Riches en information pertinente, nos publications vous permettent d’être à l’affût de l’actualité juridique qui vous touche, quel que soit votre secteur d’activité. Nos professionnels s’engagent à vous tenir au fait des dernières nouvelles juridiques, à travers l’analyse des derniers jugements, modifications et entrées en vigueur législatives et réglementaires.
Publications
-
COVID-19 : anticipez l’imposition de vos gains en capital, de votre patrimoine, de vos donations et de vos successions
Les déficits qui sont actuellement créés par les mesures d’urgence annoncées par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial depuis le mois de mars 2020 remettent en perspective l’importance des déficits antérieurs à la crise. Cette conjoncture générera inévitablement une augmentation du fardeau fiscal tôt ou tard pour les entreprises et les particuliers. Malgré le caractère inédit de ce que nous vivions depuis le début de la crise et la position financièrement délicate dans laquelle sont plongées les organisations, des mesures peuvent être prises dès maintenant pour mitiger la situation. Depuis quelques années, les rumeurs selon lesquelles le taux d’inclusion du gain en capital pourrait augmenter pour combler les déficits s’amplifient. S’ajoutent à ces rumeurs, une possible imposition de droits successoraux, qui seraient évidemment assortis de droits sur les donations, et d’un impôt sur le patrimoine. Dans ce contexte, il devient de plus en plus réaliste de penser que le gouvernement fédéral pourrait augmenter le taux d’inclusion du gain en capital dans le revenu et qu’il pourrait également mettre en place des impôts sur la valeur des successions et des donations, et ce, dès le prochain budget, lequel a d’ailleurs été reporté en raison de la crise actuelle. Pourrait aussi s’ajouter à ces mesures un impôt annuel sur la fortune qui viserait les patrimoines à valeur élevée. Comme il est maintenant de coutume, de telles mesures s’appliqueraient à partir de minuit la veille du dépôt du budget, ce qui fermerait la porte à la plupart des planifications fiscales en lien avec de telles mesures. Devant cette situation, il existe plusieurs mesures qui peuvent être mises en place dès maintenant : Cristallisation des gains en capital latents à l’aide d’une société par actions, d’une société de personnes ou d’une fiducie; Donations en argent ou en biens à des membres de la famille ou à des fiducies; Fin de la résidence fiscale canadienne au profit d’une juridiction à fiscalité réduite. De plus, la majorité des planifications visant à réduire ou à reporter l’impact de ces mesures peut également être renversée dans le cas où les mesures anticipées n’étaient pas adoptées par les gouvernements. Dans l’éventualité où les gouvernements reporteraient à plus tard l’augmentation du fardeau fiscal ou choisiraient d’autres mesures difficiles à prévoir aujourd’hui, les transactions bien planifiées permettraient de ne pas entraîner d’impôt supplémentaire pour les contribuables, qu’il s’agisse de réalisation du gain accru sur certains actifs, de donation directe ou de donation impliquant une fiducie. Pour plus d’information, notre équipe en fiscalité demeure à votre disposition pour vous accompagner.
-
Publicité des produits en temps de COVID-19 : Santé Canada et le Bureau de la concurrence veillent aux indications trompeuses
Nous subissons la pandémie de COVID-19 depuis plus d'un an. De nombreuses entreprises tentent de commercialiser des produits destinés à aider les consommateurs à atténuer les risques associés à cette maladie. Parmi les exemples les plus courants de ces produits mentionnons les masques faciaux, les dispositifs de test, les désinfectants pour les mains et les désinfectants pour les surfaces dures. Toutefois, si nombre de ces produits peuvent être utiles (par exemple en contribuant à réduire le risque d'infection), il reste à savoir quelles indications relatives à la COVID-19, le cas échéant, peuvent être attribuées au produit (par exemple sur l'emballage du produit ou dans le cadre d’une publicité). Une indication inexacte ou inappropriée peut attirer l'attention de Santé Canada et du Bureau de la concurrence. En fait, depuis le début de la pandémie, le Bureau de la concurrence a émis des avertissements de conformité à des entreprises de partout au Canada concernant des indications possiblement fausses ou trompeuses suivant lesquelles leurs produits et services peuvent prévenir la maladie et/ou protéger contre le virus.1 Nous avons donc rédigé le présent bulletin pour résumer ce que Santé Canada et le Bureau de la concurrence recherchent lorsqu'ils évaluent les indications relatives à la COVID-19. Nous donnons également des exemples de types d’indications qui ont été considérées comme « inacceptables », ainsi qu'une brève description des conséquences de l'utilisation de celles-ci. Veuillez noter que les renseignements suivants ne portent pas sur les permis nécessaires à la vente de produits précis au Canada, ni sur les exigences juridiques applicables aux produits. Par exemple, les désinfectants pour les mains, pour être vendus au Canada, doivent satisfaire les exigences du Règlement sur les produits de santé naturels (RPSN). Les principes généraux de la Loi sur la concurrence et les règles du Bureau de la concurrence du Canada En ce qui a trait aux indications relatives à la COVID-19 et celles relatives aux produits en général, la Loi sur la concurrence interdit les indications fausses ou trompeuses concernant tout produit, service ou intérêt commercial. Cela vise à la fois le sens littéral d'une déclaration et l'impression générale que celle-ci crée. En outre, la Loi sur la concurrence interdit les indications de performance qui ne sont pas étayées par des tests adéquats et appropriés. Tout d'abord, ces tests doivent être effectués avant que l'indication ne soit faite et sur le produit réel vendu, par opposition à un produit comparable ou analogue. Deuxièmement, ils doivent refléter l'utilisation réelle du produit, par exemple l'utilisation à domicile. Troisièmement, les résultats des tests doivent confirmer l'impression générale qui se dégage de la lecture des indications. Depuis au moins mai 2020, le Bureau de la concurrence du Canada a appliqué les lignes directrices mentionnées ci-dessus en émettant des avertissements de conformité à diverses entreprises afin de mettre fin aux indications possiblement trompeuses, notamment relatives à ce qui suit : Indiquer que certains produits (notamment les remèdes à base de plantes, les produits liés aux abeilles, les vitamines et les légumes) peuvent prévenir les infections par la COVID-19; Indiquer - sans avoir effectué au préalable les tests requis par la loi - que certains systèmes de stérilisation de l'air par UV et ozone, ainsi que certains filtres ou purificateurs d'air, tueront ou filtreront efficacement le virus. En conséquence, les règles mentionnées ci-dessus doivent toujours être suivies dans le cadre de toute indication relative à la COVID-19 concernant un produit. Des exemples d’incidents publicitaires traités par Santé Canada Santé Canada a fourni une liste de plus de 400 incidents publicitaires liés à la COVID-19.2 Le tableau à la note en bas de page 2 énumère des produits et des entreprises ou médias publicitaires qui, selon Santé Canada, se livraient à du marketing non conforme aux lois et règlements, qui sont en cours d'examen ou dont les dossiers ont été résolus. Dans le cas des incidents résolus, nous ne connaissons pas la nature de la résolution. L'indication a-t-elle été modifiée ou entièrement supprimée? L'entreprise a-t-elle payé une amende? L'entreprise a-t-elle réussi à convaincre Santé Canada que son indication était acceptable? Néanmoins, ce sont des cas où Santé Canada a jugé qu’il était nécessaire d'intervenir. Les indications relatives à la COVID-19 qui s'y trouvent peuvent donc constituer un guide efficace sur les indications à ne pas utiliser dans la publicité des produits. Outre les nombreuses indications générales non autorisées de « prévention » ou de « traitement » des coronavirus et/ou de la COVID-19, voici quelques exemples intéressants de déclarations signalées par Santé Canada: « Protège contre le coronavirus » - vise un « ensemble masque et bandana ». « Aplanissez la courbe avec ces masques à la mode » - vise un masque facial. « Tissu antimicrobien en micropolyester » - vise un masque facial. « Idéale pour la Covid-19 » – vise un masque facial. « Anti-coronavirus… bloque les polluants comme les gaz d'échappement, le smog, le virus de la grippe… » - vise un masque facial. « Isole efficacement la salive porteuse du coronavirus" - vise un « couvre-chef anti-poussière et anti-buée, couvre-chef anti-coronavirus ». « L'importance de renforcer le système immunitaire pendant la menace de la COVID-19 » - vise divers produits de santé naturels. « Convient dans la salle de bain, le salon, la chambre, à l'hôtel, contre la grippe et la COVID-19 » - vise une « lampe de désinfection aux rayons ultraviolets ». Étiqueté « COVID-19 » sous l'onglet - vise un masque facial. Comme on peut le voir, certaines indications ne mentionnent pas directement la COVID-19 ou le coronavirus; elles renvoient à des concepts tels que « l'aplatissement de la courbe » ou à des déclarations générales sur les propriétés « antimicrobiennes ». En outre, de nombreuses indications renvoient simplement à la COVID-19, sans faire de déclaration sur son traitement ou sa prévention. En plus de consulter les lignes directrices et les exemples ci-dessus, il peut être judicieux de rechercher des produits qui ont été approuvés par Santé Canada pour utilisation contre la COVID-19. Voici quelques exemples de ces produits: désinfectants dont l'efficacité contre la COVID-19 a été démontrée; instruments médicaux de dépistage autorisés pour utilisation dans le cadre de la COVID-19; instruments médicaux autorisés autres que les instruments de dépistage pour utilisation dans le cadre de la COVID-19. Sur le fondement de ce qui précède, les produits ne devraient pas comporter des indications relatives à COVID-19 à moins qu’s'ils ne soient approuvés pour une utilisation contre celle-ci par Santé Canada. Même dans ces cas, les indications doivent être limitées à cette utilisation et à ce que les preuves démontrent. Certains des liens ci-dessus contiennent également des renseignements sur la façon d'obtenir l'approbation susmentionnée de Santé Canada. Veuillez noter qu'à la date du présent bulletin, aucun désinfectant pour les mains n'a été approuvé au Canada avec des indications relatives à la COVID-193. Par conséquent, bien que les désinfectants pour les mains puissent contribuer à réduire le risque d'infection ou de propagation des micro-organismes, les indications relatives à la COVID-19 ne doivent pas être utilisées avec ces produits. Malgré cela, Santé Canada a fourni une liste de désinfectants pour les mains dont la vente a été autorisée au Canada. De façon générale, nous vous conseillons d’examiner minutieusement vos documents de commercialisation pour déceler toute indication relative à la prévention ou au traitement de la COVID-19 qui pourrait être fausse, trompeuse ou non fondée et modifier ou supprimer immédiatement ces indications. Les sanctions prévues pour les indications fausses et les pratiques commerciales trompeuses Les sanctions pour l'utilisation d'indications relatives à la COVID-19 qui ne sont pas conformes à la loi peuvent être très sévères, notamment des amendes et des peines de prison4. En fait, les déclarations fausses ou trompeuses et les pratiques commerciales mensongères, relatives à la COVID-19 ou non, peuvent faire l'objet de poursuites civiles et/ou criminelles. À titre d'exemple, en vertu du droit civil, le tribunal peut ordonner à une personne de cesser une activité, de publier un avis et/ou de payer une sanction administrative pécuniaire. En cas de première infraction, les particuliers sont passibles d'une amende pouvant atteindre 750 000 dollars, et les sociétés, jusqu'à 10 000 000 dollars. Pour les infractions subséquentes, les pénalités augmentent jusqu'à un maximum de 1 000 000 $ pour les particuliers et de 15 000 000 $ pour les sociétés. En vertu du droit criminel, une personne est passible d'une amende pouvant atteindre 200 000 dollars et/ou d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an. Il va sans dire que les indications fausses ou trompeuses relatives à la COVID-19 sont à proscrire. Nous espérons que notre bulletin d'information servira de guide sur ce que Santé Canada et le Bureau de la concurrence considèrent comme une indication « inexacte » ou « fausse » relative à la COVID-19. Le caractère approprié d'une indication relative à la COVID-19 dépendra de nombreux facteurs, tels que la rédaction de l'indication et de la nature exacte du produit. Notre équipe de droit de la propriété intellectuelle se fera un plaisir de vous aider à résoudre toute question concernant les indications relatives à la COVID-19 ainsi que toute autre exigence juridique devant être satisfaite avant qu'un produit puisse être vendu au Canada. https://www.canada.ca/fr/bureau-concurrence/nouvelles/2020/05/le-bureau-de-la-concurrence-lutte-contre-les-indications-commerciales-trompeuses-au-sujet-de-la-prevention-et-du-traitement-de-la-covid-19.html https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/covid19-industrie/incidents-publicite-produits-sante.html https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/desinfectants/covid-19.html https://www.bureaudelaconcurrence.gc.ca/eic/site/cb-bc.nsf/fra/03133.html
-
Paiement à des non-résidents du Canada : comment l’instrument multilatéral (IM) peut-il s’appliquer?
L’internationalisation des échanges commerciaux a entraîné la multiplication des paiements par des entreprises canadiennes à des non-résidents du Canada. Ces paiements sont très fréquemment assujettis à des retenues fiscales canadiennes. Les payeurs canadiens doivent s’assurer de retenir le bon pourcentage d’impôt canadien sur ces paiements, puisqu’ils sont responsables de toute déficience à cet égard face aux autorités fiscales. Par ailleurs, les récipiendaires de ces paiements voudront généralement minimiser les retenues fiscales canadiennes et s’assurer qu’ils ont bénéficié du plus bas taux applicable. Les conventions fiscales signées par le Canada Dans plusieurs cas, l’établissement du taux des retenues fiscales canadiennes dépendra de l’application d’une convention fiscale entre le Canada et le pays de résidence fiscale du récipiendaire du paiement. En effet, les conventions fiscales signées par le Canada peuvent réduire le taux des retenues fiscales que le payeur canadien doit effectuer. Alors que l’interprétation des conventions fiscales s’avérait déjà complexe dans plusieurs situations, elle s’est complexifiée davantage avec l’adoption par le Canada de la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (« Instrument multilatéral » ou « IM »). L’IM s’applique généralement depuis le 1er janvier 2020 à la plupart des conventions fiscales conclues entre le Canada et d’autres pays. L’application de l’IM peut résulter en la non-application de certaines dispositions d’une convention fiscale. Dans ces situations, le payeur canadien devra retenir le taux prévu à la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR »), qui est de 25 %, plutôt que le taux réduit prévu à la convention fiscale entre le Canada et le pays de résidence fiscale du récipiendaire, lequel variera généralement de 0 % à 15 % selon le type de paiement visé et le statut fiscal du récipiendaire. L’application de l’instrument multilatéral (IM) L’application de l’instrument multilatéral (IM) est présentement hasardeuse pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’IM ne s’applique pas à toutes les conventions fiscales signées par le Canada ni à tous les articles des conventions auxquelles il s’applique. Il faut donc initialement vérifier si l’IM s’applique ou non à une réduction du taux de retenue prévu à une convention fiscale signée par le Canada. De plus, l’instrument multilatéral (IM) prévoit une règle anti-évitement générale dont les critères d’application sont assez nébuleux. Lorsqu’applicable, celle-ci peut avoir pour effet de refuser un avantage prévu dans une convention fiscale. En résumé, l’application des retenues d’impôt prévues à la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR ») sur les paiements à des non-résidents s’est complexifiée davantage en raison de l’IM. Considérant que les autorités fiscales canadiennes appliqueront dorénavant l’IM, les contribuables canadiens ont avantage à user de prudence et à obtenir de bons conseils avant d’appliquer un taux plus faible que le taux de 25 % prévu à la LIR. Notre équipe en fiscalité saura vous accompagner et répondre à vos questions concernant l’application de l’instrument multilatéral (IM) aux paiements effectués à des non-résidents.
-
Estoppel fondé sur l’historique de la délivrance d’un brevet au Canada : la Cour d’appel se prononce
En décembre 2018, l’article 53.1 a été ajouté à la Loi sur les brevets (la « Loi ») permettant de faire référence aux communications échangées avec l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC ») lors de la poursuite d’une demande, en ce qui a trait « […] à l’interprétation des revendications ». Ce concept est plus communément connu sous son vocable anglais de file wrapper estoppel. À retenir Il n’est pas essentiel d’obtenir un rapport d’expert d'une personne versée dans l'art (la « POSITA ») de l’interprétation des revendications d’une demande de brevet pour trancher la question de la contrefaçon. Dans le cadre d’une requête pour jugement sommaire, l’intimé doit présenter la meilleure preuve disponible et ne doit pas se contenter de contester sur le fondement de l’insuffisance de la preuve du requérant. Le file wrapper estoppel s’applique pour contredire une déclaration faite par le titulaire du brevet, mais uniquement auprès de l’OPIC et pas d’un bureau de brevets étranger. Seules les communications avec l’OPIC sont acceptées et non pas celles avec un bureau de brevets étranger. Il reste plusieurs questions de fond qui devront être tranchées relativement à la doctrine du file wrapper estoppel au Canada. Dans l’arrêt Canmar Foods ltd c. TA Foods Ltd. 1rendu en septembre 2019, le juge Manson de la Cour Fédérale rendait la première décision sur l’article 53.1 de la Loi. Cette décision a été portée en appel, de sorte que le 20 janvier 2021, la Cour d’appel fédérale a rendu un premier jugement sur l’application de cet article et donc sur la doctrine du file wrapper estoppel au Canada2. Contexte Canmar Foods Ltd. (« Canmar ») détient un brevet sur une méthode de traitement de graines qui servent à produire de l’huile végétale (le « Brevet »). La méthode revendiquée au Brevet consiste en 4 étapes, dont les suivantes : le chauffage des graines à une certaine température dans un « stream of air » et le transfert des graines chauffées « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower ». Lors de la poursuite de la demande relative au Brevet, le fait de chauffer dans un « stream of air » et de transférer les graines de la manière mentionnée ci-dessus est ajouté aux revendications du Brevet par amendement afin de réduire la portée des revendications. Lors de la poursuite de la demande relative au Brevet au Canada, Canmar renvoie à des amendements « substantiellement similaires » effectués lors de la poursuite de la demande relative à l’équivalent américain du Brevet en réponse à un rapport d'examen relatif aux questions de nouveauté et d'évidence. Canmar poursuit TA Foods Ltd. (« TA ») en contrefaçon du Brevet. TA dépose une requête pour jugement sommaire au motif que la méthode employée par TA ne comprend pas l’étape du chauffage des graines dans un « stream of air », ni leur transfert « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower ». Au soutien de la requête pour jugement sommaire, les parties ont toutes deux produits des affidavits, mais aucune preuve d’expert sur l’interprétation des termes du Brevet par la personne versée dans l’art, la « POSITA » n’est présentée. La Cour Fédérale a conclu: Qu'il n’est pas essentiel d’obtenir un rapport d’expert de la POSITA sur l’interprétation des revendications d’un brevet pour trancher la question de la contrefaçon. Que dans le cadre d’une requête pour jugement sommaire, l’intimé doit présenter la meilleure preuve disponible et ne doit pas se contenter de contester sur le fondement de l’insuffisance de la preuve du requérant. Que l’article 53.1 de Loi s’applique puisqu’en contestant la requête pour jugement sommaire, Canmar a mis de l’avant une interprétation qui aurait pour effet d’annuler les amendements effectués lors de la poursuite de la demande relative au brevet. De manière exceptionnelle, on peut opposer l’historique du brevet américain puisque Canmar y faisait référence pendant la poursuite de la demande relative au brevet canadien. À la lumière de l’historique du brevet américain, un « stream of air », et le fait de transférer les graines « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower » sont des éléments essentiels des revendications du Brevet de Canmar. Même sans faire référence à l’historique du brevet américain, la Cour aurait conclu que ces éléments étaient des éléments essentiels. La Cour d’appel maintient donc la décision de la Cour fédérale, mais précise que le juge a commis une erreur de droit en se référant à l’historique du brevet américain. Ainsi, la Cour d’appel confirme que la Cour fédérale était habilitée à interpréter les revendications du Brevet et que l’interprétation de la POSITA dans cette affaire n’était pas nécessaire. La Cour d’appel émet tout de même l'avertissement suivant : Bien entendu, le juge qui se passe de l’expertise le fait à ses risques et périls et il ne s’agit pas d’une pratique qui saurait être envisagée à la légère. Les revendications doivent toujours être interprétées de manière téléologique et éclairée, et ce n’est que dans les cas les plus clairs que les juges doivent s'avancer à interpréter les revendications d’un brevet selon le point de vu de la personne versée dans l’art, sans aide d’une preuve d’expert. La Cour d’appel reproche également à Canmar de ne pas avoir présenté de contre-preuve relativement à la contrefaçon. Elle aurait dû présenter la meilleure preuve disponible. En l’absence d’une interprétation qui aurait permis de conclure, même théoriquement, à la contrefaçon, le juge pouvait rejeter l’action sur jugement sommaire. En revanche, la Cour d’appel conclut qu’en faisant référence à l’historique du brevet américain, le juge de Cour fédérale a commis une erreur de droit. Après avoir fait une revue détaillée de la jurisprudence américaine et britannique au sujet du file wrapper estoppel, le juge indique : « Je suis en accord avec l’appelante que les tribunaux doivent faire preuve de prudence avant d’élargir l’application du libellé précis de l’article 53.1, qui limitent précisément aux communications avec le Bureau canadien des brevets son application. La loi est soigneusement rédigée et il serait contraire aux principes d’interprétation des lois d’outrepasser son intention de départ. Il existe aussi des raisons de politique publique pour faire preuve de prudence avant d’autoriser une preuve extrinsèque. Permettre de considérer l’historique du brevet étranger dans l’analyse pourrait entraîner des litiges trop compliqué et trop coûteux. » Notons que la Cour d’appel fait preuve de retenue judiciaire et nuance cette affirmation en ces termes : « Il vaut mieux trancher un autre jour la question de savoir si la doctrine de l’incorporation par renvoi doit être formellement traitée comme exception à l’interdiction générale de référence aux dossiers de poursuite étrangers. (…) Il n’y a rien dans le dossier de poursuite du brevet 376 qui indique avec précision quelle « communication écrite » de l’historique de la poursuite américaine est incorporée et où l’on peut trouver cette communication écrite. » Il est à peu près certain que si Canmar avait amendé ses revendications et produit au bureau des brevets canadien une réponse qu’elle aurait formulée au bureau américain, cette réponse aurait pu être invoquée en vertu de l’article 53.1 de la Loi. Néanmoins, dans ce dernier cas, la réponse en question a été déposée au dossier canadien. Si, au lieu de produire la réponse américaine, le demandeur y avait seulement fait référence en termes exprès, l’article 53.1 de la Loi s’appliquerait-il? C’est une question qu'un autre tribunal devra vraisemblablement se poser. La Cour d’appel rejette tout de même l’appel puisque le juge de première instance avait conclu que, même sans faire référence à l’historique du brevet américain, la Cour aurait conclu que ces éléments étaient des éléments essentiels. La Cour d’appel ne trouve pas d’erreur manifestement déraisonnable dans cette partie du jugement de la Cour fédérale. La Cour d’appel ne se prononce pas non plus sur la question suivante : l’historique du brevet peut-il être soulevé uniquement pour contredire une interprétation incohérente faite par le titulaire de brevet ou peut-on y faire référence dès lors qu’une question d’interprétation des revendications se manifeste? « Par conséquent, l’accent n’est pas mis tant sur le fait de réfuter d’une déclaration donnée mais d’avantage sur le processus d’interprétation lui-même. Comme l’a déclaré la Cour dans l’affaire Bauer Hockey, « il n’est pas nécessaire d’isoler une déclaration et une réfutation en particulier chaque fois que l’on renvoie à l’historique de l’examen. Cela fait simplement partie intégrante du processus d’interprétation.» (au paragr. 65). Il vaut mieux trancher cette question un autre jour puisque les faits de cette affaire répondent clairement à l’interprétation plus restrictive de l’article 53.1 et ne nécessitent pas une interprétation plus large de cet article. Ce qui est plus pertinent pour la résolution de l’affaire en litige est de savoir si cette nouvelle disposition permet l’examen de dossiers étrangers de poursuite. » Cette question n’est pas théorique. Dans un arrêt récent de la Cour fédérale3, le titulaire d’un brevet était partie en raison d’une contestation de la validité dudit brevet. Le titulaire avait laissé le soin à son licencié exclusif de poursuivre en contrefaçon. Le défendeur voulait opposer l’historique du brevet à l’interprétation avancée par le licencié exclusif. Mais le juge Barne a refusé d’appliquer l’article 53.1 de la Loi puisqu’en l’instance, il ne servait pas à contredire une interprétation avancée par le titulaire du brevet. Ainsi, contrairement au juge Manson dans Canmar, le juge Barne dans Allergan adopte une interprétation beaucoup plus restrictive de l’article 53.1 de la Loi. La doctrine du file wrapper estoppel n’a pas fini de faire couler de l’encre et ira très vraisemblablement jusqu’en Cour suprême du Canada. À suivre! Canmar Foods Ltd. c. TA Foods Ltd 2019 FC 1233 Canmar Foods Ltd c. TA Foods Ltd 2021 FCA 7 Allergan Inc. v. Sandoz Canada Inc. et al. 2020 FC 1189
-
L’intelligence artificielle, bientôt réglementée au Canada?
Jusqu’à maintenant, aucune réglementation précise n’encadre l’utilisation de l’intelligence artificielle au Canada. Certes, les lois relatives à l’utilisation des renseignements personnels et prohibant la discrimination trouvent toujours application, peu importe qu’il s’agisse de technologies dites d’intelligence artificielle ou de technologies plus conventionnelles. L’application de ces lois à l’intelligence artificielle soulève toutefois plusieurs questions, particulièrement lorsque l’on traite de « réseaux de neurones artificiels » dont l’opacité des algorithmes qui les composent rend difficile la compréhension des mécanismes décisionnels par les personnes concernées. Ces « réseaux de neurones artificiels » ont la particularité de ne permettre que peu d’explications sur leur fonctionnement interne. Le 12 novembre 2020, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a publié ses recommandations visant la réglementation de l’intelligence artificielle1. Soulignant que les utilisations de l’intelligence artificielle nécessitant des renseignements personnels peuvent avoir de graves conséquences sur la vie privée, le Commissariat y va de plusieurs recommandations, notamment les suivantes : Obliger ceux qui mettent au point ces systèmes à s’assurer de la protection de la vie privée au moment de la conception des systèmes d’intelligence artificielle ; La création d’un droit des personnes concernées d’obtenir une explication, en termes compréhensibles, leur permettant de comprendre les décisions rendues à leur égard par un système d’intelligence artificielle, de même que s’assurer que ces explications soient fondées sur de l’information exacte et qu’elles ne soient pas discriminatoires ou biaisées ; La création d’un droit de contester les décisions découlant de la prise de décision automatisée ; Le droit de l’autorité de réglementation d’exiger des preuves de ce qui précède. Notons que ces recommandations comprennent la possibilité de l’imposition de sanctions financières aux entreprises qui ne respecteraient pas ce cadre règlementaire. De plus, contrairement à l’approche retenue par le Règlement général sur la protection des données et le projet de loi 64 du gouvernement du Québec, les droits à l’explication et à la contestation ne seraient pas limités aux décisions prises uniquement de manière automatisée, mais viserait aussi les cas où le système d’intelligence artificielle assiste un décideur humain. Il est probable que ces propositions encadrent un jour ou l’autre le fonctionnement de systèmes d’intelligence qui sont déjà en cours de mise au point. Il serait donc prudent pour les concepteurs de tenir compte de ces recommandations et de les intégrer dans leurs paramètres de mise au point des systèmes d’intelligence artificielle dès maintenant Si ces recommandations sont intégrées à la réglementation, il faudra en outre réfléchir aux moyens d’expliquer le fonctionnement des systèmes visés par les décisions prises par l’intelligence artificielle ou s’y appuyant. Comme le mentionnent ces recommandations : « Bien que les secrets commerciaux puissent exiger des organisations qu’elles fassent preuve de prudence dans les explications qu’elles fournissent, une certaine forme d’explication valable serait toujours possible sans compromettre la propriété intellectuelle. »2 C’est pourquoi il pourrait être crucial de faire appel à des avocats spécialisés dans ces questions dès la conception des solutions qui utilisent l’intelligence artificielle et les renseignements personnels. https://www.priv.gc.ca/fr/a-propos-du-commissariat/ce-que-nous-faisons/consultations/consultations-terminees/consultation-ai/reg-fw_202011/ Ibid.
-
Studios et concepteurs, êtes-vous sûr de détenir la propriété intellectuelle sur vos jeux vidéo?
L’année 2020 aura été difficile pour la grande majorité des secteurs d’activité économique, notamment pour le secteur des arts, spectacles et loisirs. Toutefois, l’industrie des jeux vidéo affiche une croissance fulgurante. À titre d’exemple, les studios Nintendo et PlayStation ont chacun battu des records de ventes pour leurs jeux parus en 2020, notamment « Animal Crossing : New Horizons » et « The Last of Us : Part II ». Au cours des dernières décennies, le nombre de joueurs de jeux vidéo n’a cessé d’augmenter. L’année 2020 ne fera sûrement pas exception, en raison notamment de la pandémie de la COVID-19. Jouer à un jeu vidéo est non seulement une manière de se divertir, mais aussi une façon de demeurer en relation avec une communauté qui partage les mêmes intérêts. L’univers des jeux vidéo est à ce point populaire que le gouvernement du Canada a utilisé cette plateforme pour communiquer des messages de mobilisation et de sensibilisation aux mesures de santé publique avec la campagne #ÉcrasonslaCOVID, lancée en collaboration avec l’Association canadienne du logiciel de divertissement (« ALD »). L’importance économique du secteur du jeu vidéo au Canada est non-négligeable. Selon le dernier rapport de l’ALD, ce secteur a contribué à hauteur d’environ 4,5 milliards de dollars au PIB du Canada en 2019, soit une hausse de 20% depuis 20171 et ces chiffres continueront vraisemblablement d’augmenter. Cette effervescence du jeu vidéo a une incidence certaine sur la valeur des entreprises qui innovent dans ce domaine. Plusieurs transactions récentes le démontrent. À titre d’exemple, le géant Microsoft a acquis en septembre dernier la société Bethesda Softworks, l’un des plus importants éditeurs de jeux vidéo, pour la somme de 7.5 milliards de dollars américains. La compagnie suédoise Mojang Studios, qui a conçu le célèbre jeu Minecraft, a été rachetée par Microsoft pour 2.5 milliards de dollars en 2014. Plus près de nous à Montréal, en 2019, le studio Beat Games a été racheté par Facebook à la suite du lancement de leur jeu de réalité virtuelle Beat Saber, alors que Typhoon Studios a été racheté par Google. Au-delà des profits découlant de la vente de jeux vidéo, il faut ajouter le potentiel de commercialisation de produits dérivés traditionnels tels que les vêtements et accessoires, jeux et figurines, de même que les séries télévisées inspirées des jeux, avec des géants comme Netflix, Amazon Prime, HBO et Hulu, tous en quête de séries télé à succès. Pour maximiser la valorisation des jeux vidéo, il est important de protéger ses actifs de propriété intellectuelle (« PI »), soit les marques de commerce, droits d’auteur et brevets d’invention, selon le cas. Cette question est d’autant plus importante dans le contexte où la commercialisation des jeux vidéo ne connaît pas de frontière et qu’un jeu peut ainsi, du jour au lendemain, devenir un succès commercial international. Bref, toute entreprise devrait se poser les questions suivantes avant de lancer son jeu vidéo, pour bien se positionner face aux éventuels investisseurs, titulaires de licence ou partenaires, de même que face aux concurrents et contrefacteurs: Est-ce que l’entreprise détient tous les droits de PI sur le jeu ? Quelle protection de PI s’applique et où protéger la PI? Examinons ici la première de ces questions. Est-ce que l’entreprise détient tous les droits de PI sur le jeu ? La conception d’un jeu vidéo met généralement en présence une équipe de créateurs, notamment des idéateurs, programmeurs, scripteurs et designers d’effets visuels et sonores. Tous ces acteurs contribuent à la création de l’œuvre qu’est le jeu vidéo et donc à la PI qui y est associée. À titre d’exemple, Ubisoft a travaillé avec des muralistes et designers graphiques pour son récent jeu « Watch Dogs Legion ». Ces derniers ont conçu près de 300 œuvres pour créer l’atmosphère d’un Londres urbain post-Brexit. Cette initiative lui a d’ailleurs valu des éloges avant même la parution du jeu en octobre dernier2. Selon leur niveau de contribution à la conception du jeu, ces créateurs peuvent se qualifier d’auteur, et à ce titre, ils peuvent être considérés comme copropriétaires des droits d’auteur sur le jeu, selon leur statut d’employé ou de consultant. De façon générale, il faut retenir que les droits d’auteurs développés par des employés – dans le cadre de leur emploi – appartiennent à l’employeur3 alors que ceux conçus par un consultant lui appartiennent – à moins d’une entente écrite au contraire. Ainsi, pour l’entreprise qui désire commercialiser un jeu vidéo, il est essentiel de prévoir des contrats clairs avec tout consultant externe, prévoyant la cession des droits de PI pour s’assurer de conserver l’entière propriété des droits d’auteur sur le jeu vidéo. Mais que se passe-t-il si un consultant n’a pas cédé ses droits d’auteur à l’entreprise? Peut-il prétendre être cotitulaire des droits d’auteur sur le jeu dans son intégralité ou ses droits sont-ils plutôt limités à la portion de sa création (ex : des dessins précis, une musique pour une scène particulière) ? Cette question revêt une grande importance, notamment pour la question du partage des profits provenant de la vente du jeu. Dans la décision Seggie c. Roofdog Games Inc.4, la Cour supérieure indique qu’une personne (non-employée) dont la contribution à un jeu est minime ne peut être considérée comme coauteur du jeu vidéo en tant que tel, dans la mesure où : cette contribution se limite à quelques images; ces images peuvent être distinguées du reste de l’œuvre; et il n’y a pas d’intention commune des parties de créer une œuvre en collaboration. Seggie s’est donc vu refuser la compensation réclamée de 25% des ventes sur le jeu vidéo. La cour a cependant reconnu que Seggie détenait un droit d’auteur sur les œuvres créées et incorporées au jeu et lui a accordé une compensation de 10,000$. L’octroi de cette compensation nous apparait discutable puisque Seggie avait accepté de travailler pro bono pour son ami fondateur. Cette décision rappelle l’importance de faire signer une cession des droits d’auteur à toute personne qui contribue à la conception, peu importe son niveau de participation. Renonciation au droit moral En outre de la cession des droits d’auteur, l’entreprise propriétaire d’un jeu vidéo devrait également s’assurer que tous les auteurs du jeu ont renoncé à leur droit moral pour ne pas limiter l’exploitation commerciale du jeu. Le droit moral appartient à tout auteur d’une œuvre et lui permet de s’opposer à l’utilisation de son œuvre en lien avec un autre produit, une cause, un service ou une institution, d’une manière préjudiciable à son honneur ou sa réputation. On peut ici penser à l’utilisation de la musique du jeu vidéo ou d’un personnage pour faire la promotion d’une cause ou d’un produit, ou encore une série télévisée dérivée du jeu dont le scénario pourrait donner ouverture à une atteinte à la réputation de l’auteur. Pour s’assurer de détenir toute la latitude d’exploitation commerciale du jeu et des produits dérivés, une renonciation aux droits moraux devrait être signée par tout employé et consultant qui participe à la création du jeu vidéo. Conclusion Le lancement d’un jeu vidéo nécessite des investissements énormes en ressources, en temps et en créativité. Il est donc important de s’assurer d’être propriétaire de tous les droits pour ensuite cibler les protections de PI pertinentes afin de développer une stratégie de protection efficace. Le prochain article de la présente série abordera l’importance et l’application de ces droits de PI, soit les marques de commerce, les droits d’auteur et les brevets, au secteur du jeu vidéo. « Le secteur canadien du jeu vidéo – 2019 » Association canadienne du logiciel de divertissement, novembre 2019, [En ligne]. CLÉMENT, Éric, « Le talent montréalais en vedette dans un nouveau jeu d’Ubisoft », paru dans La Presse+, édition du 21 octobre 2020. LDA, article 13(3). Seggie c. Roofdog Games Inc., 2015 QCCS 6462.
-
Travail, confinement et couvre-feu : les réponses à vos questions
Afin de réduire la contamination communautaire, préserver la sécurité de tous et diminuer la pression exercée sur notre réseau de la santé, le gouvernement requiert des efforts supplémentaires de chacun, tant dans sa vie privée qu’au travail. Ces efforts comprennent notamment le maintien de la fermeture des commerces de détail sauf exceptions, de même que la poursuite d’un confinement pour contrer les rassemblements et l’institution d’un couvre-feu à compter du 9 janvier 2021, qui demeurera en vigueur jusqu’à la date présentement annoncée du 8 février 2021.1 Comment les employeurs peuvent-ils revoir leur organisation du travail dans la mesure où cela leur est possible, ce, dans le respect des consignes gouvernementales? La foire aux questions suivantes vise à leur apporter des réponses. En raison du couvre-feu, dois-je revoir mon organisation et les horaires de travail si mes activités ne sont pas suspendues ou interdites? Si vous exploitez un commerce de détail identifié comme prioritaire, vous êtes requis de revoir les horaires et heures de travail de vos employés afin de respecter le couvre-feu, de sorte que vos employés puissent quitter le commerce au plus tard à 19h30, de façon à se trouver à leur domicile pour 20h. Pour les entreprises du secteur de la construction, les entreprises manufacturières et de transformation primaire, les activités doivent être diminuées « pour ne poursuivre que celles qui sont nécessaires à l’exécution de leurs engagements » : Pour bien mesurer la portée de cette exigence, les orientations et directives des autorités (dont la CNESST) seront à suivre de près; Toutefois, à la lumière de cet énoncé du décret adopté en soirée du 8 janvier 2021, pour être en mesure de démontrer les démarches effectuées pour se conformer aux consignes, les entreprises devraient revoir les contrats et commandes confirmés, les dates de livraison convenues et les délais inhérents de production pour modifier la planification du travail (p. ex. : commandes prioritaires parce qu’elles sont livrables d’ici le 8 février, jours et heures de travail des effectifs, quarts de soir et de nuit); En effet, dans ses communications Internet, le gouvernement du Québec demande non seulement de réduire au minimum les activités pour assurer la réalisation des engagements, mais également d’ajuster les quarts de travail pour limiter les présences sur les sites de production et de construction au même moment. Dans ces commerces et entreprises, les ajustements nécessaires peuvent exiger des négociations particulières compte tenu des conditions ou politiques de travail ou des conventions collectives en vigueur. Quand devrais-je envisager des mises à pied temporaires d’employés en raison d’une réduction de mes activités résultant du confinement accru ou du couvre-feu? Sous réserve des protections prévues aux termes d’une convention collective ou d’un contrat de travail (p. ex. : heures de travail garanties), un employeur peut évaluer la possibilité de réorganiser le travail et de répartir les heures de travail entre les employés en convenant avec eux de conditions de travail temporaires afin d’éviter des mises à pied. Si un tel réaménagement n’est pas possible pour des motifs juridiques, organisationnels ou d’efficacité, des mises à pied peuvent être envisagées : Avec confirmation du motif de mise à pied comme étant relié à la Covid-19, auquel cas les employés affectés pourront vérifier leur admissibilité à la prestation canadienne de relance ou aux prestations d’assurance emploi suivant les circonstances. Un employeur devrait également documenter les motifs de sa décision de procéder à des mises à pied temporaires, par exemple, dans la détermination des personnes affectées suivant les critères applicables dans l’organisation, en vue des rappels au travail et pour fins d’analyse de la nécessité éventuelle de prolonger ou non ces mises à pied. Comment protéger mes employés essentiels qui auraient à circuler pendant le couvre-feu pour se rendre au travail ou retourner à la maison? Pour chaque employé requis de circuler pendant le couvre-feu de 20h à 5h, l’employeur prépare une lettre explicative suffisante (lettre d’attestation) pour démontrer que les activités de l’employeur sont autorisées selon les consignes en vigueur et que le travail de l’employé est essentiel à la réalisation de ces activités autorisées (y compris le transport des biens nécessaires à ces activités). Cette lettre d’attestation doit énoncer des éléments pouvant raisonnablement permettre aux policiers de conclure que l’employé est admis à circuler pendant le couvre-feu parce qu’il bénéficie de l’une ou l’autre des exceptions prévues par le gouvernement. On sait que les exceptions sont interprétées restrictivement. Compte tenu de la lettre type diffusée par le gouvernement et des objectifs de cette lettre d’attestation, celle-ci devrait donc comprendre des renseignements tels que : l’identification de l’employeur et de son représentant autorisé (sur papier entête confirmant les coordonnées de l’entreprise, dont le site Internet); la nature des activités de l’employeur; les fonctions, adresse du domicile et coordonnées du lieu de travail de l’employé; l’horaire de travail de cet employé; les coordonnées et le numéro de téléphone de la personne disponible entre 20h et 5h, qui est en mesure de fournir des précisions aux policiers qui interpelleraient l’employé (cette personne connaissant les activités autorisées de l’employeur auxquelles contribue l’employé, le poste de l’employé et son horaire); la période de validité de cette attestation et sa date de signature. J’exploite un commerce de détail, mais qui ne fait pas partie des commerces prioritaires autorisés depuis le 25 décembre dernier. Puis-je me livrer à mes activités et vendre des articles ou de la marchandise en ligne? Comment mes clients peuvent-ils récupérer leurs achats? Le commerce en ligne est permis même pour des biens non essentiels (la vente pouvant aussi être réalisée par téléphone). À retenir : Le télétravail doit être maximisé le plus possible, la présence physique devant être réservée aux seuls employés dont cette présence est essentielle sur les lieux du travail. Les biens peuvent être livrés ou cueillis à la porte sans entrer dans le commerce. Le paiement doit être effectué par téléphone si la vente est ainsi effectuée, sans que le client ne pénètre dans le commerce. Nous suivrons les événements et vous en tiendrons informés, car il importe de suivre les changements ou ajustements possibles et souvent fréquents aux consignes. Les professionnels de notre équipe Travail et Emploi demeurent disponibles pour vous conseiller et répondre à vos questionnements. Voir https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/confinement-du-quebec-covid-19/ et Décret 2-2021 du 8 janvier 2021 concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19.
-
Le système fiscal à la rescousse de la presse écrite
La diminution des revenus de publicité des journaux canadiens au profit des géants de l’Internet au cours des dernières années a mis en péril l’existence même de plusieurs de ces journaux. Afin d’assurer la survie de la presse écrite indépendante, les gouvernements ont annoncé en 2018 plusieurs mesures fiscales avantageuses visant à favoriser celle-ci. Les statuts d’organisation journalistique canadienne qualifiée (« OJCQ ») et d’organisation journalistique enregistrée (« OJE ») sont deux statuts avantageux qui ont été ajoutés à la Loi de l’impôt sur le revenu1 (Canada) (la « LIR ») en 2019. L’obtention du statut d’OJCQ et d’OJE permet de bénéficier des avantages suivants en vertu de la LIR : un crédit d’impôt remboursable pour la main-d’œuvre de 25 % relatif aux salaires ou aux traitements payables à l’égard d’un employé de salle de presse admissible depuis le 1er janvier 2019; un crédit d’impôt personnel non remboursable de 15 % pour les montants payés par un particulier à une organisation admissible après 2019, mais avant 2025, pour un abonnement aux nouvelles numériques; l’ajout des OJE en tant que donataires reconnus. Le statut de donataire reconnu permet à l’entité de remettre des reçus pour dons et permet ainsi à toute personne donnant des sommes d’argent ou des biens à l’OJE de bénéficier d’un crédit d’impôt ou d’une déduction dans le calcul de son revenu imposable. De plus, le statut d’OJE permet à l’entité de recevoir des donations d’autres entités bénéficiant d’un statut fiscal favorable tel qu’un organisme de bienfaisance enregistré2; une exemption de l’impôt sur le revenu prélevé en vertu de la LIR. Plusieurs conditions doivent être remplies pour qu’une entité obtienne le statut d’OJCQ et celui d’OJE, et le processus d’obtention de ces statuts peut prendre plusieurs mois. Évidemment, l’obtention de ces statuts entraîne d’autres conséquences fiscales tant au niveau fédéral que provincial qu’il convient d’évaluer au cas par cas avant de procéder à une telle demande auprès des autorités fiscales. Notre équipe en fiscalité, qui est expérimentée dans ce domaine, peut vous accompagner dans le processus d’obtention des statuts d’OJCQ et d’OJE et dans l’évaluation des conséquences fiscales liées à l’obtention de tels statuts. Paragraphes 149.1(1) et 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.). Paragraphe 248(1) « organisme de bienfaisance enregistré » de la LIR.
-
Brevets du temps des fêtes
Chez Lavery, nous passons beaucoup de temps à faire des recherches dans les banques de données de brevets pour nos clients. Il arrive parfois que nous tombions sur certains brevets ou certaines demandes dont l’ingéniosité et la créativité marquent les esprits. Avec l’hiver qui s’installe, notre attention s’est naturellement portée sur les demandes et les brevets qui étaient reliés au temps des Fêtes. Ainsi, dans cet esprit des Fêtes, nous avons voulu partager quelques-unes de ces perles avec vous. Nous espérons qu’elles sauront vous apporter un peu de bonheur (ou à tout le moins qu’elles vous feront sourire). CA 2500690 (demande) : Système d’arrosage pour arbre de Noël Cette installation devrait plaire aux employés du secteur de la santé. CA 2114854 (demande) : Bas de Noël griffé La magie de Noël pour toute la famille — y compris votre animal de compagnie. Voici un bas spécialement conçu que le père Noël pourra remplir de gâteries pour votre animal de compagnie chéri. US 20200329896 (demande): Arbre de Noël à ailettes rotatives éoliennes Cette demande de brevet se rapporte à un arbre de Noël qui dispose d’un bloc d’ailettes amovibles, installé sur un axe vertical. Les ailettes du bloc tournent autour de l’axe au moyen de la force du vent, « ce qui augmente ainsi le caractère festif du sapin de Noël ». US 6497071: Système d’autoarrosage pour arbre de Noël Ce brevet concerne un « système d’arrosage amélioré pour arbre de Noël » grâce auquel le bac d’arrosage de l’arbre de Noël peut être approvisionné en eau au moyen d’un contenant résistant à l’eau qui est rempli d’eau et situé à proximité. Quelle est l’astuce? Le contenant résistant à l’eau est déguisé en cadeau. US 7258592 : Trousse de visite du père Noël Ce brevet concerne une « trousse destinée à créer une illusion qui suggère la visite des lieux par le père Noël ». Cette trousse revendiquée comprend des éléments tels qu’« une lettre qui se veut écrite par le père Noël » ainsi qu’un « moyen pour créer des empreintes de bottes ». Le brevet prévoit même un mode d’emploi de la trousse assez élaboré, certaines étapes expliquant notamment qu’il faut « prélever une partie d’une boisson ou d’une collation » et, si la pièce ne comporte pas de cheminée, qu’il faut « laisser une clé jouet à l’extérieur ». US 5523741 : Détecteur de père Noël Ce brevet concerne un « dispositif pour bas de Noël d’enfants permettant de signaler visuellement l’arrivée du père Noël en illuminant une source lumineuse visible de l’extérieur dont la source électrique se trouve à l’intérieur dudit dispositif ». Le père Noël y est décrit comme étant un « monsieur rondelet, à la barbe blanche, vêtu de rouge, qui livre des cadeaux aux enfants sages à Noël ». US 3494235: Dispensateur de guirlandes et autres enjolivures adaptables pour la décoration des arbres de Noël. Décorez plus vite que votre ombre — un dispensateur de guirlandes en forme de pistolet. Recevez nos meilleurs vœux pour un merveilleux temps des Fêtes!
-
Obligation de défendre de l’assureur: le Projet de loi 82 ouvre la porte à d’éventuelles limitations
Le 11 décembre 2020, le ministre des Finances, Éric Girard, a présenté puis déposé devant l’Assemblée nationale le projet de loi 82 intitulé Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 10 mars 2020 (ci-après le « Projet de loi »). Le Projet de loi ouvre la porte à d’éventuelles limitations de l’obligation de défendre en ce qui concerne certaines catégories de contrats d’assurance responsabilité civile (« ARC ») qui seront déterminées par règlement. Mise en contexte Le Code civil du Québec (« C.c.Q. ») prévoit aux articles 2500 et 2503 C.c.Q. que les limites d’assurance prévues aux contrats ARC et les frais qui résultent des actions contre l’assuré, dont ceux associés à la défense, sont à la charge de l’assureur en sus de ces limites. Ces dispositions étant d’ordre public, les parties au contrat ne peuvent convenir du contraire et l’obligation de l’assureur d’acquitter ces frais de défense est pratiquement illimitée. L’accroissement de la fréquence des sinistres et de leur envergure, de même que l’explosion des coûts associés à la défense des assurés ont contribué à un durcissement du marché qui sévit depuis maintenant 2019. Dans un tel marché, les sociétés d’assurance appliquent une tarification plus stricte et exigent des primes plus élevées. Dans certains cas, certains assureurs se retirent complètement du marché ou de certains secteurs créant ainsi des difficultés réelles pour bon nombre d’entreprises. L’absence de limitation possible de l’obligation de défendre des assureurs, un principe propre au Québec, était de nature à rendre ce marché moins intéressant pour les assureurs nationaux et internationaux. Changement législatif proposé Le Projet de loi prévoit donc que l’obligation de défendre des assureurs découlant des articles 2500 et 2503 C.c.Q. pourra être limitée en ce qui concerne certains contrats d’assurance responsabilité civile (« ARC ») qui seront déterminés par règlement. Advenant que la modification proposée soit acceptée dans son état actuel, le nouvel article 2503 C.c.Q. se lira dorénavant comme suit : 2503. L’assureur est tenu de prendre fait et cause pour toute personne qui a droit au bénéfice de l’assurance et d’assumer sa défense dans toute action dirigée contre elle. Les frais et frais de justice qui résultent des actions contre l’assuré, y compris ceux de la défense, ainsi que les intérêts sur le montant de l’assurance, sont à la charge de l’assureur, en plus du montant d’assurance. Le gouvernement peut toutefois, par règlement, déterminer des catégories de contrats d’assurance qui peuvent déroger à ces règles et à celle prévue à l’article 2500, de même que des catégories d’assurés qui peuvent être visés par de tels contrats. Il peut également prévoir toute norme applicable à ces contrats. [Partie ajoutée en gras] Cette modification n’a aucune incidence concrète à court terme puisqu’un règlement devra être adopté pour préciser les contrats qui pourront faire l’objet de cette limitation. Nous prévoyons que le législateur ciblera d’abord des catégories de contrats ARC plus spéciaux, souvent souscrits par des assurés plus sophistiqués, par exemple, les contrats d’assurance responsabilité civile (« ARC ») des administrateurs et dirigeants. Qu’à cela ne tienne, il s’agit d’une avancée significative qui stimulera sans doute l’intérêt de certains assureurs spécialisés pour les risques québécois. La suite Le Projet de loi, bien que déposé, doit franchir plusieurs étapes avant que la modification qu’il propose devienne en vigueur. Même si celui-ci pourrait être sanctionné au cours des prochains mois, il demeure qu’un règlement donnant effet au nouveau paragraphe de l’article 2503 C.c.Q. devra également être rédigé et adopté. Nous continuerons donc de surveiller l’évolution de ce dossier législatif.
-
Le marché gris au Canada, la Cour d’appel ajoute quelques nuances de Grey
Au Canada, comme ailleurs dans le monde, les détenteurs de propriété intellectuelle ont tenté à de nombreuses reprises de contrôler leurs chaînes de distributions à l’aide du droit des marques de commerce, du droit d’auteur ou encore de contrats d’exclusivités, et ce, sans trop de succès. Or, la Cour d’appel du Québec a récemment condamné Costco Wholesale Canada Ltd. pour faute d’interférence contractuelle dans Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd.1 (ci-après l’« arrêt Costco ») dans un contexte de marché gris aussi appelé Grey Marketing. Cet arrêt remet en cause une longue série de décisions relativement à la légalité du marché gris et au principe de libre concurrence bien établi en droit québécois2. Le marché gris est défini comme suit : « [traduction] des biens qui sont importés contrairement à la volonté du titulaire du droit d’auteur ou d’un importateur autorisé dans un territoire donné. Il renvoie aux biens qui, en règle générale, sont mis en marché de façon légitime dans le marché étranger, mais dont la présence sur le marché local est assombrie par des allégations de violation. C’est pour cette raison que le marché porte le nom de “marché gris” par opposition au marché noir, au sein duquel il y a violation du droit d’auteur, et au marché blanc, où il n’y a aucune violation du droit d’auteur »1. La Cour d’appel de l’Ontario a récemment confirmé que le marché gris est une manière légale d’acheter des produits de marque à l’étranger et de les revendre en concurrence à un distributeur local du manufacturier étranger3. Dans l’arrêt Costco, Simms Sigal & Co. Ltd. (« Simms ») importe et distribue des vêtements haut de gamme à des détaillants au Canada. En 2006, Simms conclut une entente de distribution exclusive avec Rock & Republic Enterprise inc. (« R & R ») pour la distribution de la ligne de denim, des vêtements prêt-à-porter et des accessoires R & R. Les jeans R & R sont alors un produit haut de gamme, très en demande, dont la paire se détaille entre 250 $ et 325 $. En novembre 2009, Costco Wholesale Canada Ltd. (« Costco ») est approchée par un distributeur qui lui propose de lui vendre des jeans R & R à très bas prix. La preuve démontre que R & R savait que les jeans étaient ultimement destinés au marché canadien. R & R vendait à un premier distributeur qui revendait à un second distributeur qui finalement vendait à Costco. Ainsi Costco achète les jeans de R & R via deux intermédiaires et les offres à sa clientèle pour 98,99 $. Simms envoie une mise en demeure afin que Costco cesse de vendre les jeans R & R alléguant qu’elle est la distributrice exclusive et que les jeans vendus sont des contrefaçons. Après vérification auprès de son distributeur, Costco reçoit une lettre de R & R qui confirme qu’il s’agit bien de produits authentiques. De plus, le distributeur indique que R & R « are already dealing with the mad distributor » et « please do not release this letter to the distributor »4. Forte de ces lettres, Costco répond à Simms qu’il s’agit de biens authentiques achetés sur le marché gris et qu’elle est en droit de les revendre au Canada. En juillet 2010, Simms fait parvenir une seconde mise en demeure et réitère qu’elle détient les droits exclusifs de distribution des jeans R & R au Canada. Simms prend action contre R & R et Costco, mais R & R fait faillite. En première instance5, le juge de la Cour supérieure retient la responsabilité de Costco pour les dommages causés à Simms dès novembre 2009, donc suite à la réception de la première mise en demeure. Selon le juge, Costco aurait choisi d’ignorer l’existence du contrat d’exclusivité entre Simms et R & R, se campant dans une position d’aveuglement volontaire, alors qu’elle aurait dû inférer du comportement de son distributeur suffisamment d’indices démontrant à la fois l’existence du contrat de distribution exclusif et sa violation par R & R. Costco est condamnée à payer la somme de 361,005.44 $ à titre de dommages à Simms. Costco est aussi condamnée à payer des dommages punitifs exemplaires de 500 000,00 $ en conséquence de la gravité de sa faute d’interférence contractuelle et des effets sur la réputation de Simms sur le marché canadien. La Cour d’appel du Québec a maintenu la décision de la Cour supérieure et conclu à la responsabilité de Costco. L’interférence contractuelle et la notion de faute En droit civil québécois, selon le principe de l’effet relatif des contrats, les obligations et les engagements qui y sont prévus ne peuvent lier que les personnes qui ont consenti au contrat. La faute d’interférence contractuelle est une exception à ce principe. En 1975, dans l’arrêt Trudel c. Clairol6 qui traitait d’une forme de marché gris, la Cour suprême du Canada définit la faute d’interférence contractuelle comme étant une « faute contre l’honnêteté de s’associer sciemment à la violation d’un contrat »7. Plus simplement, pour qu’il y ait ouverture au recours d’interférence contractuelle, le demandeur doit démontrer : « l’existence du contrat et la validité des obligations contractuelles auxquelles le tiers aurait contrevenu; »8 « les éléments constitutifs de la faute du tiers sont : la connaissance par le tiers des droits contractuels; l’incitation ou la participation à la violation des obligations contractuelles; et la mauvaise foi ou le mépris des intérêts d’autrui.  »9 La Cour d’appel précise dans l’arrêt Costco que, pour retenir la faute du tiers, il n’est pas nécessaire « que celui-ci ait reçu une copie du contrat, ni même qu’il ait lu la clause d’exclusivité. »10 L’analyse de la connaissance qu’a le tiers du contrat est contextuelle11. À cet effet, la Cour d’appel confirme que la mise en demeure de novembre 2009 n’était pas ambiguë puisque l’affirmation de Simms voulant qu’elle soit la distributrice exclusive de R & R était « claire et ne nécessitait aucune interprétation »12. De plus, Costco n’a pas agi en personne prudente et diligente et a fait preuve d’aveuglement volontaire en poursuivant la vente des jeans R & R alors que la lettre de confirmation de R & R quant à ses droits n’était pas signée et qu’elle prédatait la demande de confirmation. Ces faits jumelés à la mise en demeure auraient dû être suffisants pour conclure à la violation du contrat13. Même si la Cour d’appel conclut que le juge de première instance n’impose pas un fardeau additionnel au tiers de bonne foi de s’informer14, l’ajout de la notion « d’aveuglement volontaire » rend la situation éminemment subjective. En effet le juge de la Cour supérieure écrit : [186] Costco relies on the fact that they were dealing with a trusted intermediary. Costco has filed no evidence that it was ever advised that, in fact, R & R had “resolved promptly” the matter with Simms. Accordingly, there was no reason for Costco to believe it could ignore the cease and desist letters. [187] Costco allowed itself to limit its focus to the issue of authenticity of the Product despite being put on notice by Simms that the up-front issue with Simms was the EDA (Exclusive Distribution Agreement). If Costco was not prepared to deal directly with Simms to resolve the issue, it needed to have the issue of the EDA asked and answered by R & R. Costco failed to do either. [188] […] Ms. Janek on behalf of Costco was at fault in not seeking: (a) some confirmation emanating from R & R that they knew the goods were being sold in Canada by Costco and (b) that there was no Simms EDA that would prevent such sales. […] 15 [nos soulignements] La Cour d’appel semble approuver le raisonnement du juge de première instance. Faisant écho à l’analyse de la Cour supérieure citée ci-dessus, elle explique : [61] Non seulement Costco n’obtient pas les confirmations requises par Mme Janek, mais elle choisit d’ignorer les informations qui lui sont communiquées et qui lui indiquent que Simms est la distributrice exclusive au Canada des produits R & R […]16 S’il n’y a pas d’obligation de s’informer, ce qui est reproché à Costco c’est d’avoir demandé une confirmation du distributeur et de R & R à l’effet que les biens étaient authentiques et qu’ils pouvaient être vendus au Canada, mais que les réponses obtenues étaient douteuses. Est-ce que la décision aurait été différente si Costco avait uniquement demandé à R & R de confirmer que les biens vendus étaient authentiques et à son distributeur qu’il n’était pas lié par une obligation contractuelle de ne pas vendre au Canada ? Si la réponse est oui, les conclusions de la Cour d’appel nous semblent peu logiques en pratique. En effet, si comme l’affirme la Cour d’appel il n’y a pas d’obligation de s’informer, l’erreur de Costco était de s’être informée un peu trop et donc, il aurait été préférable de poser le moins de questions possible. Si en revanche il existe une forme d’obligation minimale d’information, qu’aurait dû faire Costco? Le juge de la Cour supérieure a conclu sur la base des faits qui ont été prouvés au procès que Costco aurait dû obtenir une lettre signée du titulaire des marques de commerce en cause qui confirme ou nie les droits exclusifs de Simms. La Cour d’appel semble approuver et ajoute : [66] Il n’est pas ici question d’ambiguïté ou d’interprétation de l’exclusivité conférée à Simms qui n’auraient pas permis à Costco d’en comprendre la portée ou l’étendue, mais seulement de la connaissance qu’avait Costco de son existence. […]17 Ainsi, l’Arrêt Costco semble créer une obligation d’information qui doit être accomplie pour éviter une faute d’interférence contractuelle. L’ampleur de cette obligation demeure cependant vague. La libre concurrence et le marché gris Si les obligations de s’informer sont interprétées de manière large, il serait possible pour un titulaire de droit de propriété intellectuelle d’organiser son réseau de distribution de sorte qu’il serait difficile pour un tiers de prétendre ne pas être au courant des limitations contractuelles d’exclusivité sur un territoire donné. En première instance, Costco alléguait que les jeans R & R qu’elle revendait à bas prix avaient été acquis légitimement sur le marché gris et qu’elle pouvait les revendre. En matière de marché gris, la Cour suprême a notamment avancé, dans l’arrêt Consumers Distributing Co. c. Seiko18, que de « reconnaître implicitement à un individu qui vend un produit le droit d’imposer des restrictions à la vente, par une autre personne, de bien meubles identiques légitimement acquis » serait un « coup porté à la théorie relative aux restrictions à la liberté du commerce et au concept de la libre concurrence »19. Dans le cas qui nous occupe, la Cour supérieure a déterminé que Costco ne pouvait pas s’exonérer en alléguant son droit d’acheter et de revendre des biens en provenance du marché gris puisque le contrat entre R & R et Simms est un fait juridique qui lui est opposable20. Les faits particuliers de cette affaire ont-ils joué tant en Cour supérieure qu’en Cour d’appel ? Sûrement, mais dès lors qu’un contrat est un fait juridique opposable aux tiers, que ce tiers a une forme d’obligation de s’informer sur ce fait juridique et qu’on ne saurait faire preuve d’aveuglement volontaire, la combinaison de ces décisions semble donner un poids plus important au respect des contrats qu’au principe de libre concurrence21. S’agit-il d’une particularité du droit civil au Québec par rapport à la common law? Jusqu’où l’obligation de s’informer va-t-elle à la suite de l’envoi d’une mise en demeure et quel degré d’ambiguïté est nécessaire afin de prétendre que l’on n’a pas une connaissance des obligations contractuelles? Ce sont là autant de nuances grises qui seront vraisemblablement explorées dans les prochaines années. 2020 QCCA 1331. La libre concurrence est un principe bien établi en droit civil. Dans son arrêt Excelsior (L’), compagnie d’assurance-vie c. Mutuelle du Canada (La), compagnie d’assurance vie, la Cour d’appel reconnaissait la liberté de concurrence comme « principe fondamental de l’organisation des activités économiques […], sous réserve de son encadrement législatif ou réglementaire ». Ainsi, la concurrence a de particulier qu’elle peut causer préjudice à autrui et être volontaire sans constituer une faute. La concurrence constituera une faute seulement si elle est illicite ou déloyale, présentant des procédés malhonnêtes. Excelsior (L’), compagnie d’assurance-vie c. Mutuelle du Canada (La), compagnie d’assurance vie, [1992] R.J.Q. 2666 (C.A.), p. 30. Kraft Canada Inc. v. Euro Excellence Inc., 2005 FCA 427, paragr. 2 Mars Canada Inc. v. Bemco Cash & Carry Inc., 2016 ONSC 7201, par. 7?; conf. 2018 ONCA 239. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1,par. 18. Simms Sigal & Co. Ltd. c. Costco Wholesale Canada Ltd., 2017 QCCS 5058. [1975] 2 RCS 236. Id., p. 241. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 51. Id., par. 50. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 57. Id. Id., par. 58. Id., par. 64?; Simms Sigal & Co. Ltd. c. Costco Wholesale Canada Ltd., préc., note 6, par. 181 à 183. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 64. Simms Sigal & Co. Ltd. c. Costco Wholesale Canada Ltd., préc., note 6, par. 186 à 188. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 61. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 66. 1984 1 CSC 583. Id., p. 584. Simms Sigal & Co. Ltd. c. Costco Wholesale Canada Ltd., préc., note 6, par. 94 et 214. Excelsior (L’), compagnie d’assurance-vie c. Mutuelle du Canada (La), compagnie d’assurance vie, [1992] R.J.Q. 2666 (C.A.), p. 30.
-
Utilisation des brevets en intelligence artificielle : que dit le nouveau rapport de l'OPIC?
L'intelligence artificielle est l’une des familles de technologies où il y a présentement le plus de recherche et de développement au Canada. Afin de préserver le positionnement avantageux du Canada pour ces technologies, il est important de considérer toutes les formes de protection de la propriété intellectuelle qui peuvent s'appliquer. Bien qu'historiquement le droit d'auteur ait constitué la forme privilégiée de propriété intellectuelle en informatique, les brevets sont néanmoins fort utiles en matière d'intelligence artificielle. Le monopole qu'ils accordent peut être incitatif et important pour favoriser l'innovation, notamment dans les secteurs des sciences de la vie et de la gestion de l’énergie. C'est pourquoi l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) a senti le besoin de faire état de la situation sur l'intelligence artificielle et les brevets au Canada. Dans son rapport intitulé Traitement de l’intelligence artificielle : aperçu du paysage canadien des brevets publié en octobre 2020, l'OPIC présente des statistiques qui démontrent clairement la tendance à la hausse de l'activité des chercheurs canadiens en matière de brevets relatifs à l'intelligence artificielle. Cette augmentation demeure toutefois beaucoup moins marquée que celles observées aux États-Unis et en Chine, les champions dans le domaine. Néanmoins, le Canada s'est classé sixième au rang mondial pour le nombre d'inventions brevetées attribuées à des chercheurs et à des établissements canadiens. Activité internationale en matière de brevets dans le domaine de l'IA entre 1998 et 2017 Reproduit avec l'autorisation du ministre de l'Industrie, 2020 Activité mondiale en matière de brevets par pays d'origine du cessionnaire dans le domaine de l'IA entre 1998 et 2017 Reproduit avec l'autorisation du ministre de l'Industrie, 2020 On remarque que les chercheurs canadiens sont particulièrement spécialisés en traitement du langage naturel, ce qui n'est pas étonnant pour un pays bilingue. Mais leurs forces résident également dans la représentation et le raisonnement des connaissances, puis en vision informatique et en robotique. On voit par ailleurs que, de manière générale, les domaines d'application les plus actifs pour l'intelligence artificielle au Canada sont ceux des sciences de la vie et des sciences médicales, des réseaux informatiques, suivis notamment par la gestion de l'énergie. Ceci semble correspondre à des domaines naturels pour le Canada, pays bénéficiant de systèmes de santé élaborés et dont les infrastructures de télécommunications et énergétiques reflètent le vaste territoire. Seule ombre au tableau, le manque de représentativité des femmes dans les demandes de brevets en intelligence artificielle au Canada. Il s'agit là d'un enjeu important à long terme, puisque pour maintenir la compétitivité du pays, il faudra nécessairement s'assurer que tous les meilleurs talents participent au développement des technologies d'intelligence artificielle au Canada. Peu importe dans quel de ces domaines vous œuvrez, il peut être important de consulter un agent de brevets tôt dans le processus d'invention, notamment pour permettre la protection optimale de vos inventions et maximiser les retombées pour les institutions et les entreprises canadiennes.
-
Télétravail : quels sont les dépenses permises pour les employés et les impacts fiscaux pour les employeurs?
La pandémie de la COVID-19 a bouleversé les milieux de travail canadiens. Pour de nombreuses organisations, la pandémie et les mesures mises en place pour en limiter la propagation ont accentué et accéléré le phénomène du télétravail. Dans ce contexte, l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») et l’Agence du Revenu du Québec (l’ « ARQ ») ont publié des positions administratives quant aux dépenses déductibles par les employés visés par cette situation ainsi que pour leurs employeurs. Dépenses admissibles pour un employé La première condition pour avoir le droit à une dépense d’emploi en lien avec le télétravail est liée à l’obligation de travailler de la maison. À ce sens, l’ARC a annoncé un assouplissement à l’effet que si un employé n’était pas obligé de travailler de la maison, mais que son employeur lui a donné le choix de le faire en raison de la pandémie, l’ARC considérera que l’employé a travaillé de la maison en raison de la COVID-19. Méthode à taux fixe temporaire : Déduction fédérale et québécoise de 2 $ par jours sans T2200 Le 15 décembre 2020, le Gouvernement du Canada a annoncé que les employés ayant travaillé de la maison plus de 50 % du temps au cours d’une période d’au moins quatre semaines consécutives en 2020 pourront déduire de leur revenu un montant de 2 $ par jour pour chaque jour durant lequel ils ont travaillé durant ladite période ainsi que pour chaque jour supplémentaire à l’extérieur de cette période, jusqu’à un montant maximum de 400 $. La méthode à taux fixe temporaire ne s'applique qu'à l'année d'imposition de 2020. Pour être admissible, l’employé doit seulement déduire les frais de bureau à domicile et aucune autre dépense d'emploi. Aucun détail quant aux dépenses engagées en lien avec le télétravail ni formulaire T2200 ne seront nécessaires pour bénéficier de cette déduction. Le Gouvernement du Québec a emboîté le pas au Gouvernement du Canada en annonçant le 16 décembre 2020 la possibilité pour un contribuable de déduire 2 $ par jour pour chaque jour où il aura travaillé de la maison, jusqu’à un maximum de 400 $, sans pièces justificatives ni formulaire TP-64.3. Méthode détaillée De façon générale, un employé (locataire ou propriétaire) peut déduire les dépenses raisonnables directement liées à l’utilisation de l’espace consacré pour le travail à domicile si et seulement si au moins l’une des deux conditions suivantes est remplie : l’espace consacré au travail à domicile est « le lieu où le particulier accomplit principalement (interprété par les tribunaux comme étant à plus de 50 %) les fonctions de la charge ou de l’emploi »; ou l’espace consacré au travail à domicile est « utilisé exclusivement […] aux fins de tirer un revenu de la charge ou de l’emploi et est utilisé pour rencontrer des clients ou d’autres personnes de façon régulière et continue »1 La période afin d’évaluer ses critères d’admissibilités pour l’année 2020 devra être pour une période d'au moins 4 semaines consécutives. Cette période peut durer plus d'un mois. Si l’espace consacré pour le travail à domicile fait partie d’un domicile loué par le particulier, une partie raisonnable du loyer pourrait être déductible. Toutefois, un particulier ne peut réclamer aucune déduction pour la valeur locative de la superficie de l’espace consacré au travail dans un domicile dont il est le propriétaire ni pour les dépenses à titre de déduction pour amortissement, de taxes, d’assurances ou d’intérêts hypothécaires à l’égard de ce domicile. Malgré les restrictions susmentionnées, la Loi de l’impôt sur le revenu prévoit que les employés à commission peuvent déduire une partie raisonnable des taxes et des assurances payées pour le domicile qu’ils possèdent, si l’un des critères exposés plus haut est rempli. Il importe de noter que ces dépenses ne sont admissibles que dans la mesure où elles ne sont pas autrement remboursées par l’employeur. Afin de déterminer le montant pouvant être ainsi déduit, il est important d’utiliser une base de calcul raisonnable. À titre indicatif, le calcul peut se fonder sur la superficie que représente l'espace de bureau par rapport à la superficie totale du domicile. Les autres utilisations possibles de l’espace doivent également être prises en considération. L’utilisation d’un espace à 100 % par rapport à 75 % par un employé est un élément important dans la base de calcul. Par exemple, si une table de cuisine est utilisée comme espace de bureau par un employé, elle fait l’objet d’une utilisation mixte, ce qui aura un impact direct sur le montant de dépense déductible. Dépenses admissibles(employé salarié et à commission) Électricité Chauffage Eau Partie des services publics (électricité, chauffage et eau) de vos frais de copropriété Frais d'accès Internet du domicile Frais d’entretien et de réparations mineures Loyer payé pour la maison ou l’appartement où vous vivez Dépenses admissibles(employé à commission seulement) Assurance habitation Impôts fonciers Location d'un téléphone cellulaire, d'un ordinateur, d'un ordinateur portable, d'une tablette, d'un télécopieur, etc. qui est raisonnablement liée aux revenus de commission Dépenses non admissibles (employé salarié et à commission) Intérêt hypothécaire Paiements hypothécaires Frais de raccordement à Internet Mobilier Dépenses en capital (remplacement de fenêtres, de planchers, de fournaise, etc.) Décorations murales Par ailleurs, si un employé peut déduire une dépense dans le calcul de son revenu imposable aux fins de l’impôt, il pourrait également être admissible à un remboursement de la taxe sur les produits et services / taxe de vente du Québec (« TPS/TVQ ») qu’il a payée. Les remboursements de la TPS et de la TVQ sont imposables dans l’année suivante dans la déclaration de revenus de l’employé. Il est également important pour l’employé de conserver ses pièces justificatives. L’ARC a récemment déployé un calculateur afin de simplifier le calcul des dépenses admissibles. Un employé devra remplir les formulaires suivants pour déduire ses dépenses et obtenir un remboursement de la TPS et la TVQ : État des dépenses d’emploi (T777); Dépenses d’emploi pour un employé salarié (TP-59); Demande de remboursement de la TPS/TVH (GST370); et Remboursement de la TVQ pour un salarié (VD-358). Afin de déduire de son revenu des dépenses d’emploi, dont notamment certaines dépenses concernant l’espace consacré au travail à domicile, l’employé doit avoir reçu de l’employeur deux formulaires : formulaire T2200 – Déclaration des conditions de travail (« T2200 »); et formulaire TP-64.3 Conditions générales d'emploi (« TP-64.3 ») (employé québécois seulement); Considérations pour l’employeur Le 15 décembre 2020, l’ARC a annoncé le lancement d’un processus simplifié pour la réclamation des dépenses liées au télétravail pour l’année d’imposition 2020. À cet effet, une version simplifiée du formulaire T2200 a été révélée sous l’appellation T2200S. Vous pouvez consulter ce formulaire ici. Ainsi, afin de permettre à un employé de déduire les dépenses décrites ci-dessus, le T2200S doit indiquer : si l’employé a travaillé à domicile en raison de la COVID-19; si l’employeur a remboursé ou rembourse cet employé pour certaines de ses dépenses liées à son travail à domicile; et si le montant a été inclus sur le feuillet T4 de cet employé. Finalement, l’employeur devra attester que « l’employé a travaillé à domicile en 2020 en raison de la COVID-19, et qu'il était tenu de payer une partie ou la totalité des dépenses liées au travail à domicile engagées directement dans le cadre de son travail pour exercer ses fonctions pendant cette période. » Il est attendu qu’un grand nombre d’employés rempliront les critères de cette déduction, du moins tant que les restrictions d’accès aux lieux de travail en lien avec la COVID-19 demeureront en place. L’ARQ a, quant à elle, annoncé que de façon exceptionnelle, une signature électronique de l’employeur du formulaire TP-64.3 serait permise. De plus, le 16 décembre 2020, le Gouvernement du Québec a annoncé le lancement, prévu au début de l’année 2021, d’un service en ligne dédié à la production en grand nombre de formulaires TP-64.3 devant être transmis aux télétravailleurs. Ce service vise à réduire le fardeau administratif des moyennes et grandes entreprises. Plus de détails sur cette plateforme en ligne sont attendus en 2021. Autres dépenses admissibles pour un employé Un employé pourra également déduire certaines dépenses relativement à des fournitures consommées directement dans l'exercice de ses fonctions, dans la mesure où celles-ci ne sont pas remboursées par leur employeur, par exemple : a) le papier, les crayons ainsi que les cartouches d'encre; b) les frais d'utilisation du réseau Internet s'ils sont facturés en fonction de l’utilisation. À cet effet, l’ARC a annoncé que pour l’année d’imposition 2020 elle accepterait, exceptionnellement, les frais d'accès Internet résidentiel mensuels (le coût du forfait doit être raisonnable). Dépenses remboursées par un employeur Normalement une somme reçue d’un employeur pour rembourser une dépense est considérée comme un avantage à l’employé et doit être ajoutée au revenu d’emploi de ce dernier sauf si les dépenses sont nécessaires dans le cadre de l’accomplissement des fonctions de l’employé. Les dépenses remboursées ne peuvent pas être déduites par l’employé. De plus, dans le contexte actuel, l’ARC et l’ARQ ont annoncé que le remboursement d’une somme de 500 $ par un employeur à son employé visant à compenser le coût d'acquisition de l'équipement informatique personnel ou de l'équipement de bureau nécessaire au télétravail ne constitue pas un avantage imposable pour l'employé. Par exemple, si l’achat est un bureau à 1000 $, l’avantage imposable inclus dans le revenu de l’employé sera de 500 $. L’ARC a récemment annoncé que ce montant ne sera pas augmenté. Allocation versée par un employeur Certains employeurs préfèreront verser une allocation directement à leurs employés en télétravail afin de couvrir les coûts additionnels engagés par ceux-ci. Dans ce contexte, l’employeur pourra déduire cette allocation dans le calcul de son revenu imposable à la condition que celle-ci soit raisonnable. Normalement, le montant de cette allocation sera considéré comme un avantage imposable pour l’employé et devra être ajouté à son revenu d’emploi pour l’année d’imposition dans laquelle elle est reçue par l’employé, à l’exception de la situation visée par l’exception mentionnée ci-dessus. Autre considération pour l’employeur Il est également important pour l’employeur de considérer les impacts fiscaux, notamment en matière de retenues à la source, du lieu où l’employé travaille principalement pendant la pandémie lorsque ce lieu diffère de celui de l’établissement de l’employeur auquel il est normalement tenu de se présenter. L’ARC et l’ARQ ont annoncé un allègement à ce niveau pour l’année d’imposition 2020. Ainsi, la province de travail ne changera pas pour les employés en situation de télétravail en raison de la pandémie de la COVID-19. La province aux fins du calcul des retenues à la source continuera d’être celle du lieu de travail habituel. Cependant, si l’employé exerce son travail dans un pays étranger, certains impacts fiscaux, autant pour l’employé et pour l’employeur, devraient être considérés. Notre équipe en Fiscalité saura vous accompagner et répondre à vos questions concernant la conformité fiscale de votre entreprise. Interprétation technique IT-352R2.