Véhicules aériens autonomes : sont-ils aux portes de nos villes?

Depuis plusieurs années maintenant, il est question de l’arrivée des véhicules autonomes sur les routes du Québec. En avril 2018, le législateur a en conséquence modifié le Code de la sécurité routière1 afin de l’adapter aux particularités de ces nouveaux véhicules.

Toutefois, le secteur de l’automobile n’est pas le seul transformé par l’automatisation : l’industrie de l’aéronautique est aussi en profond changement, notamment en ce qui concerne l’implantation des technologies de transport aérien autonome dans le cadre des déplacements urbains.

Terminologie

Les termes utilisés dans l’industrie du transport aérien autonome sont nombreux. Il est notamment possible de penser à des « voitures volantes autonomes », « véhicules aériens non habités » et même à des « taxis aériens autonomes ».

Malgré cette diversité, l’Organisation de l’aviation civile internationale (aussi appelée « OACI ») a proposé certains termes qui ont été repris dans plusieurs documents officiels, dont des textes législatifs2. Ces termes sont les suivants :

  • Véhicule aérien non habité : Véhicule motorisé autonome fabriqué pour effectuer des vols sans intervention humaine, mais exclut les modèles réduits d’aéronef (drones);
  • Système aérien sans pilote : Véhicule motorisé autonome qui nécessite une certaine intervention humaine autre que le pilotage (par exemple un poste de commande, liaisons de transmission, matériel de communication et de navigation);
  • Système d’aéronef piloté à distance : Véhicule motorisé partiellement autonome, qui se caractérise par la présence d’un pilote qui dirige l’appareil à partir d’un poste de pilotage;
  • Modèle réduit d’aéronef (aussi appelé « drone ») : Aéronef de taille réduite dont le poids maximal est de 35kg. Ces véhicules n’ont pas comme finalité le transport de personnes.

Cela étant dit, la législation canadienne utilise un vocabulaire particulier et désigne un système d’aéronef télépiloté comme étant un « ensemble d’éléments configurables comprenant un aéronef télépiloté, un poste de contrôle, des liaisons de commande et de contrôle et d’autres éléments nécessaires pendant les opérations aériennes », alors qu’un aéronef télépiloté correspond à « un aéronef navigable utilisé par un pilote qui n’est pas à son bord, à l’exclusion d’un cerf-volant, d’une fusée ou d’un ballon »3.

Cadre Législatif

En vertu de l’article 8 de la Convention relative à l'aviation civile internationale4, il est interdit pour les véhicules aériens sans pilote de survoler le territoire d’un État sans avoir préalablement obtenu l’autorisation de l’État en cause.

Au Canada, les normes régissant l’aviation civile se retrouvent dans la Loi sur l’aéronautique5 et ses règlements afférents. Selon le paragraphe 901.32 du Règlement de l’aviation canadien (ci-après « RAC »), « il est interdit au pilote d’utiliser un système d’aéronef télépiloté autonome ou un autre système d’aéronef télépiloté s’il n’est pas en mesure de prendre immédiatement les commandes de l’aéronef »6.

Depuis la mise à jour du RAC en 2017, il est maintenant possible de faire voler quatre catégories d’appareils allant de « très petits aéronefs télépilotés » aux « grands aéronefs télépilotés »7, au terme de certaines exigences législatives :

  • L’utilisation des aéronefs télépilotés dont le poids varie entre 250g à 25kg sera permise moyennant la réussite d’un test de connaissances ou l’obtention d’un permis de pilote, le cas échéant8;
  • Quant aux aéronefs télépilotés de plus de 25kg, qui seront utilisés pour le transport de personnes, il est obligatoire d’obtenir un certificat d’opération aérienne pour en faire l’utilisation9.

Projets en cours

De nombreux projets de mise au point de véhicules aériens autonomes sont en cours. Les projets les plus médiatisés et les plus avancés sont ceux de certains géants de l’automobile, de l’aéronautique et de la technologie, dont le « Vahana » de Airbus, le programme « NeXt » de Boeing, « SkyDive » de Toyota et le « Kitty Hawk Cora » de Google10.

Malgré tout, le projet le plus complet semble être « l’Uber Air ». En plus de travailler activement au développement d’un tel véhicule avec plusieurs partenaires comme Bell et Thales Group, le projet d’Uber se démarque en misant également sur tous les aspects entourant sa mise en marché. Le lancement du programme est prévu dans trois villes dès 202311. Ces villes devraient accueillir une flotte d'essai d'environ 50 aéronefs reliant cinq « skyports » dans chaque ville12.

Défis

Malgré le fait que la technologie semble avancer rapidement, plusieurs obstacles restent à franchir afin que ce moyen de transport puisse réellement être implanté dans nos villes, notamment la question du bruit de ces appareils, la certification des véhicules, la question des coûts et de la rentabilité, la sécurité liée à l’utilisation urbaine de ces véhicules, l’acceptabilité sociale de ce moyen de transport et la mise en place d’infrastructures nécessaires au fonctionnement de ces engins.

En matière de responsabilité en cas d’accident de véhicule aérien autonome, nous pouvons entrevoir que la responsabilité des fabricants de véhicules aériens autonomes pourra être engagée, tout comme celle des sous-traitants ayant participé à sa fabrication, dont les fabricants des logiciels de conduite et des ordinateurs de vol. Des litiges complexes pourront donc potentiellement se présenter à nous.

Conclusion

Une étude prédit qu’il y aura environ 15 000 taxis aériens d’ici 2035 et que cette industrie aura alors une valeur de plus de 32 milliards de dollars13. Dans une perspective de réchauffement planétaire, de transport durable et afin de palier l’étalement urbain, ces véhicules proposent une alternative de transport collectif intéressante, qui modifiera possiblement nos habitudes quotidiennes.

La voiture volante est finalement à nos portes!

 

  1. Code de la sécurité routière, RLRQ, c C-24.2.
  2. Gouvernement du Canada, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Les véhicules aériens sans pilote au Canada, Mars 2013, aux pp. 4-5.
  3. Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433, art 101.01.
  4. Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), Convention relative à l'aviation civile internationale (« Convention de Chicago »), 7 décembre 1944, (1994) 15 U.N.T.S. 295.
  5. Loi sur l’aéronautique, LRC 1985, c A-2.
  6. Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433, art 901.32.
  7. Gouvernement du Canada, Gazette du Canada, Règlement modifiant le Règlement de l’aviation canadien (systèmes d’aéronefs sans pilote) – Résumé de l’impact de la réglementation, 15 juillet 2017.
  8. Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433, art 901.64. et ss.
  9. Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433, art 700.01.1 et ss.
  10. Engineers Journal, The 13 engineers leading the way to flying car, 29 mai 2018
  11. Dallas, Los Angeles, et une ville qui n’est pas encore annoncée.
  12. Uber Elevate, Fast-Forwarding to a Future of On-Demand Urban Air Transportation, 27 octobre 2016
  13. Porsche Consulting, The Future of Vertical Mobility – Sizing the market for passanger, inspection, and good services until 2035, 2018
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