Terminologie de contrat d’assurance : la Cour d’appel précise la portée de l’expression « building »

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En droit des assurances comme dans d’autres domaines du droit des contrats, la définition précise et la portée de la terminologie utilisée dans un contrat revêtent une grande importance puisqu’elles affectent directement les obligations des parties et, dans le cas qui nous occupe, l’étendue de la couverture d’assurance.

Le 11 février dernier, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse1 rendait deux arrêts dans lesquels elle analysait la portée à accorder à certaines expressions inhérentes à un contrat d’assurance. Cette analyse terminologique a amené la Cour à conclure que le sol contaminé sous un bâtiment assuré n’était pas un bien assuré au sens de la définition usuelle et ordinaire des termes « dwelling », « premises » et « building ».

Les faits de l’affaire Snow

Les membres de la famille Snow ont obtenu du tribunal de première instance2 la condamnation de l’assureur au paiement d’une indemnité en raison de la contamination aux hydrocarbures du sol sous leur résidence à la suite d’une fuite d’huile provenant de la propriété voisine.

Le raisonnement du premier juge était fondé sur son interprétation large des termes « dwelling », « premises » et « building » contenus dans un contrat d’assurance habitation (home owner’s policy).

L’arrêt Snow

La Cour d’appel3 s’est déclarée en désaccord avec l’interprétation du juge de première instance qui donnait à l’expression « building » un sens étendu, incluant le sol sous la résidence des assurés dans la définition de biens assurés aux termes du contrat d’assurance. Par ailleurs, la police d’assurance couvrait le risque spécifié pour les dommages causés par des hydrocarbures (« escape of fuel oil »).

En vertu des principes d’interprétation d’un contrat d’assurance décrits dans l’arrêt Progressive Homes Ltd. c. Lombard General Insurance Company of Canada, 2010 CSC 33 (para. 21 à 24), appliqués aux expressions contenues à la Couverture A et à la Couverture B du contrat d’assurance, la Cour d’appel a conclu que le terme « dwelling » définissait le bâtiment résidentiel tel qu’il est décrit dans les conditions particulières, tandis que « premises » est défini comme étant le bâtiment résidentiel et les biens situés à l’intérieur des limites du terrain dudit bâtiment.

La Cour a rappelé qu’il ne faut pas confondre les trois concepts de biens assurés, risques couverts (« insured perils ») et risques spécifiés (« specified perils »). Le terme « premises » ne constituait pas un bien assuré en soi, même si le sinistre était un risque spécifié couvert, et ne servait qu’à définir l’endroit où devaient être situés les biens pour être compris dans la définition de biens assurés aux termes du contrat d’assurance.

En l’espèce, le bâtiment résidentiel des assurés comprenait le sol en terre battue de la cave de service immédiatement sous la résidence, de la même manière que le plancher d’un sous-sol en solage de béton serait naturellement compris dans la définition des biens assurés, dont le bâtiment assuré (« dwelling » et « building »). Si « dwelling » et « building » peuvent être des synonymes définissant les biens assurés, le mot « premises » n’est pas un synonyme. Ce dernier terme établit simplement les limites du terrain de la résidence et ne peut servir à inclure dans la couverture du contrat d’assurance le sol sous la résidence comme un bien assuré. De plus, le mot « building » ne peut être interprété aussi largement de manière à obliger l’assureur à indemniser son assuré pour la contamination aux hydrocarbures du sol de la cave de service, jusqu’à une profondeur infinie, comme si le sol sous le bâtiment assuré était aussi un bien assuré.

Le terrain (« premises ») et le bâtiment (« dwelling ») sont deux concepts distincts en droit des assurances. Le mot « building » était clair dans son sens ordinaire et ne demandait aucune interprétation. Le risque spécifié, couvert relativement aux dommages causés par des hydrocarbures (« escape of fuel oil »), ne pouvait comprendre le sol sous la résidence dans la liste des biens assurés.

L’obligation de l’assureur

Des arrêts Snow et Garden View Restaurant Ltd., il ressort que le sol sous un bâtiment assuré, par ailleurs à l’intérieur des limites des lieux assurés et pouvant constituer un risque spécifié, ne fait pas implicitement partie des biens assurés, et ce, en prenant les mots « dwelling », « premises » et « building » dans leur sens ordinaire et usuel. L’assureur n’avait donc aucune obligation d’indemniser son assuré pour la contamination aux hydrocarbures dans le sol à l’intérieur des limites des lieux assurés.

 

  1. Royal & Sun Alliance Insurance Company of Canada v. Snow, 2016 NSCA 7; Garden View Restaurant Ltd. v. Portage La Prairie Mutual Insurance Company, 2016 NSCA 8.
  2. Snow v. Royal & Sun Alliance Insurance Company, 2015 NSSC 44.
  3. Royal & Sun Alliance Insurance Company of Canada v. Snow, 2016 NSCA 7.
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