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Règlement interdisant les plastiques à usage unique : Quel impact pour les entreprises?
Le 20 juin dernier, le gouvernement fédéral a enregistré un règlement qui, tel que son nom l’indique, interdit (ou restreint dans certains cas) la fabrication, l’importation et la vente de certains plastiques à usage unique qui représentent une menace pour l’environnement. Le Règlement entrera en vigueur le 20 décembre 2022, à l’exception de certaines dispositions entrant en vigueur au cours des mois suivants1. Il sera désormais interdit de fabriquer, importer ou de vendre certains articles manufacturés en plastique à usage unique, composés entièrement ou partiellement de plastique, tels que les récipients alimentaires, les sacs d’emplettes et les pailles. Il est prévu que ce règlement touchera plus de 250 000 entreprises canadiennes qui vendent ou offrent des articles manufacturés de plastique à usage unique, soit principalement les entreprises de commerce au détail, de services de restauration et d’hébergement et du secteur des soins de santé. Voici la liste exhaustive des articles qui seront interdits : les anneaux en plastique à usage unique pour emballage de boissons qui sont conçus pour entourer des récipients de boissons et permettre de les transporter ensemble2; les bâtonnets à mélanger en plastique à usage unique conçus pour remuer ou mélanger des boissons ou pour empêcher le débordement d’une boisson par le couvercle de son contenant3; les récipients alimentaires en plastique à usage unique qui sont à la fois conçus (a) en forme de récipient à clapet, de récipient à couvercle, de boîte, de gobelet, d'assiette ou de bol, (b) pour servir des aliments ou des boissons prêts à consommer ou pour les transporter et (c) qui contiennent certaines matières4; les sacs d’emplettes en plastique à usage unique conçus pour transporter les articles achetés dans une entreprise et (a) dont le plastique n'est pas un tissu ou (b) dont le plastique est un tissu mais qu'il se brise s'il est utilisé pour transporter un poids de dix kilogrammes sur une distance de cinquante-trois mètres à cent reprises ou s'il est lavé conformément aux méthodes de lavage spécifiées pour un seul lavage domestique dans la norme ISO 6330 de l'Organisation internationale de normalisation et ses modifications successives5; les ustensiles en plastique à usage unique en forme de fourchette, de couteau, de cuillère, de cuillère-fourchette ou de baguette et qui, soit a) contiennent du polystyrène ou du polyéthylène, soit b) que leurs propriétés physiques changent après cent lavages dans un lave-vaisselle d'usage domestique alimenté à l'électricité6; les pailles en plastique à usage unique, qui, soit a) contiennent du polystyrène ou du polyéthylène, soit b) que ses propriétés physiques changent après cent lavages dans un lave-vaisselle d'usage domestique alimenté à l'électricité7. Les principales exceptions Les pailles flexibles en plastique à usage unique Les pailles flexibles en plastique à usage unique, soit celles qui comportent un segment articulé qui permet de la plier et de la maintenir en position dans différents angles »8, pourront être fabriquées et importées9. Ces pailles flexibles pourront également être vendues dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes : La vente n’a pas lieu dans un contexte commercial, industriel, ou institutionnel10. Cette exception signifie que les particuliers peuvent vendre ces pailles flexibles; La vente se fait entre entreprises sous emballage d’un paquet d’au moins 20 pailles11; La vente, par un magasin de commerce au détail, d'un paquet d'au moins 20 pailles est faite à un client, dans la mesure où le client le demande sans que le paquet soit exposé de façon à ce que le client puisse le voir sans l'aide d'un employé de magasin12; La vente, par un magasin de vente au détail, de pailles à un client, si elles sont emballées conjointement avec des récipients de boissons et que les récipients de boissons ont été emballés ailleurs qu'au magasin de vente au détail13; La vente a lieu entre un établissement de soins, tels un hôpital ou un établissement de soins de longue durée, et ses patients ou ses résidents14. L’exportation d’articles en plastique à usage unique Tous les articles manufacturés en plastique à usage unique énumérés ci-dessus pourront toutefois être fabriqués, importés ou vendus à des fins d’exportation15. Cela étant dit, toute personne qui fabrique ou importe ces articles pour fins d’exportation devra conserver dans un registre certains renseignements et documents selon le cas, et ce, pour chaque type d’article manufacturé en plastique16. Ces renseignements et documents devront être conservés pendant au moins cinq ans dans le registre au Canada17. Conclusion : une invitation à repenser les façons de faire À court terme, les entreprises devront amorcer une réflexion afin de déterminer comment elles remplaceront les articles manufacturés en plastique qu’elles utilisent. Afin d’aider les entreprises à sélectionner des substituts aux articles de plastique à usage unique, le gouvernement fédéral a publié une Ébauche du Cadre de gestion pour la sélection d'alternatives aux plastiques à usage unique18. Selon cette ébauche, la réduction des matières plastiques devrait être privilégiée. Ainsi, les entreprises pourraient d’abord se demander si un plastique à usage unique doit être remplacé ou si ce produit ou service peut être éliminé. Seuls les produits ayant des fonctions essentielles devraient être remplacés par des équivalents non plastiques. Il est noté que la plupart du temps, les bâtonnets à mélanger et les pailles pourraient être éliminés. Une autre façon de réduire les déchets serait d’opter pour des produits et emballages réutilisables. Les entreprises sont ainsi invitées à repenser leurs produits et services pour offrir des options réutilisables. Les programmes de contenants réutilisables (c.-à-d. offrir la possibilité aux clients d’utiliser leurs contenants réutilisables) sont une option de réutilisation que les entreprises pourraient envisager, et ce, plus particulièrement pour réduire la quantité de récipients alimentaires en plastique. Ce n’est que lorsqu’il ne serait pas possible d’opter pour des produits réutilisables que l’entreprise devrait substituer au produit de plastique à usage unique un substitut à usage unique qui serait, quant à lui, recyclable. Dans cette situation, les entreprises sont invitées à communiquer avec les installations de recyclage locales pour s’assurer de leur capacité de recycler les produits avec succès lorsqu’ils arriveront en fin de vie. Finalement, faire payer les consommateurs pour certains substituts à usage unique (p. ex. les ustensiles à usage unique en bois ou fibre pressée) peut également décourager leur utilisation. Ibid., art. 1. Ibid., art. 3. Ibid., art. 6. Mousses de polystyrène, chlorure de polyvinyle, plastique contenant un pigment noir produit par la combustion partielle ou incomplète d'hydrocarbures ou plastique oxodégradable; Ibid. Cette norme est intitulée Textiles – Méthodes de lavage et de séchage domestiques en vue des essais des textiles; Ibid. Ibid. Ibid, art. 4 et 5. Ibid., art. 1. Ibid., art. 4. Ibid., par. 5(2). Ibid., par. 5(3). Ibid., par. 5(4); Selon l'Ébauche du Cadre de gestion pour la sélection d'alternatives aux plastiques à usage unique, l'objectif est de faire en sorte que les personnes en situation de handicap qui ont besoin d'une paille flexible en plastique à usage unique continuent d'y avoir accès à la maison et puissent l'apporter dans les restaurants et autres lieux. Ibid., par. 5(5). Ibid., par. 5(6). Ibid., par. 2(2). Ibid., art. 8. Ibid., par. 9(1). https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/gestion-reduction-dechets/consultations/document-consultation-projet-reglement-plastiques-usage-unique.html.
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Il était une fois dans l’Ouest : Redwater, son syndic et le shérif de l’environnement
Dans un arrêt du 31 janvier 2019, la Cour suprême ordonne qu’une société pétrolière faillie s'acquitte d’abord de ses obligations de remise en état des puits de pétrole abandonnés, avant de procéder à tout paiement en faveur de ses créanciers. Une décision qui suscite des réactions opposées d’un bout à l’autre du pays, puisque, d’une part, elle donne clairement préséance à la protection de l’environnement en cas de faillite, mais que, d’autre part, elle risque d’influencer les décisions d’affaires dans des industries où des risques environnementaux sont en jeu. Par ailleurs, l’impact concret qu’aura cet arrêt au Québec, où les lois environnementales ont récemment fait l’objet d’importantes réformes, reste à voir. Le contexte Redwater est une pétrolière et gazière albertaine cotée en bourse dont une part des activités a été financée, en 2013, par Alberta Treasury Branches (« ATB »). Celle-ci détient des sûretés sur ses biens. En 2014, Redwater se retrouve en difficulté financière et est incapable d’acquitter ses obligations envers ATB, son plus important créancier garanti. En 2015, Redwater est mise sous séquestre. À ce moment, l’actif de Redwater est composé de 127 biens pétroliers et gaziers — puits, pipelines et installations — et des permis correspondants, obtenus en 2009. Ces permis lui avaient été accordés par l’Alberta Energy Regulator (« AER ») sous réserve d’une obligation de remettre les puits et les installations en état de la manière prescrite afin de les rendre sûrs sur le plan environnemental. Or, au moment où Grant Thornton est nommé séquestre, 72 puits et installations autorisés de Redwater sont taris et grevés de responsabilités environnementales relatives à leur abandon et à la remise en état des terrains excédant la valeur des puits et des installations qui sont toujours productifs. Informé de la mise sous séquestre de Redwater, l’AER déclare à Grant Thornton que malgré le séquestre, il est légalement tenu de remplir les obligations d’abandon et de remise en état pour tous les biens visés par des permis, et ce, avant de distribuer des fonds ou de finaliser toute proposition aux créanciers. Grant Thornton réplique à l’AER qu’il renonce à prendre possession des installations sans valeur de Redwater et que, par conséquent, il n’est aucunement tenu de satisfaire aux obligations environnementales associées aux biens faisant l’objet de la renonciation (les « obligations environnementales »). À l’été 2015, en réaction à la réplique de Grant Thornton, l’AER rend des ordonnances d’abandon en vertu de deux lois albertaines, enjoignant à Redwater de suspendre l’exploitation des biens faisant l’objet de la renonciation et de les abandonner conformément aux règlements et règles de l’AER et d’obtenir les certificats de remise en état requis par la loi. À l’automne 2015, une ordonnance de faillite est rendue à l’égard de Redwater et Grant Thornton est désormais nommé syndic. L’AER dépose une demande en justice afin qu’il soit ordonné à Grant Thornton de se conformer à ses obligations environnementales avant que toute distribution aux créanciers ait lieu. Le juge de première instance et les juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Alberta ont toutefois donné raison à Grant Thornton. Selon eux, donner raison à l’AER reviendrait à faire fi du régime de distribution ordonnée prévu à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité («LFI»). L’AER a fait appel du jugement à la Cour suprême. Le 31 janvier 2019, dans un arrêt rendu à la majorité de 5 contre 2, la Cour suprême a accueilli la demande de l’AER 1- La responsabilité personnelle du syndic La première question que la Cour analyse est celle de savoir si l’article 14.06(4) de la LFI permet à un syndic de se soustraire aux obligations imposées par les lois albertaines en matière de remise en état des installations pétrolières. À l’essentiel, cette question pose celle de savoir si la LFI entre en conflit d’application avec les lois provinciales. L’article 14.06(4) de la LFI prévoit que le syndic est dégagé de toute responsabilité personnelle découlant du non-respect de toute ordonnance de réparation de tout fait ou dommage lié à l’environnement et touchant un bien visé par une faillite s’il abandonne ou renonce à tout droit sur le bien en cause. La majorité de la Cour interprète cette disposition de façon restrictive et conclut que, même si la responsabilité personnelle du syndic est écartée, cela n’empêche pas que l’actif du failli demeure assujetti au respect d’obligations de réparation liées à un dommage environnemental. Ainsi, la valeur des biens de la société faillie devra servir à acquitter ses obligations environnementales. 2- La notion de « réclamation prouvable » Grant Thornton invoquait de plus que, même si les biens du failli devaient servir au respect des obligations environnementales, celles-ci devaient être acquittées comme les « réclamations prouvables » d’un créancier ordinaire, c’est-à-dire non détenteur d’une priorité ou d’une garantie. Ainsi, la question de savoir si l’AER pouvait demander l’exécution des obligations environnementales de Redwater avant que la valeur de l’actif ne puisse être distribuée à ses créanciers fait intervenir le concept de « réclamation prouvable en matière de faillite », tel qu’il est défini par la LFI. L’un des objectifs de la LFI consiste à assurer la répartition équitable des biens du failli parmi les créanciers qui ont une « réclamation prouvable ». Cette répartition se fait selon un ordre bien précis, établi par la loi. Or, si une réclamation n’est pas « prouvable » au sens de la loi, elle continue à lier le failli et doit être acquittée sans égard à l’ordre de répartition. Selon la Cour suprême dans l’arrêt AbitibiBowater rendu en 20121, une « réclamation prouvable » existe si trois critères sont satisfaits : il faut être en présence d’une dette, d’un engagement ou d’une obligation envers un « créancier »; la dette, l’engagement ou l’obligation doit avoir pris naissance avant que le débiteur ne devienne failli; et il doit être possible d’attribuer une valeur pécuniaire à cette dette, cet engagement ou cette obligation. Dès lors que l’un de ces critères n’est pas satisfait, il n’y a pas de « réclamation prouvable ». Appliquant ce cadre d’analyse à la situation en l’espèce, la majorité de la Cour détermine que l’AER n’est pas un « créancier » au sens du premier critère. Selon la Cour, c’est le public albertain qui bénéficie ultimement du respect par Redwater et d’autres sociétés comme elle de leurs obligations environnementales, et non la province qui en retire un avantage financier. Ainsi, l’AER, lorsqu’elle cherche à faire respecter les devoirs à caractère public de Redwater, n’est pas un « créancier » au sens de la loi. Cela suffit pour conclure que sa réclamation n’était pas une « réclamation prouvable » assujettie à la répartition prévue par la LFI2. Le résultat est, selon la Cour suprême, que le respect des obligations environnementales a préséance sur le paiement de toute réclamation prouvable des créanciers garantis, prioritaires et non garantis, à la manière d’une charge prioritaire3. Cette conclusion n’a pas pour effet de perturber le régime de priorités prévu par la LFI, ni d’en contredire l’objectif de maximiser la valeur de réalisation de l’actif, car de toute manière, tous les biens de valeur de Redwater étaient des biens soumis aux obligations environnementales. Une telle décision soulève plusieurs questions. D’une part, comme le soulève la juge Côté dans ses motifs dissidents, il pourrait parfois être difficile de savoir quand l’organisme de réglementation n’agit pas dans l’intérêt public – faisant ainsi croire qu’un tel organisme ne peut jamais être un créancier au sens de la loi. D’autre part, la définition retenue est susceptible d’avoir des conséquences, notamment sur l’industrie du financement de sociétés actives dans l’exploitation de ressources naturelles. En effet, face à l’existence de charges prioritaires qui peuvent demeurer longtemps inconnues, les prêteurs qui financent les activités de telles sociétés pourraient avoir à réexaminer les conditions auxquelles ils acceptent de les financer en raison du risque accru de voir diminuer la valeur de leur investissement ou de leurs garanties. 3- Et qu’en est-il des effets de ce jugement au Québec? Il est particulièrement difficile de dire avec certitude quels seront les effets de cette décision au Québec, vu le contexte législatif actuel dans les domaines d’activités en cause. En effet, la législation québécoise, tant en matière de protection de l’environnement qu’en matière de gestion des ressources naturelles, a fait l’objet de récentes réformes majeures (au milieu de 2017 en environnement et à la fin de 2018 pour les hydrocarbures). La structure de la loi, les conditions d’obtention des autorisations d’exploitation et les pouvoirs des autorités publiques (en particulier ceux des ministres responsables) ont été à ce point modifiés qu’il faut, à notre avis, se montrer prudent avant de tirer des conclusions hâtives. Dans le cas analysé par la Cour suprême, la législation en cause, qui faisait de la restauration des sites une obligation afférente aux permis émis, définissait la restauration en y incluant la décontamination. Or, si cette conclusion peut apparemment être tirée de la structure législative applicable aux exploitations minières, cela est moins évident en regard de l’exploitation des hydrocarbures au Québec. Par ailleurs, si le Québec est doté de dispositions législatives visant à assurer, dans certaines situations, la réalisation de travaux de décontamination de sol en raison de la section IV de la Loi sur la qualité de l’environnement portant sur la question, les obligations de caractérisation, de confection d’un plan de réhabilitation et la réalisation de travaux de décontamination ne s’appliquent pas dans tous les cas. Ainsi, alors que dans certains cas seules la production d’une étude de caractérisation et la production d’un plan de réhabilitation sont imposées (cessation des activités), la décontamination ne sera obligatoire (sauf ordonnance du ministre) que pour la relance d’activités autres. Dès lors, dans les cas où la décontamination d’un terrain n’est pas une condition obligatoire imposée par la loi, il y a lieu de s’interroger si des travaux de décontamination par ailleurs réalisés peuvent ou non être qualifiés de « réclamations prouvables » au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. C’est pourquoi, il y a lieu de se montrer prudent pour l’instant avant d’affirmer que le jugement de la Cour suprême dans la présente affaire trouvera automatiquement application au Québec dans toute situation. C’est l’analyse des situations au cas par cas (comme le dit la Cour suprême d’ailleurs) qui nous permettra d’avancer; et sûrement qu’une bonne compréhension du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Redwater s’imposera. 4- Conclusion L’arrêt Redwater soulève des réactions diamétralement opposées selon le forum concerné. D’un côté, certains saluent l’effort de la Cour suprême de soutenir les autorités provinciales chargées d’assurer les questions environnementales, en adoptant une interprétation des dispositions législatives fédérales et provinciales large et flexible, imprégnée de fédéralisme coopératif. On apprécie le message de la Cour qui souligne que la faillite n’est pas un permis de faire abstraction des règles environnementales et que les syndics sont liés par les lois provinciales valides. D’un autre côté, on déplore les conséquences d’affaires qui risquent de découler de cet arrêt pour les entreprises qui œuvrent dans des domaines d’activités qui comportent des risques environnementaux où l’accès au financement pourrait s’avérer plus difficile. Lorsque toute la valeur de l’actif est susceptible d’être utilisée pour assurer le respect des obligations environnementales, les professionnels de l’insolvabilité qui comptent sur la valeur des actifs pour couvrir leurs frais pourraient être découragés d’accepter des mandats lorsque des problèmes environnementaux sont en cause. On craint de même que les entreprises en difficulté abandonnent leurs actifs aux mains de l’État plutôt que de tenter de se restructurer, augmentant ainsi la charge sociale de ces actifs problématiques, ce que la décision de la majorité semblait pourtant vouloir éviter. Au Québec, comme nous l’avons vu plus haut, il s’agira d’examiner attentivement la nature des pouvoirs exercés et des ordonnances émises, afin d’en déterminer le caractère réglementaire ou pécuniaire immédiat ou potentiel. Dans le premier cas, l’arrêt Redwater porte à croire qu’un syndic serait forcé d’obtempérer jusqu’à concurrence de la valeur des biens de l’actif, tandis que dans le second cas, la réclamation de l’autorité provinciale serait considérée comme une réclamation subordonnée aux droits des créanciers garantis et privilégiés suivant l’ordre de répartition prévu par la LFI. Terre-Neuve-et-Labrador c. AbitibiBowater Inc., 2012 CSC 67 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 443. La Cour analyse cependant le troisième critère établi dans l’arrêt Abitibi et conclut qu’il n’est pas possible d’attribuer une valeur pécuniaire à l’obligation en cause, puisqu’il n’était pas suffisamment certain que l’organisme effectuerait les travaux ou en exigerait le remboursement. Les juges dissidents ont plutôt conclu au contraire sur ce point. Que la Cour assimile à celle qui est prévue à l’article 14.06(7) de la LFI dont l’organisme ne pouvait se prévaloir en l’espèce.
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Nouveau régime d’autorisation environnementale : impacts pour les minières
Un nouveau régime d’autorisation environnementale, qui se veut simplifié, a été mis en place aux termes de la Loi sur la qualité de l’environnement (« LQE ») et est en vigueur depuis le 23 mars 2018. Quels sont les impacts de ce nouveau régime pour les sociétés minières? Le régime d’autorisation est-il véritablement plus simple? Qu’en est-il du droit de continuer une exploitation sans autorisation dont pouvaient bénéficier certaines minières (aussi appelé un droit acquis)? Sous le nouveau régime d’autorisation de la LQE, les activités des minières seront soumises à différents régimes en fonction du risque qu’elles présentent. Si la majorité des activités sont soumises à l’autorisation ministérielle1, d’autres pourront : bénéficier d’exemptions être assujetties au nouveau régime de la déclaration de conformité être assujetties à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement si elles présentent un risque élevé. La mise en application du nouveau régime d’autorisation environnementale de la LQE implique une révision de la réglementation adoptée en vertu de cette loi. Le présent bulletin réfère au Projet de Règlement relatif à l’autorisation ministérielle et à la déclaration de conformité en matière environnementale (« Projet de Règlement »). Ce Projet de Règlement a été publié, mais il n’est pas actuellement dans sa version définitive et pourrait être modifié avant son entrée en vigueur.2 Par conséquent, une veille règlementaire s’impose.3 À quelles autorisations les minières sont-elles assujetties? Selon la nature de l’activité visée, le régime applicable va de l’exemption à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement.4 Le régime général de l’autorisation environnementale Activités minières assujetties L’article 22 LQE liste plusieurs activités dont la réalisation requiert, préalablement, une autorisation du ministre. Les activités minières ne font pas partie de cette liste. Toutefois, le 10ème item de la liste est « toute autre activité déterminée par règlement du gouvernement ». À l’heure actuelle, le Projet de Règlement prévoit qu’« est soumise à une autorisation, toute activité minière ».5 Cela laisse peu de place à l’interprétation. Ainsi, à l’exception des cas précis actuellement prévus au Projet de Règlement, toute activité minière devrait requérir une autorisation du ministre. Contenu de la demande d’autorisation Notons qu’en plus des documents énoncés à la LQE, une demande d’autorisation visant une activité minière pourrait devoir être accompagnée des renseignements et documents supplémentaires énumérés au Projet de Règlement.6 Par ailleurs, dorénavant tous les documents remis au soutien d’une demande d’autorisation sont considérés comme étant publics. Il revient à la personne qui soumet la demande de préciser si certains documents comprennent un secret industriel ou commercial confidentiel. La décision quant au caractère public revient au ministre qui en avise le demandeur d’autorisation. Cette décision est exécutoire à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la transmission de l’avis. Une fois ce délai écoulé, les documents sont rendus publics, d’où l’importance d’interpeler les tribunaux rapidement s’il y a lieu de contester la décision du ministre.7 Droit de poursuivre une activité sans autorisation environnementale Dans son ancienne mouture, le régime général d’autorisation environnementale à l’article 22 LQE interdisait d’« entreprendre l’exploitation d’une industrie quelconque, l’exercice d’une activité ou l’utilisation d’un procédé industriel […] » sans avoir obtenu préalablement un certificat d’autorisation. En raison du mot « entreprendre », la jurisprudence reconnaissait la possibilité de poursuivre une activité sans autorisation lorsqu’elle avait été entreprise avant l’entrée en vigueur de la LQE, soit le 21 décembre 1972. Dans sa nouvelle mouture, l’article 22 LQE ne parle plus de la nécessité d’obtenir une autorisation pour entreprendre mais plutôt pour réaliser une activité. Nous y voyons la volonté du législateur de ne plus permettre qu’une activité puisse se poursuivre sans autorisation environnementale. Toutefois, certaines dispositions transitoires prévoient spécifiquement qu’une activité puisse se poursuivre sans autorisation, prévoyant qu’il faut alors s’en remettre au libellé du règlement du gouvernement sur la question pour s’en assurer8. À l’heure actuelle, le texte du Projet de Règlement ne permet pas de conclure que les minières pourraient bénéficier d’un droit de poursuivre une activité sans autorisation. Le régime des exemptions Certaines activités minières jugées peu risquées pour l’environnement sont carrément exclues de l’obligation d’obtenir au préalable une autorisation environnementale. Le Projet de Règlement prévoit actuellement que sont exemptées : les travaux de jalonnement, les levés géophysiques, géologiques ou géochimiques, les travaux de forage (sauf s’ils sont exécutés en milieux humides et hydriques9) les travaux de décapage et d’excavation sous certaines conditions(sauf s’ils sont exécutés en milieux humides et hydriques ou à moins de 30 mètres de tels milieux). Le régime de la déclaration de conformité Le régime de la déclaration de conformité permet de procéder en transmettant au ministre l’ensemble des documents requis par la LQE et les dispositions règlementaires applicables en déclarant s’y conformer. Dans ce cas, si trente jours après la transmission des documents, aucun suivi n’a été effectué auprès du déclarant, il peut commencer l’activité visée. Le Projet de Règlement prévoit que les travaux de forage exécutés dans des milieux humides et hydriques dans le cadre d’un projet de recherche de substances minérales seraient, sous certaines conditions, admissibles à la déclaration de conformité.10 Notons que des dispositions particulières peuvent s’appliquer en fonction du milieu dans lequel les travaux sont réalisés. Certaines conditions sont spécifiques aux travaux réalisés dans un étang, marais, marécage ou tourbière11 et d’autres sont spécifiques aux travaux réalisés dans la rive d’un lac ou d’un cours d’eau ou dans un lac ou un cours d’eau12. Le régime de la déclaration de conformité nécessite la production d’études étoffées et portant la signature de professionnels. Si le délai de traitement est écourté, la tâche du déclarant demeure tout de même lourde. Le régime de l’évaluation et de l’examen des impacts sur l’environnement Certaines activités minières sont assujetties à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement en vertu du Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets13 actuellement en vigueur. L’objectif du présent bulletin n’est pas de traiter de la procédure suivie dans le cadre de ce régime plus lourd qui implique l’intervention du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (« BAPE »).14 Les activités minières suivantes sont assujetties à cette procédure d’examen : L’établissement d’une mine d’uranium ou de terres rares; L’établissement d’une mine dont la capacité maximale journalière d’extraction de minerai métallifère est égale ou supérieure à 2000 tonnes métriques; L’établissement d’une mine (autre que de minerai métallifère) dont la capacité maximale journalière d’extraction de minerai est égale ou supérieure à 500 tonnes métriques; Toute augmentation de la capacité maximale journalière d’extraction d’une mine la faisant ainsi atteindre ou dépasser les seuils identifiés ci-devant;15 L’établissement d’une mine dans un périmètre d’urbanisation identifié au schéma d’aménagement et de développement d’une MRC ou dans une réserve indienne ou à moins de 1000 mètres de tel périmètre ou telle réserve; Tout agrandissement de 50% ou plus de l’aire d’exploitation d’une mine dans certains cas précis identifiés au règlement; À l’issue des travaux du BAPE, le ministre fait une recommandation au gouvernement quant à l’autorisation demandée. Ultimement, c’est le gouvernement qui décide ou non de délivrer l’autorisation.16 Les changements au régime d’autorisation environnementale sont majeurs. Les minières ont tout intérêt à s’y intéresser et à surveiller l’entrée en vigueur des règlements permettant la mise en œuvre de ce régime afin de poursuivre leurs opérations au Québec en toute légalité. Article 22 LQE. La ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Mme Isabelle Melançon, a mandaté Mme Suzanne Giguère et M. Jean Pronovost afin qu’ils donnent leur avis sur l’approche règlementaire adoptée par le ministère. Voici un lien vers le communiqué de presse du MDDELCC : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/Infuseur/communique.asp?no=3996 Le 19 juillet dernier, un communiqué de presse a été émis par le MDDELCC annonçant l’intention de la ministre, Mme Isabelle Melançon, de reporter l’entrée en vigueur des projets de règlement considérant les constats de Mme Suzanne Giguère et M. Jean Pronovost. Voici un lien vers le communiqué de presse du MDDELCC : http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/infuseur/communique.asp?no=4049 Précisons qu’au moment de la rédaction de ce bulletin, l’essentiel des règlements du gouvernement mettant en œuvre le nouveau régime d’autorisation environnementale ont fait l’objet de projets qui ont été publiés à la Gazette officielle du Québec. Ces règlements ne sont toutefois pas encore connus dans leur version finale. Projet de Règlement relatif à l’autorisation ministérielle et à la déclaration de conformité en matière environnementale, Annexe 1 (autres activités soumises à une autorisation préalable), section 2, article 4. Projet de Règlement relatif à l’autorisation ministérielle et à la déclaration de conformité en matière environnementale, article 38. Le Règlement relatif à certaines mesures transitoires pour l’application de la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert prévoit actuellement, de manière transitoire, les documents qui doivent être joints à une demande d’autorisation. Notons que pour les activités déjà en cours en date du 23 mars 2018 et pour lesquelles aucune autorisation environnementale n’était exigée en vertu de la LQE et qui serait désormais assujettie à une autorisation environnementale selon l’article 22 LQE, elles pourraient se poursuivre sans autre formalité sous réserve des dispositions particulières que peut prévoir un règlement du gouvernement (art. 290 de la Loi modifiant le Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert (Projet de Loi 102, 2017, chapitre 4). Notons que la LQE comprend une définition large des milieux humides et hydriques. Ces milieux incluent les lacs, cours d’eau, rives, littoral et plaines inondables des lacs et cours d’eau, étangs, marais, marécages et tourbières (article 46.0.2 LQE). Projet de Règlement relatif à l’autorisation ministérielle et à la déclaration de conformité en matière environnementale, Annexe 2 (activités soumises à une déclaration de conformité), section 8, articles 19 et ss. Projet de Règlement relatif à l’autorisation ministérielle et à la déclaration de conformité en matière environnementale, Annexe 2, section 8, article 21 Projet de Règlement relatif à l’autorisation ministérielle et à la déclaration de conformité en matière environnementale, Annexe 2, section 8, article 22 Décret 287-2018, 21 mars 2018 Articles 31.1 et ss. LQE Notons que cela ne s’applique pas à une mine existante en date du 23 mars 2018. D’autres normes s’appliquent à ces mines pour lesquelles tout projet d’augmentation de la capacité journalière d’extraction de 50% ou plus est assujettie à la procédure d’examen des impacts si cette augmentation fait dépasser les seuils d’extraction applicables selon la nature de la matière extraite. Article 31.5 LQE
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Modifications législatives en matière de conservation des milieux humides et hydriques : les promoteurs naviguent-ils en eaux troubles ?
Le projet de loi n° 132 concernant la conservation des milieux humides et hydriques adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 16 juin dernier s’inscrit dans le contexte d’une importante modernisation des lois environnementales au Québec. La plupart de ses dispositions sont déjà entrées en vigueur. Présentée par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques comme offrant « des gains pour tous »1, la loi vient redéfinir de façon importante les responsabilités des promoteurs relatives à la présence de milieux humides et hydriques dans le cadre de la réalisation de leur projet. Quelques modifications que cette loi apporte à la Loi sur la qualité de l’environnement (« LQE »)2 méritent que l’on s’y attarde. Tout d’abord, la loi instaure la responsabilité pour le promoteur de déterminer si son projet est localisé dans un milieu humide ou hydrique, expression qui sera dorénavant définie par la LQE. Il y a lieu de penser que l’interprétation de termes comme « étang », « marais », « marécage » et « tourbière » continuera d’être développée par la jurisprudence, afin de permettre aux promoteurs de ne pas se trouver en terrain vaseux! Quant aux autorisations environnementales requises aux fins de l’activité projetée dans un milieu humide ou hydrique, celles-ci seront modulées en fonction du risque environnemental pour le milieu touché selon quatre niveaux de risque, variant de négligeable à élevé. Les règlements définissant cet encadrement environnemental devraient entrer en vigueur au courant de la prochaine année, raffinant ainsi le cadre posé par la loi. La loi établit une méthode de calcul de la contribution qui pourrait être exigée à titre de compensation financière pour la perte de milieux humides et hydriques. Cherchant à baliser un calcul qui se fera nécessairement au cas par cas, une formule mathématique est adoptée, comportant notamment un multiplicateur basé sur le « facteur de rareté » de ces milieux selon des zones identifiées. Si un promoteur peut ainsi se voir imposer le versement d’une compensation financière excédant largement la valeur du terrain où se situe le milieu humide et hydrique affecté, l’identification préalable des zones lui permet aussi une certaine planification qui n’était pas possible auparavant. Finalement, les nouvelles dispositions législatives prévoient l’identification et la conservation de certains milieux humides ou hydriques remarquables ou rares, qui seront protégés par un statut de protection légal et dans lesquels aucune activité susceptible de porter atteinte à leur intégrité ne pourra être exercée. Ces milieux n’étant toujours pas cartographiés, leur identification pourrait causer de mauvaises surprises à certains propriétaires fonciers. Prudence et planification sont donc de mise ! Québec (MDDELCC), « Une nouvelle loi qui fait du Québec “ un premier de classe ” en matière de conservation des milieux humides et hydriques », (16 juin 2017). RLRC, c. Q-2 (« LQE »).
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Budget 2017 du Canada et intelligence artificielle : votre entreprise est-elle prête?
Le Budget du 22 mars 2017 du Gouvernement du Canada, dans son « Plan pour l’innovation et les compétences » (http://www.budget.gc.ca/2017/docs/plan/budget-2017-fr.pdf) mentionne que le leadership démontré par le milieu universitaire et celui de la recherche au Canada dans le domaine de l’intelligence artificielle se traduira par une économie plus innovatrice et une croissance économique accrue. Le budget 2017 propose donc de fournir un financement renouvelé et accru de 35 millions de dollars sur cinq ans, à compter de 2017-2018, pour l’Institut canadien de recherches avancées (ICRA), qui jumelle les chercheurs canadiens à des réseaux de recherche en collaboration dirigés par d’éminents chercheurs canadiens et internationaux pour effectuer des travaux sur des sujets qui touchent notamment l’intelligence artificielle et l’apprentissage profond (deep learning). Ces mesures s’ajoutent à plusieurs mesures fiscales fédérales et provinciales intéressantes qui appuient déjà le secteur de l’intelligence artificielle. Au Canada et au Québec, le programme de recherche scientifique et développement expérimental (RS&DE) procure des avantages à deux volets : les dépenses de RS&DE sont déductibles du revenu aux fins de l’impôt et un crédit d’impôt à l’investissement (CII) pour la RS&DE est offert pour réduire l’impôt. Le solde du CII est remboursable dans certains cas. Au Québec, un crédit d’impôt remboursable est également disponible pour le développement des affaires électroniques lorsqu’une société exerce principalement ses activités dans les domaines de la conception de systèmes informatiques ou de l’édition de logiciels et qu’elles sont effectuées dans un établissement situé au Québec. Ce Budget 2017 vise donc à rehausser l’avantage concurrentiel et stratégique du Canada en matière d’intelligence artificielle, et par le fait même celui de Montréal, une ville qui jouit déjà d’une réputation internationale dans ce domaine. Il reconnaît d’entrée de jeu que l’intelligence artificielle, au-delà de toutes les questions d’éthique qui passionnent actuellement la communauté internationale, pourrait permettre de générer une croissance économique solide en améliorant la façon de produire des biens, d’offrir des services et de surmonter divers défis de société. Le Budget ajoute également que l’intelligence artificielle « offre des possibilités dans de nombreux secteurs, de l’agriculture aux services financiers, créant des occasions pour les entreprises de toutes tailles, que ce soit des entreprises technologiques en démarrage ou les plus importantes institutions financières du Canada. » Ce rayonnement du Canada sur la scène internationale passe invariablement par un appui gouvernemental aux programmes de recherche et à l’expertise de nos universités. Ce Budget est donc un pas dans la bonne direction pour faire en sorte que toutes les activités reliées à l’intelligence artificielle, de la R&D à la mise en marché en passant par la création et la distribution des produits et services, demeurent ici au Canada. Le budget 2017 attribue ainsi 125 millions de dollars au lancement d’une stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle pour la recherche et le talent afin de favoriser la collaboration entre les principaux centres canadiens d’expertise et renforcer le positionnement du Canada en tant que destination de calibre mondial pour les entreprises désirant investir dans l’intelligence artificielle et l’innovation. Laboratoire juridique Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA) Nous anticipons que d’ici quelques années, toutes les sociétés, entreprises et organisations, dans toutes les sphères d’activités et tous les secteurs, feront appel à certaines formes d’intelligence artificielle dans leurs activités courantes, qu’il s’agisse d’améliorer la productivité ou l’efficacité, d’assurer un meilleur contrôle de la qualité, de conquérir de nouveaux marchés et clients, de mettre en place de nouvelles stratégies marketing, d’améliorer les processus, l’automatisation et la commercialisation ou encore la rentabilité de l’exploitation. Pour cette raison, Lavery a mis sur pied le Laboratoire juridique Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA) qui analyse et suit les développements récents et anticipés dans le domaine de l’intelligence artificielle d’un point de vue juridique. Notre Laboratoire s’intéresse à tous les projets relatifs à l’intelligence artificielle (IA) et à leurs particularités juridiques, notamment quant aux diverses branches et applications de l’intelligence artificielle qui feront rapidement leur apparition dans les entreprises et les industries. Les développements de l’intelligence artificielle, à travers un large éventail de fonctionnalités et d’applications, auront également un impact certain sur plusieurs secteurs et pratiques du droit, de la propriété intellectuelle à la protection des renseignements personnels, en passant par la régie d’entreprise et tous les volets du droit des affaires. Dans nos prochaines publications, l’équipe de notre Laboratoire juridique Lavery sur l’intelligence artificielle (L3IA) analysera de façon plus spécifique certaines applications de l’intelligence artificielle dans différents secteurs.
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Travaux d'infrastructure qui affectent l'écoulement des eaux: un promoteur immobilier a raison des instances gouvernementales
En juin 2015, la Cour supérieure du Québec a donné raison à un promoteur immobilier cherchant à obliger le ministère des Transports du Québec (MTQ) à apporter des correctifs à un échangeur routier dont la construction en 2007 a eu comme effet d’ennoyer son terrain1. Nous résumerons ici les grandes lignes de cette décision, laquelle a été portée en appel par le ministère du développement durable, de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques du Québec (MDDELCC). RÉSUME DES FAITS Héritage Terrebonne est propriétaire d’un vaste terrain situé au nord de l’autoroute 640, près de l’endroit où celle-ci rejoint l’autoroute 40. Ce secteur a fait l’objet de plusieurs travaux d’aménagement depuis les années 60, ce qui en augmente l’attrait sur le plan du développement immobilier. Par contre, ces aménagements ont également eu des incidences sur l’écoulement de l’eau de surface dans la région, avec la conséquence qu’une partie de la propriété d’Héritage Terrebonne, auparavant « sèche », est devenue un milieu humide. Après la construction de l’échangeur en 2007, la presque totalité de la surface du terrain était recouverte d’eau. LE DROIT Le Code civil du Québec crée une servitude d’écoulement des eaux et prévoit les obligations qui en résultent: 979. Les fonds inférieurs sont assujettis, envers ceux qui sont plus élevés, à recevoir les eaux qui en découlent naturellement. Le propriétaire du fonds inférieur ne peut élever aucun ouvrage qui empêche cet écoulement. Celui du fonds supérieur ne peut aggraver la situation du fonds inférieur; il n’est pas présumé le faire s’il effectue des travaux pour conduire plus commodément les eaux à leur pente naturelle ou si, son fonds étant voué à l’agriculture, il exécute des travaux de drainage. Par ailleurs, afin de protéger les milieux humides, l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec (LQE) prévoit que : […] quiconque érige ou modifie une construction, exécute des travaux ou des ouvrages, entreprend l’exploitation d’une industrie quelconque, l’exercice d’une activité ou l’utilisation d’un procédé industriel ou augmente la production d’un bien ou d’un service dans un cours d’eau à débit régulier ou intermittent, dans un lac, un étang, un marais, un marécage ou une tourbière doit préalablement obtenir du ministre un certificat d’autorisation. La désignation d’un terrain comme étant un milieu humide est embêtante pour les promoteurs immobiliers, notamment en ce que la loi prévoit que le MDDELCC peut exiger de quiconque demande une autorisation pour réaliser un projet qui affecte ou mène à la destruction d’un milieu humide des mesures compensatoires non compensables, telles la création ou restauration d’un milieu humide à proximité de celui affecté par le projet2. LE LITIGE Le litige portait sur des questions de fait et de droit : quel est l’état naturel du terrain d’Héritage Terrebonne? À quel moment s’apprécie-t-il? La réponse avancée par Héritage Terrebonne est la suivante : l’état naturel du terrain est l’état du terrain avant qu’il ne soit affecté par une quelconque intervention humaine, en l’occurrence, avant le début des activités d’aménagement dans les années 60. Pour le MTQ et le MDDELCC, la réponse est plutôt qu’il y avait déjà un milieu humide sur le site avant la construction de l’échangeur, sinon pourquoi le MTQ aurait-il demandé, et le MDDELCC émis, une autorisation en vertu de l’article 22 de la LQE pour la construction de l’échangeur? La Cour précise d’abord que la LQE l’emporte sur le Code civil, en ce sens que si la propriété d’Héritage Terrebonne s’avère être un milieu humide au sens de la LQE, l’analyse s’arrêtera là, sans que le promoteur immobilier soit en droit de demander une compensation pour « expropriation déguisée ». Elle s’est donc attardée à comparer les expertises déposées de part et d’autre, pour finalement trancher en faveur de celle d’Héritage, qu’elle qualifie de plus poussée et plus objective. Ainsi, elle refuse d’inclure les « tourbières boisées » dans la notion de tourbière (celle-ci n’étant pas définie dans la LQE) au motif que cette extension du mot « ne trouve pas appui au sein de la majorité des experts ». Elle conclut qu’il existait déjà un milieu humide de quelques hectares à l’endroit de l’emplacement du futur échangeur, mais que l’ennoiement de plus de 100 hectares causé par celui-ci n’avait pas encore eu l’effet au moment du litige, de convertir les terres noyées en milieu humide, car ce phénomène est graduel (transformation de la végétation, etc.). Ayant évacué la question de la présence et des dimensions du milieu humide protégé par la LQE, le tribunal a rapidement réglé la question temporelle en lien avec la servitude d’écoulement des eaux : en droit, « l’état naturel » est l’état du site juste avant la construction de l’ouvrage qui fait l’objet du litige et la prescription applicable est de 10 ans. Donc, Héritage ne pouvait se plaindre des aménagements antérieurs, mais c’est à bon droit qu’elle a intenté une action pour demander la modification de l’échangeur, ce que la Cour ordonne. La Cour accorde toutefois au MTQ un délai de six mois pour obtenir les autorisations nécessaires et apporter les correctifs appropriés à l’échangeur afin de permettre à l’eau de s’écouler naturellement. COMMENTAIRES S’il y a une leçon à tirer de cette affaire, c’est l’importance d’agir avec célérité et d’engager de bons experts lorsqu’on constate qu’un voisin a posé un geste qui risque de transformer notre propriété en milieu humide potentiellement protégé par la LQE. En ce qui concerne les expertises, dans l’affaire Héritage Terrebonne, l’appréciation de la preuve écrite et verbale par la Cour a joué un rôle clé. Cette dernière a pris soin d’expliquer dans le détail en quoi les études et les témoignages des experts de la demande étaient plus convaincants que ceux de la défense, que ce soit parce que les experts de la demanderesse étaient présents en cour pour répondre aux questions ou parce que les expertises préparées pour les parties défenderesses semblaient plutôt justificatives. En l’occurrence, la Cour condamne le MTQ à payer les dépens de la demanderesse, incluant les frais d’expertise ainsi que les coûts reliés à la préparation et aux témoignages des experts.Il sera intéressant de voir quel argument le MDDELCC invoquera en appel, sachant qu’en principe la Cour d’appel doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait auxquelles en est arrivé un juge de première instance. 1 3563308 Canada inc. c. Québec (Procureure générale) (Ministère des Transports), 2015 QCCS 2477 (CanLII).2 Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique, RLRQ, c. M-11.4.
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La responsabilité des administrateurs
SOMMAIRE La responsabilité des administrateurs à l’égard des retenues à la source La diligence raisonnable : une norme en évolution Quels sont les risques de responsabilité ou de culpabilité auxquels est exposé l’administrateur ? Responsabilité environnementale des administrateurs et dirigeants La responsabilité des administrateurs à l’égard des retenues à la source Luc Pariseau et Audrey Gibeault Les administrateurs de sociétés peuvent être tenus personnellement responsables lorsque la société omet d’effectuer des retenues à la source et de remettre les sommes dues au titre des cotisations salariales fédérales ou provinciales sur les salaires et certains avantages sociaux. Ils peuvent en outre être tenus responsables pour des montants qui auraient dû faire l’objet de retenues sur des versements effectués à un non-résident à l’égard desquels une retenue doit être effectuée en vertu de la Partie XIII de la Loi de l’impôt sur le revenu1 (ci-après désignée la « Loi »). Le présent article étudie plus en détail le risque potentiel auquel sont exposés les administrateurs. Il décrit en outre brièvement les voies de recours disponibles dans de tels cas. En ce qui concerne les impôts fédéraux, le défaut d’une société de déduire, de retenir ou de remettre les déductions à la source en vertu de la Loi, de la Loi sur l’assurance-emploi2 ou du Régime de pensions du Canada3 engage de la même façon la responsabilité personnelle des administrateurs à l’égard des montants impayés et non remis. Un principe semblable s’applique dans la province de Québec à l’égard des montants que les employeurs sont tenus de déduire, retenir ou remettre en vertu de la Loi sur l’administration fiscale4 (ci-après, la « Loi sur l’administration »), la Loi sur le régime de rentes du Québec5, la Loi sur l’assurance parentale6 , la Loi sur les normes du travail7, la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’oeuvre8 et la Loi sur la régie de l’assurance maladie du Québec9. Le but de ces règles est de tenir les administrateurs responsables du paiement des retenues à la source. L’article 24.01.1 de la Loi sur l’administration et l’article 227.1 de la Loi s’appliquent aux administrateurs qui siégeaient à ce titre à la date à laquelle les montants devaient être remis, la date à laquelle ils devaient être déduits, retenus ou perçus, et la date à laquelle ils devaient être payés. Dans certains cas, une personne n’ayant pas été officiellement nommée à titre d’administrateur pourrait être considérée comme un administrateur de facto et devenir responsable de ce qui précède si la personne en question exerçait des fonctions d’administrateur. Pour que l’administrateur puisse être tenu responsable en vertu de ces dispositions, les autorités fiscales doivent démontrer l’impossibilité de percevoir les montants en cause directement de la société débitrice. Les autorités fiscales doivent en outre enregistrer un certificat établissant la responsabilité de la société et énonçant le fait que le montant en cause demeure impayé. Quant à lui, l’administrateur peut se défendre en prétendant qu’il a exercé le même degré de prudence, de diligence et d’habileté pour prévenir l’omission qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans de semblables circonstances10. Sur cet aspect, la jurisprudence11 nous enseigne que la question à trancher est généralement celle de savoir si, au moment pertinent, l’administrateur était au courant du problème ou aurait dû l’être et s’il a pris les mesures nécessaires dans les limites de ses pouvoirs afin de remédier à la situation. De plus, les autorités fiscales ne peuvent cotiser un administrateur à l’égard de déductions à la source exigibles lorsque deux ans se sont écoulés à compter de la date à laquelle l’administrateur a cessé de siéger au conseil d’administration de la société12. Les administrateurs peuvent exiger que la société souscrive une assurance qui les protégera et protégera les anciens administrateurs à l’égard de la responsabilité liée à leur statut à titre d’administrateurs. Les administrateurs peuvent notamment obtenir l’avis de spécialistes en fiscalité pour s’assurer qu’ils s’acquittent correctement de leurs obligations à l’égard des retenues à la source. _________________________________________ 1 LRC 1985, c. 1 (5e Suppl). 2 LC 1996, c. 23. 3 LRC 1985, c. C-8. 4 LRQ c. A-6.002. 5 RLRQ, c. R-9. 6 RLRQ, c. A-29.011. 7 RLRQ, c. N-1.1. 8 RLRQ, c. D-8.3. 9 RLRQ, c. R-5. 10 227.1(3) de la Loi et 24.0.1 de la Loi sur l’administration. 11 Soper c. Canada, [1998] 1 R.C.F. 124 et Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, [2004] C.S.C. 68. 12 227.1(4) de la Loi et 24.0.2 de la Loi sur l’administration. La diligence raisonnable : une norme en évolution Jean-Philippe Latreille et Emmanuel Sala À l’impossible nul n’est tenu. Cet adage bien connu trouve écho dans les lois prévoyant la responsabilité solidaire de l’administrateur d’une société en cas d’omission de cette dernière de se conformer à certaines de ses obligations fiscales. En effet, un administrateur peut généralement s’exonérer de sa responsabilité à cet égard lorsqu’il est en mesure de démontrer qu’il a agi avec un degré de soin, de diligence et d’habileté raisonnable dans les circonstances. Il s’agit de ce qui est communément désigné comme la « défense de diligence raisonnable ». Les circonstances sont évidemment particulières à chaque cas et il n’existe pas de règles absolues permettant de déterminer si un administrateur peut se prévaloir de la défense de diligence raisonnable. Il est donc nécessaire de se tourner vers l’interprétation faite par les tribunaux de cette norme, laquelle a quelque peu fluctué récemment. Pendant de nombreuses années, l’approche de l’analyse « objective subjective » a prévalu. Ainsi, un administrateur devait faire preuve de la compétence à laquelle on peut s’attendre d’une personne ayant le même niveau de connaissance ou d’expérience. La prise en considération des compétences personnelles de l’administrateur permettait donc d’appliquer la norme de diligence raisonnable avec une certaine souplesse. Par contre, à la suite de l’arrêt rendu en 2004 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Peoples1, les tribunaux ont déterminé que l’analyse à l’égard de la défense de diligence raisonnable doit plutôt être objective, mais qu’il faut également tenir compte des circonstances particulières auxquelles étaient confrontés la société et ses administrateurs. Il est à noter que, bien que leur devoir de diligence soit le même, l’analyse de leur responsabilité respective doit prendre en considération le contexte fort différent dans lequel agissent les administrateurs « externes » et les administrateurs « internes », ces derniers participant activement à la gestion de l’entreprise et pouvant influencer la conduite de ses affaires. En effet, les administrateurs internes sont plus à même d’être au fait rapidement des difficultés financières vécues par la société et de prendre des mesures correctives autant que possible. Au contraire, la réalité des administrateurs externes est bien différente puisqu’ils sont habituellement entièrement dépendants de l’information transmise par les dirigeants de la société et des opinions exprimées par des experts (les auditeurs de la société, par exemple), ce qui ne les autorise toutefois pas à ignorer des signes apparents de difficultés financières. La distinction entre les administrateurs externes et internes constitue donc un élément contextuel à prendre en considération dans le cadre de l’analyse « objective » de la norme de diligence raisonnable qui a été retenue par la Cour suprême. En effet, il ne s’agit pas de tenir compte des compétences, aptitudes ou caractéristiques personnelles d’un administrateur donné (ce qui relèverait davantage de l’analyse « objective subjective » qui prévalait antérieurement), mais plutôt des circonstances relatives à son rôle et à sa position au sein de la société. En outre, l’obligation imposée aux administrateurs par les lois fiscales en est une de moyens et non de résultat. La responsabilité d’un administrateur ne sera donc pas engagée si celui-ci a mis en place les mesures qu’une personne raisonnablement prudente aurait prises, même si ces mesures n’ont pas donné les résultats escomptés. Ainsi, les administrateurs ne font pas office de cautions des obligations fiscales de la société en toutes circonstances. Par exemple, un administrateur ne serait pas tenu responsable des manquements d’un employé de la société si ce dernier possédait la formation requise et qu’il était supervisé de façon appropriée. En conclusion, il ne fait aucun doute que la décision d’accepter de devenir administrateur d’une société ne doit pas être prise à la légère. Avant d’accepter cette charge, une personne devrait s’assurer que de bonnes pratiques en matière de gouvernance ont été instaurées au sein de la société et qu’elles seront suivies durant toute la durée de son mandat d’administrateur. Les administrateurs ne devraient pas hésiter à consulter leurs conseillers juridiques afin de s’assurer d’agir conformément à leurs obligations et ainsi limiter les risques quant à leur responsabilité. _________________________________________ 1 Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise, [2004] 3 RCS 461. Quels sont les risques de responsabilité ou de culpabilité auxquels est exposé l’administrateur ? André Laurin L’administrateur est soumis au régime de responsabilité légale prévu dans la loi constitutive de la personne morale et, possiblement, à celui de son siège social de même qu’à certains égards, aux régimes en place dans les territoires où la personne morale exerce ses activités. Il est donc important de bien connaître les lois qui s’appliquent à la personne morale de même qu’aux administrateurs. En droit québécois, l’administrateur est confronté à deux grands types de responsabilité potentielle, soit : la responsabilité contractuelle envers la personne morale dont il est l’administrateur ou, par voie d’action oblique, envers les personnes qui peuvent chausser les souliers de la personne morale dans certaines circonstances (actionnaires ou créanciers de la personne morale); la responsabilité extracontractuelle (délictuelle, quasi-délictuelle et pénale) envers les tiers mais aussi la personne morale. RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE La responsabilité contractuelle civile découle de la nature du lien entre la personne morale et son administrateur. En droit québécois, ce dernier est le mandataire de la personne morale. Il peut engager sa responsabilité envers la personne morale s’il ne respecte pas ses devoirs (diligence et loyauté) envers elle ou s’il excède les limites de son mandat. RESPONSABILITÉ EXTRACONTRACTUELLE La responsabilité extracontractuelle peut être civile ou pénale. La personne qui recherche une condamnation en responsabilité civile contre un administrateur doit prouver que l’administrateur, dans l’exercice de ses fonctions, a commis une faute qui lui a causé un dommage. Toutefois, elle peut bénéficier dans certains cas d’une présomption légale de responsabilité à l’encontre de l’administrateur. La preuve sera analysée en fonction de la règle de la prépondérance de preuve. Ainsi, un administrateur qui appuierait, en toute connaissance de cause, la décision du conseil d’autoriser la mise en marché d’un produit qu’il sait être dangereux ou non conforme aux normes réglementaires du secteur et susceptible de causer des dommages à des tiers pourrait être condamné à payer des dommages aux victimes qui subiront de tels dommages. De même, l’administrateur qui vote en faveur d’une recommandation aux actionnaires d’approuver une fusion ou d’accepter une offre publique d’achat pour une contrepartie qu’il sait ou aurait dû savoir être inéquitable ou ne pas être dans l’intérêt de la personne morale et des actionnaires peut engager sa responsabilité envers les actionnaires. Le non-respect par l’administrateur de son devoir de diligence ou de son devoir de loyauté envers la personne morale peut en certaines circonstances être considéré par les tribunaux comme une faute civile dans le cadre d’une poursuite contre l’administrateur par la personne morale elle-même ou par des tiers. Des lois particulières identifient certains comportements comme constituant des infractions pénales ou des actes criminels. Certaines lois créent également des présomptions de culpabilité. La preuve sera analysée en fonction du critère « hors de tout doute raisonnable ». De plus, le Code criminel du Canada1, principalement à son article 21, ouvre la porte à la notion de complicité ou de participation à un acte criminel ou à une infraction pénale. L’administrateur trouvé coupable peut, selon le cas et la nature de l’infraction ou de l’acte criminel, être condamné au paiement d’une amende, à une limitation de ses droits et même à l’emprisonnement. Dans presque tous ces cas, une défense de diligence raisonnable peut être offerte, même à l’encontre d’une présomption, si l’administrateur a, dans les faits, été diligent. Par ailleurs, soulignons que plus la détermination de la faute ou de l’infraction est objective, moins accessible devient la défense de diligence raisonnable. Le lecteur pourra retrouver dans le document intitulé « L’administrateur de société : questions et réponses » une analyse plus détaillée des devoirs de l’administrateur et de la nature de sa responsabilité potentielle2. AUTRES RECOURS Le recours en oppression et la demande d’injonction viennent compléter l’arsenal des moyens ou recours pouvant être exercés contre les administrateurs. _________________________________________ 1 Code criminel du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-46. 2 « L’administrateur de société : questions et réponses ». lavery.ca/pme/gouvernance-entreprise.html Responsabilité environnementale des administrateurs et dirigeants Katia Opalka Plusieurs lois fédérales et provinciales en vigueur au Québec rendent les administrateurs et dirigeants de sociétés personnellement responsables en cas de violations de normes environnementales par ces dernières. Les entreprises peuvent faire face à des ordonnances de caractérisation et de réhabilitation des terrains contaminés. Sous certaines conditions, ce genre d’ordonnance peut viser les administrateurs et dirigeants à titre personnel. L’État peut également refuser d’émettre ou de renouveler des autorisations environnementales au motif qu’un administrateur ou dirigeant de la société ou d’une société liée ou d’un prêteur de la société aurait contrevenu à la loi ou été reconnu coupable d’évitement fiscal dans les cinq dernières années. Dans ce billet, nous examinerons quelques dispositions clés. Ensuite, nous passerons en revue quelquesunes des mesures à mettre en place pour pallier le risque que posent ces lois, afin d’éviter, notamment, que ce risque ne fasse obstacle au recrutement et à la rétention d’administrateurs et dirigeants. La Loi sur la qualité de l’environnement (LQE ou Loi) du Québec crée une présomption : lorsqu’une société est reconnue coupable d’une infraction à la Loi, les administrateurs et dirigeants sont présumés coupables de celle-ci à moins d’établir qu’ils ont fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration. Dans le cas d’une société de personnes, tous les associés, à l’exception des commanditaires, sont présumés être les administrateurs de la société en l’absence de toute preuve contraire désignant l’un ou plusieurs d’entre eux ou un tiers pour gérer les affaires de la société. Lorsqu’un administrateur ou dirigeant commet une infraction, les montants minimal et maximal de l’amende prévus à la Loi pour les particuliers (min. 1 000 $/max. 1 000 000 $) sont portés au double. Les administrateurs et les dirigeants d’une personne morale qui est en défaut de payer un montant dû au ministre en vertu de la LQE ou de ses règlements sont solidairement tenus, avec celle-ci, au paiement de ce montant, à moins qu’ils n’établissent avoir fait preuve de prudence et de diligence pour prévenir le manquement qui a donné lieu à la réclamation. Pour ce qui est des ordonnances de caractérisation et de décontamination, un administrateur ou dirigeant peut faire l’objet d’une telle ordonnance s’il a eu la garde ou le contrôle du terrain en question à moins d’établir : qu’il ne connaissait pas et n’était pas en mesure de connaître, eu égard aux circonstances, aux usages ou au devoir de diligence, la présence de contaminants dans le terrain; que, connaissant la présence de contaminants dans le terrain, il a agi, dans la garde de ce terrain, en conformité avec la loi, notamment dans le respect de son devoir de prudence et de diligence; ou que la présence des contaminants dans le terrain résulte d’une migration en provenance de l’extérieur du terrain et dont l’origine est imputable à un tiers. Pour se prémunir contre le risque de responsabilité environnementale, les administrateurs et dirigeants d’entreprises doivent veiller au bon fonctionnement du système de gestion environnementale. Ils ont également intérêt à évaluer l’opportunité de souscrire une assurance pollution pour couvrir les risques qui sont exclus aux termes des polices administrateurs/ dirigeants générales.
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Terrains contaminés : le recours en vice caché
La dénonciation et la prescriptionLe propriétaire foncier qui découvre sur son terrain une contamination des sols causée par un ancien réservoir de mazout songera peut-être à poursuivre celui qui lui a vendu la propriété. Mais sur quelle base? Nous traiterons ici de la possibilité d’invoquer une violation de la garantie de qualité prévue à l’article 1726 du Code civil du Québec en vue de faire annuler la vente ou ordonner une réduction du prix d’achat. La décision récente de la Cour supérieure dans l’affaire De La O c. Sasson1 nous rappelle deux critères importants. Dans un premier temps, celui qui découvre un vice caché doit le dénoncer au vendeur à l’intérieur d’un délai raisonnable à compter de sa découverte. Cependant, pour qu’une dénonciation tardive mène au rejet d’une action, il revient à celui qui invoque ce motif d’établir qu’il a subi un préjudice du fait de la tardiveté de la dénonciation. Par ailleurs, on nous rappelle que même en matière de sols contaminés, où il n’est pas toujours facile d’identifier le moment où l’acquéreur a eu connaissance du vice, il ne faut pas tarder à agir sinon le recours sera prescrit. Afin d’avoir gain de cause, celui qui prétend qu’un bien est atteint d’un vice caché doit convaincre le tribunal que les conditions qui donnent ouverture à ce recours sont réunies. Bien qu’il n’ait pas à prouver que le vendeur a été fautif ou que l’existence du vice contrevient à une clause dans le contrat de vente de l’immeuble, l’acquéreur devra tout de même établir ce qui suit : le bien est atteint d’un vice le vice est grave le vice lui était inconnu au moment de la vente et il n’était pas apparent le vice est antérieur à la vente En supposant que l’acheteur réussisse à établir qu’il s’agit bel et bien d’un vice caché au sens du Code civil, il devra également convaincre le juge qu’il a dénoncé le vice au vendeur à l’intérieur d’un délai raisonnable et qu’il a intenté son recours dans les trois ans. Dans les deux cas, c’est la découverte du vice par l’acquéreur qui fait partir le compteur. Dans l’affaire De La O, la vente a eu lieu en 2006, la contamination a été découverte peu après (forte odeur d’hydrocarbure dans une salle de rangement, odeur qui est apparue lorsque la salle a été vidée pour nettoyage) et le recours a été intenté en 2012, soit seulement après que l’acquéreur eut fait faire une expertise des sols. Sur la question du moment de la découverte de la contamination, le juge Daniel W. Payette a évalué les éléments de preuve, notamment le témoignage de l’acheteur, puis a conclu : [30] Le Tribunal retient que l’Acheteur a perçu une odeur de mazout persistante dès 2006, que cette odeur constitue une première manifestation tangible de la contamination du sol de l’immeuble, que l’Acheteur est conscient de cette possibilité et qu’il s’en inquiète, mais que, pour des raisons qui sont les siennes, il n’en avise pas les vendeurs, ne les poursuit pas et ne prend aucune mesure pour résoudre le problème. Dans cette affaire, le demandeur croyait peut-être que seuls des tests en laboratoire pouvaient servir à prouver un vice caché en matière de sols contaminés. C’est peut-être pour cela qu’il a attendu d’avoir un rapport d’expertise en main avant de dénoncer le vice aux vendeurs et ensuite intenter son recours. Or, selon le tribunal, bien que ce genre d’analyse puisse s’avérer nécessaire pour prouver l’existence du vice, l’action en justice, elle, doit être déposée dans les trois ans qui suivent le moment où le vice se manifeste pour la première fois. Dans Lavoie c. Comtois,2 le juge André Rochon, alors à la Cour supérieure, a décrit ce moment comme étant celui où des indices perceptibles pour un profane susciteraient une inquiétude chez une personne prudente et diligente. En l’occurrence, la perception de l’odeur de mazout constituait la première manifestation du vice dont le demandeur a eu conscience et cela a suffi pour faire courir la prescription triennale à partir de cette date. Les défendeurs ont également prétendu que l’absence de dénonciation du vice pendant six ans à compter de la découverte de la contamination devrait mener au rejet de l’action. En écartant ce motif, le tribunal a rappelé que la dénonciation ne doit pas être confondue avec une mise en demeure : si l’on ne peut intenter une action en justice sans préavis, le retard dans la dénonciation ne fait obstacle à un recours pour vice caché que si le défendeur en a subi un dommage. Il reviendra au juge d’instance d’évaluer les conséquences d’un tel retard sur la base de la preuve au dossier. _________________________________________ 1 2015 QCCS 713 (CanLI). 2 J.E. 2000-40.
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Bulletin d’information juridique à l’intention des entrepreneurs et des décideurs, Numéro 24
SOMMAIRE La vente d’entreprise Préparer sa vente d’entreprise : le dossier environnement La vente d’entreprise Valérie Boucher et Catherine Méthot Au cours de son existence, une entreprise peut faire l’objet d’une ou de plusieurs ventes, tant par le biais de la vente de ses actions que de celle de ses éléments d’actif. Bien que chaque vente d’entreprise soit unique, un certain schéma de base est généralement suivi. Les principales étapes d’une vente d’entreprise sont l’entente de confidentialité, la lettre d’intention, la vérification diligente et la convention d’achat. ENTENTE DE CONFIDENTIALITÉ Dans le cadre de leurs discussions et négociations, les parties doivent s’assurer, avant d’échanger des informations, renseignements, documents et autres matériels qui ne sont généralement pas connus du public (les « renseignements confidentiels »), que la confidentialité de ces renseignements est protégée et qu’ils ne sont utilisés qu’aux fins d’évaluer l’opportunité de conclure une transaction. Assurer la confidentialité implique de ne pas divulguer, volontairement ou par négligence, les renseignements confidentiels à des tiers, de ne pas les utiliser pour son propre compte ou celui d’un tiers, de prendre les mesures requises pour en protéger la confidentialité, de les remettre ou les détruire à la demande de la partie divulgatrice, de ne pas en prendre ou en conserver de copie et d’informer promptement la partie divulgatrice si un tribunal ou une autorité gouvernementale requiert de la partie réceptrice des renseignements confidentiels que ceux-ci lui soient divulgués. LETTRE D’INTENTION La conclusion d’une lettre d’intention (que les parties peuvent appeler accord de principe, protocole d’entente, lettre d’offre) ou la présentation d’une offre d’achat peut servir, notamment, à s’assurer du sérieux de l’autre partie, à résumer la compréhension des parties à un certain stade des discussions, à obtenir l’exclusivité de négociation, à obtenir le financement requis pour réaliser la transaction, ou encore à encadrer les négociations, prévoir un échéancier et les responsabilités de chaque partie. Le document signé par les parties peut aller de la simple expression d’intérêt, sans obligation de conclure l’opération visée par la lettre d’intention, à un accord ferme et contraignant pour les parties. À noter que certaines dispositions contenues dans la lettre d’intention seront toujours contraignantes, par exemple, les clauses de confidentialité et d’exclusivité, la date d’expiration et la clause de droit applicable. VÉRIFICATION DILIGENTE Une bonne vérification diligente est l’un des éléments clés pour réussir une vente d’entreprise. Grâce à cette vérification diligente, un acquéreur éventuel pourra obtenir un portrait précis de l’entreprise cible, évaluer les risques de la transaction, évaluer les synergies possibles entre les entreprises, établir le plan d’intégration suite à la clôture de la transaction, établir la liste de correctifs à apporter avant la clôture, le cas échéant, préparer une offre d’achat qui reflète bien la situation, aller de l’avant avec une convention d’achat, ou autrement se retirer des négociations. Pour sa part, le vendeur voudra s’assurer de présenter son entreprise sous un jour favorable tout en divulguant les éléments de risque afin de limiter sa responsabilité éventuelle. Une vérification préalable effectuée par le vendeur lui permettra d’atteindre ces objectifs plus facilement tout en conservant sa crédibilité face à l’acquéreur éventuel. De manière générale, la vérification diligente permet aux parties et à leurs conseillers de négocier et de rédiger une convention d’achat contenant les divulgations appropriées du vendeur et prévoyant un partage des risques adéquat entre les parties. Outre l’aspect légal de la vérification diligente, une vérification diligente complète comporte également des éléments comptable, opérationnel, technique et technologique requérant la mise à contribution d’une équipe multidisciplinaire. Les documents habituellement révisés par les conseillers juridiques de l’acquéreur sont ceux relatifs au statut corporatif du vendeur ou de l’entreprise cible, à ses contrats, aux biens dont l’entreprise est propriétaire ou locataire (tant meubles qu’immeubles), aux assurances, aux employés et à leurs conditions de travail, à la propriété intellectuelle, aux litiges en cours ou éventuels, au financement obtenu et aux permis, licences ou autorisations utilisés dans l’exploitation de l’entreprise. La vérification diligente effectuée peut varier selon la structure de transaction envisagée : par exemple, dans le cadre d’une vente d’actions, l’acquéreur éventuel voudra effectuer une revue complète des livres de procès-verbaux de l’entreprise, tandis que ce ne sera pas nécessaire pour une acquisition d’éléments d’actif. Finalement, outre la vérification des documents fournis par le vendeur, l’acquéreur éventuel peut effectuer certaines vérifications indépendantes auprès d’organismes gouvernementaux et différents registres publics (Commission des normes du travail, Commission de la santé et de la sécurité du travail, Commission de l’équité salariale, Agence du revenu du Canada et Agence du revenu du Québec, ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, municipalités, plumitifs (dossiers des tribunaux québécois), Registre foncier, Registre des droits personnels et réels mobiliers, etc.). CONVENTION D’ACHAT La convention d’achat est le contrat par lequel le vendeur cède à l’acquéreur et l’acquéreur acquiert du vendeur la propriété de l’entreprise, qu’il s’agisse d’une acquisition d’actions ou d’une acquisition d’éléments d’actif. La convention d’achat doit décrire l’objet de la transaction : dans le cadre d’une vente d’actions, le nombre et la catégorie d’actions vendues, le nom de chaque vendeur s’il y en a plus d’un et la description exacte des actions vendues par chacun d’entre eux. Dans le cas d’une acquisition d’éléments d’actif, la convention peut soit indiquer l’intention générale des parties de procéder à la vente et à l’acquisition de l’ensemble des biens de l’entreprise et indiquer spécifiquement la liste de biens exclus de la transaction, soit à l’inverse, énumérer correctement et entièrement les biens vendus dans la convention ou ses annexes. La convention visant l’achat d’éléments d’actif doit aussi indiquer clairement les obligations et responsabilités de l’entreprise cible conservées par le vendeur et celles assumées par l’acheteur. L’élément central de cette convention est la liste des déclarations et garanties données par le vendeur et les engagements d’indemnisation s’y rapportant ( incluant les limites de ces engagements!). CONVENTIONS ACCESSOIRES Outre la convention d’achat, certaines conventions accessoires peuvent être conclues lors d’un transfert d’entreprise, notamment une convention de services ou d’emploi, une convention de nonconcurrence et de non-sollicitation ou une convention entre actionnaires. Lorsqu’un acquéreur souhaite que certaines personnes occupant des postes clés dans l’entreprise du vendeur continuent à occuper ces postes, pour une durée plus ou moins longue, il peut choisir de conclure une convention de services ou un contrat d’emploi avec ces personnes. Le choix du type de convention dépend du genre de services rendus et du niveau d’implication dans l’entreprise qui est attendu après la clôture de la transaction. Également, un acquéreur prudent et diligent exigera généralement que le vendeur et certains employés clés de son entreprise prennent des engagements de non-concurrence et de non-sollicitation. L’engagement de non-concurrence est un engagement à ne pas exercer certaines activités décrites à la convention, doit avoir une durée précise et s’appliquer sur un territoire déterminé, tandis que l’engagement de non-sollicitation empêche le vendeur de recruter les employés de l’entreprise vendue et de solliciter les clients de celle-ci au détriment de l’acquéreur. Finalement, les parties peuvent souhaiter conclure une convention entre actionnaires dans un contexte d’acquisition d’entreprise, notamment entre les différents actionnaires de l’acquéreur ou entre les différents acquéreurs, ou encore entre le vendeur et l’acquéreur lorsque le vendeur ne cède pas la totalité de ses actions. Comme nous venons de le voir, la vente d’entreprise est un exercice qui exige beaucoup de préparation, de vérification, de temps et d’implication de la part des parties. C’est pourquoi il est primordial, tant pour le vendeur que pour l’acquéreur, de s’entourer d’une équipe de travail capable de mener à bien la transaction. Cette équipe peut inclure, en plus des conseillers juridiques responsables des aspects légaux de la transaction, des membres de la direction, certains spécialistes à l’interne (ressources humaines, technologies de l’information, responsables de l’intégration, etc.), un conseiller financier ou un comptable externe. Préparer sa vente d’entreprise : le dossier environnement Katia Opalka Tout courtier immobilier vous dira qu’il existe un certain nombre de règles de base à suivre lorsqu’on se prépare à vendre sa maison. Il en est de même pour une entreprise. Cet article fait le tour des principales questions environnementales à aborder bien avant qu’elles ne soient posées par un éventuel acquéreur. QUAND DOIS-JE COMMENCER À ME PRÉPARER ? Côté environnemental, vous devriez toujours « être prêt ». Votre entreprise doit avoir un système de gestion environnementale qui fonctionne bien. Gérer ses affaires en environnement veut dire que l’on connaît le niveau de risque environnemental associé à l’entreprise et qu’en fonction de l’importance de celui-ci, on a déployé un système pour y faire face. Un acquéreur qui se demande comment votre entreprise gère le risque environnemental aura sa réponse sur le champ : l’environnement relève de telle personne; celle-ci fait rapport au conseil d’administration de nos besoins environnementaux en matière de main-d’oeuvre, formation, achat d’équipement, recherche et développement, dépenses en capital, assurances environnementales, etc. Voici son budget. Voici les dossiers en cours (non-conformités constatées, plaintes des voisins, exigences environnementales assumées volontairement, etc.). (Astuce : avoir un certificat de localisation à jour). QUELLES SERONT LES ATTENTES DE L’ACQUÉREUR EN MATIÈRE ENVIRONNEMENTALE ? L’acquéreur voudra savoir que la direction d’entreprise est au courant de ses responsabilités juridiques en matière environnementale et qu’elle s’en acquitte. Normalement, il voudra également savoir si le terrain de l’entreprise risque d’être contaminé. Si oui, il voudra peut-être faire faire des analyses de sol et d’eau souterraine et exiger la décontamination comme condition de vente. Souvent, ces conditions découlent des exigences posées par ceux à qui l’acquéreur demande de financer l’acquisition. Ces derniers hésiteront à prendre en garantie un terrain contaminé. Il est à noter que l’absence d’information sur les questions environnementales, loin de rassurer l’acquéreur, risque de l’inquiéter. On pense au propriétaire d’une usine qui ne détient aucun permis environnemental, n’a affecté personne au dossier de l’environnement, et qui répond « non applicable » à toutes les questions de l’acheteur portant sur la conformité environnementale; pas rassurant. Il faut montrer qu’on s’est posé la question et que si, de fait, on n’est sujet à aucune exigence environnementale, on est en mesure d’expliquer pourquoi. JE SUIS AU COURANT D’UNE SITUATION PROBABLEMENT NON CONFORME. QUE DOIS-JE FAIRE ? Dans le cadre de la vente d’une entreprise, l’acheteur sera normalement attiré par le chiffre d’affaires de la cible, ou par son produit novateur, ou l’excellence de son personnel. En ce qui a trait au volet environnemental, habituellement, il ne s’attendra pas à la perfection. Il s’agit d’être honnête et de divulguer les problèmes dont on a connaissance, même lorsqu’on est incertain de la nature ou de l’ampleur du problème. Bien sûr, comme c’est le cas lorsqu’on vend sa maison, il est toujours mieux, dans la mesure du possible, de régler les problèmes avant de passer aux « portes ouvertes ». EST-CE QUE MON ENTREPRISE A DES ENGAGEMENTS DE NATURE ENVIRONNEMENTALE ENVERS DES TIERS ? Si j’entends vendre les actions de mon entreprise, l’acquéreur sera lié par mes engagements contractuels. Il voudra bien sûr savoir à l’avance de quoi il s’agit, ce que cela représente en termes financiers et quels sont les risques qui y sont associés. À titre d’exemple, on peut penser à une entreprise qui a accepté de participer à une initiative de développement durable lancée par une association industrielle. Cette initiative comporte des engagements, dont celui de consulter la communauté sur ses projets, de réduire son empreinte carbone, etc. L’acquéreur voudra savoir s’il s’agit d’un engagement d’aller au-delà de ce que la loi exige, jusqu’à quel point, et s’il en découle un quelconque risque sur le plan juridique ou financier. MON ENTREPRISE N’EST PAS DU TOUT POLLUANTE. POURQUOI ME SOUCIER DU RISQUE ENVIRONNEMENTAL ? Il est vrai que certains secteurs ( industrie lourde, exploitation et extraction des ressources naturelles, gestion des matières résiduelles, infrastructure) revêtent une composante environnementale plus importante que d’autres. Il demeure que toute entreprise devrait se poser les questions suivantes : est-ce que le ou les endroit(s) où se déroule(nt) mes activités risque(nt) d’être contaminé(s) (eau souterraine; eau de consommation; sol; air intérieur)? Avons-nous un système de gestion des produits dangereux (nettoyants, gaz, etc.) et des déchets ? Est-ce que certains de mes fournisseurs font face à des risques environnementaux qui pourraient nuire à ma chaîne d’approvisionnement ou à l’image de l’entreprise ? Y a-t-il des normes environnementales à l’horizon dans les marchés d’exportation qui me forceront à changer mes intrants ou mon procédé ? Cela peut surprendre, mais l’acheteur demande parfois qu’une représentation (une promesse contractuelle ) du vendeur à l’effet qu’il n’y en a pas soit spécifiquement prévue dans la convention de vente. J’AI DES PERMIS ENVIRONNEMENTAUX. L’ACQUÉREUR DEVRA-T-IL OBTENIR LES SIENS ? Cela dépend du permis en question, chacun étant assujetti à un régime juridique spécifique. Cela dit, en règle générale, dans le cadre d’une vente d’éléments d’actif il faut transférer les permis, tandis que dans le cadre d’une vente d’actions, l’acquéreur prendra la place du vendeur au niveau des permis. Notez, par ailleurs, qu’il est presque impossible de transférer un permis qui n’est pas à jour ou par rapport auquel l’entreprise n’est pas conforme (d’où l’importance d’être prêt ! ). Aussi, sachez que l’obtention et le transfert de permis peuvent prendre plusieurs mois. LORSQUE J’AI ACHETÉ LE TERRAIN, ON M’A DONNÉ UN PAQUET DE RAPPORTS ENVIRONNEMENTAUX, MAIS JE NE LES AI PAS LUS. Dans un tel cas, on peut toujours les remettre à l’acheteur en lui disant exactement ce qui s’est passé : on les a eus et on ne les a pas lus. Cela évite qu’on vous reproche d’avoir caché quoi que ce soit à l’acquéreur. En même temps, ce dernier, les ayant lus, choisira peut-être de ne pas procéder à la transaction, ou il en profitera pour demander une réduction du prix d’achat. Mieux vaut faire lire les rapports par un avocat qui pratique dans ce domaine et qui saura vous conseiller à leur égard, pour avoir un plan de match avant d’aborder les questions soulevées dans ces rapports avec l’acquéreur. NOUS AVONS REÇU DES PLAINTES DE TEMPS À AUTRE, MAIS ELLES NE SONT PAS FONDÉES. L’acquéreur voudra savoir si l’entreprise fait l’objet de réclamations. Souvent, le mot « plainte » figure dans la définition de « réclamation » au contrat de vente. On vous demandera de faire état de toute réclamation reçue par l’entreprise. Il est prudent de divulguer la plainte en se limitant à décrire les faits s’y rapportant (date, circonstances). L’acquéreur qui voudra en savoir davantage reviendra à la charge. Vous pourrez alors répondre à ses questions tout en évitant de formuler des hypothèses. Lorsque vous ne connaissez pas la réponse à une question, vous êtes en droit de le dire. ON AVAIT QUELQU’UN QUI S’OCCUPAIT DE SANTÉ/SÉCURITÉ/ ENVIRONNEMENT (SSE), MAIS IL EST PARTI IL Y A DEUX ANS ET NOUS NE L’AVONS PAS REMPLACÉ. La bonne nouvelle c’est que vous aviez quelqu’un. En même temps, il faudra trouver une bonne façon d’expliquer pourquoi cette personne n’a toujours pas été remplacée après deux ans. Il faudra également trouver quelqu’un pour répondre aux questions de l’acquéreur sur les questions SSE, quitte à demander l’aide de la personne qui vous a quitté (si elle est partie à l’amiable). MAINTENANT NOUS N’AVONS QUE DEUX USINES, DONT UNE EN ONTARIO, AINSI QU’UN CENTRE DE DISTRIBUTION À PLATTSBURGH... Un acquéreur se réjouira d’apprendre que vous avez monté un dossier lui permettant de se faire une idée rapidement de toutes les installations dont l’entreprise est (et dans le cas d’une vente d’actions, a déjà été) propriétaire ou locataire. Plus il y a d’installations (et de provinces ou d’États concernés), plus il est important de recueillir, colliger, et organiser l’information afin de faciliter la vérification environnementale qu’en fera l’acquéreur. Le mérite de cette approche est de montrer à ce dernier qu’on est sérieux et préparé, ce qui reflète bien sûr l’image et la valeur de l’entreprise.
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L’intrusion de vapeurs
Aux États-Unis, de nouvelles règles rendant obligatoire la prise en compte du risque d’intrusion de vapeurs dans le cadre de la réalisation d’une évaluation environnementale de site (EES) Phase I prendront effet prochainement. Les sociétés devraient dès maintenant passer en revue leur portefeuille immobilier afin de déterminer s’il y a des propriétés qui pourraient être à risque. Les financements hypothécaires et les ventes d’actifs au Canada seront vraisemblablement touchés par cette nouvelle norme de vérification diligente (qui comprend la vérification du risque d’intrusion de vapeurs) dans un avenir rapproché. CE DONT IL EST QUESTION La notion d’intrusion de vapeurs vise le cas où des sols ou de l’eau souterraine contaminés émettent des vapeurs qui migrent vers un terrain adjacent ou pénètrent à l’intérieur d’un bâtiment. Une EES Phase I est une étude dont le but est de déterminer si l’usage actuel ou passé d’un terrain ou d’un terrain avoisinant peut avoir contaminé les sols ou l’eau souterraine. Le chargé de projet passe en revue la documentation afférente à la propriété ainsi que les renseignements que renferment les registres gouvernementaux à son égard et effectue une inspection du site. S’il conclut que le terrain risque d’être contaminé, il en fait mention dans son rapport. Un échantillonnage des sols et de l’eau souterraine, pour analyse en laboratoire, peut s’ensuivre, dans le cadre d’une EES « Phase II ». CE QUE VOUS VOUS DEVEZ DE SAVOIR Lorsqu’on pénètre dans un sous-sol entouré de terre contaminée par des hydrocarbures — un dégât causé par un ancien réservoir souterrain d’huile à chauffage, par exemple — on sent normalement les vapeurs d’hydrocarbures. Celles-ci sont donc détectées par « olfaction » et notées par le chargé de projet dans le cadre d’une EES Phase I. Mais, il existe également des contaminants sans odeur, dont la présence à l’extérieur du bâtiment et dans l’air intérieur ne peut être confirmée qu’au moyen d’équipements spécialisés. On exigera dorénavant du chargé de projet qu’il se prononce à l’égard du risque que de tels contaminants soient présents. Dans l’affirmative, il recommandera un échantillonnage de l’air intérieur. Cette analyse n’est pas sans difficulté, car les substances détectées pourraient être dégagées par des objets qui se trouvent dans le bâtiment lui-même et non dans le sol ou l'eau souterraine. Évidemment, ce n’est pas parce qu’on ne peut sentir une substance qu’elle n’est pas présente; le trichloroethylène que l’on retrouve dans des solvants en est un exemple. Les solvants sont notamment associés au nettoyage à sec car ils servent à enlever les taches. Ils continuent à être utilisés dans toutes sortes d’applications industrielles, notamment où on doit laver des planchers, murs, équipements, camions et autres objets qui sont enduits de graisse. Ils sont présents dans de nombreux sites contaminés à l’échelle planétaire et, dans bien des cas, la contamination n’a pas encore été détectée. Les terrains contaminés par des solvants sont plus difficiles à décontaminer que ceux affectés par des hydrocarbures. La décontamination est souvent une opération de longue haleine et très dispendieuse. Qui plus est, ces terrains sont source d’inquiétude en ce qui concerne la santé humaine en raison des effets possibles associés à l’exposition (inhalation, eau de consommation, etc.) aux contaminants qui ont pénétré les immeubles. Aux États-Unis, certains États prélèvent une taxe sur le nettoyage à sec afin de contribuer au financement de la réhabilitation des terrains contaminés par des solvants. POURQUOI C’EST IMPORTANT Aux États-Unis, l’acquéreur d’un terrain à des fins commerciales devra faire une EES Phase I afin de s’acquitter de l’obligation de vérification diligente qui lui est imposée, selon les critères de « all appropriate inquiries ». En ajoutant l’intrusion de vapeurs à la liste des éléments dont les acquéreurs doivent s’enquérir, on les forcera dorénavant à affronter le risque dans le cadre de leur vérification diligente préachat au lieu de déposer des poursuites après coup. Cela aura des effets sur les opérations commerciales. L’exigence de se satisfaire de l'existence d’un risque d’intrusion de vapeurs, exigence qui ne tardera pas à faire son apparition au Canada, aura des incidences dans les domaines suivants : environnement,assurances, litige civil et commercial, financement, fusions et acquisitions, et valeurs mobilières. Elle se traduira par une augmentation du risque juridique dans les domaines du droit pénal (environnement, santé et sécurité) et civil (contractuel et délictuel, avec et sans faute). Par ailleurs, si une contamination est confirmée, cela aura une incidence sur la valeur de la propriété et parfois même de l’entreprise, exposant de ce fait les administrateurs et dirigeants à des ordonnances de décontamination à titre personnel et à d’autres types de réclamations. Le Conseil canadien des ministres de l’environnement vient de publier un « Protocole d’élaboration de recommandations pour la qualité des vapeurs des sols en vue de prévenir leur inhalation par l’humain. » Quelques provinces ont émis des documents d’orientation à ce sujet. Il est à prévoir que les nouvelles règles pour la Phase I aux États-Unis ne tarderont pas à être intégrées à la norme Z768-01 de CSA au Canada, avec le résultat qu’à plus ou moins long terme, la découverte de terrains contaminés par des substances difficiles à éliminer ira en augmentant, menant à des problèmes lors de vente de terrains et de financement des opérations commerciales, à une augmentation dans le passif environnemental à inscrire aux états financiers et enfin à des risques financiers et légaux accrus pour les sociétés et les particuliers. La prudence est donc de mise!
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Cacher des rapports environnementaux : une affaire risquée
Une décision récente de la Cour d’appel de l’Ontario porte sur un litige qui illustre de façon exemplaire les multiples problèmes que peut causer la présence de contamination sur le terrain d’un centre d’achats. Tous les intervenants dans le cadre d’une vente d’entreprise y trouvent leur compte. S’il y a une leçon à tirer de cette affaire, c’est qu’avant d’accepter les risques associés à un terrain contaminé, il convient de les connaître. LES FAITS Nous relaterons les faits en détail afin de faciliter la compréhension de nos conclusions. Pour ce qui est des parties au litige, « Sumra » et « Yang » sont les dirigeants de « compagnies à numéros ». Yang et sa société sont les demandeurs. Les défendeurs sont l’ancienne avocate de Yang, Sumra, et la société de Sumra. Nous utilisons les noms des dirigeants afin de faciliter la lecture du texte. ACHAT DE LA PROPRIÉTÉ SANS ÉTUDE ENVIRONNEMENTALE Sumra se porte acquéreur d’un centre d’achats à Ottawa en 1997. Aucun rapport environnemental n’est demandé par son prêteur hypothécaire. À cette même époque Yang, qui possède un doctorat en chimie et vient d’arriver d’Australie, se lance en affaires et fait l’achat et la vente de plusieurs terrains et commerces dans la région d’Ottawa. ÉTUDE PHASE I POUR OBTENIR LE RENOUVELLEMENT DE L’HYPOTHÈQUE En 2003, l’hypothèque de Sumra doit être renouvelée. Le prêteur demande qu’une étude environnementale de type Phase I soit réalisée pour le site. La société AMEC est engagée pour faire une inspection visuelle des lieux et réviser la documentation disponible concernant l’historique de l’utilisation de la propriété. Le rapport d’AMEC signale la présence antérieure d’une entreprise de nettoyage à sec sur les lieux. Le nettoyage à sec est une source notoire de contamination de l’eau souterraine en raison de fuites et de déversements de produits chimiques survenus à une époque où l’on ne se préoccupait pas de la dangerosité de ceux-ci pour l’environnement et la santé humaine. Cependant, ce commerce aurait - sans que cela ne soit confirmé - utilisé un système de nettoyage à circuit fermé et le rapport conclu qu’AMEC n’a recensé aucun risque environnemental qui justifierait de procéder à une caractérisation du terrain, c’est-à-dire prélever des échantillons de sol ou d’eau souterraine pour analyse en laboratoire. La banque accepte le rapport Phase I d’AMEC et approuve le prêt. L’avocat de Sumra garde une copie du rapport au dossier. En 2005 Sumra met la propriété en vente. PREMIER ACQUÉREUR POTENTIEL ET DÉCOUVERTE DE LA CONTAMINATION Un acquéreur potentiel engage la société Paterson pour réaliser une évaluation environnementale Phase I sur la propriété du centre commercial. Au terme de celle-ci, Paterson recommande qu’un forage soit réalisé à l’emplacement de l’ancien nettoyeur afin de prélever du sol et de l’eau souterraine pour analyse en laboratoire. Le sol prélevé rencontre les normes mais l’échantillon d’eau souterraine affiche un dépassement dans la concentration de perchloroethylène (PERC), un produit chimique associé aux opérations de nettoyage à sec. Paterson recommande de procéder à des forages additionnels afin de circonscrire la zone d’impact. L’acquéreur potentiel se désiste. ACQUÉREUR POTENTIEL 2 ET FORAGES ADDITIONNELS Un deuxième acquéreur potentiel se présente. Sumra paie la moitié du prix du premier rapport de Paterson afin que le premier acquéreur potentiel lui permette de s’en servir. Le rapport est divulgué au deuxième acquéreur potentiel. Sumra donne suite à la recommandation de Paterson et engage cette société pour réaliser des forages additionnels. Le PERC dans l’eau souterraine dépasse les critères applicables dans trois des cinq forages additionnels. Paterson est d’avis que la contamination présente un risque important de responsabilité mais qu’elle ne pose pas de risque pour la santé des occupants de l’immeuble ou pour l’environnement. Appelée à fournir un estimé des coûts de décontamination, Paterson souligne qu’il n’est pas possible de les chiffrer avec exactitude sur la base des renseignements disponibles, mais que pour fins de discussions, un budget de $100,000 à $150,000 serait à prévoir. Le deuxième acquéreur potentiel se désiste. Le courtier immobilier avise Sumra que les rapports environnementaux devront être divulgués à tout acquéreur potentiel subséquent et qu’aucune banque ne financera l’acquisition du centre d’achats tant que le problème environnemental ne sera pas réglé. L’affiche « à vendre » est enlevée et le courtier ne présente plus d’acquéreurs potentiels à Sumra. YANG ACHÈTE LA PROPRIÉTÉ ET FAIT SEMBLANT D’IGNORER LA QUESTION ENVIRONNEMENTALE C’est alors que Yang s’intéresse à la propriété. Cet homme d’affaires aguerri fait appel aux services d’une avocate d’Ottawa qui travaille à son compte depuis plusieurs années et a l’habitude de lui fournir du soutien dans le cadre d’opérations immobilières et autres. Yang a déjà acheté un terrain qu’il savait contaminé. Il avait alors eu recours à un financement privé pour éviter les exigences environnementales d’une banque. Yang demande et obtient une réduction du prix de vente de l’ordre de $200,000. Après avoir fait fi des conseils de son avocate, qui lui recommandait de faire effectuer ses propres études environnementales (et lui a fait signer une renonciation à cet égard), les conditions de clôture sont levées et l’opération est conclue. LE VOISIN POURSUIT YANG Selon Yang, ce n’est qu’en 2009, après qu’un voisin ait intenté un recours pour troubles de voisinage contre Yang au motif que de la contamination provenant du centre d’achats aurait migré sur son terrain, que Yang s’intéresse à la question environnementale. Il engage Paterson pour proposer différentes options pour la réhabilitation du site. Selon l’échéancier disponible, celles-ci vont de l’atténuation naturelle (solution multi-années, coût 0$) à l’excavation des sols contaminés (solution instantanée, coût $1.7M). YANG PRÉTEND QU’IL N’AURAIT JAMAIS ACHETÉ ET POURSUIT SON AVOCATE, SUMRA ET SA SOCIÉTÉ Devant cet exposé des faits, il est évident que la question principale en litige lorsque Yang a voulu réclamer des dommages à Sumra et à sa propre avocate était celle de savoir si le demandeur disait la vérité lorsqu’il a prétendu ne pas avoir été mis au courant de la situation environnementale des lieux avant 2009. RETOUR À LA CASE DE DÉPART Voici le texte de la condition environnementale contenue à l’offre d’achat (subséquemment l’annexe A du contrat d’achat vente) [notre traduction]: Cette offre est conditionnelle à ce que l’acquéreur s’assure, à ses propres frais : que toutes les lois et règlements en matière environnementale sont respectés, qu’aucune situation ou matière dangereuse n’est présente sur la propriété, qu’aucune contrainte ou restriction n’existe qui puisse affecter l’utilisation de la propriété sauf celles mentionnées expressément aux présentes, qu’il n’y a aucun litige en cours en matière environnementale, ni d’ordonnance, d’enquête, d’avis ou de poursuite du ministère de l’environnement à l’égard de questions environnementales, que le site n’a jamais servi à des fins d’élimination de matières résiduelles et que toutes les autorisations applicables sont en vigueur. Le vendeur convient de fournir à l’acquéreur sur demande tout document, dossier et rapport en matière environnementale en sa possession. Le vendeur autorise également le courtier immobilier à remettre à l’acquéreur, son courtier ou son avocat, tout renseignement qui se trouve au dossier du ministère concernant la propriété vendue. À moins que l’acquéreur n’avise le vendeur par écrit livré au vendeur au plus tard à 20h00 le 26 novembre 2005 que la condition préalable a été satisfaite, cette offre deviendra caduque et sans effet et le dépôt sera intégralement rendu à l’acquéreur sans déduction. Cette condition est stipulée en faveur de l’acquéreur et peut être levée à la seule discrétion de ce dernier par avis écrit donné au vendeur dans le délai ci-haut mentionné. À la lecture de ce paragraphe, on constate que la très longue première phrase contient la liste des déclarations en matière environnementale normalement faites par le vendeur. Ici, la clause est formulée de façon à transférer le risque à l’acquéreur. C’est ce dernier qui doit s’assurer du respect des lois et règlements en matière environnementale; le vendeur ne garantit rien. Ce qui importe également de noter, c’est que ce genre de clause est normalement libellé de façon à exiger que le vendeur fournisse à l’acquéreur potentiel tous les dossiers en environnement en sa possession ou sous son contrôle. Ici, les dossiers seront fournis « sur demande ». Ainsi, le vendeur ne cache rien à l’acheteur, mais il revient à l’acheteur de faire les premiers pas. Il s’agit selon nous d’une situation où les parties souhaitaient faire semblant que les démarches habituelles en matière de vérification diligente environnementale avaient été effectuées sans pour autant consigner par écrit quoique ce soit qui indiquerait la connaissance de l’acquéreur de la situation environnementale des lieux. Or, cette approche a mené à des conséquences fâcheuses de part et d’autre lorsqu’un tiers à poursuivi Yang en raison de la migration de la contamination. Examinons la situation de plus près pour ensuite dresser la liste des leçons qu’on peut tirer de cette affaire. Aux termes de la première phrase de la condition environnementale, Yang devait s’assurer de la situation environnementale des lieux. À titre d’homme d’affaires pratique et pressé, Yang a probablement accordé beaucoup de poids à la conclusion de Paterson suivant laquelle il n’existait pas de risque pour l’environnement ou la santé humaine. Aussi, d’un point de vue juridique, bien que les critères génériques étaient dépassés dans le cas de l’eau souterraine, en l’absence d’une obligation législative claire d’aviser le ministère de l’environnement et/ou de procéder à la décontamination en cas de découverte d’une contamination historique, un homme d’affaire pouvait conclure que les lois et règlements étaient « respectés » en ce sens que le terrain était non conforme mais pas nécessairement les agissements du vendeur à l’égard de celui-ci. L’objectif principal des parties devient alors de s’assurer que les renseignements générés par la firme Paterson ne tombent pas entre les mains d’un prêteur hypothécaire. Devant le tribunal, Yang a prétendu qu’il n’a jamais demandé à Sumra de lui fournir les dossiers environnementaux en sa possession, qu’il s’est fié à son avocate pour s’occuper de cet aspect de la vérification diligente, et que cette dernière ne lui aurait jamais parlé de rapports environnementaux. Il a également affirmé que s’il avait été mis au courant des conclusions de Paterson, il n’aurait jamais acheté la propriété. Pour sa part, l’avocate de Yang a prétendu ne pas avoir obtenu de son client le mandat de procéder à une quelconque vérification diligente (environnementale ou autre), ce qui explique qu’elle n’a pas demandé au vendeur de lui donner accès à ses dossiers environnementaux. Or, un évaluateur dont les services ont été retenus par Yang afin de demander un financement à la banque CIBC a obtenu une copie du rapport d’AMEC, qu’il a présenté à la banque. Celle-ci a accordé le financement sur la foi de ce rapport. Devant le tribunal, l’évaluateur n’a pu se souvenir de l’identité de la personne qui lui a fourni une copie du rapport d’AMEC. Après avoir entendu tous les témoignages, le tribunal conclut que Yang avait reçu les trois rapports environnementaux des mains de Sumra et qu’il les avait en sa possession bien qu’il n’en ait remis qu’un seul à l’évaluateur pour transmission à la banque. Il rejette le recours en dommages et intérêts de Yang contre son avocate et Sumra. LEÇONS À TIRER DE CETTE AFFAIRE Au Québec, il existe un cadre législatif qui exige que les terrains sur lesquels ont été menées des activités potentiellement polluantes soient caractérisés et décontaminés au besoin lors de la cessation des activités de l’entreprise ou lors d’un changement d’usage. Le nettoyage à sec ne figure pas dans la liste des activités visées que l’on retrouve dans un règlement adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement. Ainsi, si les terrains des anciens nettoyeurs sont caractérisés, c’est normalement à la demande des banques. Ceci étant dit, voici quelques constats découlant de l’affaire Sumra et Yang : La banque CIBC a été dupée. On peut se demander à quelle fréquence les prêteurs hypothécaires se font refiler des informations trompeuses concernant l’état des propriétés qu’ils acceptent en garantie de leurs prêts. En même temps, la découverte d’une contamination historique freine l’activité commerciale, forçant parfois les entreprises et les particuliers à se financer auprès de sources privées à des taux usuraires ou tout simplement faire faillite. Normalement ce ne sont que les entreprises dont les affaires vont bien qui ont les moyens de financer des travaux de réhabilitation. Yang a été trop cavalier dans son approche. Il a négocié une réduction du prix d’achat et n’avait aucunement l’intention de se servir de l’argent épargné pour régler le problème environnemental. Sumra aurait dû exiger par contrat qu’une somme équivalente à la réduction du prix de vente serve à cette fin. Les parties au contrat de vente croyaient probablement qu’elles avaient pensé à tout. Or, elles ont oublié de s’entendre sur ce qui arriverait en cas de réclamation d’un tiers. Un voisin, par exemple. Finalement, et comme les faits le démontrent de façon criante, aucun avocat possédant les connaissances nécessaires n’a été consulté dans ce dossier. L’avocate de Yang lui a fortement recommandé de faire effectuer ses propres études environnementales et elle a bien fait. Elle aurait également dû lui recommander de consulter un avocat exerçant dans le domaine de l’environnement pour s’assurer de bien comprendre les risques associés à l’achat d’un terrain contaminé et les moyens disponibles pour s’en prémunir. On peut être tenté de croire que la gestion du risque environnemental passe par la sélection de bons ingénieurs. Cela est vrai dans une certaine mesure seulement. Il peut être très risqué de demander à des sociétés conseils en environnement de générer des données et des rapports concernant l’état d’un terrain sans connaître les risques juridiques que cela comporte. La décision de se protéger par contrat ou par des travaux de décontamination dépend d’une série de facteurs qui varient d’un cas à l’autre. Trouver la solution optimale (temps, risque, coût, etc.) requiert la concertation de spécialistes dans les deux domaines, soit le droit et les sciences de l’environnement.
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Décision de la Cour suprême dans Tsilhqot’in : le titre ancestral et la common law
Le 26 juin 2014, la Cour suprême du Canada a rendu une décision confirmant le titre ancestral de la Nation Tsilhqot’in sur environ cinq pour cent de son territoire revendiqué en Colombie-Britannique. Cette décision revêt une grande importance, car il s’agit du premier jugement appliquant les critères jurisprudentiels de la reconnaissance d’un titre ancestral sur un territoire déterminé.LES DROITS ANCESTRAUXLa Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés. Parmi ces droits, il y a le droit de se livrer à des activités traditionnelles telles la chasse et la pêche, le droit à l’autodétermination, et le titre ancestral. Dans Tsilhqot’in, il est question de l’existence du titre ancestral, de ses attributs et des droits qu’il confère.RECONNAISSANCE DU TITRE ANCESTRALLa Cour suprême du Canada confirme que le titre ancestral dont jouit une Première Nation sur un territoire donné en raison de son occupation suffisante, continue et exclusive antérieure à l’affirmation de la souveraineté est préservé et doit être reconnu.Afin d’établir l’existence d’un titre ancestral, la Première Nation doit démontrer qu’elle jouissait de l’occupation suffisante, continue et exclusive du territoire revendiqué antérieure à l’affirmation de la souveraineté. Comme le rappelle la Cour : « La suffisance, la continuité et l’exclusivité ne sont pas des fins en soi, mais plutôt des façons de savoir si l’existence du titre ancestral est établie. »SUFFISANCE DE L’OCCUPATION. « L’utilisation régulière des terres pour la chasse, la pêche, la cueillette constitue une occupation « suffisante » pour fonder un titre ancestral dans la mesure où cette utilisation , eu égard aux faits de l’espèce, révèle une intention de la part du groupe autochtone de détenir ou de posséder les terres d’une manière comparable à celle exigée pour établir l’existence d’un titre de common law. ». La Cour suprême du Canada confirme que les groupes nomades ou semi-nomades peuvent établir l’existence d’un titre s’ils établissent une possession physique suffisante d’un territoire, ce qui constitue une question de fait.CONTINUITÉ DE L’OCCUPATION. La preuve requise pour établir la continuité de l’occupation du territoire revendiqué peut se faire au moyen de la preuve de la continuité entre l’occupation actuelle et l’occupation antérieure à la souveraineté, démontrant que l’occupation actuelle tire son origine de l’époque antérieure à l’affirmation de la souveraineté.EXCLUSIVITÉ DE L’OCCUPATION. L’occupation exclusive doit s’entendre au sens de l’intention et de la capacité de contrôler le territoire. Il s’agit d’une question de fait qui dépend de plusieurs facteurs tels les caracéristiques du groupe, la nature des autres groupes de la région et les caractéristiques du territoire en question.Concernant l’interprétation à donner à ces trois critères, la Cour se prononce ainsi :À mon avis, les concepts de suffisance, de continuité et d’exclusivité offrent un angle intéressant pour apprécier la question du titre ancestral. Cela étant dit, le tribunal doit veiller à ne pas perdre de vue la perspective autochtone, ou à ne pas la dénaturer, en assimilant les pratiques ancestrales aux concepts rigides de la common law, ce qui irait à l’encontre de l’objectif qui consiste à traduire fidèlement les droits que possédaient les Autochtones avant l’affirmation de la souveraineté en droits juridiques contemporains équivalents. La suffisance, la continuité et l’exclusivité ne sont pas des fins en soi, mais plutôt des façons de savoir si l’existence du titre ancestral est établie.ATTRIBUTS DU TITRE ANCESTRALLe titre ancestral confère le droit de jouissance et d’utilisation des terres, le droit d’utiliser et de contrôler le territoire et de tirer les avantages qui en découlent. Il s’agit d’un titre collectif qui ne peut être cédé qu’à la Couronne. Par ailleurs, les terres ne peuvent être utilisées à des fins qui priveraient les générations futures de leur utilisation.Rappelons cependant que dans le dossier Delgamuukw, la Cour affirmait : « Si les Autochtones désirent utiliser leurs terres d’une manière que ne permet pas le titre aborigène, ils doivent alors les céder et les convertir en terres non visées par un titre aborigène. »EFFET DU TITRE ANCESTRALLa Cour suprême du Canada confirme que sous réserve de ce qui suit, les lois provinciales d’application générale s’appliquent aux terres détenues en vertu d’un titre ancestral.L’effet du titre ancestral diffère selon qu’il s’agit d’un titre revendiqué ou d’un droit reconnu. Dans le cas d’un droit revendiqué, la règle de l’arrêtNation haïda continue de s’appliquer : lorsqu’une Première Nation revendique un titre ancestral sur un territoire donné, avant d’autoriser une activité ou un projet sur ce territoire, la Couronne (gouvernement fédéral ou provincial, selon le cas) doit consulter la Première Nation et, au besoin, l’accommoder. L’intensité de l’obligation de consultation et d’accommodement varie en fonction de deux critères, soit l’importance de l’apparence de droit, d’une part, et, d’autre part, l’incidence qu’aura l’activité proposée sur le droit réclamé.Si la Première Nation a un titre ancestral reconnu sur un territoire – comme c’est maintenant le cas pour la Nation Tsilhqot’in – il faut alors obtenir le consentement de la Première Nation avant d’entamer des activités sur ce territoire. Il y a exception à cette règle lorsque l’atteinte est justifiée par un objectif public réel et impérieux, mais l’atteinte doit tout de même être compatible avec l’obligation fiduciaire de la Couronne envers le groupe autochtone. Cette exception s’apparente au droit d’expropriation pour cause d’utilité publique, avec la différence qu’ici, l’intérêt public doit être mis en balance avec l’intérêt de la Première Nation.Dans l’arrêt Delgamuukw, la Cour suprême s’était prononcée sur ce qui pouvait constituer un objectif public réel et sérieux :À mon avis, l’extension de l’agriculture, de la foresterie, de l’exploitation minière et de l’énergie hydroélectrique, le développement économique général de l’intérieur de la Colombie-Britannique, la protection de l’environnement et des espèces menacées d’extinction, ainsi que la construction des infrastructures et l’implantation des populations requises par ces fins, sont des types d’objectifs compatibles avec cet objet et qui, en principe, peuvent justifier une atteinte à un titre aborigène. Toutefois, la question de savoir si une mesure ou un acte donné du gouvernement peut être expliqué par référence à l’un de ces objectifs est, en dernière analyse, une question de fait qui devra être examinée au cas par cas.La Cour reproduit cet énoncé dans Tsilhqot’in sans le commenter. Puis elle déclare :Si le gouvernement démontre qu’il poursuit un objectif impérieux et réel, il doit ensuite prouver que l’atteinte proposée au droit ancestral est compatible avec l’obligation fiduciaire de la Couronne envers les peuples autochtones. […] L’intérêt bénéficiaire sur les terres que détient le groupe autochtone est dévolu à l’ensemble des membres du groupe titulaire du titre. Les atteintes au titre ancestral ne peuvent donc pas être justifiées si elles priveront de façon substantielle les générations futures des avantages que procurent les terres.En l’espèce, la province avait autorisé un tiers à récolter du bois sur des terres revendiquées par la Première Nation Tsilhqot’in sans consulter cette dernière, donc en violation des règles qui s’appliquent lorsqu’un territoire est revendiqué. Or, le titre étant maintenant reconnu, la Cour suprême du Canada étudie les arguments mis de l’avant par la province en vue de justifier le fait d’avoir porté atteinte à un titre ancestral sans le consentement de la Première Nation. Elle confirme les conclusions des tribunaux inférieurs voulant que les motifs invoqués par la province pour autoriser la coupe (avantages économiques de la récolte et mesures nécessaires pour empêcher la propagation d’une infestation du dendroctone du pin ponderosa) n’étaient pas étayés par la preuve.COMPENSATION POUR ATTEINTE AU TITRE ANCESTRALLa question du montant de la compensation, laissée de côté dans la décisionDelgamuukw, est abordée ainsi dans Tsilhqot’in : « Les mesures de réparation habituelles en cas d’atteinte à des intérêts sur des terres sont disponibles, en les adaptant au besoin en fonction de la nature particulière du titre ancestral et de l’obligation fiduciaire de la Couronne envers les titulaires du titre ancestral. »CONCLUSIONLa décision Tsilhqot’in de la Cour suprême du Canada confirme que le titre ancestral reconnu par la common law existe bel et bien au Canada et elle délimite une région spécifique en Colombie-Britannique où c’est le cas. Le titre donne à la Première Nation le droit de décider comment le territoire sera utilisé, à moins qu’un objectif public réel et impérieux, compatible avec l’obligation fiduciaire de la Couronne envers les Premières Nations, ne justifie d’autoriser une atteinte au titre sans le consentement de son porteur. Dans ces cas, les mesures de réparation habituelles seront disponibles et adaptées selon les circonstances. Cette décision se situe dans le courant suivi par la Cour suprême à l’égard du processus de réconciliation entre les peuples autochtones et la société canadienne. Ce processus doit en être un de négociation de bonne foi de part et d’autre.
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1er janvier 2015 : interdiction de remplir les refroidisseurs avec des CFC
INTRODUCTIONAu Québec, la réglementation prévoit diverses obligations en ce qui a trait aux équipements qui posent un risque pour l’environnement. On pense notamment à l’obligation de remplacer les transformateurs contenant des BPC ou de faire inspecter les équipements pétroliers à risque élevé. Les règlements peuvent exiger le dépôt de rapports, la tenue de registres et l’obtention de permis.Dans ce contexte, la gestion des substances appauvrissant la couche d’ozone est un dossier très important. Le texte qui suit porte sur l’encadrement du remplissage et de l’utilisation de refroidisseurs fonctionnant avec des CFC (chlorofluocarbures).L’INTERDICTIONAux termes du Règlement sur les halocarbures adopté en 2004 en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec, les refroidisseurs en service au 23 décembre 2004 et fonctionnant aux CFC devaient être remplacés ou convertis pour fonctionner avec une autre substance dès leur première révision générale ou réparation majeure après cette date.Le règlement prévoit qu’entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2014, il est permis de remplir un refroidisseur avec des CFC pour une durée maximale de 12 mois, à condition que le propriétaire en fasse rapport au gouvernement et cesse de faire fonctionner le refroidisseur avec des CFC douze mois après le premier de ces remplissages.Pour ce qui est des équipements qui n’auront toujours pas été convertis ou remplacés au 1er janvier 2015, le règlement prévoit qu’à compter de cette date, ils ne pourront plus être remplis avec des CFC.Notons qu’aux termes du règlement, « refroidisseur » s’entend de tout appareil de réfrigération ou de climatisation qui utilise les propriétés frigorigènes d’un halocarbure pour abaisser la température d’un liquide de refroidissement secondaire circulant dans des conduits, aussi appelé « chiller. » Un appareil de congélation est assimilé à un appareil de réfrigération, alors qu’une thermopompe ou un déshumidificateur est assimilé à un appareil de climatisation. Enfin, les dispositions décrites dans ce texte ne visent pas les halocarbures utilisés pour faire fonctionner un appareil domestique de réfrigération ou de climatisation.SANCTIONSLa violation de l’interdiction de remplissage avec des CFC rend le contrevenant passible d’une sanction administrative pécuniaire ou d’une sanction pénale. En l’occurrence, les sanctions administratives pécuniaires sont de 1 500 $ dans le cas d’un particulier et de 7 500 $ dans le cas d’une personne morale. Si le ministère opte plutôt pour une poursuite, la sanction pénale pourra prendre la forme d’une amende allant de 8 000 $ à 500 000 $ ou d’une peine d’emprisonnement maximale de 18 mois, ou les deux à la fois, dans le cas d’une personne physique, et de 24 000 $ à 3 000 000 $, dans le cas d’une personne morale.Les peines susmentionnées s’appliquent également à celui qui fait fonctionner un refroidisseur avec des CFC plus d’un an après la date de son dernier remplissage autorisé.SOYEZ VIGILANTLe registre public des sanctions administratives pécuniaires n’affiche actuellement aucune entrée en ce qui a trait au Règlement sur les halocarbures. Il ne semble pas non plus y avoir eu de poursuites pénales provinciales en lien avec ce règlement. Cependant, en 2011, une entreprise québécoise a fait face à une poursuite en vertu d’un règlement fédéral pour avoir importé illégalement plus de 5 000 bonbonnes remplies d’halocarbures en provenance de la Chine, d’une valeur de plus d’un million de dollars.On peut se demander quelle serait la responsabilité du propriétaire d’un équipement qu’un entrepreneur spécialisé remplit avec des CFC à son insu. Par mesure de précaution, il importe que tout propriétaire ou utilisateur d’un système commercial ou industriel de réfrigération ou de climatisation au Québec se renseigne sur ce que ses appareils renferment et s’assure que tout entrepreneur à qui il confie l’inspection, l’entretien, le remplissage, la conversion ou le démantèlement de ses refroidisseurs s’acquitte de cette tâche en conformité avec la loi. Le règlement prévoit d’ailleurs que le propriétaire d’un refroidisseur doit s’assurer que l’ensemble de ses composantes qui renferment ou qui sont destinées à renfermer un halocarbure soit soumis à un test d’étanchéité une fois l’an.