Bulletin d’information juridique à l’intention des entrepreneurs et des décideurs, Numéro 24

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SOMMAIRE

 

La vente d’entreprise
Valérie Boucher et Catherine Méthot

Au cours de son existence, une entreprise peut faire l’objet d’une ou de plusieurs ventes, tant par le biais de la vente de ses actions que de celle de ses éléments d’actif. Bien que chaque vente d’entreprise soit unique, un certain schéma de base est généralement suivi. Les principales étapes d’une vente d’entreprise sont l’entente de confidentialité, la lettre d’intention, la vérification diligente et la convention d’achat.

ENTENTE DE CONFIDENTIALITÉ

Dans le cadre de leurs discussions et négociations, les parties doivent s’assurer, avant d’échanger des informations, renseignements, documents et autres matériels qui ne sont généralement pas connus du public (les « renseignements confidentiels »), que la confidentialité de ces renseignements est protégée et qu’ils ne sont utilisés qu’aux fins d’évaluer l’opportunité de conclure une transaction.

Assurer la confidentialité implique de ne pas divulguer, volontairement ou par négligence, les renseignements confidentiels à des tiers, de ne pas les utiliser pour son propre compte ou celui d’un tiers, de prendre les mesures requises pour en protéger la confidentialité, de les remettre ou les détruire à la demande de la partie divulgatrice, de ne pas en prendre ou en conserver de copie et d’informer promptement la partie divulgatrice si un tribunal ou une autorité gouvernementale requiert de la partie réceptrice des renseignements confidentiels que ceux-ci lui soient divulgués.

LETTRE D’INTENTION

La conclusion d’une lettre d’intention (que les parties peuvent appeler accord de principe, protocole d’entente, lettre d’offre) ou la présentation d’une offre d’achat peut servir, notamment, à s’assurer du sérieux de l’autre partie, à résumer la compréhension des parties à un certain stade des discussions, à obtenir l’exclusivité de négociation, à obtenir le financement requis pour réaliser la transaction, ou encore à encadrer les négociations, prévoir un échéancier et les responsabilités de chaque partie.

Le document signé par les parties peut aller de la simple expression d’intérêt, sans obligation de conclure l’opération visée par la lettre d’intention, à un accord ferme et contraignant pour les parties. À noter que certaines dispositions contenues dans la lettre d’intention seront toujours contraignantes, par exemple, les clauses de confidentialité et d’exclusivité, la date d’expiration et la clause de droit applicable.

VÉRIFICATION DILIGENTE

Une bonne vérification diligente est l’un des éléments clés pour réussir une vente d’entreprise. Grâce à cette vérification diligente, un acquéreur éventuel pourra obtenir un portrait précis de l’entreprise cible, évaluer les risques de la transaction, évaluer les synergies possibles entre les entreprises, établir le plan d’intégration suite à la clôture de la transaction, établir la liste de correctifs à apporter avant la clôture, le cas échéant, préparer une offre d’achat qui reflète bien la situation, aller de l’avant avec une convention d’achat, ou autrement se retirer des négociations. Pour sa part, le vendeur voudra s’assurer de présenter son entreprise sous un jour favorable tout en divulguant les éléments de risque afin de limiter sa responsabilité éventuelle. Une vérification préalable effectuée par le vendeur lui permettra d’atteindre ces objectifs plus facilement tout en conservant sa crédibilité face à l’acquéreur éventuel. De manière générale, la vérification diligente permet aux parties et à leurs conseillers de négocier et de rédiger une convention d’achat contenant les divulgations appropriées du vendeur et prévoyant un partage des risques adéquat entre les parties.

Outre l’aspect légal de la vérification diligente, une vérification diligente complète comporte également des éléments comptable, opérationnel, technique et technologique requérant la mise à contribution d’une équipe multidisciplinaire.

Les documents habituellement révisés par les conseillers juridiques de l’acquéreur sont ceux relatifs au statut corporatif du vendeur ou de l’entreprise cible, à ses contrats, aux biens dont l’entreprise est propriétaire ou locataire (tant meubles qu’immeubles), aux assurances, aux employés et à leurs conditions de travail, à la propriété intellectuelle, aux litiges en cours ou éventuels, au financement obtenu et aux permis, licences ou autorisations utilisés dans l’exploitation de l’entreprise.

La vérification diligente effectuée peut varier selon la structure de transaction envisagée : par exemple, dans le cadre d’une vente d’actions, l’acquéreur éventuel voudra effectuer une revue complète des livres de procès-verbaux de l’entreprise, tandis que ce ne sera pas nécessaire pour une acquisition d’éléments d’actif.

Finalement, outre la vérification des documents fournis par le vendeur, l’acquéreur éventuel peut effectuer certaines vérifications indépendantes auprès d’organismes gouvernementaux et différents registres publics (Commission des normes du travail, Commission de la santé et de la sécurité du travail, Commission de l’équité salariale, Agence du revenu du Canada et Agence du revenu du Québec, ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, municipalités, plumitifs (dossiers des tribunaux québécois), Registre foncier, Registre des droits personnels et réels mobiliers, etc.).

CONVENTION D’ACHAT

La convention d’achat est le contrat par lequel le vendeur cède à l’acquéreur et l’acquéreur acquiert du vendeur la propriété de l’entreprise, qu’il s’agisse d’une acquisition d’actions ou d’une acquisition d’éléments d’actif.

La convention d’achat doit décrire l’objet de la transaction : dans le cadre d’une vente d’actions, le nombre et la catégorie d’actions vendues, le nom de chaque vendeur s’il y en a plus d’un et la description exacte des actions vendues par chacun d’entre eux. Dans le cas d’une acquisition d’éléments d’actif, la convention peut soit indiquer l’intention générale des parties de procéder à la vente et à l’acquisition de l’ensemble des biens de l’entreprise et indiquer spécifiquement la liste de biens exclus de la transaction, soit à l’inverse, énumérer correctement et entièrement les biens vendus dans la convention ou ses annexes. La convention visant l’achat d’éléments d’actif doit aussi indiquer clairement les obligations et responsabilités de l’entreprise cible conservées par le vendeur et celles assumées par l’acheteur. L’élément central de cette convention est la liste des déclarations et garanties données par le vendeur et les engagements d’indemnisation s’y rapportant ( incluant les limites de ces engagements!).

CONVENTIONS ACCESSOIRES

Outre la convention d’achat, certaines conventions accessoires peuvent être conclues lors d’un transfert d’entreprise, notamment une convention de services ou d’emploi, une convention de nonconcurrence et de non-sollicitation ou une convention entre actionnaires.

Lorsqu’un acquéreur souhaite que certaines personnes occupant des postes clés dans l’entreprise du vendeur continuent à occuper ces postes, pour une durée plus ou moins longue, il peut choisir de conclure une convention de services ou un contrat d’emploi avec ces personnes. Le choix du type de convention dépend du genre de services rendus et du niveau d’implication dans l’entreprise qui est attendu après la clôture de la transaction.

Également, un acquéreur prudent et diligent exigera généralement que le vendeur et certains employés clés de son entreprise prennent des engagements de non-concurrence et de non-sollicitation. L’engagement de non-concurrence est un engagement à ne pas exercer certaines activités décrites à la convention, doit avoir une durée précise et s’appliquer sur un territoire déterminé, tandis que l’engagement de non-sollicitation empêche le vendeur de recruter les employés de l’entreprise vendue et de solliciter les clients de celle-ci au détriment de l’acquéreur. Finalement, les parties peuvent souhaiter conclure une convention entre actionnaires dans un contexte d’acquisition d’entreprise, notamment entre les différents actionnaires de l’acquéreur ou entre les différents acquéreurs, ou encore entre le vendeur et l’acquéreur lorsque le vendeur ne cède pas la totalité de ses actions.

Comme nous venons de le voir, la vente d’entreprise est un exercice qui exige beaucoup de préparation, de vérification, de temps et d’implication de la part des parties. C’est pourquoi il est primordial, tant pour le vendeur que pour l’acquéreur, de s’entourer d’une équipe de travail capable de mener à bien la transaction. Cette équipe peut inclure, en plus des conseillers juridiques responsables des aspects légaux de la transaction, des membres de la direction, certains spécialistes à l’interne (ressources humaines, technologies de l’information, responsables de l’intégration, etc.), un conseiller financier ou un comptable externe.

 

 

Préparer sa vente d’entreprise : le dossier environnement
Katia Opalka

Tout courtier immobilier vous dira qu’il existe un certain nombre de règles de base à suivre lorsqu’on se prépare à vendre sa maison. Il en est de même pour une entreprise. Cet article fait le tour des principales questions environnementales à aborder bien avant qu’elles ne soient posées par un éventuel acquéreur.

QUAND DOIS-JE COMMENCER À ME PRÉPARER ?

Côté environnemental, vous devriez toujours « être prêt ». Votre entreprise doit avoir un système de gestion environnementale qui fonctionne bien. Gérer ses affaires en environnement veut dire que l’on connaît le niveau de risque environnemental associé à l’entreprise et qu’en fonction de l’importance de celui-ci, on a déployé un système pour y faire face.

Un acquéreur qui se demande comment votre entreprise gère le risque environnemental aura sa réponse sur le champ : l’environnement relève de telle personne; celle-ci fait rapport au conseil d’administration de nos besoins environnementaux en matière de main-d’oeuvre, formation, achat d’équipement, recherche et développement, dépenses en capital, assurances environnementales, etc. Voici son budget. Voici les dossiers en cours (non-conformités constatées, plaintes des voisins, exigences environnementales assumées volontairement, etc.). (Astuce : avoir un certificat de localisation à jour).

QUELLES SERONT LES ATTENTES DE L’ACQUÉREUR EN MATIÈRE ENVIRONNEMENTALE ?

L’acquéreur voudra savoir que la direction d’entreprise est au courant de ses responsabilités juridiques en matière environnementale et qu’elle s’en acquitte. Normalement, il voudra également savoir si le terrain de l’entreprise risque d’être contaminé. Si oui, il voudra peut-être faire faire des analyses de sol et d’eau souterraine et exiger la décontamination comme condition de vente. Souvent, ces conditions découlent des exigences posées par ceux à qui l’acquéreur demande de financer l’acquisition. Ces derniers hésiteront à prendre en garantie un terrain contaminé.

Il est à noter que l’absence d’information sur les questions environnementales, loin de rassurer l’acquéreur, risque de l’inquiéter. On pense au propriétaire d’une usine qui ne détient aucun permis environnemental, n’a affecté personne au dossier de l’environnement, et qui répond « non applicable » à toutes les questions de l’acheteur portant sur la conformité environnementale; pas rassurant. Il faut montrer qu’on s’est posé la question et que si, de fait, on n’est sujet à aucune exigence environnementale, on est en mesure d’expliquer pourquoi.

JE SUIS AU COURANT D’UNE SITUATION PROBABLEMENT NON CONFORME. QUE DOIS-JE FAIRE ?

Dans le cadre de la vente d’une entreprise, l’acheteur sera normalement attiré par le chiffre d’affaires de la cible, ou par son produit novateur, ou l’excellence de son personnel. En ce qui a trait au volet environnemental, habituellement, il ne s’attendra pas à la perfection. Il s’agit d’être honnête et de divulguer les problèmes dont on a connaissance, même lorsqu’on est incertain de la nature ou de l’ampleur du problème. Bien sûr, comme c’est le cas lorsqu’on vend sa maison, il est toujours mieux, dans la mesure du possible, de régler les problèmes avant de passer aux « portes ouvertes ».

EST-CE QUE MON ENTREPRISE A DES ENGAGEMENTS DE NATURE ENVIRONNEMENTALE ENVERS DES TIERS ?

Si j’entends vendre les actions de mon entreprise, l’acquéreur sera lié par mes engagements contractuels. Il voudra bien sûr savoir à l’avance de quoi il s’agit, ce que cela représente en termes financiers et quels sont les risques qui y sont associés. À titre d’exemple, on peut penser à une entreprise qui a accepté de participer à une initiative de développement durable lancée par une association industrielle. Cette initiative comporte des engagements, dont celui de consulter la communauté sur ses projets, de réduire son empreinte carbone, etc. L’acquéreur voudra savoir s’il s’agit d’un engagement d’aller au-delà de ce que la loi exige, jusqu’à quel point, et s’il en découle un quelconque risque sur le plan juridique ou financier.

MON ENTREPRISE N’EST PAS DU TOUT POLLUANTE. POURQUOI ME SOUCIER DU RISQUE ENVIRONNEMENTAL ?

Il est vrai que certains secteurs ( industrie lourde, exploitation et extraction des ressources naturelles, gestion des matières résiduelles, infrastructure) revêtent une composante environnementale plus importante que d’autres. Il demeure que toute entreprise devrait se poser les questions suivantes : est-ce que le ou les endroit(s) où se déroule(nt) mes activités risque(nt) d’être contaminé(s) (eau souterraine; eau de consommation; sol; air intérieur)? Avons-nous un système de gestion des produits dangereux (nettoyants, gaz, etc.) et des déchets ? Est-ce que certains de mes fournisseurs font face à des risques environnementaux qui pourraient nuire à ma chaîne d’approvisionnement ou à l’image de l’entreprise ? Y a-t-il des normes environnementales à l’horizon dans les marchés d’exportation qui me forceront à changer mes intrants ou mon procédé ? Cela peut surprendre, mais l’acheteur demande parfois qu’une représentation (une promesse contractuelle ) du vendeur à l’effet qu’il n’y en a pas soit spécifiquement prévue dans la convention de vente.

J’AI DES PERMIS ENVIRONNEMENTAUX. L’ACQUÉREUR DEVRA-T-IL OBTENIR LES SIENS ?

Cela dépend du permis en question, chacun étant assujetti à un régime juridique spécifique. Cela dit, en règle générale, dans le cadre d’une vente d’éléments d’actif il faut transférer les permis, tandis que dans le cadre d’une vente d’actions, l’acquéreur prendra la place du vendeur au niveau des permis. Notez, par ailleurs, qu’il est presque impossible de transférer un permis qui n’est pas à jour ou par rapport auquel l’entreprise n’est pas conforme (d’où l’importance d’être prêt ! ). Aussi, sachez que l’obtention et le transfert de permis peuvent prendre plusieurs mois.

LORSQUE J’AI ACHETÉ LE TERRAIN, ON M’A DONNÉ UN PAQUET DE RAPPORTS ENVIRONNEMENTAUX, MAIS JE NE LES AI PAS LUS.

Dans un tel cas, on peut toujours les remettre à l’acheteur en lui disant exactement ce qui s’est passé : on les a eus et on ne les a pas lus. Cela évite qu’on vous reproche d’avoir caché quoi que ce soit à l’acquéreur. En même temps, ce dernier, les ayant lus, choisira peut-être de ne pas procéder à la transaction, ou il en profitera pour demander une réduction du prix d’achat. Mieux vaut faire lire les rapports par un avocat qui pratique dans ce domaine et qui saura vous conseiller à leur égard, pour avoir un plan de match avant d’aborder les questions soulevées dans ces rapports avec l’acquéreur.

NOUS AVONS REÇU DES PLAINTES DE TEMPS À AUTRE, MAIS ELLES NE SONT PAS FONDÉES.

L’acquéreur voudra savoir si l’entreprise fait l’objet de réclamations. Souvent, le mot « plainte » figure dans la définition de « réclamation » au contrat de vente. On vous demandera de faire état de toute réclamation reçue par l’entreprise. Il est prudent de divulguer la plainte en se limitant à décrire les faits s’y rapportant (date, circonstances). L’acquéreur qui voudra en savoir davantage reviendra à la charge. Vous pourrez alors répondre à ses questions tout en évitant de formuler des hypothèses. Lorsque vous ne connaissez pas la réponse à une question, vous êtes en droit de le dire.

ON AVAIT QUELQU’UN QUI S’OCCUPAIT DE SANTÉ/SÉCURITÉ/ ENVIRONNEMENT (SSE), MAIS IL EST PARTI IL Y A DEUX ANS ET NOUS NE L’AVONS PAS REMPLACÉ.

La bonne nouvelle c’est que vous aviez quelqu’un. En même temps, il faudra trouver une bonne façon d’expliquer pourquoi cette personne n’a toujours pas été remplacée après deux ans. Il faudra également trouver quelqu’un pour répondre aux questions de l’acquéreur sur les questions SSE, quitte à demander l’aide de la personne qui vous a quitté (si elle est partie à l’amiable).

MAINTENANT NOUS N’AVONS QUE DEUX USINES, DONT UNE EN ONTARIO, AINSI QU’UN CENTRE DE DISTRIBUTION À PLATTSBURGH...

Un acquéreur se réjouira d’apprendre que vous avez monté un dossier lui permettant de se faire une idée rapidement de toutes les installations dont l’entreprise est (et dans le cas d’une vente d’actions, a déjà été) propriétaire ou locataire. Plus il y a d’installations (et de provinces ou d’États concernés), plus il est important de recueillir, colliger, et organiser l’information afin de faciliter la vérification environnementale qu’en fera l’acquéreur. Le mérite de cette approche est de montrer à ce dernier qu’on est sérieux et préparé, ce qui reflète bien sûr l’image et la valeur de l’entreprise.

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