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Publications
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Nouveautés en droit de la consommation
Cette publication a été écrite par Luc Thibaudeau, ex-associé de Lavery maintenant juge à la Chambre civile de la Cour du Québec, district de Longueuil. Lavery suit de près l’évolution des recours collectifs en droit de la consommation et se fait un devoir de tenir la communauté d’affaires informée en cette matière en publiant régulièrement des bulletins traitant des développements jurisprudentiels ou législatifs qui sont susceptibles de laisser leurs marques et d’influencer, voire transformer les pratiques du milieu. Les tribunaux québécois se sont récemment penchés sur deux questions d’intérêt dans le cadre de deux recours collectifs intentés par des consommateurs. Ils ont : interprété les articles 271 et 272 L.p.c.1 en jugeant qu’une contravention aux articles de la L.p.c. ne donne pas systématiquement ouverture aux recours que prévoient ces deux articles, limitant ainsi le choix du consommateur quant au recours qu’il peut intenter; et rappelé l’interprétation souple que font les tribunaux québécois des exigences de l’article 1003 C.p.c.2 relatives à l’autorisation d’exercer un recours collectif et que, dans certaines circonstances, lorsqu’il est évident qu’il existe un nombre important de consommateurs susceptibles d’être membres du groupe, il est alors moins utile d’entamer des démarches pour les identifier, car le commerçant possède souvent les informations pertinentes à l’identification des membres potentiels de ce groupe. Manquement à une obligation de la L.p.c. et les recours possibles selon les articles 271 ou 272 L.p.c. En mars 2015, la Cour supérieure du Québec clarifie le champ d’application des articles 271 et 272 de la L.p.c. dans l’affaire Lacasse c. Banque de Nouvelle-Écosse3. Dans ce dossier, la requérante sollicitait l’autorisation de déposer un recours collectif pour le compte de tous les consommateurs qui au Québec ont, depuis le 22 novembre 2010, financé un véhicule automobile avec la Banque de Nouvelle-Écosse (la « Banque »). Le recours pour lequel l’autorisation était demandée visait à obtenir le remboursement de la prime d’assurance versée en cas d’invalidité ou de décès et des dommages punitifs au motif que la Banque n’avait pas traité cette prime d’assurance comme des frais de crédit et n’avait pas, par conséquent, calculé le taux de crédit dans le contrat conformément aux articles 70 b), 71 et 72 L.p.c. et 54.1 de son règlement d’application. La requérante plaidait que cela constituait une violation de l’article 272 L.p.c. La Banque avait reconnu que le contrat ne divulguait pas le taux de crédit en pourcentage, mais soutenait qu’il s’agissait d’une exigence de forme et que l’article 271 L.p.c. lui permettait de soulever, comme moyen de défense, que le consommateur n’avait subi aucun préjudice. La juge Danielle Mayrand a retenu l’argument de la Banque et rejeté la requête au motif que la requérante n’avait pas subi de préjudice. Elle rappelle que « l’article 271 L.p.c. sanctionne le non-respect des exigences de forme lors de la formation du contrat de consommation pour lesquelles le consommateur peut en demander la nullité »4 alors que l’article 272 L.p.c. s’applique « aux manquements à des obligations de fond visant le comportement du commerçant [ , ] emporte des sanctions beaucoup plus sévères [ telles que l’octroi de dommages punitifs ] et comporte une présomption absolue de préjudice en faveur du consommateur »5. La juge conclut que la requérante n’avait pas fait la démonstration que la Banque avait contrevenu à l’article 272 L.p.c., car l’omission d’avoir calculé et divulgué le taux de crédit dans le contrat est un manquement prescrit à l’article 271 al. 2 L.p.c. qui vise la forme d’un contrat de crédit. De plus, la requérante n’avait pas fait la preuve d’un préjudice subi en raison de la non-divulgation du taux de crédit dans le contrat. En l’espèce, puisque le taux d’intérêt applicable au montant de la prime était de 0 %, l’omission de divulguer le taux de crédit n’avait eu aucune influence sur le montant à payer par la requérante. Cette dernière avait donc conclu le contrat d’assurance en toute connaissance de cause et ne peut soutenir qu’elle avait été induite en erreur par cette omission et qu’elle n’aurait pas conclu le contrat si le taux de crédit avait bel et bien été divulgué. COMMENTAIRES Si la Cour d’appel a récemment rappelé que certains faits allégués peuvent donner ouverture à chacun des recours des articles 271 et 272 L.p.c. et que leur caractère mutuellement exclusif donne au consommateur le choix du recours6, la clarification apportée par la présente décision limite la portée d’un tel choix en rappelant que tout manquement d’un commerçant ne constitue pas nécessairement une violation d’une obligation de fond donnant ouverture au recours prévu à l’article 272 L.p.c. Les commerçants qui contractent avec des consommateurs doivent demeurer attentifs aux conséquences d’un recours fondé sur les articles 271 et 272 L.p.c. en matière de dommages compensatoires et punitifs, mais ils peuvent également garder à l’esprit qu’en fonction de la nature du manquement allégué, ils ne sont pas dépourvus de moyens de défense en vertu de l’article 271 L.p.c.qui ne crée pas de présomption de préjudice. Critères d’ouverture aux recours collectifs dans le contexte de la L.p.c. Dans l’arrêt Martel c. Kia Canada Inc.7, alors que le but premier de l’appelante était d’acheter une voiture économique, celle-ci se voit recommander par son concessionnaire de procéder à des entretiens préventifs en sus de ceux prévus au « Programme d’entretien normal » du manuel du propriétaire qui lui avait été remis lors de l’achat du véhicule, en raison du climat rigoureux du Québec. L’appelante se soumet à ces exigences afin que la garantie du fabricant demeure applicable, mais elle considère qu’elle a acheté le véhicule sur la base d’informations fausses ou trompeuses et signifie une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif. Le juge de première instance rejette sa requête aux motifs qu‘elle n’avait pas démontré que les exigences cumulatives de l’article 1003a), c) et d) du C.p.c. étaient satisfaites. En ce qui a trait aux paragraphes 1003c) et d), le juge de première instance lui reprochait de n’avoir pas fait de recherche pour tenter d’identifier d’autres consommateurs qui auraient subi un préjudice similaire et qui pourraient être membre du groupe. Elle n’aurait pas démontré l’existence d’un groupe dont les membres auraient des questions communes à soulever devant les tribunaux alors qu’elle demande pourtant à en être reconnue comme la représentante. La Cour d’appel du Québec accueille l’appel et réitère ce qui avait été dit dans Fortier c. Meubles Léon8 soit que les seuils légaux et de preuve pour franchir l’étape de l’autorisation sont plutôt bas devant les tribunaux québécois. La Cour d’appel reprend les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Infineon9 et Vivendi10 voulant « qu’à l’étape de l’autorisation, le tribunal doit simplement s’assurer que la demande n’est pas frivole ou insoutenable »11, c’est-à-dire que le requérant a démontré une apparence sérieuse de droit et qu’il a une cause défendable. Ainsi, le fardeau au stade de l’autorisation n’est pas un fardeau de preuve, mais uniquement de démonstration. Par ailleurs, tous les membres du groupe n’ont pas à concevoir le préjudice subi de la même façon. L’évaluation du préjudice en matière d’autorisation est objective et non subjective par rapport à chaque consommateur visé par le recours. L’appelante n’avait donc pas à démontrer que la décision d’acheter ou non le véhicule reposait de quelque manière sur le fait que la fréquence des entretiens préventifs était un critère important pour elle, mais également pour les autres consommateurs de ce même véhicule. La Cour d’appel a aussi repris à cette occasion un des principes découlant de l’arrêt Lévesque c. Vidéotron12 suggérant que plus le nombre de consommateurs dans une situation similaire au requérant est élevé, plus il est permis de tirer certaines inférences et, plus particulièrement, de présumer que le commerçant poursuivi « possède les données nécessaires à l’estimation du nombre de consommateurs concernés par le recours et que, mieux que quiconque [il] est en mesure de les identifier »13. COMMENTAIRES Cette décision de la Cour d’appel s’inscrit dans la tendance amorcée au cours des dernières années suivant laquelle les exigences de l’article 1003 C.p.c., examinées au stade de l’autorisation du recours collectif, doivent être analysées de façon souple et libérale. Ainsi, il semble que dans certains cas, le requérant qui demande à être autorisé à exercer un recours collectif n’aura pas à démontrer qu’il a fait des démarches pour identifier des consommateurs qui ont contracté avec le commerçant dans les mêmes circonstances. 1 Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1 (« L.p.c. »). 2 Code de procédure civile, RLRQ , c. C -25 (« C.p.c. »). 3 2015 QCCS 890. 4 Lacasse c. Banque de Nouvelle-Écosse, 2015 QCCS 890, par. 22. 5 Id., par. 25. 6 Dion c. Compagnie de services de financement Primus, 2015 QCCA 333. 7 2015 QCCA 1033. 8 Fortier c. Meubles Léon, 2014 QCCA 195, par. 65-70; repris dans Lacasse c. Banque Nationale de Nouvelle-Écosse, préc., note 3. 9 Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, par. 59-61. 10 Vivendi Canada Inc. c. Dell’Aniello, 2014 CSC 1. 11 Préc., note 7, par. 26. 12 Lévesque c. Vidéotron s.e.n.c., 2015 QCCA 205, par. 27. 13 Préc., note 7, par. 35.
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La prise de sûretés au Québec : d’importants changements à considérer
Le 20 avril dernier, l’Assemblée nationale a adopté la Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016 (L.Q. 2015, c. 8). Parmi les nombreux amendements introduits par cette loi (la « Loi »), certains portent sur la prise de sûretés au Québec. Ce bulletin vise à vous informer d’importants changements à considérer dans le cadre de financements. FINANCEMENT DES ENTREPRISES : HYPOTHÈQUE EN FAVEUR D’UN FONDÉ DE POUVOIR (ARTICLE 2692 DU CODE CIVIL DU QUÉBEC) Depuis son entrée en vigueur en 1994, cet article du Code civil du Québec (le « Code civil » ou « C.c.Q. ») est fréquemment utilisé dans le cadre des prêts syndiqués, permettant ainsi aux nouveaux prêteurs se joignant au syndicat (à la suite, par exemple, d’une cession effectuée dans le cadre de la syndication d’une facilité de crédit) ou aux créanciers d’obligations futures (celles naissant notamment de crédits rotatifs, faisant l’objet de déboursements et de remboursements fréquents) de bénéficier d’une hypothèque consentie à un représentant des créanciers, appelé « fondé de pouvoir ». L’hypothèque créée en vertu de cet article devait obligatoirement garantir le paiement d’obligations (débentures) ou d’autres titres d’emprunt, et être constituée par acte notarié en minute. Dans le cadre de prêts syndiqués ne comportant aucune émission d’obligations ou de titres d’emprunt, il était fréquent de recourir à l’émission et au gage d’une débenture par l’emprunteur ou un autre constituant, afin de bénéficier des dispositions de l’article 2692 du Code civil. Les amendements apportés à l’article 2692 C.c.Q., en vigueur depuis le 21 avril dernier, ont notamment : éliminé la nécessité de recourir à l’émission et au gage de débentures (sans par ailleurs l’interdire), en permettant que l’hypothèque puisse garantir directement l’exécution d’obligations créées aux termes des ententes de crédit; précisé les modalités entourant la nomination et le remplacement du fondé de pouvoir; et confirmé la nécessité que l’hypothèque soit créée par acte notarié en minute, à moins qu’il ne s’agisse d’une hypothèque mobilière avec dépossession. Tant les emprunteurs que les prêteurs bénéficieront des amendements ainsi apportés à l’article 2692 du Code civil, qui simplifient la prise de sûretés, notamment dans le cadre de prêts syndiqués ou de financements effectués depuis l’étranger. HYPOTHÈQUES AVEC DÉPOSSESSION SUR CERTAINES CRÉANCES PÉCUNIAIRES La Loi prévoit une nouvelle manière (plus efficace et inspirée du droit américain) de créer une sûreté sur des sommes d’argent et confère à cette sûreté un rang privilégié. Cette sûreté vise soit les sommes d’argent au crédit d’un compte financier (tel un compte de dépôt tenu par une institution financière), soit des sommes remises aux fins de garantie à un tiers (personne physique ou morale, institution financière ou non), soit une somme d’argent due par le créancier garanti à la personne qui crée la sûreté. Dans tous les cas, la sûreté porte sur la créance appartenant à celui qui la crée (« créance pécuniaire »). Comme toute autre hypothèque, l’obligation garantie peut être celle de celui qui crée la sûreté ou celle d’un tiers. Cette sûreté est un gage (ou « hypothèque mobilière avec dépossession ») opposable aux tiers sans inscription au Registre des droits personnels et réels mobiliers, la « dépossession » s’effectuant par la « maîtrise » que doit obtenir le créancier relativement à la créance pécuniaire. Si la créance pécuniaire grevée est due par le créancier garanti à la personne qui crée la sûreté, la maîtrise s’obtient par le consentement de cette personne à ce que sa créance garantisse l’exécution d’une obligation envers ce créancier. Si la créance pécuniaire grevée est due par un tiers, la maîtrise s’obtient soit par la conclusion d’un accord de maîtrise avec ce tiers, en vertu duquel ce dernier conviendra notamment de se conformer aux instructions du créancier garanti, sans le consentement additionnel de la personne qui crée la sûreté (le tiers n’étant toutefois pas tenu de conclure pareil accord), soit en devenant titulaire du compte financier dont le solde créditeur représente la créance pécuniaire. Il est important de noter que ni le consentement du constituant ni celui du tiers ne doivent être exprimés par écrit : le recours à un écrit sera toutefois souhaitable pour établir l’intention des parties. La Loi établit également le rang des hypothèques qui affectent les créances pécuniaires. Elle stipule que l’hypothèque mobilière avec dépossession qui sera opérée par la maîtrise d’une créance pécuniaire prendra rang, dès l’obtention de la maîtrise, avant toute autre hypothèque mobilière grevant cette créance, quel que soit le moment où cette hypothèque a été publiée (notamment les hypothèques mobilières sans dépossession publiées au Registre des droits personnels et réels mobiliers) et précise le rang qu’occuperont plusieurs hypothèques mobilières avec dépossession grevant une même créance pécuniaire (article 2713.8 du Code civil). Notons également le nouvel article 3106.1 du C.c.Q. qui précise la loi qui gouvernera la validité d’une sûreté grevant une créance pécuniaire, sa publicité et les effets de cette publicité, selon que cette loi soit ou non spécialement désignée dans un acte régissant telle créance. Bien que les amendements portant sur l’instauration du nouveau régime d’hypothèque avec dépossession sur certaines créances pécuniaires n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2016, l’article 372 de la Loi précise que certaines hypothèques mobilières avec dépossession opérées par la maîtrise du créancier sur des créances pécuniaires ne pourront être annulées ou déclarées inopposables aux tiers aux motifs que cette maîtrise a été obtenue antérieurement au 1er janvier 2016. Les créanciers ont donc tout intérêt à considérer dès maintenant l’acquisition de la maîtrise sur une créance pécuniaire, même si cette dernière ne sera valide qu’à compter du 1er janvier 2016. Il est à prévoir que la pratique des institutions financières devra s’ajuster à ces nouvelles façons de faire.
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Financement participatif - L’Autorité des marchés financiers adopte une nouvelle dispense de prospectus pour les entreprises en démarrage
L’équipe du Programme Lavery GO inc. est heureuse de vous informer que l’Autorité des marchés financiers (AMF) a annoncé hier la mise en place d’une dispense de financement participatif pour les entreprises en démarrage (startup exemption), leur permettant ainsi de lever des capitaux à hauteur maximale de 500 000 $ par année. En vertu de cette dispense, les entreprises en démarrage dont le siège social est situé au Québec pourront offrir leurs actions à des investisseurs du public par le biais d'un portail de financement participatif en ligne qui se prévaut de la dispense de l’obligation d’inscription à titre de courtier ou qui est exploité par un courtier inscrit et en utilisant les documents d’offre préétablis disponibles sur ce portail. Les points saillants de cette dispense de financement participatif sont les suivants : L’émetteur peut lever un maximum de 250 000 $ par placement, sous réserve d’un maximum de deux placements par année civile. Les investisseurs peuvent investir un maximum de 1 500 $ par placement; toutefois, il n’y a pas de limite au nombre de placements auxquels un investisseur peut participer. Les actions acquises en vertu de cette dispense ne pourront être revendues qu’en vertu d’une autre dispense de prospectus ou d’un prospectus. La dispense pour les entreprises en démarrage sera également mise en œuvre en Colombie-Britannique, en Saskatchewan, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Cette nouvelle dispense est une excellente nouvelle pour les entreprises en démarrage puisqu’elle leur permettra d’accéder à une nouvelle source de capitaux afin de soutenir leur développement. Cette dispense donne également le ton au tant attendu Règlement 45-108 sur le financement participatif qui fait toujours l’objet de discussions parmi les Autorités canadiennes en valeurs mobilières. Pour de plus amples informations à l’égard de la dispense de financement participatif pour les entreprises en démarrage, veuillez communiquer avec Étienne Brassard ou Guillaume Synnott. Étienne Brassard : 514 877-2904 | [email protected] Guillaume Synnott : 514 877-2911 | [email protected]
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Importance du risque financier réel dans le rappel du prêt à demande : une Cour d’appel partagée
Dans une décision récente1, la Cour d’appel du Québec a condamné une banque à payer la somme totale De 26,8 millions de dollars en dommages-intérêts en raison de la conduite abusive de l’institution financière. La Cour a jugé que cette conduite constituait un abus de droit au motif que le risque financier de la Banque était pratiquement nul si elle ne rappelait pas immédiatement son prêt face au défaut de l’emprunteur. 1Banque de Montréal c. TMI-Éducaction.com inc. (Syndic de), 2014 Qcca 1431 (ci-après « Éducaction »). Les Faits Les faits importants sont les suivants : La Banque agit comme banquier pour Multipartn’r qui acquiert Learnix afin de développer une plateforme informatique de cyberapprentissage. Éducaction entre alors en jeu en agissant comme investisseur. Cette dernière veut scinder l’entreprise afin de ne conserver que la portion Learnix de celle-ci. Cette scission nécessite l’accord de BMO qui le donne volontiers. La Banque consent à Éducaction une marge de crédit garantie par une hypothèque mobilière sur les comptes débiteurs de celle-ci. Selon l’entente de crédit, Éducaction s’engage à respecter certains ratios. Il est à noter que durant les négociations ayant mené à l’entente de crédit, la Banque avait insisté pour qu’Éducaction paie la dette résiduelle de Multipartn’r ce qu’Éducaction avait refusé de faire. Tout juste avant le premier appel public à l’épargne d’Éducaction, lequel était vital pour la survie de l’entreprise, la Banque envoie à Éducaction une lettre de défaut exigeant le remboursement des sommes consenties sur la marge en invoquant le non-respect des ratios établis dans l’entente de crédit. La Banque envoie ensuite un avis d’intention à Éducaction relativement à l’exercice de ses garanties et lui retire, par la même occasion, son soutien financier, ce qui force Éducaction à se mettre sous la protection de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. À l’occasion d’une assemblée des créanciers d’Éducaction, ceux-ci votent en faveur d’une proposition de relance de l’entreprise, la Banque réclame alors le paiement de la créance de Multipartn’r par Éducaction. Éducaction prétend que la Banque a abusé de ses droits en rappelant son prêt puis en exigeant le paiement de cette créance. Le jugement de la Cour d’appel Afin de déterminer si la Banque avait abusé de ses droits en rappelant le prêt, la Cour analyse si la décision de rappeler le prêt était fondée sur « des craintes sérieuses de pertes financières pour BMO ou (si elle était) plutôt le fruit de décisions déraisonnables de la part de ses représentants. »2 La Cour décide que la Banque a utilisé une stratégie occulte en faisant preuve de tolérance devant le défaut d’Éducaction de respecter les ratios comme levier pour réclamer, « au moment jugé opportun », le remboursement de la dette de Multipartn’r. Or, Éducaction n’avait jamais cautionné cette dette. Pour mettre en évidence la « stratégie occulte » de la Banque, la Cour confirme l’analyse du tribunal de première instance afin d’établir si la décision de rappeler le prêt était fondée sur des « facteurs économiques raisonnables », concept dégagé de la jurisprudence en semblable matière. La Cour étudie les facteurs suivants: la situation financière d’Éducaction; le défaut des emprunteurs de respecter leurs obligations; la valeur des garanties que la Banque détient; et le risque financier réel encouru par la Banque. La Cour cite également certains passages des interrogatoires des représentants de la Banque afin de mettre en évidence que ceux-ci ne considéraient pas la créance de la Banque comme étant en péril étant donné la valeur des garanties dont disposait la Banque sur les comptes débiteurs d’Éducaction. Commentaires Avant même de déterminer si la décision de rappeler le prêt était fondée sur des facteurs économiques raisonnables, il faut déterminer si la Banque a renoncé à ses droits de rappeler le prêt en attendant aussi longtemps pour envoyer la lettre de défaut alors qu’Éducaction n’avait pas respecté les ratios établis dans l’entente de crédit de façon persistante. Selon un principe établi par la jurisprudence, appliqué précédemment par la Cour d’appel, lorsqu’il y a une preuve établissant que la Banque a fait montre de tolérance face au défaut de son débiteur, elle est présumée avoir renoncé à son droit d’invoquer ce défaut lors du rappel du prêt ou de l’exercice de ses garanties. Bien que la Cour ne soulève pas nommément cette règle en l’espèce, elle déduit des faits que la tolérance dont a fait preuve la Banque est le fruit de la stratégie occulte mise sur pied par celle-ci au tout début de sa relation contractuelle avec Éducaction. La décision Éducaction est donc une forme d’application du principe évoqué ci-dessus. Par ailleurs, la Cour suprême du Canada a établi, dans l’affaire Houle3, que la bonne foi doit dicter les relations contractuelles des banques avec leurs clients. Ce principe est maintenant codifié aux articles 6, 7 et 1375 c.c.q. La Cour suprême y avait établi un test en deux étapes afin de déterminer s’il y a eu abus de droit ou non. Les questions à se poser sont donc les suivantes : La décision de rappeler le prêt était-elle fondée sur des facteurs économiques raisonnables ? La Banque a-t-elle donné à son débiteur un délai raisonnable pour remédier aux défauts et respecter ses obligations avant d’exercer ses droits ? Ces critères étant cumulatifs, la question du délai n’est pas abordée par les tribunaux puisqu’ils fondent leurs décisions sur une réponse négative à la première question. Selon la jurisprudence, le risque financier des banques ne devrait pas être pris en compte dans l’évaluation du caractère raisonnable de la décision de l’institution financière de rappeler son prêt. De plus, le prêt à demande peut être rappelé, peu importe la valeur des garanties qui lui sont associées. La Cour mentionne qu’adopter une autre position équivaudrait à réécrire les termes de la convention de prêt, affectant ainsi la stabilité des relations contractuelles. À cet égard, la Cour s’écarte de ce critère puisqu’elle établit que la valeur des garanties rend pratiquement nul le risque financier réel de la Banque. La décision Éducaction, ne tient pas compte non plus de l’application de la Business Judgement Rule qui établit que les tribunaux ne doivent pas s’immiscer dans les affaires d’une société en décidant du caractère raisonnable d’une décision d’affaires. Ce jugement impose un important fardeau sur les institutions financières. Celles-ci devraient maintenant non seulement évaluer l’ensemble des circonstances et facteurs économiques entourant le défaut de l’emprunteur avant de rappeler le prêt, mais également l’impact économique que le rappel faiblement motivé de ce prêt pourrait entraîner. Cette décision semble être une véritable contradiction au sein de la jurisprudence au sujet de la notion de « risque réel » et de son application à la détermination de l’existence d’un abus de droit. Cependant, nous croyons que la raison principale qui a poussé la Banque à rappeler le prêt, soit d’obtenir le remboursement de la dette d’une tierce partie à la convention de prêt, est au centre du litige et permet de distinguer cette décision du courant traditionnel établit par l’arrêt Houle. Sources utiles : Vicply inc. c. Banque royale du Canada, 1996 CanLII 5730 (QC CA). Abdelnour c. Banque Hongkong du Canada, 2006 QCCA 1348. Backman c. Canadian Imperial Bank of Commerce, 2004 CanLII 7273 (QC CA). Matériaux Inter-Québec inc. c. Caisse populaire du Grand-Coteau, 2011 QCCA 603. Caisse Desjardins Nativité d’Hochelaga c. 2865-8631 Québec Inc., REJB 1999-16000 (C.S.). Ronsco inc. c. Banque HSBC Canada, 2012 QCCS 3120 (appel rejeté Ronsco inc. c. Banque HSBC Canada, QCCA 680). Fier Succès c. Caisse populaire Desjardins de Hauterive, 2012 QCCA 1360 (requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée). _________________________________________ 2 TMI-Éducaction.com inc. (Syndic de), 2012 Qccs 3096, par. 173. 3 Houle c. Banque Nationale du Canada, [1990] 3 r.c.s. 122, eyB 1990-67829 (c.s.c.).
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La Cour supérieure éclaircit le concept de la novation
La Cour supérieure s'est penchée sur deux questions d'intérêt dans l'affaire Banque Laurentienne du Canada C. Yuan 1. Elle a d'une part dû déterminer si un prêt à terme ayant servi à rembourser un prêt à terme antérieur avait eu pour effet d'opérer novation de cette première dette et, d'autre part, quel était l'effet du contrat intitulé « acte pour ouverture de crédit garantie par hypothèque » quant à la survie de l'hypothèque litigieuse LES FAITS Les circonstances entourant le litige sont décrites dans la décision du tribunal. Le 9 octobre 2007, la Banque Laurentienne du Canada (la « Banque ») avait consenti à 9154-1912 Québec inc. (« 9154-1912 ») un prêt à terme au montant de 600 000 $ et lui avait émis une carte Visa corporative assortie d’une limite de crédit de 25 000 $. Le 18 octobre 2007, la Banque et 9154-1912 convenaient d’un Acte pour ouverture de crédit garantie par hypothèque immobilière pour un montant de 850 000 $. L’hypothèque grevait un immeuble dont 9154-1912 était propriétaire et son acte constitutif comportait la clause suivante : « L’emprunteur s’engage à maintenir la présente hypothèque pour la durée du prêt, et dans tous les cas où l’emprunteur s’oblige à nouveau envers le prêteur, pour toutes autres obligations ou engagements envers le prêteur jusqu’à la radiation de la présente hypothèque. » (nous soulignons.) Le 14 juillet 2008, la Banque consent à 9154-1912 un prêt à demande au montant de 75 000 $. Enfin, le 5 mars 2009 elle lui consent une marge de crédit de 75 000 $ ainsi qu’un prêt à terme au montant de 675,000 $ qui devait servir notamment à rembourser le prêt à terme de 600 000 $ consenti le 9 octobre 2007. Le 16 juin 2011, 9154-1912 emprunte un montant de 150 000 $ de M. Zhou Yuan (« M. Yuan »), prêt garanti par une hypothèque de second rang sur le même immeuble. M. Yuan soutient qu’il n’aurait pas accepté de prêter s’il avait su que la créance de la Banque pouvait être supérieure à 575 000 $ et la preuve démontre que des courriels contradictoires sur ce point se trouvent dans le dossier. M. Yuan publie un préavis d’exercice de droit hypothécaire (8 mai 2012) et signifie une requête introductive d’instance en délaissement forcé pour prise en paiement (24 mai 2012). Le 28 mai 2012, les parties à l’action signent un « Acquiescement à jugement » « selon les conclusions de l’action telle qu’intentée », et le 21 juin 2012, M. Yuan est déclaré propriétaire de l’immeuble par la Cour. Dans le cadre d’une nouvelle action, La Banque présente une requête recherchant une ordonnance enjoignant à M. Yuan de délaisser l’immeuble sur lequel elle détient une hypothèque de premier rang et à en être déclarée propriétaire par voie de prise en paiement. M. Yuan s’y oppose au motif que l’hypothèque de premier rang de la Banque aurait dû être radiée étant donné novation de la dette à l’occasion du second prêt à terme et que, le cas échéant, la créance de la Banque, qui s’élève à 801 229,28 $, ne peut pas lui être réclamée en totalité. LE JUGEMENT Le juge Godbout rejette l’argument de M. Yuan. Il conclut qu’il n’y a pas eu novation, car le deuxième prêt consenti à 9154-1912 n’a pas remplacé le premier prêt, celui-ci ayant été tout simplement remboursé2. Il s’exprime ainsi : « [43] Dans le présent cas, il est évident que le prêt à terme de 675 000 $ que la Banque a consenti le 5 mars 2009 (crédit E) (pièce P-1) constitue une nouvelle obligation. [44] Toutefois, cette nouvelle obligation n’a pas eu pour effet d’éteindre la première obligation, soit le prêt à terme de 600 000 $ consenti le 9 octobre 2007 (crédit A) (Pièce P-1). Ce prêt a tout simplement été remboursé. [45] Ce n’est donc pas le deuxième prêt à terme de 675 000 $ (crédit E) qui a provoqué l’extinction du premier prêt à terme de 600 000 $ (crédit A); l’extinction de cette obligation résulte de son remboursement et non de la création d’une nouvelle obligation. [46] L’argument selon lequel il y aurait eu novation du prêt à terme de 600 000 $ (crédit A) ne peut être maintenu, car il n’y a pas eu à la fois « extinction de la dette originaire et […] création d’une nouvelle dette substituée à l’ancienne. » Le juge ajoute également que : « [47] De plus, l’acte d’hypothèque immobilière (pièce P-2) prévoit explicitement que : L’emprunteur s’engage à maintenir la présente hypothèque pour la durée du prêt et dans tous les cas où l’emprunteur s’oblige à nouveau envers le prêteur, pour toutes autres obligations ou engagements envers le prêteur jusqu’à la radiation de la présente hypothèque. [48] Cet engagement de l’emprunteur, en l’occurrence 9154-1912, constitue à l’égard de la Banque créancière, la réserve dont parle l’article 1662 C.c.Q. » Par conséquent, l’hypothèque de premier rang que la Banque détient sur l’immeuble est donc valide. La novation ne se présume pas (article 1661 C.c.Q.)3, et les discussions qu’ont eues les parties quant au montant du solde du prêt de la Banque ne nous permettent pas de conclure autrement quand il y a une clause claire à l’effet contraire. COMMENTAIRES Cette décision confirme la validité d’une hypothèque consentie à l’égard d’obligations futures et indéterminées, suivant ainsi le courant jurisprudentiel découlant de l’affaire Banque HSBC Canada c. 9082-3659 Québec inc.4 et la doctrine majoritaire à laquelle nous nous étions ralliés dès 20065. Le juge s’appuie sur le libellé de la clause de l’acte d’hypothèque immobilière pour justifier sa conclusion, ce qui consacre l’importance d’avoir un acte d’hypothèque rédigé en des termes suffisamment clairs qui permettent de dégager l’intention réelle des parties et de s’assurer que le constituant s’engage en toute connaissance de cause. En l’espèce, le juge confirme l’existence de l’hypothèque de premier rang sur (1) le fait qu’il n’y a pas eu novation de la première dette au sens de l’article 1660 C.c.Q6 et (2) sur la réserve prévue à l’article 1662 C.c.Q dont s’est prévalue la Banque compte tenu des termes explicites de l’acte d’hypothèque. Nous adhérons à la conclusion finale auquel le juge est parvenu, mais nous nous questionnons toutefois sur la pertinence d’appuyer son raisonnement sur l’article 1662 C.c.Q. En effet, l’application de cet article s’inscrit dans le contexte d’une novation à savoir, lorsqu’une nouvelle créance est substituée à l’ancienne. Or, le juge a précisément rejeté l’existence d’une telle novation. À notre avis, après avoir constaté l’inexistence d’une novation, le juge aurait pu plutôt fonder son raisonnement sur l’article 2797 C.c.Q7. Nous ajouterions que cet arrêt démontre l’importance d’être bien conseillé par un expert du domaine des sûretés avant d’octroyer des prêts et d’engager des montants importants pour instituer des recours hypothécaires qui n’aboutissent pas aux résultats souhaités. Enfin, il sera intéressant de suivre cette cause qui a été portée en appel. 2014 QCCS 3948, inscription en appel le 8 septembre 2014. Article 1660 al. 1 du Code civil du Québec : « La novation s’opère lorsque le débiteur contracte envers son créancier une nouvelle dette qui est substituée à l’ancienne, laquelle est éteinte, ou lorsqu’un nouveau débiteur est substitué à l’ancien, lequel est déchargé par le créancier; la novation peut alors s’opérer sans le consentement de l’ancien débiteur. » Article 1661 du Code civil du Québec : « La novation ne se présume pas; l’intention de l’opérer doit être évidente. » [2005] R.D.I. 339 (C.S.). Notre position a été exposée lors de la sixième conférence annuelle sur les sûretés, tenue à Montréal le 12 septembre 2006 dont le contenu s’intitulait « Hypothèque pour dettes présentes et futures » Article 1662 du Code civil du Québec : « Les hypothèques liées à l’ancienne créance ne passent point à celle qui lui est substituée, à moins que le créancier ne les ait expressément réservées. » Article 2797 du Code civil du Québec : « L’hypothèque s’éteint par l’extinction de l’obligation dont elle garantit l’exécution. Cependant, dans le cas d’une ouverture de crédit et dans tout autre cas où le débiteur s’oblige à nouveau en vertu d’une stipulation dans l’acte constitutif d’hypothèque, celle-ci subsiste malgré l’extinction de l’obligation, à moins qu’elle n’ait été radiée. »
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Bulletin d’information juridique à l’intention des entrepreneurs et des décideurs, Numéro 22
SOMMAIRE Choix en matière de TPS/TVQ : Soyez prêt pour 2015 Se « mettre à nu » pour avoir la meilleure couverture ... d’assurance! La communication entre le client et le courtier d’assurance : la clé du succès Choix en matière de TPS/TVQ : Soyez prêt pour 2015Carolyne Corbeil et Emmanuel Sala De façon générale, certaines sociétés ou sociétés de personnes d’un même groupe, exerçant exclusivement des activités commerciales, peuvent effectuer entre elles des fournitures de biens ou de services taxables sans avoir à percevoir ni à remettre la TPS/TVQ autrement applicable à ces fournitures. Cet allégement est possible grâce au choix conjoint effectué en vertu du paragraphe 156(2) de la Loi sur la taxe d’accise (Canada)1 (« LTA ») et du premier alinéa de l’article 334 de la Loi sur la taxe de vente du Québec (« LTVQ »)2 (ci-après, le “Choix de 156”). Plus particulièrement, par l’effet de ce choix, la contrepartie pour la plupart des fournitures de services ou de biens taxables entre les sociétés admissibles d’un même groupe est réputée nulle (quelques types de fournitures sont exclus du régime, notamment la fourniture de biens immeubles). Récemment dans la foulée du budget fédéral 2014, le Choix de 156 a fait l’objet de changements importants, incluant le fait que les sociétés bénéficiant ou souhaitant bénéficier du choix de 156 auront dorénavant l’obligation de le produire auprès des autorités fiscales à compter du 1er janvier 2015, à défaut de quoi le choix de 156 ne sera pas valide. De façon concordante, le budget 2014-2015 du Québec a annoncé que les modifications relatives au Choix de 156 seraient adoptées afin que le régime de la TVQ soit harmonisé à celui de la TPS. Selon les dispositions afférentes au Choix de 156 présentement en vigueur, les « membres déterminés » d’un « groupe admissible », tel que défini par la LTA, peuvent effectuer conjointement le Choix de 156. De façon générale, un membre déterminé est une société résidente au Canada ou une « société de personnes canadienne » qui est inscrite à la TPS/TVQ et qui exerce exclusivement des activités commerciales. Un groupe admissible est un groupe de sociétés dont chaque membre est étroitement lié aux fins de la LTA.3 Des membres étroitement liés incluent notamment deux sociétés dont l’une détient, directement ou indirectement, 90 % ou plus en valeur et nombre d’actions de l’autre société (c’est-à-dire sociétés mère-fille) ou bien des sociétés soeurs dont la même personne détient 90 % ou plus en valeur et nombre d’actions. Présentement, le Choix de 156 est effectué ou révoqué par les membres du groupe admissible sur un formulaire prescrit (c’est-à-dire formulaire GST 25) qui n’a pas à être produit auprès des autorités fiscales concernées, mais qui doit simplement être conservé dans les dossiers des sociétés visées en cas de vérification. Le Choix de 156 demeure en vigueur jusqu’au moment où il est révoqué par les parties ou lorsqu’une des sociétés cesse d’être membre du groupe admissible. Par ailleurs, il est important de noter que le Choix de 156 doit être amendé lorsqu’un nouveau membre déterminé entre dans le groupe admissible pour que le Choix de 156 soit valide à l’égard des fournitures soit fournies à ce nouveau membre ou soit fournies par celui-ci. À l’inverse, le Choix de 156 cesse automatiquement et la TPS/TVQ devient applicable aux fournitures taxables soit fournies à une société qui a quitté le groupe ou soit fournies par une telle société (par exemple à la suite d’une réorganisation où le pourcentage de détention d’actions de ladite société change). Selon les modifications proposées aux dispositions pertinentes de la LTA, pour être en vigueur pour les périodes de déclaration de TPS/TVQ postérieures au 1er janvier 2015, le Choix de 156, ou sa révocation, devra dorénavant être transmis aux autorités fiscales concernées avant le premier jour où l’une des parties au Choix de 156 doit produire sa déclaration de TPS/TVQ pour une telle période. Par exemple, pour un groupe ayant une société avec une période de déclaration mensuelle, le Choix de 156 pour tout le groupe devra être transmis aux autorités fiscales au plus tard le 28 février 2015 si des fournitures sont effectuées le 1er janvier 2015. Cependant, les modifications à la LTA prévoient un certain allégement pour les sociétés ayant déjà un Choix de 156 en vigueur avant 2015 et permet plutôt de produire le Choix de 156 au plus tard le 31 décembre 2015.Il est important de mentionner que le fait d’avoir un Choix de 156 en vigueur en 2014 à votre dossier n’a aucune incidence sur votre obligation de transmettre ce choix sur le formulaire prescrit à cet effet aux autorités fiscales à un moment entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2015. Enfin, veuillez noter que le Choix de 156 ne peut être transmis avant le 1er janvier 2015, car il ne sera pas reconnu par les autorités fiscales. En conséquence, un Choix de 156 effectué de manière officieuse (c’est-à-dire situation où les parties se comportent comme si un Choix de 156 a été fait, sans en avoir signé pour autant le formulaire prescrit) par le groupe de sociétés ne demeurera valide que s’il est présenté aux autorités fiscales selon les modalités prescrites. En conclusion, les nouvelles exigences de production du Choix de 156 présentent une excellente occasion de revisiter la pertinence, mais surtout l’admissibilité des Choix de 156 qui ont été effectués à ce jour. Compte tenu qu’il est impossible de produire d’avance le Choix de 156, il est fortement recommandé de prévoir un rappel après le nouvel an. ________________________________1 L.R.C. (1985), ch. E-15.2 RLRQ c T-0.1.3 Aux termes de la présente, nous n’aborderons pas en détail le concept de « étroitement lié » prévu par la LTA ni son application aux sociétés de personnes, car il dépasse le cadre de ce texte vu sa complexité. Veuillez consulter les soussignés pour obtenir plus d’information. Se « mettre à nu » pour avoir la meilleure couverture ... d’assurance! La communication entre le client et le courtier d’assurance : la clé du succèsJonathan Lacoste-Jobin avec la collaboration de Léa Pelletier-Marcotte, étudiante en droit C’est avant que ne survienne un sinistre qu’une entreprise doit s’assurer de posséder une couverture d’assurance adéquate, qui réponde à ses besoins et à ses caractéristiques particulières et qui soit adaptée au marché au sein duquel elle évolue. L’entreprise peut ainsi s’éviter bien des tracas. Or, il peut être difficile de s’y retrouver dans le domaine de l’assurance; d’où l’intérêt de faire affaire avec un courtier, ayant pour mandat d’évaluer les besoins du client et d’offrir la couverture d’assurance répondant le mieux à ceux-ci. Le courtier a, à l’égard de son client, un devoir de conseil à deux volets1. D’un côté, il doit s’assurer de recueillir personnellement les informations qui lui permettront d’offrir au client un produit qui réponde à ses besoins spécifiques. De l’autre, il doit informer et conseiller son client pour lui permettre de prendre des décisions éclairées et réfléchies2. Il doit donc être en mesure de décrire le plus justement possible au client le produit qu’il lui propose en plus de lui en préciser les modalités3. Le courtier « n’est pas un simple vendeur ou courroie de transmission entre l’assuré et l’assureur, mais un professionnel de l’assurance »4. Il doit faire preuve d’initiative dans la période précontractuelle, c’est-à-dire avant que la police d’assurance ne soit émise; par exemple, en s’informant de la nature des activités de l’entreprise, des biens qu’elle possède et de ses besoins en matière d’assurance. Il doit également être au diapason des besoins de sa clientèle après la conclusion du contrat et s’ajuster en fonction de l’évolution de ceux-ci. Toutefois, ce devoir de conseil du courtier repose grandement sur la nature du mandat qui lui est confié par le client, la conduite générale de celui-ci et les informations qu’il fournit5; d’où l’importance pour le client d’agir avec diligence lors de ses interactions avec son courtier. Puisque le courtier se base sur les informations qui lui sont transmises pour recommander un produit d’assurance, le client doit décrire avec précision la nature de ses activités et les caractéristiques de l’entreprise. Ce n’est pas au courtier de deviner les besoins de son client, c’est plutôt à ce dernier de lui faire part de ses attentes. Si le premier devoir d’un courtier est de conseiller, celui du client est d’informer son courtier de manière précise et non équivoque de ce dont il a besoin6. Il faut également garder à l’esprit que le courtier ne possède pas nécessairement les connaissances nécessaires pour prendre en charge toutes les facettes d’un dossier. Par exemple, l’évaluation des biens à assurer n’est pas du ressort du courtier. C’est le client qui doit se charger d’obtenir une juste évaluation, préférablement d’un évaluateur agréé, pour que le courtier puisse obtenir une couverture d’assurance suffisante7. Nous recommandons également de porter attention aux documents transmis par le courtier, incluant les résumés de couverture ainsi que les polices d’assurance, et de bien en comprendre les modalités avant de les signer. En cas d’incertitude, poser des questions et demander des précisions évitera bien des problèmes8. Il demeure également important de bien documenter son dossier et de conserver les divers échanges avec le courtier pour référence future, d’autant que les sinistres surviennent souvent plusieurs mois, voire même plusieurs années, après les discussions avec celui-ci. En somme, la base d’une bonne couverture d’assurance passe par la communication, à son courtier d’assurance, des besoins spécifiques de l’entreprise et de ses activités. En cas de doute n’hésitez pas à poser des questions et demander toutes les précisions qui s’imposent. Comme le dit l’adage : il vaut mieux trop que pas assez! ________________________________1 Voir la Loi sur la distribution de produits et services financiers, chapitre D-9.2; Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (D-9.2, r. 3); Règlement relatif à la délivrance et au renouvellement du certificat de représentant (D-9.2, r. 7) et le Règlement sur l’exercice des activités de représentant (D-9.2, r. 10).2 125057 Canada inc. (Tricots LG ltée) c. Rondeau, 2011 QCCS 94 (C.S.).3 Baril c. L’Industrielle Compagnie d’assurance sur la vie, [1991] R.R.A. 191 (C.A.).4 Ibid.5 2164-6930 Québec Inc. c. Agence J.L. Payer Compagnie Ltée, [1996] R.R.A. 549 (C.A.).6 Les marbres Waterloo Ltée c. Gérard Parizeau ltée, [1987] R.R.A. 938 (C.A.). 7 Voir par exemple Renaud c. Promutuel Dorchester, société mutuelle d’assurances générales, [2006] R.R.A. 641 (C.S.).8 Par exemple, 2751-9636 Québec Inc. c. Cie d’assurance Jevco, [2004] R.R.A. 954 (C.S.).
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Que suppose le devoir de diligence?
5. QUE SUPPOSE LE DEVOIR DE DILIGENCE?Le devoir de diligence signifie que l’administrateur doit être présent aux réunions du conseil et des comités du conseil dont il fait partie, se préparer pour ces réunions, s’informer sur la personne morale, ses activités et son marché, surveiller la gestion de la personne morale et fournir une contribution positive et active selon ses connaissances et compétences.L’administrateur doit donc être bien informé, proactif et avoir le courage d’agir. Le courage d’agir signifie qu’il ne doit pas hésiter à exprimer ce qu’il pense réellement et proposer ce qui lui apparaît devoir être fait dans le meilleur intérêt de la société, même si cela peut déplaire à la direction ou à des collègues ou affecter ses ambitions et intérêts personnels.La Cour suprême du Canada a ainsi interprété le devoir de diligence dans l’arrêt Peoples’1 :« [67] « On ne considèrera pas que les administrateurs et les dirigeants ont manqué à l’obligation de diligence énoncée à l’article 122 (1)(b) de la LCSA s’ils ont agi avec prudence et en s’appuyant sur les renseignements dont ils disposaient. Les décisions prises devaient constituer des décisions d’affaires raisonnables compte tenu de ce qu’ils savaient ou auraient dû savoir.Lorsqu’il s’agit de déterminer si les administrateurs ont manqué à leur obligation de diligence, il convient de répéter que l’on n’exige pas d’eux la perfection. Les tribunaux ne doivent pas substituer leur opinion à celle des administrateurs qui ont utilisé leur expertise commerciale pour évaluer les considérations qui entrent dans la prise de décisions des sociétés. Ils sont toutefois en mesure d’établir, à partir des faits de chaque cas, si l’on a exercé le degré de prudence et de diligence nécessaire pour en arriver à ce qu’on prétend être une décision d’affaires raisonnable au moment où elle a été prise. » (nos soulignements) Lorsque le conseil délègue une partie de ses devoirs à un comité ou aux dirigeants, il doit veiller à ce que cette délégation soit faite à des personnes compétentes qui, selon le jugement raisonnable du conseil, verront elles-mêmes à faire preuve de diligence et de loyauté.Dans le cadre d’une poursuite, diverses circonstances et de nombreux éléments peuvent être pris en compte par les tribunaux dans la détermination de l’exercice ou non d’une diligence raisonnable par la personne morale et par ses administrateurs dans les circonstances. Mentionnons certains éléments qui ont été considérés par les tribunaux selon les circonstances : la nature et la gravité du préjudice; les systèmes d’enquête et de détection mis en place et plus généralement le système de gestion des risques (appréciation et traitement); la qualité des vérifications effectuées sur une base régulière et sur une base ponctuelle; la culture de l’entreprise; les politiques adoptées par l’entreprise dans le domaine et le suivi donné à ces politiques; la formation et l’assistance fournies aux employés en matière de prévention du type de risque qui s’est matérialisé; le caractère prévisible du sinistre, du problème ou de l’événement; la connaissance au préalable du problème ou d’indices d’un problème potentiel; le temps mis pour réagir et les mesures prises pour corriger le problème une fois celui-ci connu; le bilan ou l’historique de l’entreprise en la matière; le degré de tolérance face au risque ou à des manquements dans le passé; la disponibilité de mesures pour prévenir le préjudice ou en réduire l’impact; les compétences des personnes responsables. _________________________________________1 Magasins à rayons Peoples inc. c. Wise, 2004 CSC 68.
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Quelles précautions le candidat-administrateur devrait-il prendre avant d’accepter de siéger comme administrateur d’une société? / À quels devoirs un membre de conseil d’administration est-il soumis?
Ce Droit de savoir express fait partie d’une série de bulletins qui répondent chacun, de manière pratique et concrète, à une ou plusieurs questions. Ceux-ci ont été ou seront publiés au cours des prochaines semaines. De plus, une version consolidée de tous les Droit de savoir express publiés sur ce thème sera disponible sur demande.Ces différents bulletins, de même que d’autres publiés en matière de gouvernance, sont ou seront accessibles dans notre site Web (lavery.ca/publications – André Laurin).3. QUELLES PRÉCAUTIONS LE CANDIDAT-ADMINISTRATEUR DEVRAIT-IL PRENDRE AVANT D’ACCEPTER DE SIÉGER COMME ADMINISTRATEUR D’UNE SOCIÉTÉ?Le candidat à un poste d’administrateur devrait clairement procéder à certaines vérifications préalables. Parmi celles-ci, notons : l’intérêt du candidat pour l’organisation et ses objectifs; les exigences que suppose la fonction en termes de temps et d’efforts et la disponibilité de l’administrateur à cet égard; la possibilité réelle d’apporter une contribution significative, et donc de fournir une valeur ajoutée à la personne morale; la qualité des administrateurs déjà en place qui seront ses collègues s’il accepte de siéger; la réceptivité de la direction à une saine gouvernance et l’aide apportée par cette direction aux administrateurs pour qu’ils puissent respecter leurs devoirs et jouer pleinement leur rôle; la qualité de la gouvernance en place; la santé financière de la personne morale; l’existence de poursuites ou de menaces de poursuite significatives contre la personne morale; le respect par l’organisation des lois et contrats; l’existence de garanties d’assurance « Administrateurs et dirigeants » adéquates; la disponibilité d’un engagement d’indemnisation en faveur de l’administrateur par la personne morale; l’existence de démissions récentes d’administrateurs et les raisons de ces démissions; la proportionnalité de la rémunération par rapport aux risques de responsabilité (principalement dans le cas d’un émetteur assujetti).Des conversations préliminaires avec le chef de la direction, le président du conseil et quelques administrateurs actuels et anciens peuvent permettre d’obtenir certaines confirmations adéquates à l’égard de plusieurs de ces items. Toutefois, ces conversations devraient être complétées par l’examen de documents (états financiers, plumitifs des cours, procès-verbaux, …).La personne qui est dirigeant, administrateur ou employé d’une société doit également veiller à ce que la nouvelle charge d’administrateur soit acceptable à la première société. La nouvelle charge pourrait en effet contrevenir à une politique de la société, au contrat entre l’individu et la société ou à l’intérêt de la société.Les risques à la réputation reliés à l’acceptation de la fonction d’administrateur auprès de certaines personnes morales ne sont pas non plus à négliger. On a vu récemment la réputation de certaines personnes de haute qualité qui avaient accepté d’assumer bénévolement une charge d’administrateur auprès d’un organisme à but non lucratif être écorchée. Les médias, les politiciens et même les vérificateurs généraux tirent quelquefois des conclusions rapides qui ne son pas bien fondées quant au respect par les administrateurs de leurs devoirs.4. À QUELS DEVOIRS UN MEMBRE DE CONSEIL D’ADMINISTRATION EST-IL SOUMIS?Des lois constitutives, notamment, la Loi canadienne sur les sociétés par actions1 et la Loi sur les sociétés par actions (Québec)2 et le Code civil du Québec3 se dégagent deux devoirs généraux auxquels sont soumis les administrateurs, soit le devoir de diligence et le devoir de loyauté. La Loi canadienne sur les sociétés par actions formule ces devoirs comme suit :« 122(1) [Devoir des administrateurs et dirigeants] Les administrateurs et les dirigeants doivent, dans l’exercice de leurs fonctions, agir :a) avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société;b) avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente. »Outre ces devoirs généraux, l’administrateur est également assujetti à certaines obligations statutaires ou à des présomptions de responsabilité ou de culpabilité en vertu de diverses lois particulières, notamment en ce qui concerne les salaires impayés et la remise des déductions à la source ainsi que de la TPS/TVQ. Il est important que l’administrateur soit parfaitement au courant de toutes les obligations et présomptions statutaires et sache les reconnaître et qu’il veille à ce que la personne morale prenne les mesures appropriées à ces égards et à ce que le conseil effectue une surveillance de ces mesures._________________________________________1 Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, c. C-44.2 Loi sur les sociétés par actions, R.L.R.Q., c. S-31.1 art. 119.3 Code civil du Québec, R.L.R.Q., c. C-1991, articles 321 et suivants.
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L’administrateur doit-il être actionnaire ou membre de la personne morale? / Qui est admissible à devenir administrateur ?
Ce Droit de savoir express fait partie d’une série de bulletins qui répondent chacun, de manière pratique et concrète, à une ou plusieurs questions. Ceux-ci ont été ou seront publiés au cours des prochaines semaines. De plus, une version consolidée de tous les Droit de savoir express publiés sur ce thème sera disponible sur demande.Ces différents bulletins, de même que d’autres publiés en matière de gouvernance, sont ou seront accessibles dans notre site Web (lavery.ca/publications – André Laurin).1. L’ADMINISTRATEUR DOIT-IL ÊTRE ACTIONNAIRE OU MEMBRE DE LA PERSONNE MORALE?Sous réserve de ce qui suit, la réponse à cette question est négative.Toutefois, la loi constitutive, les statuts, le règlement interne ou administratif ou la convention unanime d’actionnaires peuvent stipuler des conditions d’admissibilité particulières.Ainsi, à titre d’exemples non exhaustifs : la loi constitutive ou le règlement d’un organisme à but non lucratif, d’un ordre professionnel ou de certaines autres personnes morales peut prescrire des exigences quant à la qualité de membre, de résidence, de citoyenneté, etc. les statuts d’une société ou une convention unanime d’actionnaire peut conférer un pouvoir de nomination d’un ou de plusieurs administrateurs à un actionnaire ou encore prévoir que l’administrateur doit être un actionnaire.2. QUI EST ADMISSIBLE À DEVENIR ADMINISTRATEUR?Les conditions d’admissibilité se retrouvent principalement soit au Code civil du Québec1 pour les personnes morales qui sont régies par celui-ci soit dans la loi constitutive de la personne morale telles que complétées, dans les deux cas, par le règlement interne ou administratif dûment adopté par la personne morale ou par une convention unanime d’actionnaires.En vertu de toutes les lois pertinentes, l’administrateur doit être une personne physique. Une personne morale ne peut être membre du conseil d’administration d’une autre personne morale.Ainsi, l’article 327 du Code civil du Québec2 stipule que « les mineurs, les majeurs en tutelle ou en curatelle, les faillis et les personnes à qui le tribunal interdit l’exercice de cette fonction » sont inhabiles à exercer la fonction d’administrateur. On retrouve des exclusions similaires, en tout ou en partie, dans la majorité des lois constitutives des personnes morales.La plupart des lois constitutives n’exigent pas que l’administrateur soit un actionnaire ou, dans le cas d’un OBNL, un membre de la personne morale.Par ailleurs, certaines lois constitutives prescrivent des conditions d’admissibilité telles la citoyenneté ou la résidence.Certaines lois autres que les lois constitutives ou certains règlements ou décisions d’autorités réglementaires établissent par ailleurs des prohibitions d’exercer la fonction d’administrateur en général ou, dans d’autres circonstances, d’agir comme administrateur de certaines personnes morales en particulier.Nous avons traité sous la question « L’administrateur peut-il être destitué par le conseil d’administration en cours de mandat »3 de certaines conditions d’admissibilité additionnelles qui peuvent être prescrites dans le règlement interne ou administratif. Certaines personnes morales voudront par exemple imposer comme condition d’admissibilité l’absence de dossier criminel pour éviter d’avoir à présenter une requête au tribunal en vertu de l’article 329 du Code civil du Québec4 pour obtenir la destitution d’un administrateur trouvé coupable d’un acte ou d’une infraction au Code criminel.Le fait de ne pas respecter les conditions d’admissibilité de même que le fait de perdre le cens d’éligibilité devrait, selon nous, entraîner dans la plupart des cas et pour la plupart des fins, la déchéance automatique de la personne physique comme administrateur.Toute personne qui est invitée à devenir administrateur d’une personne morale donnée de même que la personne morale en question doivent donc vérifier le respect des conditions d’admissibilité applicables en l’espèce._________________________________________1 Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991.2 Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991 « L’administrateur de société : questions et réponses ».3 Site internet Lavery - Publications - André Laurin - « L’administrateur de société : questions et réponses »,« 20. L’administrateur peut-il être destitué par le conseil d’administration en cours de mandat? ».4 Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991.
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Non-conformité avec les dispositions du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur en ce qui concerne les avis de déchéance du bénéfice du terme
Bien que la non conformité avec la Loi sur la protection du consommateur (la « LPC ») soit habituellement sanctionnée par la nullité des clauses non conformes à la LPC, voire du contrat dans son ensemble, dans certaines causes portant sur les avis écrits de déchéance du bénéfice du terme, les tribunaux ont parfois décidé de maintenir la validité des avis non conformes si cela n’avait causé préjudice aux droits du consommateur. Deux jugements confirment cette position.LE JUGEMENT CAISSE POPULAIRE DESJARDINS DU PORTAGEDans un jugement récent de la Cour du Québec, Caisse Populaire Desjardins du Portage c. Létourneau1, la Cour a rejeté le plaidoyer de la défenderesse qui cherchait à faire annuler les avis de déchéance du bénéfice du terme au motif que les états de compte accompagnant les avis n’étaient pas en tous points conformes aux exigences du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur (le « Règlement »). Contrairement aux exigences des paragraphes 67e) et 67f) du Règlement, les états de compte en cause n’indiquaient pas clairement le solde du capital net après chaque somme d’argent payée par la défenderesse et portée à son compte, non plus que pour chaque somme d’argent portée au compte de la défenderesse, on n’indiquait la partie imputée au capital net ni celle imputée aux frais de crédit.Après avoir envoyé deux avis de déchéance du bénéfice du terme et avoir attendu les trente (30) jours requis pour que la déchéance se produise, la Caisse a poursuivi la défenderesse afin d’obtenir le remboursement des deux prêts personnels en défaut.Lors du procès, la défenderesse n’a pas contesté devoir certaines sommes à l’égard des prêts; toutefois, elle a soulevé que les avis étaient nuls parce que les états de compte n’indiquaient pas tous les renseignements exigés par le Règlement. Par conséquent, elle n’aurait pas perdu le bénéfice du terme et elle ne devait payer à la Caisse uniquement les versements échus plutôt que le solde des prêts.La Caisse a reconnu que les états de compte n’étaient pas en tous points conformes aux exigences du Règlement, avant d’ajouter que les renseignements manquants étaient mineurs et ne justifiaient pas que la Cour prononce la nullité des avis.La Cour note que l’état de compte joint à un avis de déchéance du bénéfice du terme a pour objet d’informer le consommateur des sommes dues, de sorte qu’il puisse, dans les trente (30) jours de la réception de l’avis, corriger le défaut en payant ces sommes au commerçant. Dans le présent cas, la Cour s’est rangée du côté de la Caisse et convient que les avis et les états de compte les accompagnant contenaient l’information nécessaire pour que la défenderesse comprenne son défaut et y remédie. Faisant référence à un autre jugement de la Cour du Québec rendu en 2009, soit Banque de Montréal c. Bujold2, la Cour rappelle que la LPC a été adoptée pour protéger les consommateurs victimes de pratiques interdites aux commerçants, mais qu’elle ne doit pas permettre aux consommateurs de se soustraire à leurs obligations en invoquant des vétilles.LE JUGEMENT BUJOLDDans l’affaire Bujold, la Banque a intenté une poursuite pour le solde total dû en vertu du contrat de vente à tempérament signé aux fins de l’achat d’un véhicule d’occasion. Le défendeur y avait aussi plaidé que l’avis de déchéance du bénéfice du terme ne respectait pas les paragraphes 67e) et 67f) du Règlement et devait donc être annulé. Toutefois, le défendeur avait également fait valoir que le contrat de crédit lui-même devait être annulé compte tenu de l’omission de la banque de procéder à une enquête suffisante de sa situation financière et compte tenu du fait que le véhicule acheté lui était parfaitement inutile. La Cour note que la LPC visait à protéger tout consommateur vulnérable et qu’elle ne devait pas être utilisée de façon abusive afin d’obtenir la nullité de clauses ou de contrats par ailleurs valablement conclus. La Cour a admis qu’eu égard aux prétentions du défendeur, elle pouvait annuler l’avis de déchéance du bénéfice du terme, mais qu’une telle décision serait contraire à l’intérêt supérieur de la justice, car il en résulterait inévitablement l’émission d’un nouvel avis par la demanderesse, causant des délais additionnels et, vraisemblablement, de nouvelles procédures de contestation par le défendeur.En ce qui concerne la nullité du contrat de consommation lui-même, la Cour a douté de la bonne foi de M. Bujold compte tenu de ses nombreuses déclarations manifestement inexactes sur le formulaire de demande de crédit, y compris une fausse déclaration quant à son emploi, à ses revenus et aux paiements à l’égard de son prêt hypothécaire et l’omission flagrante de déclarer l’existence de plusieurs prêts personnels non remboursés. Pourtant, le défendeur n’avait pas hésité à signer au bas du formulaire de demande de crédit pour attester que tous les renseignements fournis à la banque étaient vrais et exacts.Dans ces circonstances, la Cour a décidé que la Banque n’avait fait preuve d’aucune négligence quant à l’enquête effectuée afin de se former une opinion sur la capacité financière du défendeur avant de lui accorder un crédit. Selon la Cour, si le défendeur a obtenu un prêt pour l’achat d’un véhicule dont il n’avait pas besoin, c’est uniquement en raison de ses propres fausses déclarations et de son manque général de sens des affaires. Qui plus est, la Cour a critiqué le comportement répréhensible du défendeur et a décidé que ce comportement constituait une fin de non recevoir empêchant le défendeur de faire valoir les lacunes de l’avis. La Cour a donc ordonné au défendeur de payer l’encours de la dette à la Banque.COMMENTAIRESLes commerçants ne devraient toutefois pas croire, en se fondant sur les affaires citées, que les tribunaux sont généralement indulgents lorsqu’il est question de non-conformité avec la législation sur la protection du consommateur. Toutefois, ces affaires rappelent que les droits des commerçants ne devraient pas être écartés en raison de points de détail ou d’une non-conformité sans importance qui ne portent pas préjudice au consommateur.Bien qu’il soit difficile d’établir une règle générale à partir de ces décisions, les tribunaux donnent au moins une certaine marge de manoeuvre aux commerçants lorsque les avis de déchéance du bénéfice du terme présentent des lacunes techniques. Le véritable critère semble être de savoir si le défendeur pouvait comprendre la nature de son défaut et y remédier.Le jugement dans l’affaire Bujold donne également quelques indications quant à la portée de l’obligation des commerçants d’apprécier le consentement donné par un consommateur conformément aux critères énoncés à l’article 9 de la LPC (parmi lesquels se trouvent la condition des parties, les circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu et les avantages qui résultent du contrat pour le consommateur). Les circonstances personnelles du consommateur peuvent être examinées et vérifiées par le commerçant avant de s’engager contractuellement avec un consommateur, tel qu’enseigné par la jurisprudence. Ce faisant, le commerçant pourrait se fonder sur les déclarations (apparemment exactes) d’un consommateur._________________________________________ 1. Caisse Populaire Desjardins du Portage c. Létourneau, 2013 QCCQ 4395. 2. Banque de Montréal c. Bujold, 2009 QCCQ 5530.
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Avertissement aux commerçants : le coût des contrats de consommation « illisibles »
Dernièrement, la Cour du Québec a rappelé aux commerçants la responsabilité qui leur incombe de s’assurer que les consommateurs ont connaissance de clauses contractuelles importantes au moment de la conclusion d’un contrat. Dans l’affaire 159191 Canada inc. (Discount Location d’autos et camions) c. Waddell1, la Cour devait décider si une clause contenue dans un contrat de location de véhicules de deux pages prévoyant l’exclusion d’une assurance en cas de dommages dans une situation particulière était valide en vertu du droit québécois.LES FAITSLes faits de l’affaire sont les suivants. Le défendeur, M. Patrick Waddell, avait loué une camionnette auprès de la demanderesse, Discount Location d’autos et camions (« Discount »), et avait choisi de souscrire une assurance en cas de dommages supplémentaire. Le même jour, en tentant de stationner la camionnette, M. Waddell heurte un balcon et la camionnette a subi des dommages importants. L’espace de stationnement était suffisamment large pour une voiture ordinaire, mais trop étroit pour la camionnette. Au moment de retourner la camionnette à Discount, M. Waddell apprend que le contrat de location fait expressément exclusion de la couverture d’assurance dans le cas d’un dommage occasionné par un dégagement insuffisant en hauteur et/ou en largeur. M. Waddell s’est opposé à l’application de la clause d’exclusion et a refusé de payer les dommages. Discount l’a poursuivi afin de recouvrer la somme de 14 906 $, soit la différence entre la valeur de la camionnette avant et après l’accident.Lors du procès, Discount a prétendu que, en conformité avec la jurisprudence applicable, elle avait intentionnellement imprimé la clause au verso du contrat, au même endroit que celui réservé pour l’acceptation et la signature du client, et que de ce fait, M. Waddell aurait dû en être conscient. En réponse, M. Waddell soutient que la préposée de Discount a omis de porter cette clause à son attention, et que, en soi, la grosseur du caractère de même que la qualité d’impression rendaient celle-ci illisible.LA DÉCISIONS’appuyant sur plusieurs dispositions législatives, la Cour s’est prononcée en faveur de M. Waddell et a rejeté la réclamation de Discount.ANALYSEPremièrement, la Cour a expliqué qu’à la lumière de l’article 1436 du Code Civil du Québec2 (« CCQ »), toute clause dans un contrat de consommation qui est illisible ou incompréhensible pour une personne raisonnable est nulle si le consommateur qui y adhère en souffre préjudice. La Cour a établi que deux des conditions requises pour l’application de cette disposition sont remplies. La Cour a constaté que le contrat litigieux entre dans la catégorie des contrats de consommation, au sens où l’entendent l’article 1379 CCQ et l’article 2 de la Loi sur la protection du consommateur du Québec3 (« LPC »). Il était également clair que M. Waddell subirait un préjudice en raison de l’application de la clause, puisqu’il lui faudrait seul payer les réparations pour le véhicule. Le fond du litige consistait donc à déterminer si la clause était illisible.Deuxièmement, avant de se pencher sur la question de la lisibilité, la Cour explique que le contractant détenant une position avantageuse se verra imposer une obligation positive de renseignement au stade de la formation du contrat. Cette obligation découle de son devoir d’agir de bonne foi imposé par les articles 6, 7 et 1375 CCQ.Troisièmement, la Cour examine si M. Waddell avait véritablement consenti à l’application de la clause. Conformément à l’article 9 LPC, la Cour analyse les circonstances dans lesquelles le contrat a été conclu. Elle fait valoir que le fait que M. Waddell ait signé le contrat ne constituait pas une preuve suffisante de son consentement à ladite clause. La Cour estime que Discount devait prouver que M. Waddell avait de fait lu le contrat et en avait compris les modalités. Faisant référence à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Dell Computer, la Cour explique « que l’on qualifie d’illisible la clause qui est noyée parmi un grand nombre d’autres clauses en raison de l’endroit où elle est située dans le contrat ».4Quatrièmement, la Cour explique que la grosseur du caractère ou de la lettre, la forme des caractères, l’espace réservé entre les lettres et les contrastes de couleur du texte peuvent également le rendre illisible. La Cour souligne de plus que le commerçant doit s’efforcer de rendre le texte accessible, plus particulièrement lorsqu’une clause porte atteinte aux droits d’un consommateur. La clause litigieuse ne répondait donc pas aux exigences de l’article 28 du Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur5, à savoir, qu’elle « doit être imprimée en caractère typographique équivalent à l’HELVÉTICA MAIGRE d’au moins 8 points sur corps 10 ». Elle était imprimée en caractère typographique de 7 points sans espace suffisant entre les lettres, et n’avait pas à être paraphée, contrairement à d’autres clauses ayant des portées beaucoup moins importantes pour le consommateur (comme des clauses avisant le consommateur qu’il lui faut rapporter le véhicule avec le plein d’essence, ou demandant au consommateur de confirmer qu’il est assuré) contenues dans le contrat. Il convient de souligner qu’en vertu de la jurisprudence invoquée dans cette décision, sont considérées comme illisibles les lettres imprimées en gris pâle sur papier blanc de mauvaise qualité. Enfin, la Cour invoque l’article 17 LPC qui prévoit que, « dans tous les cas de doute ou d’ambiguïté, le contrat doit être interprété en faveur du consommateur ».À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que le consentement de M. Waddell avait été vicié et déclare la clause nulle. Elle explique que toute personne raisonnable à laquelle aurait été présenté le contrat n’aurait pas compris la portée ni eu connaissance de l’existence de la clause. Le fait que Discount ait imprimé celle-ci au verso du contrat, près de l’espace réservé à la signature du consommateur, ne rendait pas celle-ci lisible. De même, il importait peu que l’assureur de M. Waddell pour son automobile personnelle lui opposait une clause similaire.CONCLUSIONCette décision rappelle aux commerçants le fardeau qui est le leur d’aviser les consommateurs de toutes clauses importantes qu’ils peuvent souhaiter par la suite mettre à exécution au moment même de la conclusion du contrat. De plus, les commerçants ont l’obligation de rédiger des contrats qui respectent les exigences de la LPC et de sa réglementation, plus particulièrement, quant à la taille et la grosseur du caractère ou de la lettre et l’espace entre les lettres. Finalement, les commerçants ne peuvent que tirer profit de l’exigence exprimée par le juge que les consommateurs doivent parapher les clauses ayant des conséquences plus importantes sur leurs obligations. De cette façon, les commerçants peuvent mieux protéger leurs intérêts et s’assurer que les contrats seront opposables aux consommateurs en cas de litige._________________________________________ 1 2013 QCCQ 3560. 2 c. C-1991. 3 c. P-40.1. 4 Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs, [2007] 2 R.C.S. 801, 2007 CSC 34, p.90. 5 c. P-40.1, r. 3.
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Vente sous contrôle de justice : la désignation de l’officier chargé de la vente à la lumière des règles de conflit d’intérêts
La Cour supérieure a récemment rendu un jugement1 précisant l’étendue de la discrétion dont dispose un tribunal lorsqu’il entérine la suggestion faite par un créancier, dans le cadre de l’exercice de son recours hypothécaire, quant à la possibilité de nommer un employé de ses conseillers juridiques à titre d’officier de justice chargé de procéder à la vente sous contrôle de justice des biens hypothéqués en sa faveur.LE CONTEXTELa Cour supérieure était saisie de cinq dossiers aux faits essentiellement similaires. Dans chacun de ces dossiers, le prêt consenti à un débiteur (le « Débiteur ») est garanti par une hypothèque en faveur du prêteur (le « Créancier »).À la suite au défaut du Débiteur d’effectuer les paiements mensuels prévus en remboursement du prêt, le Créancier entame un recours hypothécaire et s’adresse au tribunal afin que celui-ci entérine les modalités qu’il suggère pour la vente sous contrôle de justice, de gré à gré, des biens grevés par l’hypothèque dont il est le titulaire; ces modalités prévoient la nomination d’un employé de ses procureurs afin de procéder à la vente sous contrôle de justice.La juge Carole Julien rappelle d’abord l’étendue du pouvoir du tribunal dans le cadre du processus de vente sous contrôle de justice :2791 C.c.Q. La vente a lieu sous contrôle de justice lorsque le tribunal désigne la personne qui y procédera, détermine les conditions et les charges de la vente, indique si elle peut être faite de gré à gré, par appel d’offres ou aux enchères et, s’il le juge opportun, fixe, après s’être enquis de la valeur du bien, une mise à prix.L’hypothèque elle-même investit donc le Créancier du pouvoir d’exercer son recours pour vente sous contrôle de justice et le tribunal ne peut lui refuser ce droit. Le rôle du tribunal se résume à s’assurer que le Créancier respecte les critères juridiques à cet égard et à statuer sur les modalités de cette vente, notamment quant au choix de la personne chargée de procéder à la vente, à l’étendue de sa responsabilité, à sa rémunération, à la date dela vente et à la publicité entourant celle-ci, au délai pour payer le solde de la vente, aux droits de mutation éventuels, etc.2LA QUESTION EN LITIGELa juge formule comme suit la question soulevée par les faits en cause dans chaque dossier :« Y a-t-il conflit d’intérêts si la personne désignée par le Tribunal pour effectuer la vente sous contrôle de justice est l’avocat (ou un de ses employés) du créancier en cause?3 »ANALYSED’entrée de jeu, la juge rappelle que la suggestion, par le Créancier, d’une personne chargée de procéder à la vente sous contrôle de justice des biens grevés par l’hypothèque ne lie par le tribunal. En effet, le tribunal a le pouvoir de désigner toute autre personne qu’il juge davantage impartiale, indépendante et compétente pour ce faire4.La personne chargée de procéder à la vente devient donc un officier de justice nommé par le tribunal. Afin de respecter les exigences liées à cette responsabilité, elle doit être compétente tant sur les plans objectif que subjectif. Alors que la « compétence objective » renvoie à la capacité et aux compétences pratiques requises pour mener à bien un processus de vente sous contrôle de justice, la « compétence subjective » renvoie plutôt à la capacité de traiter les intérêts de chaque partie, notamment ceux du titulaire de l’hypothèque et de son constituant, sur un pied d’égalité tout en évitant les situations de conflit d’intérêts5.À cet effet, le Code de déontologie des avocats6 (le « C.d. ») stipule, au premier paragraphe de l’article 3.06.07, que tout avocat qui représente des intérêts opposés se place en situation de conflit d’intérêts. La Cour supérieure précise la portée de cette disposition en ajoutant que l’existence d’un conflit d’intérêts s’apprécie à la lumière du devoir de loyauté et de confidentialité de l’avocat envers les personnes qu’il représente. Toute situation doit donc être évaluée, non pas en fonction d’un critère strict requérant la certitude de l’existence d’un conflit d’intérêt, mais plutôt selon la possibilité qu’il existe une apparence d’un tel conflit7.Le Code civil du Québec précise que la personne chargée de procéder à la vente sous contrôle de justice agit à titre de mandataire légal du propriétaire du bien vendu :2793 C.c.Q. La personne chargée de vendre le bien est tenue, outre de suivre les règles prescrites au Code de procédure civile (chapitre C-25) pour la vente du bien d’autrui, d’informer de ses démarches les parties intéressées si celles-ci le demandent.Elle agit au nom du propriétaire et elle est tenue de dénoncer sa qualité à l’acquéreur.Afin de remplir adéquatement ce mandat, la juge souligne que cette personne doit agir avec prudence et défendre les intérêts contradictoires en cause, conformément aux règles de l’administration du bien d’autrui (articles 1299 à 1370 C.c.Q.). En sa qualité de simple administrateur, elle est notamment assujettie à une obligation de loyauté, de prudence et d’impartialité8.La juge Julien relève certaines décisions où le tribunal a accepté que le représentant d’un créancier effectue la vente sous contrôle de justice9. Il appert néanmoins que cette jurisprudence n’abordait pas directement la question sous l’angle des conflits d’intérêts.La question était donc de déterminer si, en désignant un employé des conseillers juridiques du Créancier pour effectuer la vente sous contrôle de justice, il existait un risque apparent ou réel que celui-ci priorise les intérêts économiques de son cabinet juridique au détriment de ceux du Débiteur dont il est le mandataire légal.Il apparaît pourtant que les parties à une vente sous contrôle de justice ont généralement certains intérêts convergents. Néanmoins, même si un créancier et son débiteur ont un intérêt commun à ce que le bien hypothéqué soit vendu pour le prix le plus élevé possible, il importe de ne pas perdre de vue que ce même créancier conserve, peu importe le prix de vente, un recours à l’encontre de son débiteur lorsque le produit de la vente est inférieur au montant stipulé à l’hypothèque.En l’espèce, la personne suggérée par le Créancier ne peut donc pas agir à titre d’officier de justice dans le cadre de la vente sous contrôle de justice. Rejetant la suggestion du Créancier, la juge, rappelant un principe établit dans ADR Capital Inc. c. Weinberg10, résume ainsi son raisonnement :« [55] Tel que discuté plus haut, la personne désignée par la Cour se voit octroyer « une partie de l’autorité des tribunaux » et elle devient « le prolongement de la Cour et de son autorité ». Lorsque cette personne est un avocat, ou son employé, qui agit dans le dossier en tant que représentant du créancier, son devoir d’impartialité et de neutralité peut être mis en doute. Or, les avocats doivent non seulement éviter toute situation de conflits d’intérêts (art. 3.06.06 C.d.) mais aussi [celles] qui donnent l’apparence d’un tel conflit.[56] En agissant à la fois pour le créancier et le débiteur, dans une telle affaire de vente sous contrôle de justice, l’avocat représente des intérêts opposés dans leurs aspects divergents ce qui contrevient à l’article 3.06.07 par. 1 C.d. De plus, l’avocat ne peut représenter de manière concomitante un syndic de faillite ou un liquidateur ainsi que le débiteur ou le créancier en question (art. 3.06.07 par. 3 C.d.). Cette interdiction peut se comparer au rôle conflictuel que jouerait l’avocat en agissant comme personne désignée dans la vente sous contrôle de justice tout en représentant le créancier ou le débiteur en cause. Le Code de déontologie interdit d’ailleurs à l’avocat d’exercer le rôle de huissier ou d’exercer des fonctions judiciaires ou quasi judiciaires tout en exerçant son rôle d’avocat dans un même dossier (articles 3.05.05 par. a) et 4.01.01 C.d.).[57] De plus, l’avocat est tenu d’éviter « toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre et de commercialité » (art. 3.08.03 C.d.). Bien que l’avocat puisse vouloir offrir des services complets à son client, il lui faut évaluer leur impact sur l’apparence de justice. En proposant la candidature d’un parajuriste de son cabinet pour agir comme personne désignée dans une procédure entamée pour le bénéfice de son client créancier, l’avocat peut paraître tirer un avantage pécuniaire non éthique de ce dossier.11 »COMMENTAIRESLe jugement Compagnie de fiducie AGF c. Soulières précise le rôle de la personne désignée en tant qu’officier de justice chargé de procéder à une vente sous contrôle de justice. Ainsi, même si un créancier hypothécaire demeure libre de choisir la nature de son recours hypothécaire, la discrétion dont dispose le tribunal afin d’entériner les modalités de vente suggérées par ce créancier est limitée par le devoir d’impartialité et d’indépendance qui incombe à l’officierde justice nommé en vue de mettre en œuvre ces mêmes modalités._________________________________________ 1 Compagnie de fiducie AGF c. Soulières, 2013 QCCS 83 (jugement unique pour cinq dossiers). 2 Louis Payette, Les sûretés réelles dans le Code civil du Québec, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, par. 3541; voir notamment Montréal Trust Co. of Canada c. Regletex Inc., J.E. 98-883 (C.S.)(appel rejeté, J.E. 98-1874 (C.A.)). 3 Préc., note 1, par. 38. 4 Id., par. 30; voir également Louis Payette, préc., note 2, au paragraphe 1851. 5 Id., par. 33. 6 R.R.Q., c. B-1, r. 3. 7 Préc., note 1, par. 35; voir également Castor Holdings Ltd. (Syndic de), [1995] R.J.Q. 1665 (C.A.) (requête pour permission d’appeler rejetée, C.S.C., 25-04-1996, n°24910). 8 Articles 1309, 1310 et 1317 C.c.Q.; le paragraphe 1 de l’article 1310 C.c.Q. établit expressément que « l’administrateur ne peut exercer ses pouvoirs dans son propre intérêt ni dans celui d’un tiers; il ne peut non plus se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et ses obligations d’administrateur. S’il est lui-même bénéficiaire, il doit exercer ses pouvoirs dans l’intérêt commun, en considérant son intérêt au même titre que celui des autres bénéficiaires. » 9 Préc., note 1, par. 47 et 48. 10 2008 QCCS 4788, par. 30. 11 Préc., note 1, par. 55 à 57.
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Ratification par le Canada de la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d’équipement mobiles et de son Protocole portant sur les questions spécifiques aux matériels d’équipement aéronautiques
Dans le présent bulletin, nous analysons certaines dispositions de la Convention du Cap et du Protocole aéronautique qui entreront en vigueur au Canada le 1er avril 2013. UN APERÇUPar: Me Pierre Denis1 et Me Étienne Brassard2Lavery, de Billy, S.E.N.C.R.L. INTRODUCTIONLe présent bulletin se veut un bref aperçu de la Convention susmentionnée et de son Protocole aéronautique. Il ne constitue pas une analyse en profondeur de chacune de leurs dispositions. Nous porterons une attention particulière sur les principales dispositions que nous avons jugées pertinentes ou utiles afin d’obtenir un aperçu pratique de la CTC (Convention du Cap). Bien que rédigé en termes simples, ce survol soulève parfois des principes juridiques relevant du droit transactionnel et du droit du financement que nous aborderons au passage, en tentant toutefois de ne pas trop alourdir cette analyse.La Convention et le Protocole ont été adoptés le 16 novembre 2001 lors d'une Conférence diplomatique tenue au Cap en Afrique du Sud et sont depuis connus et conjointement désignés dans l’industrie comme étant la Convention du Cap ou la Cape Town Convention. Nous utiliserons dans ce texte la désignation « CTC » pour désigner les deux documents à la fois. Toutefois, étant donné que certains termes ne sont définis que dans la Convention ou dans le Protocole, et compte tenu de la nécessité de lire conjointement la Convention et le Protocole, nous préciseront que nous référons à la Convention ou au Protocole, selon le cas, dans les citations ou références à des définitions ou à des articles. Afin de faciliter les références, la Convention non consolidée et le Protocole sont facilement accessibles sans frais sur le site Web d'Unidroit3 et toutes les citations et les références tirées de chacun des documents proviennent de leur version non consolidée. La Loi sur les garanties internationales portant sur des matériels d’équipement mobiles (matériels d’équipement aéronautiques)4, telle qu’adoptée et modifiée par le Canada, prévoit que les textes non consolidés ont force de loi.Nous allons tout d’abord examiner brièvement la définition d’un bien aéronautique, les règles de forme pour créer une garantie internationale, l’élection de for et certaines règles de compétence juridictionnelle adoptées en vertu de la CTC, les règles applicables afin de déterminer l'emplacement du débiteur (la « situation du débiteur » pour reprendre la terminologie de la CTC), les défauts (les « inexécutions »), les recours (les « mesures ») en cas d’inexécution, ainsi que les mesures provisoires et les règles relatives aux mesures d’exécution extrajudiciaires (self-help remedies). Les principales règles relatives au rang et à l’inscription au Registre international (« RI ») seront brièvement analysées, ainsi que les consultations que l’on peut y effectuer. Le tout sera suivi par quelques commentaires à l'égard des privilèges de l’État et des privilèges en common law, des « super-priorités » et des créances prioritaires au Québec, ainsi que du droit de « saisir » ou de « retenir » de certaines lois fédérales, qui continueront tous à être reconnus. Les priorités, les cessions, les droits accessoires, les droits de subrogation ainsi que les inexécutions et les règles de priorité qui s’y rattachent seront mentionnés, sans toutefois être analysés en détail. Finalement, nous discuterons de l'entrée en vigueur de la CTC au Canada, des opérations bénéficiant de droits acquis et de la modification de ces opérations.1. OBJECTIFS DU REGISTRE INTERNATIONAL DES MATÉRIELS D’ÉQUIPEMENT MOBILESLa CTC instaure un cadre juridique visant à faciliter le financement et le commerce en matière aéronautique, et ce, notamment, par l’entremise du RI, supervisé par l'Organisation de l'aviation civile internationale, ayant comme objectif de centraliser l'enregistrement des opérations relatives aux biens aéronautiques (tel que défini ciaprès) à l’échelle mondiale. Il est souhaité que le RI devienne éventuellement l’unique registre pour toutes les transactions relatives aux biens aéronautiques créant des garanties internationales, à l’exception des opérations exclusivement internes lorsqu’un « registre national » existe dans un État contractant et que ce dernier a déclaré ces garanties comme étant une « garantie nationale » et qu’elles sont inscrites au RI5. Notons que le Canada n'a pas fait une telle déclaration et qu’il ne dispose pas actuellement d'un tel registre national pour publier les « garanties nationales » portant sur des biens aéronautiques. Le Registre des aéronefs civils canadiens consiste simplement en un registre relatif aux personnes ou entités qui ont le « contrôle et la garde » des aéronefs immatriculés sous son régime en tant que « propriétaire »6. Il ne permet pas l’inscription des garanties nationales ou internationales (tel que discutées ciaprès). Il n’est donc pas nécessaire de discuter davantage de ces garanties nationales.Plusieurs pays ayant participé aux négociations de la CTC ont longtemps été sollicités par les membres de l’industrie afin de promouvoir la modernisation et l'harmonisation des différents systèmes nationaux d’inscription applicables aux sûretés et aux droits reliés à la propriété (si de tels systèmes existaient dans certains États) relatifs aux biens aéronautiques. L’adoption de la CTC s’inscrit dans une démarche de l’industrie aéronautique visant à réduire les risques économiques en cas d’inexécution ou d'insolvabilité créés par les incertitudes liées à la validité et à l’opposabilité aux tiers des contrats constitutifs de sûreté, des contrats réservant un droit de propriété (vente conditionnelle), des contrats de bail et des transferts de propriété relatifs aux biens aéronautiques. Pour ce faire, il y avait lieu d'optimiser l'uniformisation internationale de ces droits et la reconnaissance par les États contractants des mesures adoptées en vertu de la CTC, d’assurer l'application de celles-ci par leurs tribunaux, ainsi que l'application par les tribunaux des États contractants des jugements étrangers concernant la CTC émanant d’autres États contractants.2. BIEN ARÉONAUTIQUES2.1. Type de biens aéronautiques exigeant l’inscription.La CTC est destinée à s'appliquer aux « biens aéronautiques »7, à l’exception de ceux utilisés par les services militaires, douaniers ou policiers, qui sont ainsi définis dans le Protocole :(i) « Cellules d’aéronefs »8 de modèle certifié comme pouvant transporter au moins huit (8) personnes y compris l’équipage ou des biens pesant plus de 2 750 kilogrammes;(ii) « moteurs d’avion »9 dans le cas des moteurs à réacteurs, développant chacun une poussée d’au moins 1 750 livres ou une valeur équivalente; et dans le cas des moteurs à turbines ou à pistons, développant chacun une poussée nominale sur arbre au décollage d’au moins 550 chevaux-vapeurs ou une valeur équivalente;(iii) « hélicoptère »10 de modèle certifié comme pouvant transporter au moins cinq (5) personnes y compris l’équipage ou des biens pesant plus de 450 kilogrammes.Chacun des biens mentionnés ci-dessus s’entend en outre de tous les accessoires, pièces et équipements (à l’exclusion des moteurs d’avion dans le cas des cellules d’aéronefs) qui y sont posés, intégrés ou fixés, ainsi que tous les manuels, les données et les registres y afférents.Soulignons que le Protocole prévoit expressément que le droit de propriété ou une autre garantie sur un moteur d’avion n’est pas affecté par le fait que le moteur ait été posé sur un aéronef ou qu’il en ait été enlevé11.Il n’y a pas définition offerte pour le terme « moteur d’hélicoptère », mais dans l’Official Commentary of the CTC12 (ci-après le « Commentaire officiel »), le professeur Goode tient les propos suivants :« (i) un moteur d’hélicoptère est un “moteur d’avion”, lorsqu’il n’est pas fixé à un hélicoptère;et (ii) lorsqu’un moteur d’hélicoptère est installé dans un hélicoptère, le moteur d’hélicoptère devient une pièce ou un équipement de l’hélicoptère, perdant ainsi la qualification de “bien aéronautique”. » (traduction libre)Au lieu d’inscrire une nouvelle garantie internationale à chaque fois qu’un moteur d'hélicoptère est retiré d'un hélicoptère ou d’inscrire une garantie internationale sur un moteur d'hélicoptère alors qu'il est installé sur un hélicoptère, le Commentaire officiel suggère plutôt d'adapter le contrat constitutif de sûreté afin d'envisager l'existence et l’inscription des garanties internationales actuelles et futures sur le moteur (lorsque le moteur sera retiré de l'hélicoptère, l’inscription de la garantie internationale future sur le moteur entrera donc en vigueur)13.3. QU’EST-CE QU’UNE GARANTIE INTERNATIONALE3.1. Les contrats visés par la CTC.La CTC est destinée à s'appliquer à un large éventail de contrats, à la fois actuels et futurs, qui créent ou font preuve d’un contrat constitutif de sûreté, d’un contrat réservant le droit de propriété ou d’un contrat de bail d'un bien aéronautique. Ces types de contrat seront définis en détail ci-dessous.Notons qu’aucun de ces contrats reconnus par la CTC n’exige de durée minimale afin de répondre à ses exigences et ainsi devenir assujetti à l'inscription au RI.3.1.1. Le contrat constitutif de sûreté;En vertu de la Convention:« contrat constitutif de sûreté » désigne un contrat par lequel un constituant confère à un créancier garanti un droit (y compris le droit de propriété) sur un bien aéronautique en vue de garantir l’exécution de toute obligation actuelle ou future du constituant lui-même ou d’une autre personne;14Cette définition est suffisamment large pour couvrir la plupart des formes de sûreté et comprendrait une fiducie-sûreté (security trust), une vente sous condition résolutoire et, puisque les transferts de droits de propriété à titre de sûreté sont inclus, une vente avec faculté de rachat garantissant un prêt (tel qu’entendu dans la province de Québec en vertu de l'article 1755 du Code civil du Québec (« CcQ »)). Bien sûr, la définition comprend également le contrat constitutif de sûreté tel que reconnu sous la Loi sur les sûretés mobilières (plus communément connue sous l’appellation Personal Property Security Act, « PPSA ») et l’hypothèque régie par le CcQ.Le droit applicable déterminera si le contrat en cause est un contrat constitutif de sûreté, un contrat réservant un droit de propriété ou un contrat de bail (voir les articles 2 (4) et 5 (2), (3) et (4) de la Convention).3.1.2. Le contrat réservant un droit de propriété;En vertu de la Convention:« contrat réservant un droit de propriété » désigne un contrat de vente portant sur un bien aux termes duquel la propriété n’est pas transférée aussi longtemps que les conditions prévues par le contrat ne sont pas satisfaites;15Conformément à l'article 2 (2) de la Convention, un contrat ne peut être à la fois un contrat constitutif de sûreté et un « contrat réservant un droit de propriété ». Cette dernière définition est sans doute suffisamment large pour inclure une convention de consignation, convention où le titre de propriété est transmis, lorsque les autres conditions de ladite convention sont rencontrées, lors de la consommation, de l'utilisation ou de la revente du bien consigné. Alors que le professeur Goode affirme dans le Commentaire officiel16 qu’une entente de consignation « sans frais de location » ne peut pas être un contrat de bail, il affirme également plus tôt qu’une consignation « ne franchit pas le seuil nécessaire afin de tomber dans une des catégories de la Convention (...) »17 (traduction libre). À notre avis, il est possible de soutenir qu’une consignation peut se qualifier si toutes les autres exigences de la CTC sont remplies. Il existe des différences conceptuelles entre la vente conditionnelle et la consignation en ce qui concerne le moment où les titres sont transférés. Dans le cas de la vente conditionnelle, c’est lors du paiement intégral du prix d’achat que le titre est transféré tandis que dans le cas de la consignation, c’est lors de l'utilisation, de la consommation ou de la vente. Ce sont toutes des « conditions » envisagées dans la définition, et qui, une fois remplies, déclenchent le transfert du titre de propriété du bien visé.3.1.3. Le contrat de bail;En vertu de la Convention:« contrat de bail » désigne un contrat par lequel une personne (le bailleur) confère un droit de possession ou de contrôle d’un bien (avec ou sans option d’achat) à une autre personne (le preneur) moyennant le paiement d’un loyer ou toute autre forme de paiement;18Cette définition est large. Certaines opérations qui ne seraient pas assujetties à une inscription à un registre de biens meubles PPSA ou au Registre des droits personnels et réels mobiliers du Québec sont des contrats de bail en vertu de cette définition et sont admissibles à l'enregistrement au RI si le bien aéronautique est impliqué dans une opération où une garantie internationale est créée. Cela inclurait les opérations de cessions-baux dans les juridictions où le PPSA s’applique (ce qui inclut toutes les provinces du Canada, sauf le Québec).La définition comprend sans aucun doute les baux financiers (financial leases), ainsi que « les contrats de location », tels que ces termes sont compris en common law et sous le CcQ.En ce qui concerne le CcQ, notons que ce sera le cas sans égard au sens qui y est donné aux termes « louage » (lease) et « crédit-bail » (leasing)19.Nous soulignons cependant une fois de plus que c’est la loi applicable qui déterminera si un contrat de louage ou un contrat de crédit-bail est un « contrat de bail » en vertu de la CTC ou un contrat constitutif de sûreté (voir l'article 2 (4) de la Convention).3.2. Conditions de forme.La Convention définit ainsi le terme « garantie internationale » :« garantie internationale » désigne une garantie détenue par un créancier à laquelle l’article 2 s’applique;L’article 2 de la Convention se lit ainsi :Article 2 — La garantie internationale1. La présente Convention institue un régime pour la constitution et les effets d’une garantie internationale portant sur des biens aéronautiques et les droits accessoires.2. Aux fins de la présente Convention, une garantie internationale portant sur des biens aéronautiques est une garantie, constituée conformément à l’article 10, portant sur des cellules d’aéronefs, des moteurs d’avion ou des hélicoptères :a) conférée par le constituant en vertu d’un contrat constitutif de sûreté;b) détenue par une personne qui est le vendeur conditionnel aux termes d’un contrat réservant un droit de propriété; ouc) détenue par une personne qui est bailleur aux termes d’un contrat de bail. Une garantie relevant de l’alinéa a) du présent paragraphe ne peut relever également de l’alinéa b) ou c).3. Les catégories visées aux paragraphes précédents sont:a) les cellules d’aéronefs, les moteurs d’avion et les hélicoptères;b) le matériel roulant ferroviaire; etc) les biens spatiaux.4. La loi applicable détermine si une garantie soumise au paragraphe ci-dessus relève de l’alinéa a), b) ou c) de ce paragraphe.5. Une garantie internationale portant sur un bien aéronautique s’étend aux produits d’indemnisation de ce bien.Quelques observations sont nécessaires. Une vente pure et simple, tout en n'étant pas une garantie internationale, est néanmoins sujette aux dispositions relatives à l'inscription prévues à la CTC, en vertu des articles III et IXV du Protocole, et peut donc bénéficier de la priorité ou des règles de rang prévues par la CTC. Le RI n'est pas, en soi, un registre de titre, mais l'inscription des contrats de vente fournira, au fil du temps, une liste consultable des transferts de titres reliés à un bien aéronautique spécifique (en supposant que la CTC s'applique à chacun des transferts).Les « droits et garanties non conventionnels » tel que défini dans la Convention ne sont pas des garanties internationales bien qu’ils soient assujettis à l’inscription au RI si un État contractant a fait une déclaration à cet égard conformément à l'article 39 de la Convention. Comme nous le verrons plus tard, le Canada a fait une telle déclaration. Soulignons également qu’une « garantie internationale future » est une garantie internationale aux fins de la CTC.L’article 7 de la Convention exige la présence de quatre conditions de forme pour qu’une garantie internationale soit créée.3.2.1. Être constatée par un écrit;L'exigence d'un écrit peut sembler anodine. Toutefois, les lecteurs de juridictions civilistes doivent prendre note que certaines règles formelles du droit interne ne s'appliquent pas. Par exemple, c'est le cas de la règle prévue à l'article 2692 du CcQ en ce qui concerne les hypothèques en faveur d'un fondé de pouvoir, qui exige que le document soit « à peine de nullité absolue, (…) constituée par acte notarié en minute ». Un contrat ne respectant pas cette règle, lorsqu’elle s'applique, créerait néanmoins une garantie internationale effective, bien qu’invalide en droit domestique.Soulignons également qu’un « écrit » comprend les supports d’information électroniques20.3.2.2. Avoir le pouvoir de disposer du bien aéronautique;Cette exigence est très générale et a été rédigée de telle sorte que les entités qui ne détiennent pas le titre de propriété, mais qui ont le « pouvoir » (par opposition au « droit ») de consentir une garantie ou de disposer d’un bien aéronautique pourraient agir ainsi21 (par exemple, un acheteur conditionnel qui revend ou donne en location, un locataire qui sous-loue ou un fiduciaire agissant en vertu d'une convention de fiducie). Cela inclut tout type de disposition que ce soit par la vente, la location, la vente conditionnelle ou la cession à titre de garantie.3.2.3. L’identification du bien aéronautique doit être conforme aux exigences du Protocole;Cette exigence d’une grande importance est complétée par l’article V du Protocole en ce qui concerne les contrats de vente et par l’article VII du Protocole qui est ainsi libellé :Article VII — Description des biens aéronautiquesUne description d’un bien aéronautique, qui comporte le numéro de série assigné par le constructeur, le nom du constructeur et la désignation du modèle, est nécessaire et suffit à identifier le bien aux fins du paragraphe c) de l’article 7 de la Convention et de l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article V du présent Protocole. (notre soulignement) Cette règle interdit la reconnaissance d’une garantie internationale, actuelle ou future, sur des biens aéronautiques futurs. Ainsi, il en découle que ni un contrat général de sûreté (general security agreement) ni une hypothèque mobilière universelle grevant tout bien mobilier présent ou futur, ne grèveraient à titre de garantie internationale des biens aéronautiques futurs. Ceci s’infère également de la référence aux biens « dont chacun est susceptible d’individualisation » à l’article 2 de la Convention.Notons que dans les provinces canadiennes où le PPSA s’applique, à l’exception de l’Ontario, le Personal Property Security Regulation22 exige de référer dans toute inscription aux marques d'immatriculations canadiennes d’un aéronef (émises par Transport Canada) comme étant son numéro de série, plutôt qu’au numéro de série du manufacturier. Ceci ne sera plus requis avec le RI. Toutefois, il sera possible d’indiquer lesdites marques, comme nous en discuterons ci-après.3.2.4. un contrat constitutif de sûreté doit rendre possible la détermination des obligations garanties, sans qu’il soit nécessaire de fixer une somme ou une somme maximum garantie;Le droit domestique de plusieurs États ou de plusieurs unités territoriales (en ce qui concerne les États fédérés, voir l’article 5(4) de la Convention), tel que c’est le cas dans la province de Québec en ce qui concerne les hypothèques, exige que le montant maximum pour lequel un bien est grevé soit spécifiquement mentionné. Une fois de plus, les règles de forme du droit domestique sont écartées en ce qui concerne les garanties internationales (comme l’exigence d’indiquer le montant d’une hypothèque), à condition que les obligations garanties soient déterminables.Puisque le RI n'est pas un registre auprès duquel les actes sont déposés, si quelqu'un désire s’assurer que les règles formelles mentionnées ci-dessus afin de créer une garantie internationale sont respectées, cette personne devra obtenir une copie du contrat en question. Aucune règle obligeant un créancier à fournir une copie du contrat à quelqu'un qui en fait la demande n’est prévue, comme c'est le cas, par exemple, dans la plupart des juridictions où le PPSA s’applique23. Le droit interne pourrait potentiellement s'appliquer dans cette situation24.3.3. Choix de la loi applicable.3.3.1. Identification du choix de la loi applicable;L’article VIII (2) du Protocole indique que :Les parties à un contrat, à un contrat de vente, à un contrat conférant une garantie ou à un accord de subordination peuvent convenir de la loi qui régira tout ou partie de leurs droits et obligations contractuels.Cet article s'applique au Canada puisqu’il a fait une déclaration l’adoptant, conformément au premier alinéa de cet article. La loi qui régit un contrat devrait être distinguée de la loi applicable. La loi applicable du lieu où le débiteur est situé s'appliquera quelle que soit la loi choisie afin de régir le contrat. Par exemple, les règles régissant l'inscription et l’exécution des contrats en vertu du droit applicable d'un État non contractant seraient applicables même si un débiteur situé dans un État non contractant accepte une clause de choix de loi sélectionnant les lois d'un État contractant en tant que loi régissant le contrat. À l'inverse, un débiteur situé dans un État contractant qui accepte de choisir les lois d'un État non contractant n’éviterait pas, en agissant ainsi, que la CTC s’appliquent à son contrat.3.3.2. Le droit interne supplétif;L’article 5 (2) de la Convention indique que :Les questions concernant les matières régies par la présente Convention et qui ne sont pas expressément tranchées par elle seront réglées selon les principes généraux dont elle s’inspire ou, à défaut, conformément à la loi ou au droit applicable.Cette règle se passe d'explications. Il convient de noter que tant l'article 5 (3) de la Convention que l'article VIII, paragraphe 3 du Protocole prévoient que ce sont les règles de droit domestique qui sont applicables, par opposition aux règles de conflit de lois de cet État. Cela exclurait un possible « renvoi » aux lois d'un autre État.3.4. La primauté du Protocole sur la Convention.L’article 6 de la convention est sans équivoque :Article 6 — Relations entre la Convention et le Protocole1. La présente Convention et le Protocole doivent être lus et interprétés ensemble comme constituant un seul instrument.2. En cas d’incompatibilité entre la présente Convention et le Protocole, le Protocole l’emporte.4. LES FACTEURS DE RATTACHEMENT4.1. La localisation du débiteur.Le terme débiteur est ainsi défini dans la Convention :« débiteur » désigne un constituant en vertu d’un contrat constitutif de sûreté, un acheteur conditionnel en vertu d’un contrat réservant un droit de propriété, un preneur en vertu d’un contrat de bail ou une personne dont le droit sur un bien aéronautique est grevé par un droit ou une garantie non conventionnel susceptible d’inscription;25L’article 3 de la Convention indique que :Article 3 — Champ d’application1. La présente Convention s’applique lorsque, au moment de la conclusion du contrat qui crée ou prévoit la garantie internationale, le débiteur est situé dans un État contractant.Le fait que le créancier soit situé dans un État non contractant est sans effet sur l’applicabilité de la présente Convention. L’article IV du Protocole ajoute que :1. Sans préjudice du paragraphe 1 de l’article 3 de la Convention, la Convention s’applique aussi à l’égard d’un hélicoptère ou une cellule d’aéronef appartenant à un aéronef, immatriculés dans un registre d’aéronefs d’un État contractant qui est l’État d’immatriculation et, lorsqu’une telle immatriculation est faite conformément à un accord relatif à l’immatriculation de l’aéronef, elle est réputée avoir été effectuée au moment de cet accord.Ces définitions indiquent clairement que la situation du débiteur dans un État contractant constitue l'élément principal nécessaire (facteur de rattachement) afin que la CTC s'applique à l'égard des biens aéronautiques, exception faite des moteurs d'avion. Toutefois, le débiteur peut être situé dans un État non contractant si l'hélicoptère ou la cellule d’aéronef est enregistré en tant qu’aéronef civil dans un registre national d'un État qui est un État contractant.En ce qui concerne un contrat de vente, l'article III du Protocole considère l’« acheteur » comme un « débiteur » pour l'application de certains articles.L’article 4 de la Convention prévoit les règles suivantes pour déterminer l'emplacement ou le « situs » d'un débiteur:Article 4 — Situation du débiteur1. Aux fins du paragraphe 1 de l’article 3, le débiteur est situé dans tout État contractant:a. selon la loi duquel il a été constitué;b. dans lequel se trouve son siège statutaire;c. dans lequel se trouve le lieu de son administration centrale; oud. dans lequel se trouve son établissement.2. L’établissement auquel il est fait référence à l’alinéa d) du paragraphe précédent désigne, si le débiteur a plus d’un établissement, son principal établissement ou, au cas où il n’a pas d’établissement, sa résidence habituelle.Ces règles sont relativement claires et elles se sont inspirées des règles contenues dans des législations telles que le PPSA et le UCC. Citons par exemple la règle de « l’administration centrale » ou encore celle plus connue du « principal établissement ». En ce qui concerne la province de Québec et son droit international privé spécifique, la notion de « domicile » est maintenant remplacée par les présentes règles en ce qui concerne un « meuble corporel ordinairement utilisé dans plus d’un État »26, lorsque ce bien est considéré comme un bien aéronautique en vertu de la CTC.4.2. La règle de la localisation du débiteur n’est pas applicable aux moteurs d’avion.Bien qu’installé sur une cellule d’aéronef, un moteur d'avion sera assujetti aux mêmes règles que les autres biens aéronautiques, mais sera enregistré séparément dans le RI, comme nous le verrons ci-dessous. Un moteur qui n'est pas installé sur une cellule d'aéronef est soumis aux règles de l'endroit où il est physiquement situé. Soulignons que les moteurs situés dans un État non contractant peuvent être enregistrés dans le RI. Savoir si les tribunaux d'un État non contractant reconnaîtront et donneront effet à une telle garantie internationale est une toute autre question.5. LA PORTÉE DE L’INEXÉCUTIONL’article 11 de la Convention indique que :Article 11 — Portée de l’inexécution1. Le créancier et le débiteur peuvent convenir à tout moment, par écrit, des circonstances qui constituent une inexécution, ou de toute autre circonstance de nature à permettre l’exercice des droits et la mise en oeuvre des mesures énoncées aux articles 8 à 10 et 13.2. En l’absence d’une telle convention, le terme “inexécution” désigne, aux fins des articles 8 à 10 et 13, une inexécution qui prive de façon substantielle le créancier de ce qu’il est en droit d’attendre du contrat. Il découle de l'article 11 que les parties peuvent encore déterminer quelles circonstances peuvent constituer des inexécutions. Cependant, les créanciers garantis, les vendeurs conditionnels et les bailleurs souhaiteront sans aucun doute continuer à indiquer quelles seront les circonstances d’inexécution en vertu de leurs contrats afin d’éviter tout débat quant à savoir si une inexécution « prive de façon substantielle le créancier de ce qu’il est en droit d’attendre du contrat », particulièrement en relation avec toute tentative de contestation d’un débiteur. Ceci est particulièrement vrai compte tenu des mesures d’exécution extrajudiciaires permises, examinés ci-dessous.Il est également possible de soutenir que les dispositions du CcQ sur les inexécutions pourraient continuer à s'appliquer. Voir par exemple les articles 1597 (la demeure), 1598, 1599 et 1600 du CcQ. De plus, nous nous référerons à l'article 2740, alinéa 2 du CcQ qui exige que les réclamations des créanciers soient « liquide et exigible » pour que les recours hypothécaires du CcQ soient disponibles et qui semble remplacé.6. MESURES SUR LES BIENS AÉRONAUTIQUES6.1. En vertu d’un contrat constitutif de sûreté.L'article 8 de la Convention énonce les trois mesures disponibles en vertu d'un contrat constitutif de sûreté. Le débiteur doit avoir accepté, soit dans la convention ou soit par la suite, chacune de ces mesures.6.1.1. prendre possession ou prendre le contrôle d’un bien aéronautique;Cette mesure est similaire à l'une des mesures disponibles aux créanciers garantis en vertu du droit canadien actuel. Elle ne se réfère cependant pas aux concepts de la « simple » ou de la « pleine administration », au sens du CcQ. Ces concepts ne s'appliqueront donc pas aux mesures sur les biens aéronautiques.6.1.2. vendre ou donner à bail un bien aéronautique;Encore une fois, ces mesures ne diffèrent pas trop de ceux existant en droit canadien. Toutefois, les concepts de vente par le créancier et de la vente sous contrôle de justice du CcQ ne s'appliqueront plus.6.1.3. percevoir tout revenu ou bénéfice produit par la gestion ou l’utilisation d’un bien aéronautique;Cette mesure est intéressante. Bien qu'il soit difficile d'envisager un créancier garanti gérant ou utilisant des biens aéronautiques afin d’obtenir un « revenu ou bénéfice » lorsque l’aéronef ou l'hélicoptère est toujours enregistré au niveau national au nom du constituant ou du débiteur qui peut avoir le droit exclusif de la garde et du contrôle de l’aéronef en vertu de la Loi sur l’aéronautique et du Règlement de l'aviation canadien (« RAC »), il serait possible d'annuler l'enregistrement de l’aéronef et de l’enregistrer de nouveau sous le nom du créancier garanti (ou d’un tiers) afin de percevoir les revenus ou les bénéfices.Si la garantie internationale d'un créancier est préalablement enregistrée au RI et si le débiteur loue l'objet à un tiers, le créancier peut percevoir les paiements de location du locataire au lieu de mettre fin aux droits du preneur.Soulignons par ailleurs que « le revenu ou le bénéfice » d'un bien aéronautique n'est pas en soi un bien aéronautique et on peut se demander si la sûreté dans ce « revenu ou bénéfice » (qui sont normalement considérés comme des « comptes » (accounts) ou des « créances » dans la province de Québec) est soumise à la publication d'une sûreté ou d’une hypothèque au registre pertinent dans l'État (ou dans l’unité territoriale de cet État) du constituant ou du cédant.Nous nous référons également à la définition de « produit d’indemnisation » telle que définie dans la Convention:« produits d’indemnisation » désigne les produits d’indemnisation, monétaires ou non monétaires, d’un bien aéronautique résultant de sa perte ou de sa destruction physique, de sa confiscation ou de sa réquisition ou d’une expropriation portant sur ce bien aéronautique, qu’elles soient totales ou partielles;27 Cette définition n'inclut pas les créances découlant de « l'utilisation ou de la gestion » d'un bien aéronautique et l’on se retrouve donc avec le « revenu ou bénéfice » de l'article 8 de la Convention comme l’unique fondement de cette mesure « garantie » en vertu de la CTC. Qu’en est-il des produits « mélangés » dans un compte bancaire d'un prêteur / créancier garanti ? La « traçabilité », ou la question de savoir si le produit d'un objet (tel que normalement compris) reste identifiable, est un sujet à déterminer en fonction du droit applicable28.6.2. En vertu d’un contrat réservant un droit de propriété ou d’un bail.L'article IX du Protocole énonce les deux mesures disponibles en vertu d’un contrat réservant un droit de propriété ou d'un bail. Contrairement à un contrat constitutif de sûreté, ces mesures sont disponibles même sans entente spécifique avec le débiteur les permettant.6.2.1. mettre fin au contrat et prendre possession ou prendre le contrôle du bien aéronautique;Soulignons que le professeur Goode affirme dans le Commentaire officiel que dans les juridictions où un contrat réservant un droit de propriété ou un certain type de bail est traité comme un contrat constitutif de sûreté, les dispositions de la Convention relatives à un contrat réservant un droit de propriété ou à un bail peuvent ne pas s'appliquer29. Tous les PPSAs canadiens considèrent qu’un contrat réservant un droit de propriété crée une sûreté et qu’un bail de plus d'un an crée également une sûreté, lesquels sont sujets à une inscription aux registres appropriés en tant que sûreté30. Nous notons également qu’en vertu des lois sur l'insolvabilité au Canada, le contrat réservant un droit de propriété est un contrat constitutif de sûreté (tels que définis dans ces lois). Ces lois s'appliquent dans toutes les provinces et les territoires canadiens. On peut donc se demander quelles mesures s'appliquent dans un contexte autre qu’une procédure d'insolvabilité. Nous devrons attendre les décisions des tribunaux afin de clarifier ces questions.Dans la province de Québec, en ce qui concerne les baux et contrats de location tels que définis dans le CcQ, il est clair que la résiliation du « contrat de bail » et que la possession du bien aéronautique, conformément à cette mesure de la CTC, règle la question et que le locateur peut par la suite disposer librement du bien aéronautique repris sans avoir à rendre de comptes au débiteur par la suite. Cela constitue un avantage non négligeable puisque les mesures varient en fonction de la loi régissant le « contrat de bail ». Dans la même optique, les mesures pour un contrat réservant un droit de propriété pourraient être disponibles en présence d’une convention de vente à tempérament régie par l'article 1745 du CcQ (dans un contexte autre qu’une procédure d'insolvabilité), plutôt que les mesures applicables aux contrats constitutifs de sûreté.Puisque les déclarations canadiennes comprennent cet article, aucune demande d’autorisation du tribunal n’est nécessaire afin d’exercer ces mesures. Cela fait partie de ce qu'on appelle les mesures d’exécution extrajudiciaires examinées dans la suite de ce texte.6.3. Réalisation doit être commercialement raisonnable.L’article IX (3) du Protocole se lit ainsi :Le paragraphe 3 de l’article 8 de la Convention ne s’applique pas aux biens aéronautiques. Toute mesure prévue par la Convention à l’égard d’un bien aéronautique doit être mise en oeuvre d’une manière commercialement raisonnable. Une mesure est réputée mise en oeuvre d’une façon commercialement raisonnable lorsqu’elle est mise en oeuvre conformément à une disposition du contrat, sauf lorsqu’une telle disposition est manifestement déraisonnable.La jurisprudence existante au Canada peut fournir certaines précisions sur ce qui peut être qualifié de « manifestement déraisonnable ». Les créanciers sont susceptibles d'exiger que les débiteurs reconnaissaient dans leurs contrats que les mesures prévues dans le contrat sont commercialement raisonnables et non pas manifestement déraisonnables.6.4. Les mesures d’exécution extrajudiciaires (self-help remedies).L’article 54 (2) de la Convention se lit ainsi :2. Un État contractant doit déclarer, au moment de la ratification, de l’acceptation, de l’approbation du Protocole ou de l’adhésion, si une mesure ouverte au créancier en vertu d’une disposition de la présente Convention et dont la mise en oeuvre n’est pas subordonnée en vertu de ces dispositions à une demande à un tribunal, ne peut être exercée qu’avec une intervention du tribunal.Dans le cadre de ses déclarations déposées avec son instrument de ratification, le gouvernement du Canada a expressément accepté cet article de la Convention. Cette déclaration est libellée ainsi:Le gouvernement du Canada déclare également, en vertu de l'article 54 de la Convention, qu’une mesure ouverte à un créancier en vertu d'une disposition de la Convention dont la mise en oeuvre n'est pas subordonnée à une demande à un tribunal peut être prise sans l'autorisation du tribunal.Le professeur Goode émet plusieurs commentaires à l'égard de cette mesure. Il déclare notamment ce qui suit31:« À l'inverse, si un État déclare en vertu de l'article 54 (2) que les mesures doivent être accessibles sans nécessiter l'autorisation du tribunal, alors on ne peut pas exiger du créancier d’engager une procédure judiciaire afin d’appliquer une mesure ». (traduction libre)Il déclare également32:« L'article 54 (2) exige qu’un État contractant déclare si une mesure qui n'exige pas d’effectuer une requête au tribunal en vertu de la Convention, ne doit être exercée qu'avec l'autorisation du tribunal. De plus, la Convention n'affecte pas les règles du droit pénal ou du droit extracontractuelle dans le système juridique national ». (traduction libre)En ce qui concerne certaines mesures disponibles pour un contrat réservant un droit de propriété ou contrat de bail (nous croyons que cela s'applique également aux mesures d’exécution extrajudiciaires), il indique également ce qui suit:33« Bien évidemment, la Convention n'autorise pas le créancier à utiliser la violence ou d'autres moyens illégaux. Elle n’a pas d’incidence sur la responsabilité pénale d'un créancier qui utilise de tels moyens » (traduction libre)Les mesures d’exécution extrajudiciaires seront donc soumis aux règles du système juridique interne et à ses lois d'ordre public. Dans les juridictions canadiennes de common law, les mesures d’exécution extrajudiciaires sont permises34. Dans la province de Québec, les mesures d’exécution extrajudiciaires sont de droit nouveau. Il faut s'attendre à ce que les tribunaux du Québec s’inspirent de la common law, notamment de la jurisprudence des autres provinces, afin de déterminer ce que le créancier peut ou ne peut pas faire sans l'autorisation d'un tribunal. Nous prévoyons que lorsqu’un créancier s’opposera à une tentative de réalisation, un créancier ne pourrait pas enlever de force un bien aéronautique sans l'autorisation d'un tribunal. Nous devrons cependant attendre les décisions des tribunaux du Québec pour circonscrire les limites de ce genre de mesure.6.5. L’immatriculation et la demande de permis d’exportation.Cette mesure supplémentaire est prévue à l'article XIII du Protocole et est disponible pour les États contractants qui ont fait une déclaration à cet égard dans le cadre de leur ratification de la CTC. Le Canada a fait une telle déclaration (Option A). Un créancier qui a obtenu de la part d’un débiteur une telle autorisation irrévocable de demande de radiation de l’immatriculation et de permis d’exportation suivant pour l’essentiel le formulaire annexé au Protocole serait en droit de demander la radiation de l’immatriculation du bien aéronautique à l’autorité du registre de l’État contractant suite une à inexécution. Nous vous référons à l'article X (6) du Protocole et aux déclarations faites par le Canada. L'autorité du registre national et les autorités administratives sont tenues de coopérer rapidement à ces fins. L'article X (6) fait référence à « un délai de 5 jours ouvrables ». Cette mesure n'est pas sans rappeler les procurations incluses dans certains contrats constitutifs de sûreté et hypothèques et le fait qu'il existe des incertitudes quant à leur caractère exécutoire et si elles peuvent être irrévocable. Le Protocole énonce très clairement sa validité et cela va par conséquent accélérer la réalisation et l'exportation du bien aéronautique lorsque requis.6.6. Les mesures provisoires.L’article 12 de la Convention se lit ainsi :Toutes les mesures supplémentaires admises par la loi applicable, y compris toutes les mesures dont sont convenues les parties, peuvent être mises en oeuvre pour autant qu’elles ne sont pas incompatibles avec les dispositions impératives du présent Chapitre visées à l’article 15.Les pénalités, les intérêts, les dommages-intérêts et les réclamations non monétaires constituent des exemples de ces mesures provisoires35.6.7. Préavis.L’article 8(4) de la Convention se lit ainsi :4. Tout créancier garanti qui se propose de vendre ou de donner à bail un bien en vertu du paragraphe 1 doit en informer par écrit avec un préavis raisonnable :a) les personnes intéressées visées aux alinéas i) et ii) du paragraphe m) de l’article premier;b) les personnes intéressées visées à l’alinéa iii) du paragraphe m) de l’article premier ayant informé le créancier garanti de leurs droits avec un préavis raisonnable avant la vente ou le bail.Cet article est complété par l'article IX (4) du Protocole, qui indique que:4. Un créancier garanti accordant aux personnes intéressées un préavis écrit d’au moins dix jours ouvrables d’une vente ou d’un bail projetés est réputé avoir satisfait l’exigence de fournir un “préavis raisonnable”, prévue au paragraphe 4 de l’article 8 de la Convention. Le présent paragraphe n’a cependant pas pour effet d’empêcher un créancier garanti et un constituant ou un garant de fixer par contrat un préavis plus long.Ce préavis de 10 jours remplace tout préavis requis par la législation nationale quant à tout contrat constitutif de sûreté. Il ne s’applique pas quant à un contrat de bail ou un contrat réservant un droit de propriété.Nous attirons votre attention sur la définition de « débiteur » citée ci-dessus et celle de « personnes intéressées » qui se lit ainsi:« personnes intéressées » désigne :i) le débiteur;ii) toute personne qui, en vue d’assurer l’exécution de l’une quelconque des obligations au bénéfice du créancier, s’est portée caution, a donné ou émis une garantie sur demande ou une lettre de crédit stand-by ou toute autre forme d’assurance-crédit;iii) toute autre personne ayant des droits sur le bien;36Un créancier garanti serait donc tenu de fournir un tel préavis à une caution, l’émetteur d'une lettre de garantie ou de toute autre forme d'assurance-crédit.6.8. Les effets de la réalisation.La CTC contient des dispositions relatives à la répartition du produit, aux effets de la réalisation, au transfert de la propriété d’un bien aéronautique en règlement et à la libération des obligations sous-jacentes et à ce qui concerne les effets d’un tel transfert et du règlement. Nous invitons le lecteur à examiner le Commentaire officiel37 et les articles 9 et 10 de la Convention.Notons en terminant que l'article 15 de la Convention indique ce qui suit:Dans leurs relations mutuelles, deux ou plusieurs des parties visées au présent Chapitre peuvent à tout moment, dans un accord écrit, déroger à l’une quelconque des dispositions précédentes du présent Chapitre, ou en modifier les effets, à l’exception des paragraphes 3 à 6 de l’article 8, des paragraphes 3 et 4 de l’article 9, du paragraphe 2 de l’article 13 et de l’article 14.Les dispositions dont il n’est pas possible de déroger portent essentiellement sur le caractère raisonnable des mesures, la perception et l’attribution des produits de réalisation (8(3) à 8(6)), la contrepartie déjà payée par le débiteur (9(3)), la possibilité offerte aux parties intéressées de remédier à l’inexécution (9(4)), certaines mesures provisoires (13(2)) et sur les questions de procédure (14).À l'exception de ce qui précède, les parties au contrat sont libres de modifier les mesures de la manière convenue entre eux.7. LES MESURES PROVISOIRES (MESURES CONSERVATOIRES)L'article 13 de la Convention et l'article X du Protocole portent sur les mesures provisoires disponibles par le biais des tribunaux (retenir au sol, protéger, conserver, immobiliser, etc. le bien aéronautique) avant la détermination finale de certaines questions au fond du litige.L'article 14 de la Convention confirme à nouveau que la mise en oeuvre des mesures « est soumise aux règles de procédure prescrites par le droit du lieu de leur mise en oeuvre ».8. LES MESURES EN CAS D’INSOLVABILITÉL'un des changements importants auquel la CTC a donné lieu dans certains États contractants qui ont ratifié la CTC est la modification de certaines dispositions des lois sur la faillite et l'insolvabilité de ces États contractants.La CTC et le Protocole en particulier reconnaissent qu’un recouvrement rapide est essentiel pour les créanciers étant donné la grande valeur intrinsèque des biens aéronautiques et la nécessité d’assurer continuellement leur entretien. Nous n’élaboreront que brièvement sur ces modifications apportées aux législations sur la faillite des États contractants puisque le Canada a essentiellement adopté, il y a quelques années, ces mêmes dispositions dans ses lois canadiennes sur l’insolvabilité. En résumé, à la fin du « délai d'attente » au sens de l'article XI du Protocole (que le Canada a déclaré être de 60 jours dans ses déclarations déposées avec son instrument de ratification), le débiteur ou l’« administrateur d'insolvabilité » doit transférer la possession du bien aéronautique au créancier, à moins que l'administrateur d'insolvabilité ou le débiteur, selon le cas, ait remédié aux inexécutions autres que l’événement de faillite ou d'insolvabilité, et s'est engagé à exécuter toutes les obligations futures prévues dans le contrat établit entre le débiteur et le créancier. Ces mesures concernant les dispositions sur l'insolvabilité s'appliquent à tous les contrats constitutifs de sûreté, tous les contrats réservant un droit de propriété et tous les contrats de bail assujettis à la CTC.En outre, ces mesures concernant les dispositions sur l’insolvabilité reconnaissent la priorité des sûretés inscrites dans de telles procédures, sauf bien sûr en ce qui concerne la priorité accordée aux droits et garanties non conventionnels déclarés comme continuant à s’appliquer par un État conformément à l'article 39 (1) de la Convention. Le Canada a fait une telle déclaration.L’article 30(2) prévoit que :2. Aucune disposition du présent article ne porte atteinte à l’opposabilité d’une garantie internationale dans des procédures d’insolvabilité lorsque cette garantie est opposable en vertu de la loi applicable.Cette disposition indique que la loi applicable continuera à être utilisée afin de déterminer si une garantie internationale non inscrite est opposable dans des procédures d'insolvabilité.38Dans les juridictions de common law (où s’appliquent les PPSA), les tribunaux ont donné la priorité à un syndic de faillite plutôt qu’à une sûreté non inscrite, alors que les tribunaux québécois ont donné, dans le même contexte, la priorité au droit non-enregistré