées. En règle générale, l’unique entreprise de la fiducie doit consister à investir des fonds dans des biens. La fiducie ne peut pas exploiter d’entreprise. Une fiducie peut être propriétaire de biens immobiliers et elle peut acquérir, détenir, maintenir, améliorer, louer ou gérer des biens immobiliers, à la condition que les biens immobiliers soient des « immobilisations » de la FFCP. d) La fiducie doit respecter des conditions prescrites relativement au nombre de porteurs de parts, à la répartition de la propriété des parts et à la négociation auprès du public En règle générale, les parts doivent être admissibles à un placement auprès du public ou un placement légitime des parts doit avoir été fait auprès du public dans une province. La fiducie doit compter au moins 150 bénéficiaires, chacun desquels détenant non moins d’un bloc de parts, et les parts ayant une juste valeur marchande globale de non moins de 500 $. Un bloc de parts désigne généralement 100 parts, si une part à une juste valeur marchande de moins de 25 $, 25 parts si la valeur se situe entre 25 $ et 100 $, et 10 parts si une part a une valeur de 100 $ ou plus. e) Il faut pouvoir raisonnablement conclure que la fiducie n’a pas été créée principalement au profit de personnes non résidentes Un critère d’admissibilité additionnel pour le statut de FFCP est qu’il ne doit pas être raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, que la fiducie a été créée principalement au profit de personnes non résidentes. En règle générale, le terme « principalement » désigne un seuil de plus de 50 % et l’acte de fiducie doit prévoir des dispositions permettant l’expulsion de non-résidents si le seuil est par ailleurs atteint. 2. Les fiducies de fonds commun de placement comme mécanismes de placement au sein d’une société fermée Les caractéristiques d’une FFCP font de cette dernière un mécanisme attrayant pour faciliter la participation des employés dans une société fermée ou dans un portefeuille dans la mesure où le nombre d’employés intéressés à devenir actionnaires de la société qui les emploie respecte l’exigence relative au seuil minimal de 150 porteurs de parts. Comme les parts d’une FFCP sont admissibles aux fins d’inclusion dans les régimes enregistrés, l’employé peut décider d’investir dans la société fermée qui l’emploie ou dans un portefeuille par l’intermédiaire d’un régime enregistré. Un placement en actions direct dans la société fermée de l’employeur ou dans un portefeuille pourrait ne pas satisfaire aux exigences d’inclusion des régimes enregistrés étant donné que le Règlement de l’impôt sur le revenu (Canada) prévoit des conditions strictes quant à l’admissibilité d’un tel placement à titre de « placement admissible ». L’interposition d’une FFCP dont les parts constituent des « placements admissibles » entre les régimes enregistrés et la société employeur ou le portefeuille géré par l’employeur offrirait plus d’assurance à cet égard. Il serait intéressant de savoir si chaque régime enregistré compterait pour un seul et unique porteur de parts aux fins de l’exigence relative au seuil minimal de 150 porteurs de parts décrite ci-dessus. Étant donné que la Loi de l’impôt sur le revenu considère chaque régime enregistré comme une fiducie en vertu de la Loi de l’impôt (et, par conséquent, comme une personne distincte du bénéficiaire ou du rentier), on pourrait probablement faire valoir que chaque régime enregistré devrait compter pour un porteur de parts distinct aux fins de l’exigence relative au seuil de 150 porteurs de parts. Cette position semble être conforme aux déclarations de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») selon lesquelles tous les placements admissibles d’une fiducie de régime doivent être détenus par le fiduciaire de la fiducie de régime et non par le rentier, le bénéficiaire ou le souscripteur aux termes de la fiducie de régime. Dans le cas d’une action ou d’un autre titre, l’inscription au registre au nom du fiduciaire de la fiducie de régime constitue la preuve de la propriété par le fiduciaire.1 De plus, dans le passé, l’ARC a adopté la position voulant que si un REER collectif est mis en place et qu’il « détient » les parts d’une FFCP, le nombre de bénéficiaires de la FFCP sera au moins égal au nombre de rentiers du REER collectif. Chaque participant au REER collectif devrait par conséquent compter pour un porteur de parts. 3. Règles relatives aux placements interdits Au moment de structurer la participation des employés dans la société fermée de l’employeur ou dans le portefeuille géré par l’employeur par l’intermédiaire d’une FFCP, les règles qui régissent les « placements interdits » en vertu de la Loi de l’impôt doivent être prises en compte. Les régimes enregistrés qui détiennent des placements interdits sont passibles de sanctions sévères en vertu de la Loi de l’impôt. Les parts d’une FFCP constitueront généralement des « placements interdits » pour un régime enregistré si la participation du porteur de parts dans la FFCP, seule ou de concert avec des personnes avec lesquelles il a un lien de dépendance, est de 10 % ou plus. Par conséquent, bien que chaque régime enregistré d’un porteur de parts unique pourrait possiblement compter pour des porteurs de parts distincts aux fins de l’exigence relative au seuil de 150 porteurs de parts susmentionnée, les règles relatives aux « placements interdits » imposeraient une série de limitations très strictes en ce qui concerne le seuil de participation dans les parts. 4. Exigences d’inscription des valeurs mobilières L’employeur qui gère la FFCP doit également s’assurer de respecter toutes les exigences d’inscription imposées par les autorités canadiennes en valeurs mobilières. Si la FFCP est utilisée pour investir dans la société de l’employeur, il y aura probablement des circonstances dans lesquelles l’employeur n’aura pas à s’inscrire à titre de gestionnaire de fonds d’investissement ou à titre de conseiller. Toutefois, si l’employeur offre plutôt aux employés d’investir dans un portefeuille différent (par exemple, dans un portefeuille qu’il a choisi dans le cadre de la gestion du portefeuille des régimes de retraite qu’il gère), il peut devoir s’inscrire à titre de conseiller, et probablement aussi à titre de gestionnaire de fonds d’investissement. Conclusion Bien que la structuration des placements en actions par des employés par l’intermédiaire d’une FFCP puisse sembler avantageuse, plusieurs règles accessoires doivent être prises en compte afin de s’assurer que les parts de cette FFCP « fermée » soient admissibles aux fins d’inclusion dans un régime enregistré. Folio de l’impôt sur le revenu - S3-F10-C1, Placements admissibles – REER, REEE, FERR, REEI et CELI.
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L’Autorité européenne des marchés financiers émet un avis favorable à l’élargissement du passeport européen aux gestionnaires de fonds alternatifs au Canada
Martine Samuelian et Virginia Barat, JEANTET L’Autorité européenne des marchés financiers (« l’ESMA ») a émis le 18 juillet 2016 un avis favorable à une future extension du passeport européen concernant les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs1 (« AIFM ») au Canada. Cet avis, qui est fondé sur des critères objectifs de coopération, de garantie d’un niveau de protection global équivalent à celui en vigueur dans les États membres européens, constitue l’ultime étape avant l’élargissement effectif du régime européen au Canada. 1. Critères d’évaluation L’ESMA a ainsi examiné la situation individuelle de 12 pays non européens2, parmi lesquels le Canada, pour apprécier les garanties de la législation locale avec les exigences de la Directive AIFM (« AIFMD »). En matière de coopération, les critères d’appréciation portent sur : les possibilités d‘échanges d’information, de visites sur place, entre les autorités de surveillance compétentes respectivement du Canada et celles des États membres européens; le fait que le pays tiers non européen dans lequel serait établi le gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs (« FIA ») ne figure pas sur la liste des pays et territoires non coopératifs du Groupe d’action financière (GAFI); l’existence d’accords d’échanges d’information en matière fiscale. De plus, des garanties suffisantes définies par la directive AIFMD doivent prévaloir en matière de : protection des investisseurs, notamment dans le traitement des plaintes, la protection des avoirs, les règles prudentielles du dépositaire, la séparation et la gestion des conflits d’intérêts entre la fonction de dépositaire et celle du gestionnaire de fonds alternatifs, le champ de la supervision par les autorités réglementaires locales, la conformité avec les exigences posées par la directive AIFMD; perturbations des marchés, en conséquence d’une potentielle extension du passeport AIFMD à un pays non européen; concurrence, par l’appréciation du niveau de réciprocité en matière de commercialisation de FIA européens dans un pays tiers non européen; gestion du risque systémique, au regard du dispositif de surveillance des marchés en place. 2. Résultat final de l’évaluation du Canada par l’ESMA L’ESMA rappelle que le système financier canadien avait été évalué par le Fonds monétaire international (FMI) en 2014, ce dernier concluant que les principes internationaux de réglementation du marché des valeurs mobilières y étaient mis en oeuvre dans leur ensemble. Dans son avis du 18 juillet 2016 sur une potentielle extension du passeport AIFMD au Canada, l’ESMA confirme ainsi qu’il n’existe aucun obstacle significatif susceptible de gêner l’application du passeport au Canada en matière de gestion du risque systémique, de perturbations des marchés, d’obstacles à la concurrence. Néanmoins, elle relève des différences entre la réglementation canadienne et celle résultant de la directive AIFMD. Ces différences concernent notamment la fonction de supervision qui est dévolue au dépositaire européen de FIA (par opposition au dépositaire canadien qui en vertu de la Norme canadienne 81-102 sur les fonds d’investissement (au Québec, le Règlement 81-102 sur les fonds d’investissement) (« NI 81-102 ») n’est pas assujetti à des obligations de supervision, mais principalement des obligations de garde de l’actif du portefeuille). L’ESMA mentionne également le faible niveau de règles relatives à la rémunération des gestionnaires (notamment pour mieux assurer un alignement des intérêts entre les gestionnaires et les investisseurs). Les règles à ce niveau sont nombreuses en Europe tandis que NI 81-102 au Canada ne prévoit que peu de règles relatives à la rémunération (sans compter que de nombreux fonds d’investissement au Canada ne sont pas assujettis à NI 81-102). Toutefois, l’ESMA conclut que ces différences entre le cadre réglementaire canadien et celui d’AIFMD ne sont pas de nature à constituer un obstacle significatif à l’élargissement du passeport européen au Canada. Conclusion Ainsi, lorsque l’ESMA3 estime « qu’il n’existe pas d’obstacles significatifs en termes de protection des investisseurs, de perturbation du marché, de concurrence et de suivi du risque systémique, empêchant l’application du passeport à la commercialisation dans les États membres de FIA de pays tiers par des gestionnaires établis dans l’Union et la gestion et/ ou la commercialisation dans les États membres de FIA par des gestionnaires établis dans des pays tiers, elle émet une recommandation positive ». C’est cette recommandation positive de l’ESMA adressée le 18 juillet 2016 à la Commission européenne (« CE »), au Parlement et au Conseil européen, qui devrait ultimement permettre à la CE dans un délai de trois mois, de déterminer par acte délégué, la date d’entrée en vigueur et les modalités d’extension du passeport européen aux gestionnaires canadiens de fonds d’investissement alternatifs pour leur permettre de commercialiser ces fonds dans les pays de l’Union européenne. Inclut notamment les fonds de capital-investissement (private equity) et de capital de risque (venture capital) et les fonds de couverture (hedge funds). Voir à cet effet notre article intitulé « L’impact d’une possible extension du régime de passeport européen à l’égard des gestionnaires de fonds canadiens » publié dans le bulletin Lavery Capital du 25 mai 2016. Australie, Bermudes, Canada, États-Unis, Guernesey, Hong Kong, Îles Caïmans, Île de Man, Japon, Jersey, Singapour, Suisse. Voir article 67(4) de la Directive 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs.
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Les solutions offertes aux gestionnaires canadiens en vertu des règles européennes de commercialisation des FIA
Martine Samuelian et Virginia Barat, JEANTET Cet article fait suite à notre bulletin Lavery Capital, numéro 9, mai 2016, à l’égard de l’extension potentielle du régime du passeport européen (le « Passeport ») établi en vertu de la Directive 2011/61/UE (la « Directive »), aux gestionnaires de fonds d’investissement canadiens (les « gestionnaires canadiens »). Dans le cadre de cet article, nous avions présenté les conditions d’une extension potentielle du régime de passeport et les obligations des gestionnaires canadiens qui voudraient en bénéficier. Rappelons, tel que nous l’avions indiqué lors de notre précédent article, que la Directive prévoit pour tout gestionnaire établi dans un pays tiers, c’est-à-dire dans un pays non-membre de l’Union européenne (l’« UE »), la possibilité de commercialiser dans un pays de l’UE des parts ou actions de fonds d’investissement alternatifs (« FIA ») établis dans l’UE ou dans un pays tiers, selon le régime du Passeport (en cas d’extension de ce régime à ces gestionnaires établis dans un pays tiers selon la procédure exposée dans notre précédent article) ou selon les dispositions de l’article 42 de la Directive. L’article 42 de la Directive leur permet de commercialiser les FIA qu’ils gèrent dans la mesure où ils respectent les mécanismes dits « de placements privés » applicables dans chacun des pays de l’UE où ils souhaitent commercialiser leurs FIA. Dans ce deuxième article, notre analyse portera donc davantage sur les solutions actuellement offertes aux gestionnaires canadiens en vertu de ces régimes de placements privés. Nous aborderons également le régime connu sous le nom de sollicitation inversée. Nous référons le lecteur à notre discussion dans le cadre du précédent article sur ce qui constitue un FIA pour les fins de la Directive. 1. Les mécanismes de placements privés européens Tant que le régime du Passeport ne leur aura pas été étendu, les gestionnaires canadiens de FIA ne peuvent bénéficier que des mécanismes de placements privés nationaux, qui sont très disparates au sein des différents pays de l’UE. Les conditions applicables à la commercialisation sans passeport dans les pays membres de l’UE de parts ou d’actions de FIA gérés par des gestionnaires qui sont établis dans des pays tiers sont précisées à l’article 42 de la Directive. En application de cet article, les pays membres « peuvent autoriser des gestionnaires établis dans des pays tiers à commercialiser, sur leur territoire uniquement, auprès d’investisseurs professionnels, des parts ou des actions de FIA qu’ils gèrent ». La Directive pose toutefois certaines conditions à cette commercialisation, destinées à protéger les investisseurs européens. Le gestionnaire d’un pays tiers doit ainsi respecter deux ensembles de conditions : les obligations issues de la Directive et les obligations propres à chaque pays membre ayant autorisé cette commercialisation. 1.1. Les obligations issues de la Directive Aux termes de l’article 42 de la Directive, les placements privés nationaux sont ouverts aux gestionnaires de pays tiers s’ils respectent un nombre minimum d’exigences, soit : le respect des obligations de transparence prévues aux articles 22, 23 et 24 de la Directive : obligation de rédaction d’un rapport annuel pour chaque FIA commercialisé au sein de l’UE (art. 22), obligation d’information adéquate et périodique des investisseurs du FIA (art. 23) et diverses obligations de comptes rendus à l’égard des autorités compétentes (art. 24); l’existence de modalités de coopération appropriées entre les autorités de tutelle de chacun des pays membres de l’UE où aura lieu la commercialisation et les autorités du pays tiers concerné (soit celui où est établi le gestionnaire), mais également celui où le domicile du FIA est situé dans l’hypothèse d’un FIA domicilié dans un pays autre que celui de son gestionnaire1; l’absence du pays tiers dans lequel le gestionnaire est établi des listes des pays et territoires non coopératifs du Groupe d’action financière pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (GAFI). 1.2. Les obligations issues de pays membres Les obligations qui précèdent sont qualifiées de « minimum » par la Directive, et chaque pays membre est libre d’imposer des règles plus strictes. Ainsi, les gestionnaires de pays tiers doivent en outre respecter les conditions spécifiques encadrant le mécanisme de placements privés de chacun des pays membres de l’UE dans lesquels la commercialisation du FIA est envisagée. 1.3. Les obligations encadrant le régime des placements privés propres à la France La législation française n’emploie pas le terme de « placement privé » pour les fins visées par la Directive. En effet, la notion de placement privé existe déjà en droit français, mais désigne un autre type d’opération (levée de capitaux auprès d’un petit nombre d’investisseurs professionnels par opposition à l’appel public à l’épargne). Néanmoins, un régime a bien été adopté afin de permettre aux gestionnaires de pays tiers de commercialiser des FIA en France. L’article 42 de la Directive a été transposé en droit français par les articles L. 214-24-1 et D. 21432 du Code monétaire et financier français qui posent les conditions d’une telle commercialisation par des gestionnaires de pays tiers à destination des clients professionnels et non-professionnels sur le territoire français. a) Conditions applicables aux clients professionnels2 : Les conditions de la commercialisation issues de la Directive transposées et précisées à l’article D. 214-32 du Code monétaire et financier français sont les suivantes : le gestionnaire doit respecter les dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés de gestion relevant de la Directive, et notamment : - avoir désigné une ou plusieurs entités pour effectuer les fonctions du dépositaire (prévues à l'article L. 214-24-8 du Code monétaire et financier français) - s’être soumis aux autres obligations issues de la Directive pour la gestion du FIA l’existence de modalités de coopération appropriées, destinées au suivi du risque systémique et conformes aux normes internationales entre l’autorité de tutelle française, à savoir l’Autorité des marchés financiers (France) (l’« AMF ») et les autorités compétentes du pays membre de l’UE dont est originaire le FIA ou les autorités compétentes du pays tiers où le FIA ou son gestionnaire est établi, afin d’assurer un échange d’informations permettant à l’AMF d’exécuter les missions qui lui incombent; le pays tiers dans lequel le gestionnaire ou le FIA est établi ne doit pas être inscrit sur les listes publiées par le GAFI. Outre ces obligations, l’article L. 214-24-1 du Code monétaire et financier français précise que les gestionnaires de pays tiers peuvent commercialiser des FIA établis dans un pays membre de l’UE ou dans un pays tiers auprès de clients professionnels à la condition de respecter une procédure de notification à l’AMF, dont les modalités sont fixées à l’article 421-13-1 du Règlement général de l’AMF (« RGAMF »). Ainsi, aux termes de cet article, les gestionnaires doivent transmettre à l’AMF un dossier pour autorisation préalable dont les conditions sont fixées par une instruction de l’AMF. L’AMF a, en application de ce même article, publié une instruction intitulée « Procédure de commercialisation de parts ou actions de FIA », qui détaille le processus à suivre pour les gestionnaires de pays tiers3. b) Conditions applicables aux clients non-professionnels : En sus des obligations de l’article D. 214-32 du Code monétaire et financier français, les gestionnaires doivent également justifier le respect des conditions particulières prévues à l’article 421-13 du RGAMF. Cet article prévoit d’une part que les gestionnaires de pays tiers peuvent commercialiser des FIA établis dans un pays membre de l’UE ou dans un pays tiers auprès de clients non-professionnels, à la condition de soumettre à l’AMF une demande d’autorisation préalable dont les conditions sont fixées par l’instruction de l’AMF précitée. L’article 421-13 du RGAMF prévoit d’autre part que cette autorisation est subordonnée au respect des trois conditions complémentaires suivantes, qui s’appliquent selon que le FIA est français ou non : un instrument d’échange d’information et d’assistance mutuelle dans le domaine de la gestion d’actifs pour le compte de tiers a été mis en place entre l’AMF et, d’une part, l’autorité de surveillance du gestionnaire et, d’autre part, l’autorité de surveillance du FIA, dans l’hypothèse où ce FIA n’est pas établi en France; le FIA satisfait aux conditions prévues dans une convention de reconnaissance mutuelle portant sur les FIA pouvant être commercialisés auprès de clients non-professionnels, conclue entre l’AMF et l’autorité de surveillance du FIA, dans l’hypothèse où ce FIA n’est pas établi en France; le gestionnaire satisfait aux conditions prévues dans une convention de reconnaissance mutuelle fixant les exigences particulières applicables à l’agrément des gestionnaires de FIA pouvant être commercialisés auprès de clients non-professionnels, conclue entre l’AMF et l’autorité de surveillance du gestionnaire. Il convient par ailleurs de préciser que toute demande de commercialisation auprès de clients non-professionnels nécessite d’avoir respecté au préalable la procédure de commercialisation auprès de clients professionnels ou de s’y soumettre concomitamment. 2. Sollicitation inversée Depuis le 22 juillet 2014, un gestionnaire non européen de fonds qui est actif sur le marché européen n’est plus autorisé à faire de la sollicitation auprès d’investisseurs situés dans les pays membres de l’UE à moins de se soumettre au régime de placement privé de chacun des pays membres où réside un de ses investisseurs. La seule forme de sollicitation possible pour un gestionnaire qui ne se soumet pas à ce ou ces régimes de placement privé est celle communément appelée « sollicitation inversée », c’est-à-dire l’hypothèse dans laquelle les premières démarches relatives à un investissement proviennent de l’investisseur lui-même. Autrement dit, l’investissement est réalisé à la seule initiative de l’investisseur, sans « commercialisation » préalable de la part du gestionnaire. En effet, la Directive définit la « commercialisation » comme une « offre ou un placement, direct ou indirect, à l’initiative du gestionnaire ou pour son compte, de parts ou d’actions d’un FIA qu’il gère, à destination d’investisseurs domiciliés ou ayant leur siège statutaire dans l’Union ». Or, dans le cas de la « sollicitation inversée », ce n’est pas le gestionnaire qui initie les discussions auprès de l’investisseur, mais bien l’investisseur lui-même, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une commercialisation au sens de la Directive. Toutefois, la difficulté du recours à la sollicitation inversée réside dans le fait de déterminer celui du gestionnaire ou de l’investisseur qui a initié les démarches d’investissement. Les autorités de réglementation définissent la notion de sollicitation inversée de façon différente d’un pays à l’autre, mais cette définition est généralement restrictive. En France, la notion reste floue, mais très récemment4, l’AMF a mis en garde contre cette pratique. La sollicitation inversée pourrait ainsi demeurer une option envisageable pour les gestionnaires canadiens (bien qu’elle ait alors une application limitée), même si l’Autorité européenne des marchés financiers décidait de leur étendre le régime du passeport tel qu’il est décrit dans notre article publié en mai 2016. Conclusion Malgré les délais avant une potentielle extension du régime du passeport européen aux gestionnaires canadiens, les régimes de placements privés nationaux de chacun de ces pays et le régime de la sollicitation inversée peuvent malgré tout, dans l’entre temps, offrir des solutions viables aux gestionnaires canadiens qui souhaitent commercialiser dans un pays de l’UE des parts ou actions d’un FIA. En France, la liste des autorités non européennes avec lesquelles l’Autorité des marchés financiers (France) a signé un accord bilatéral de coopération comprend, pour le Canada : l’Alberta Securities Commission, l’Autorité des marchés financiers (Québec), la British Columbia Securities Commission, la Ontario Securities Commission et le Bureau du surintendant des institutions financières. Se qualifient à titre d’investisseurs professionnels certains investisseurs qui de par leur nature ou taille sont considérés par la législation française comme possédant l’expérience, les connaissances et la compétence nécessaires pour prendre ses propres décisions d’investissement. Cf. notamment les articles 16 à 20 et l’annexe 3 de l’instruction précitée. Guide de bonnes pratiques à destination des associations, fondations, fonds de dotation et autres petites institutions (décembre 2015).
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L’impact d’une possible extension du régime de passeport européen à l’égard des gestionnaires de fonds canadiens
Martine Samuelian et Virginia Barat, JEANTET Les gestionnaires de fonds d’investissement canadiens (les « gestionnaires ») souhaitant effectuer des levées de fonds auprès d’investisseurs situés dans les États membres de l’Union européenne (l’« UE ») doivent, depuis le 22 juillet 2013, tenir compte de la Directive 2011/61/UE1 (la « Directive »), qui porte sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (les « FIA »). Cette Directive a été adoptée à la suite des sommets des pays du G20 qui se sont tenus à Londres en 2009 et à Toronto en 2010, au cours desquels les dirigeants des pays du G20 ont convenu que les gestionnaires de « fonds spéculatifs » devraient faire l’objet d’une surveillance afin de s’assurer qu’ils ont bien instauré des procédures adéquates de gestion des risques. Ce texte vise principalement à assurer la protection des investisseurs en harmonisant les règles applicables aux gestionnaires de fonds, permettant ainsi de renforcer l’attractivité des places financières européennes. Pour fluidifier le marché, la Directive prévoit aussi l’instauration d’un régime de passeport européen permettant aux gestionnaires européens de commercialiser des FIA partout dans l’UE, à la condition d’avoir obtenu l’agrément d’un État membre de l’UE et de respecter certaines obligations prévues par la Directive. Enfin, la Directive encadre également le régime applicable aux gestionnaires établis dans des pays non européens (« pays tiers »), afin de « garantir des règles du jeu équitables entre les gestionnaires établis dans l’Union et les gestionnaires établis dans des pays tiers »2. À ce jour, les gestionnaires de pays tiers sont en effet contraints par la complexité de la commercialisation sans passeport, dont le régime est laissé à la discrétion de l’État membre de l’UE dans lequel ils souhaitent commercialiser leurs FIA. Cette situation est appelée à évoluer prochainement pour leur permettre de bénéficier à terme d’un régime similaire à celui applicable aux gestionnaires européens pouvant se prévaloir du passeport européen. 1. Critères de qualification des FIA Il convient tout d’abord de préciser la notion de FIA afin de circonscrire le champ d’application de la Directive. Il semble que la majorité des fonds de capital de risque (venture capital funds), des fonds de capitalinvestissement (private equity funds) et des fonds de couverture (hedge funds) constitués au Canada doivent être qualifiés de FIA en vertu de la Directive. En effet, aux termes de l’article 4 de la Directive, constitue un FIA3, toute entité qui démontre l’ensemble des caractéristiques suivantes : l’entité lève du capital auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de l’investir, dans l’intérêt de ceux-ci, conformément à une politique d’investissement que ce FIA ou sa société de gestion définissent; l’entité n’est pas un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), c’est-à-dire ni une SICAV (société anonyme ou une société par actions simplifiée qui a pour seul objet la gestion d’un portefeuille d’instruments financiers et de dépôts) ni un fonds commun de placement (FCP) (copropriété d’instruments financiers et de dépôts, dépourvue de la personnalité morale). Par ailleurs, l’entité qui dispose d’une politique d’investissement relative aux modalités de gestion des capitaux regroupés en vue de générer un rendement collectif pour les investisseurs est assimilée à un FIA. Ainsi, compte tenu de ce qui précède, même les fonds de capitalinvestissement traditionnels, qui ne sont normalement pas qualifiés de fonds d’investissement en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières québécoise, seront considérés comme des FIA en vertu de la Directive. La Directive prévoit pour tout gestionnaire établi dans un pays tiers, c’est-à-dire dans un État non-membre de l’UE tel que le Canada, la possibilité éventuelle de commercialiser dans un pays de l’UE des parts ou actions de FIA établis dans l’UE ou dans un pays tiers, selon deux régimes distincts : à ce jour, les gestionnaires de pays tiers ne peuvent pas faire l’objet d’un agrément (inscription) AIFM et ne peuvent donc pas revendiquer l’application du régime du passeport européen. Ils sont donc soumis aux dispositions de l’article 42 de la Directive, qui leur permettent de commercialiser les FIA qu’ils gèrent moyennant le respect des mécanismes dits « de placements privés » applicables au sein de chacun des pays de l’UE dans lesquels ils souhaiteraient commercialiser leurs FIA (ces mécanismes seront étudiés plus en détails dans un bulletin subséquent); conformément à l’article 67 de la Directive, l’Autorité européenne des marchés financiers (« l’ESMA ») devait se prononcer au plus tard le 22 juillet 2015 sur la possible extension du régime du passeport européen aux gestionnaires établis dans certains pays tiers (dont le Canada), en application des dispositions des articles 37 à 41 de la Directive. En ce qui concerne le Canada, cet avis a toutefois été reporté au 30 juin 2016. Cette possible extension du régime du passeport à des gestionnaires établis dans des pays non européens permettra de faciliter la commercialisation au sein de l’UE, de FIA de l’UE ou de pays tiers par des gestionnaires de pays tiers. Il convient par conséquent de préciser les solutions qui seront offertes aux gestionnaires canadiens dans l’hypothèse où le régime du passeport européen prévu par la Directive leur était étendu. 2. Le futur régime du passeport 2.1. La possible extension du régime du passeport européen aux gestionnaires canadiens Le régime de passeport européen (le « Passeport ») permet maintenant à un gestionnaire de fonds d’investissement agréé par l’autorité de tutelle d’un État membre de l’UE (donc un gestionnaire établi dans un pays de l’UE), de créer, gérer et commercialiser ses fonds partout dans l’UE soit en libre prestation de service (LPS) soit en libre prestation d’établissement (LPE). Conformément aux dispositions des articles 37 à 41 de la Directive, ce régime aurait dû être étendu aux gestionnaires de 16 pays non européens, dont le Canada, à la suite de la réception d’un avis positif de l’ESMA sur les garanties présentées par les législations de chacun de ces pays. Ces avis étaient attendus au plus tard le 22 juillet 20154, mais ce délai a été prorogé par la Commission européenne en raison de la progression des travaux de l’ESMA. En effet, l’ESMA n’a à ce jour toujours pas achevé son analyse des législations de l’ensemble de ces pays tiers. Elle a cependant déjà émis, le 30 juillet 2015, un avis favorable à une extension du Passeport aux gestionnaires situés sur les îles de Guernesey et Jersey. La Suisse a, quant à elle, reçu un avis positif conditionné à la levée de certains obstacles. En revanche, l’ESMA a réservé son opinion concernant les gestionnaires situés aux États-Unis, à Hong Kong et à Singapour. En ce qui concerne le Canada, l’ESMA a considéré, le 30 juillet 2015, que la réglementation des fonds d’investissement en vigueur au Canada était plus favorable à l’extension du Passeport à ce pays que celle des États- Unis. La Commission européenne a demandé à l’ESMA, par une lettre datée du 17 décembre 2015, de remettre son avis concernant le Canada au plus tard le 30 juin 2016. D’autres pays attendent également de recevoir la position de l’ESMA le 30 juin 2016, soit les États-Unis, Hong Kong, Singapour, le Japon, l’Île de Man, les Îles Caïmans, les Bermudes et l’Australie. Il convient de préciser que lorsque l’ESMA rend un avis positif, la Commission européenne édicte normalement dans un délai de trois mois un acte délégué prévoyant la date à compter de laquelle le régime du Passeport sera applicable aux gestionnaires de l’État non européen concerné. Au moment d’écrire ces lignes, la Commission européenne n’a toutefois pas encore pris cet acte délégué même en ce qui concerne les pays ayant déjà fait l’objet d’un avis favorable, choisissant plutôt d’attendre qu’un nombre suffisant de pays tiers aient été évalués. À ce jour, les gestionnaires canadiens ne peuvent donc pas commercialiser dans les pays de l’UE des parts ou des actions de FIA en ayant recours au Passeport. Cette possibilité pourrait néanmoins leur être bientôt offerte puisque la réponse est attendue le 30 juin prochain. Il importe donc de présenter les obligations qui leur seraient applicables en cas d’extension du Passeport. Il convient aussi de rappeler que dans l’attente de l’avis de l’ESMA, et dans l’éventualité où cette dernière refuserait d’élargir le régime du Passeport aux gestionnaires canadiens, il est toujours possible pour ces derniers de commercialiser leurs produits soit en créant une société de gestion de portefeuille agréée dans un État membre de l’UE, soit en recourant au dispositif de placement privé (dont il sera traité dans un bulletin Lavery Capital subséquent). 2.2. Obligations applicables aux gestionnaires canadiens en cas d’extension du régime du passeport européen Dans l’hypothèse où le régime du Passeport serait étendu aux gestionnaires canadiens, ces derniers seront tenus de respecter l’ensemble des obligations imposées par la Directive, dont il convient de rappeler ci-dessous les principales dispositions. a) La nécessité d’obtenir un agrément auprès de l’autorité de tutelle d’un État membre de référence En premier lieu, les gestionnaires canadiens devront préalablement faire une demande d’agrément (inscription) auprès de l’autorité compétente d’un État membre de l’UE (l’« État membre de référence »)5. L’article 37 de la Directive précise, à son alinéa 4, les critères de désignation de cet État membre de référence (par exemple l’État membre d’origine du FIA ou l’État membre dans lequel la commercialisation est envisagée). Cet article précise par ailleurs que le gestionnaire devra disposer d’un représentant légal établi au sein de son État membre de référence. Le processus d’agrément des gestionnaires de pays tiers est en grande partie similaire à celui des gestionnaires européens. Toutefois, certaines exigences supplémentaires concernant le pays tiers dans lequel le gestionnaire ou le FIA sont établis ont été instaurées. La demande d’agrément du gestionnaire devra ainsi être adressée à l’autorité compétente de l’État membre de référence, qui vérifiera que l’ensemble des dispositions de la Directive ont bien été respectées par le gestionnaire. Les principales obligations à respecter pour obtenir l’agrément devraient être les suivantes : (i) respecter des exigences minimales de fonds propres, (ii) mettre en place des politiques et pratiques de rémunération, (iii) adopter des procédures internes qui permettent d’évaluer correctement les éléments d’actif détenus par les fonds, (iv) désigner un dépositaire distinct du gestionnaire ayant notamment pour mission de conserver les actifs des fonds et (v) respecter des obligations d’information à l’égard des investisseurs et des autorités de tutelle. De plus, des modalités de coopération appropriées devront exister entre les autorités compétentes de l’État tiers où est établi le gestionnaire, celles de l’État membre de référence, et celles de l’État où le FIA a son domicile (l’État de domiciliation du FIA) s’il diffère des précédents. De même, le pays d’établissement du gestionnaire ou du FIA ne devra pas figurer sur la liste des pays et territoires non coopératifs du Groupe d’action financière pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (GAFI). En outre, l’article 37 de la Directive précise que le pays tiers d’établissement du gestionnaire devra avoir signé avec l’État membre de référence un accord respectant l’article 26 du modèle OCDE de convention fiscale concernant le revenu et la fortune et garantissant un échange efficace d’informations en matière fiscale6. Un gestionnaire canadien qui obtient l’agrément pourra alors gérer et commercialiser ses fonds européens partout dans l’UE en vertu du régime du Passeport après une simple notification auprès de chaque autorité dans chacun des pays européens visés. b) Les conditions applicables à la commercialisation dans l’UE, avec un Passeport, de FIA gérés par un gestionnaire de pays tiers Il convient de distinguer selon que la commercialisation interviendra auprès de clients professionnels ou de clients non-professionnels. i. Commercialisation auprès de clients professionnels (articles 39 et 40 de la Directive) Outre le respect des exigences posées par la Directive aux gestionnaires établis dans des pays membres décrites ci-dessus, les gestionnaires de pays tiers devront également remplir des conditions supplémentaires si le FIA est établi dans un pays tiers7 qui rappellent celles exigées pour l’octroi de l’agrément, soit : l’existence de modalités de coopération appropriées entre les autorités compétentes de l’État membre de référence et celles de l’État où le FIA a son domicile; le pays d’établissement du gestionnaire ne devra pas figurer sur la liste des pays et territoires non coopératifs du GAFI; le pays tiers d’établissement du FIA devra avoir signé avec l’État membre de référence un accord respectant l’article 26 du modèle OCDE de convention fiscale concernant le revenu et la fortune et garantissant un échange efficace d’informations en matière fiscale. Ces dispositions ont été transposées en droit français à l’article L. 214- 24-1 du Code monétaire et financier français, qui prévoit la nécessité d’une notification préalable à l’Autorité des marchés financiers (France) (l’« AMF ») et renvoie aux dispositions du Règlement général de l’AMF (le « RGAMF ») pour en connaître les modalités. Au plus tard 20 jours ouvrables après réception de la notification complète, l’AMF indiquera alors au gestionnaire s’il peut commencer à commercialiser le FIA ayant fait l’objet de la notification en France. Il convient de préciser que l’AMF ne pourra s’opposer à la commercialisation d’un FIA que si la gestion de ce FIA par le gestionnaire n’est pas ou ne serait pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés de gestion de portefeuille françaises. En cas de décision positive, le gestionnaire pourra commencer la commercialisation du FIA en France dès la date de notification en ce sens par l’AMF. L’AMF informera également l’ESMA et les autorités compétentes du pays où le FIA est établi du fait que le gestionnaire a été autorisé à commencer la commercialisation des parts ou actions de ce FIA en France. ii. Commercialisation auprès de clients non-professionnels (article 43 de la Directive) En plus des obligations prévues par la Directive, les gestionnaires de pays tiers bénéficiant du Passeport devront également justifier du respect des conditions particulières prévues à l’article 421-13 du RGAMF. Ils devront à ce titre respecter la même procédure d’autorisation préalable que celle applicable à la commercialisation sans Passeport auprès de clients non professionnels (dont il sera traité dans un bulletin Lavery Capital subséquent). Enfin, il convient de préciser que les gestionnaires canadiens devraient pouvoir être exemptés du respect de certaines dispositions de la Directive relatives au régime du Passeport, s’ils sont en mesure de prouver : d’une part qu’il leur est impossible de respecter à la fois une disposition de la Directive et une disposition obligatoire de la réglementation canadienne, d’autre part que la réglementation canadienne qu’ils respectent prévoit une disposition équivalente à la réglementation européenne offrant le même niveau de protection aux investisseurs du fonds. Il convient de relever que la Directive prévoit à son article 68, l’existence d’une période transitoire de trois ans après l’extension du Passeport aux gestionnaires d’un pays tiers, durant laquelle le régime du Passeport et les régimes de placement nationaux pourront coexister et être choisis librement et alternativement par les gestionnaires de ce pays tiers. À l’expiration de cette période transitoire, en principe, au plus tard trois ans après que le régime de Passeport aura vraisemblablement été étendu aux gestionnaires canadiens de FIA, l’ESMA aura à se prononcer sur la possibilité de laisser les gestionnaires des pays tiers continuer à opter pour le mécanisme des placements privés en dépit de l’extension du Passeport. À cet effet, une nouvelle recommandation de l’ESMA sera transmise à la Commission européenne en vue d’évaluer la possibilité de supprimer les régimes nationaux. Conclusion Les gestionnaires canadiens inscrits auprès de l’une ou l’autre des autorités canadiennes en valeurs mobilières (dont l’Autorité des marchés financiers (Québec)) peuvent espérer que le régime du Passeport sera prochainement élargi afin de leur permettre de bénéficier des avantages offerts par ce régime. Dans l’intervalle, en raison de l’incertitude quant aux délais avant qu’une décision soit rendue par l’ESMA à l’égard du Canada, les gestionnaires canadiens qui cherchent à commercialiser des fonds d’investissement dans les pays membres de l’UE n’ont d’autre choix que de s’en remettre aux régimes de placements privés nationaux de chacun de ces pays ou d’opter pour la sollicitation inversée lorsqu’elle est possible. Un autre bulletin Lavery Capital traitant de la possibilité pour les gestionnaires canadiens de bénéficier de ces régimes de placements privés nationaux ou des règles de la sollicitation inversée sera publié au cours des prochains mois. Qui est plus connue sous son acronyme anglais : « AIFM » ou « AIFMD », qui signifie « Alternative Investment Fund Managers Directive ». Considérant 64 de la Directive. Ces dispositions ont été transposées à l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier français. On précisera à ce titre qu’il existe en droit français différents types de FIA répondant à des règles distinctes comme suit : - les FIA ouverts à des investisseurs professionnels, - les FIA ouverts à des investisseurs non-professionnels, - les fonds d’épargne salariale, - les organismes de titrisation, - les autres FIA (groupement forestier, etc.). Voir article 67 de la Directive. Le fait d’être inscrit auprès d’une autorité de réglementation au Canada, tel que l’Autorité des marchés financiers (Québec), n’est pas suffisant. Le Canada a conclu un accord basé sur le modèle OCDE de convention fiscale avec chacun des États membres. Article 40 alinéa 2 de la Directive.
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Le gouvernement du Québec renouvelle son appui aux fonds de capital de risque
Le 17 mars dernier, le ministre des Finances, M. Carlos Leitão, a déposé à l’Assemblée nationale le budget 2016-2017 du gouvernement du Québec. Ce budget contient plusieurs mesures visant à favoriser la création d’emploi et la croissance économique, en misant plus particulièrement sur l’innovation, le respect de l’environnement et le numérique. Le plan économique du gouvernement du Québec prévoit notamment un soutien additionnel de 65 millions de dollars afin de financer trois fonds d’amorçage technologiques. En tenant compte de l’effet de levier produit par les investissements privés, une somme totale de 125 millions de dollars sera disponible pour financer des entreprises technologiques innovantes du Québec. Dans un premier temps, le gouvernement a annoncé un partenariat avec la multinationale Merck et le Fonds de solidarité FTQ pour la mise en place du fonds AmorChem II. Ce fonds investira dans une quinzaine de nouveaux projets prometteurs du secteur des sciences de la vie issus des universités et des centres de recherche québécois. Le montant total de la clôture initiale a été fixé à 50 millions de dollars. Le gouvernement du Québec contribuera à hauteur de 20 millions de dollars alors que Merck et le Fonds de solidarité FTQ investiront respectivement 15 millions de dollars. Le fonds sera ouvert à d’autres investisseurs dans le cadre de rondes subséquentes. La première mouture du fonds AmorChem avait été lancée en 2011 dans le but d’augmenter la valeur commerciale de la recherche novatrice faite au Québec. Sa capitalisation de 41 millions de dollars est maintenant entièrement engagée dans une vingtaine de projets prometteurs. Dans le cadre du budget 2016-2017, le gouvernement a également dévoilé la création du fonds InnovExport qui a comme objectif de soutenir plus de 50 projets d’entreprises québécoises innovantes visant les marchés d’exportation. Les entreprises visées seront au stade de l’amorçage ou du démarrage et feront déjà l’objet d’un accompagnement par un incubateur, un accélérateur ou une structure semblable. Basé à Québec, le fonds est doté d’une capitalisation de 30 millions de dollars, dont la moitié provient du gouvernement du Québec. Celui-ci peut également compter sur l’appui financier d’investisseurs institutionnels (12,7 millions de dollars) et d’une quinzaine d’entrepreneurs (2,3 millions de dollars). Ces derniers participeront également à la sélection et à l’accompagnement des entreprises. Enfin, le budget 2016-2017 réserve une somme de 30 millions de dollars pour la création d’un nouveau fonds d’amorçage dans le secteur des technologies propres d’une taille visée de 45 millions de dollars. Les détails concernant la mise en place de cette initiative seront rendus publics ultérieurement. Par ailleurs, le gouvernement du Québec a annoncé sa contribution de 16 millions de dollars à la deuxième clôture de Teralys Capital Fonds d’innovation. Cette somme s’ajoute à un investissement équivalent du gouvernement fédéral et à des capitaux additionnels de 64 millions de dollars provenant de commanditaires privés, pour un total de 96 millions de dollars. Cette ronde fait suite à une première clôture réalisée à l’automne 2014 qui a atteint 279 millions de dollars. Le fonds a donc atteint sa taille visée de 375 millions de dollars, devenant ainsi le plus important fonds de fonds au Canada. Teralys Capital Fonds d’innovation a pour mission de financer des fonds de capital de risque axés sur les entreprises innovantes québécoises des secteurs des sciences de la vie, des innovations vertes et industrielles, et des technologies de l’information et des communications. À ce jour, il s’est engagé à investir plus de 170 millions de dollars dans dix fonds de capital de risque et dans cinq entreprises à fort potentiel de croissance. Lavery Capital se réjouit de ces initiatives par lesquelles le gouvernement du Québec réitère son appui à l’industrie du capital de risque en tant que vecteur du développement économique et de la création d’emploi. Les mesures annoncées permettront de soutenir au cours des prochaines années de nombreuses entreprises innovantes à tous les stades de développement et couvrant l’ensemble des secteurs de l’économie du savoir, tout en favorisant l’émergence au Québec de gestionnaires de capital de risque qualifiés et concurrentiels au niveau international.
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Proposition de normalisation de la divulgation de l’information à l’égard des frais et dépenses par les fonds de capital-investissement
En janvier dernier, l’Institutional Limited Partners Association (ILPA), une association volontaire dédiée à la protection des intérêts des commanditaires du domaine du capital-investissement (private equity), a publié un document intitulé « Fee Reporting Template » (Modèle de rapport sur les frais) accompagné de lignes directrices (collectivement, le « Modèle »). Ce Modèle fait partie de la « Fee Transparency Initiative » (Initiative visant la transparence dans le contexte de la divulgation des frais) de l’ILPA, qui vise à uniformiser les rapports de divulgation sur les frais et la conformité des gestionnaires de fonds dans le secteur du capital-investissement à l’égard des frais. Les deux sections principales du Modèle sont organisées de façon à mettre à la disposition des commanditaires un document les informant sur [Traduction] « les coûts directs de leur participation dans un fonds de capital-investissement privé donné (un « fonds ») ainsi que les données économiques utilisées par le commandité à l’égard du fonds et des placements qu’il effectue. »1 Le Modèle se compose de deux niveaux de divulgation. Le premier niveau (le « niveau 1 ») présente l’information de base que l’ILPA recommande de divulguer aux commanditaires tandis que le second niveau (le « niveau 2 ») du Modèle détaille l’information se rapportant aux sous-totaux du niveau 1. Par exemple, le niveau 1 indique le montant global des dépenses de la société en commandite tandis que le niveau 2 du Modèle fournit de l’information sur la répartition de ces dépenses qu’elles soient bancaires, juridiques, relatives à l’audit, etc. Bien que le but de l’ILPA est d’encourager les commandités à fournir le plus d’information de niveau 2, l’ILPA a divisé le Modèle en deux sections afin de mieux s’adapter aux aspects économiques et au niveau de complexité des différents fonds et tenter de persuader le plus grand nombre de fonds possible de l’utiliser. L’ILPA recommande que ce document de divulgation des frais soit fourni aux commanditaires une fois par trimestre et insiste sur le fait que le Modèle n’est pas destiné à être utilisé par les commandités aux fins de vérifier leurs calculs relatifs à la répartition des frais, des dépenses et des incitatifs, mais plutôt simplement comme un outil de normalisation de la divulgation de ces frais aux commanditaires. Le Modèle établit également une définition du concept de « parties liées » (Related Parties) que l’ILPA conseille fortement aux nouveaux fonds d’utiliser pour assurer l’uniformité de la divulgation par les fonds de capital-investissement privés des frais directs et indirects qui pourraient devoir être assumés par les commanditaires. Cette initiative de l’ILPA visant à offrir des lignes directrices régissant la divulgation des frais aux acteurs du secteur du capital-investissement se situe dans la foulée de mesures de plus en plus nombreuses prises par les autorités de réglementation en valeurs mobilières à l’encontre d’un certain nombre de sociétés de capital-investissement ayant fait des déclarations fausses ou trompeuses à leurs commanditaires. Ces lignes directrices proposées suivent en outre une tendance générale au sein du secteur de l’investissement; les exigences réglementaires visant les fonds communs de placement ayant notamment été resserrées au cours des dernières années en ce qui concerne la divulgation des frais. L’adoption d’un Modèle visant la divulgation des frais pourrait réduire les interventions des autorités de réglementation à l’égard du secteur des fonds de capital-investissement privés. Toutefois, la mise en place de ce Modèle comme norme de l’industrie quant à la divulgation des frais aux commanditaires pourrait prendre encore quelque temps. Dans le cadre de cette initiative, l’ILPA avait l’intention de publier un livre blanc de même qu’une annexe aux principes de l’ILPA traitant de questions de conformité relativement aux conventions de société en commandite des fonds (Private Equity Principles). À la suite de la publication du Modèle et des lignes directrices, l’ILPA devait également passer en revue ses documents traitant des pratiques exemplaires, qui concernent un certain nombre d’éléments du Modèle. Tous ces documents devaient être publiés sur le site internet de l’ILPA en février 2016. Toutefois, en date du 7 avril 2016, ni le livre blanc, ni l’annexe, ni les pratiques exemplaires révisées n’ont été publiés. Dans l’intervalle, les gestionnaires de fonds devraient s’attendre à ce que certains nouveaux investisseurs exigent, dans le cadre de la négociation des lettres d’entente accessoires (Side Letters), que les exigences de divulgation à l’égard des fonds de capital-investissement soient davantage harmonisées avec ce qui est proposé dans le Modèle de l’ILPA. Ils devraient être disposés à inclure sur une base volontaire certaines de ces mesures dans leurs rapports actuels sur les frais et dépenses. Fee Reporting Template: Suggested Guidance, Version 1.0, Institutional Limited Partners Association, Janvier 2016, p.3.
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Livre blanc de l’OCRCVM – proposition de modification de la structure actuelle de distribution des produits d’épargne collective au Canada
Le 25 novembre 2015, l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a publié un Livre blanc pour consultation. Elle y soumet à la discussion deux propositions de politiques qui, si elles étaient approuvées et mises en œuvre, auraient pour effet de modifier la structure actuelle de distribution des produits d’épargne collective (OPC) au Canada. Une politique dite d’« exercice restreint », et une autre sur le versement direct des commissions, sont proposées. POLITIQUE D’EXERCICE RESTREINT Cette proposition permettrait à un courtier en placement membre de l’OCRCVM de recourir à des représentants qui ne conseilleraient et ne placeraient que des titres d’OPC et des fonds négociés en bourse (des représentants d’exercice restreint). Pour ce faire, ils n’auraient pas à être formés et à devenir admissibles en vue de conseiller ou placer les autres catégories de titres normalement offertes par ce courtier. Actuellement, le courtier membre de l’OCRCVM qui voudrait engager des représentants d’exercice restreint devrait préalablement obtenir de l’OCRCVM une dispense de l’obligation de mise à niveau des compétences du représentant en épargne collective qui passe chez un courtier en placement membre de l’OCRCVM. Une telle demande de dispense est à l’origine des réflexions que détaille le Livre blanc. En effet, selon un sondage mené auprès d’une quarantaine de firmes de courtage et dont les conclusions sont rapportées dans le Livre blanc, cette proposition pose à nouveau la question d’une éventuelle fusion entre l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM) et l’OCRCVM. Elle rapprocherait en effet les missions respectives de ces organismes d’autoréglementation (OAR) relativement à l’encadrement des représentants en épargne collective, à tout le moins en ce qui concerne ceux qui seraient inscrits à titre de représentants d’exercice restreint autorisés par l’OCRCVM. POLITIQUE SUR LE VERSEMENT DIRECT La proposition de politique sur le versement direct autoriserait un courtier membre de l’OCRCVM à verser directement des commissions à une société personnelle non inscrite contrôlée par un représentant. Cette proposition est mise de l’avant en quelque sorte à titre de soutien à celle sur l’exercice restreint, puisque le sondage dont il a été question ci-dessus en a fait ressortir la nécessité. Le Livre blanc mentionne en effet que « pour de nombreuses sociétés et personnes physiques inscrites, l’élimination de l’obligation de mise à niveau des compétences n’a que peu d’intérêt, à moins que le versement direct de commission ne soit également permis ». L’ACFM permet déjà le versement de commissions à des sociétés non inscrites, à condition qu’une convention écrite intervienne entre le courtier en épargne collective, le représentant et sa société personnelle précisant notamment que le courtier et le représentant doivent respecter les exigences de l’ACFM et qu’ils doivent tous deux donner accès à leurs livres et registres au courtier en épargne collective. ENJEUX AU QUÉBEC Au Québec, la Chambre de la sécurité financière a le mandat exclusif d’auto-réglementer les représentants en épargne collective en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF). C’est donc dire que la création d’une nouvelle catégorie de représentants d’exercice restreint par l’OCRCVM nécessiterait des changements au cadre législatif québécois afin de permettre à un représentant en épargne collective d’adhérer uniquement à l’OCRCVM, par l’intermédiaire cette fois du courtier en placement membre de cet organisme. Or, de telles modifications à la LDPSF semblent peu probables, à tout le moins dans un avenir prévisible, tant que la réflexion entreprise sur le Rapport du ministère des Finances sur l’application de la LDPSF n’aura pas été conclue. Il y a également beaucoup de chemin à parcourir avant de voir des développements concrets du côté de l’OCRCVM, car la mise en oeuvre de la politique d’exercice restreint du Livre blanc nécessiterait l’approbation des courtiers membres de l’OCRCVM et l’aval de l’Autorité des marchés financiers et des autres Autorités canadiennes en valeurs mobilières. On peut aussi ajouter à cette liste de pré-requis l’approbation de modifications aux ordonnances de reconnaissance de l’OCRCVM comme organisme d’autoréglementation en valeurs mobilières, et un possible réexamen des dispenses d’application de certaines dispositions du Règlement 31-103 qui sont accordées aux courtiers membres de l’OCRCVM et de l’ACFM. Ce réexamen s’imposerait, car au départ, ces ordonnances et dispenses ne sont pas conçues en fonction d’un chevauchement de l’encadrement des représentants en épargne collective rattachés à ces catégories respectives de courtiers. LA CONSULTATION DE L’ACFM À la suite de la publication du Livre blanc, l’ACFM a récemment dévoilé les résultats d’une consultation tenue auprès de 79 % de ses membres sur les impacts potentiels qu’entraînerait l’application des politiques énoncées par l’OCRCVM. Dans le cas où la politique d’exercice restreint serait adoptée, la plupart des sociétés membres de l’ACFM estiment qu’elles seraient forcées de fermer leurs portes ou de fusionner avec des sociétés inscrites auprès de l’OCRCVM. Une telle mesure ne bénéficierait qu’aux sociétés membres de l’ACFM qui sont également affiliées à une société membre de l’OCRCVM, leur permettant ainsi de diminuer leurs frais opérationnels, d’accroître leur efficacité et d’être plus concurrentielles. De façon générale, les membres de l’ACFM s’entendent pour dire que la structure actuelle des OAR protège adéquatement les investisseurs et que la restructuration inévitable de ce réseau qui découlerait de l’adoption de la politique d’exercice restreint devrait être fondée sur l’intention de protéger l’investisseur et non sur celle de réduire les coûts. Les membres de l’ACFM penchent donc en faveur d’un statu quo quant à la mise en place des nouvelles politiques abordées par l’OCRCVM dans son Livre blanc. La consultation sur le Livre blanc prendra fin le 31 mars 2016.
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La Bourse de croissance TSX tend la main au secteur du capital de risque
La Bourse de croissance TSX (la « TSXV ») a publié un livre blanc dans lequel elle explique de quelle façon elle entend devenir un marché public attrayant pour les sociétés en démarrage dans les secteurs à croissance rapide que sont notamment ceux de la technologie, des technologies propres, de l’énergie renouvelable et des sciences de la vie (les « secteurs à croissance rapide »), et faire en sorte que les fonds de capital-investissement et de capital de risque et les anges-investisseurs envisagent la TSXV dans le cadre d’une stratégie de sortie efficace de telles sociétés en démarrage. Il reste à savoir si ces changements feront d’un premier appel public à l’épargne (IPO) (« PAPE ») de moindre envergure à la TSXV une stratégie de sortie attrayante pour les fonds de capital de risque qui ont investi dans un grand nombre de telles sociétés en démarrage. EXAMEN DE CERTAINS DES CHANGEMENTS ET DE CERTAINES DES STRATÉGIES PROPOSÉS PAR LA TSXV La TSXV a indiqué qu’elle entendait de façon générale examiner ses politiques et les adapter afin qu’elles répondent davantage aux besoins des sociétés actives dans les secteurs à croissance rapide, reconnaissant ainsi que les politiques étaient traditionnellement mieux adaptées aux sociétés des secteurs minier, pétrolier et gazier. La TSXV entend également faire appel à une équipe de vente dont le mandat serait d’amener des sociétés des secteurs à croissance rapide à s’inscrire à la TSXV. Cette équipe de vente se consacrera notamment à mettre en communication les courtiers et les sociétés provenant de ces secteurs qui sont en mesure de développer leurs activités et de créer de la richesse pour les investisseurs. La TSXV reconnaît que si ces sociétés hésitent à s’inscrire à la cote de la TSXV, c’est en partie en raison des frais administratifs et des coûts de conformité qui accompagnent une telle inscription. La TSXV propose donc de modifier ses règles de façon à réduire les coûts et à simplifier les démarches d’inscription à la TSXV pour ces sociétés. L’une des règles ainsi visées serait l’exigence de parrainage. Bien que cette exigence puisse faire l’objet d’une dispense, la TSXV exige actuellement que toute demande d’inscription à sa cote soit parrainée par un membre existant de la TSXV ou de la Bourse de Toronto. La TSXV propose d’éliminer cette obligation. Étant donné que l’obtention du parrainage prend généralement plusieurs mois et peut coûter entre 50 000 $ et 100 000 $, la TSXV estime qu’en modifiant l’exigence liée au parrainage, les sociétés qui souhaitent réaliser un PAPE pourront éviter des coûts et des délais. Parmi les autres règles qui pourraient être révisées, se trouvent celles concernant les exigences d’entiercement. Les autorités en valeurs mobilières et la TSXV imposent chacune des exigences d’entiercement relativement aux titres de la société réalisant un PAPE qui sont détenus par les administrateurs, les dirigeants, les principaux actionnaires et les promoteurs de la société, ce qui comprend habituellement les fonds de capital de risque qui ont investi dans la société. Selon les exigences d’entiercement, un fonds de capital de risque qui a investi dans le capital d’une société qui demande à être inscrite à la cote de la TSXV doit habituellement conclure avec un agent d’entiercement une convention d’entiercement aux termes de laquelle les actions ou les titres de créance de la société détenus par le fonds de capital de risque sont entiercés auprès de l’agent d’entiercement pour une période de 18 à 36 mois suivant le PAPE. La TSXV a indiqué dans son livre blanc qu’elle éliminerait ses propres exigences relatives à l’entiercement afin que s’appliquent uniquement les dispositions d’entiercement prévues par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) (auxquelles ces sociétés étaient déjà assujetties et qui sont semblables aux exigences d’entiercement de la TSXV). De cette façon, les règles relatives à l’entiercement seront simplifiées puisqu’un seul ensemble de règles s’appliquera. La TSXV entend également généraliser davantage l’utilisation d’outils technologiques. Elle entend proposer un système de dépôt en ligne automatisé pour d’autres types d’opérations (le livre blanc ne précise pas lesquelles). Les sociétés pourraient donc enregistrer elles-mêmes des opérations courantes plutôt que de faire appel à des avocats externes, ce qui leur permettrait de réduire leurs coûts. La TSXV entend aussi développer des outils Web et mobiles qui transmettront en diffusion continue les sommaires des placements de titres de sociétés inscrites à la TSXV afin de faciliter des communications plus directes entre les émetteurs et leurs investisseurs. D’autres changements sont proposés et peuvent être consultés dans la version intégrale du livre blanc, sur le site Web de la TSXV. CETTE NOUVELLE APPROCHE DE LA TSXV SERA-T-ELLE GAGNANTE ? Tous ces changements visant à accroître les inscriptions à la cote de la TSXV de sociétés en démarrage des secteurs de la technologie, des technologies propres, de l’énergie renouvelable et des sciences de la vie, devraient être bien accueillis par le secteur du capital de risque. Un PAPE demeure une stratégie de sortie attrayante pour les fonds de capital de risque qui sont souvent les principaux actionnaires de telles sociétés. Il s’agit effectivement d’une des meilleures méthodes pour permettre à un gestionnaire de fonds de capital de risque d’établir une feuille de route lui permettant d’attirer des investisseurs pour la mise sur pied de ses fonds subséquents, puisque les investisseurs ne peuvent s’appuyer que sur un petit nombre d’indicateurs de rendement pour établir les compétences d’un gestionnaire de fonds de capital de risque et pour décider d’investir ou non dans ses fonds subséquents. Les entrepreneurs aussi devraient considérer le PAPE comme l’une des méthodes de sortie préférables qu’ils peuvent proposer aux fonds de capital de risque qui ont investi dans leur capital, puisque c’est une des rares méthodes qui leur permet de rester aux commandes de leur société. D’autres formes de sortie du capital, comme une acquisition ou une vente sur le marché secondaire à un fonds de capital-investissement privé, entraîneront souvent des changements forcés dans la direction de la société avec pour résultat que l’entrepreneur perde effectivement le contrôle de sa société. Dans le cadre d’un PAPE, bien que l’entrepreneur soit redevable envers ses actionnaires et que sa société puisse dans l’avenir devenir vulnérable à une potentielle offre publique d’achat hostile, l’équipe de direction demeurera généralement en place à court terme (exception faite de certains ajouts pour assurer que toutes les compétences nécessaires soient réunies). De plus, les marchés publics demeurent une importante source de capitaux, ce qui signifie que les PAPE conviennent particulièrement bien à ces sociétés à grande croissance. Pour qu’elles aient pleinement effet, ces initiatives devront être soutenues par les ACVM, les principaux coûts associés à un PAPE étant ceux découlant des règles imposées par les ACVM plutôt que par la TSXV. Dans l’intervalle, Lavery entend collaborer pleinement avec la TSXV pour qu’elle puisse attirer davantage de sociétés de ce type.