Les fêtes de Noël du bureau : allier ambiance festive et prévention

À l’approche des festivités de Noël, l’employeur doit concilier l’ambiance festive et l’esprit d’équipe avec ses obligations légales, notamment en matière de prévention des risques. Bien que les responsabilités des employeurs lors des fêtes de Noël ne soient pas nouvelles1, les obligations relatives à la prévention des risques psychosociaux, introduites en octobre 2025, imposent de nouvelles exigences2.

Ces obligations demandent une attention particulière à la santé psychologique des employés, nécessitant des mesures spécifiques pour prévenir les risques psychosociaux pendant les événements d’entreprise, tels que les fêtes de Noël.

Cependant, les responsabilités ne s’arrêtent pas là : les employés ont aussi leur rôle à jouer lors des fêtes de Noël. Ainsi, le bon déroulement de ces rencontres festives entre collègues repose sur la collaboration de tous ! 

1. Obligations de l’employeur

1.1 Les accidents de travail

Bien que les fêtes de Noël puissent se dérouler en dehors du cadre de travail habituel, un accident survenant lors de ces événements peut tout de même être qualifié comme étant survenu « à l’occasion du travail » au sens de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles3. Cette notion n'étant pas définie par la législation, la jurisprudence établit certains critères pour déterminer si l’activité exercée par le travailleur au moment de l’accident est étroitement liée à son travail. Ces critères incluent : 

  • Le lieu de l’événement;
  • le moment de l’événement;
  • la rémunération de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’événement;
  • l'existence et le degré d'autorité ou de subordination de l'employeur lorsque l'événement ne survient ni sur les lieux ni durant les heures de travail;
  • la finalité de l'activité exercée au moment de l'événement, qu'elle soit incidente, accessoire ou facultative à ses conditions de travail;
  • le caractère de connexité ou d'utilité relative de l’activité du travailleur en regard de l’accomplissement du travail4.

Ainsi, aucun de ces critères n’est à lui seul décisif. Ils doivent être appréciés dans leur ensemble en fonction des faits propres à chaque dossier.

À titre d’exemple de la portée étendue de ce principe, le tribunal administratif du travail (« TAT ») a récemment statué qu’une travailleuse s’étant blessée en dansant lors d'une activité organisée par le comité social de l’employeur avait subi un accident « à l’occasion du travail »5. Le fait que l'employeur ait alloué un budget pour l'événement et accordé du temps libre pour encourager la participation des travailleurs contribue à établir un lien d'utilité et de connexité avec le travail6.

À l’inverse, dans une autre décision, une travailleuse qui tenait le kiosque de boissons chaudes lors d'un événement des fêtes organisé pour les citoyens a, après la fermeture de son kiosque, participé à un jeu intitulé « le lancer du sapin » avec les bénévoles et les employés7. En effectuant son lancer, elle a subi une blessure au genou droit.

Le TAT a statué, après avoir révisé les critères susmentionnés, que l’accident s'était produit dans la sphère personnelle de la travailleuse et non « à l’occasion du travail ». Le rassemblement et la participation à cette activité ne faisaient pas partie des tâches professionnelles, et la finalité de l’événement était réservée aux citoyens, qui avaient tous quitté les lieux, ne laissant que les employés et les bénévoles8.

1.2 Le harcèlement et l’importance de suivre la procédure

La Loi sur les normes du travail oblige l’employeur à prendre des mesures raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et sexuel9. Il doit notamment élaborer et mettre à la disposition de ses employés une politique de prévention et de prise en charge des situations de harcèlement. Depuis septembre 2024, cette politique doit inclure des recommandations sur les comportements à adopter lors des activités sociales liées au travail, telles que les fêtes de Noël10. Plus largement, selon la Loi sur la santé et la sécurité du travail, l’employeur a l’obligation de prendre des mesures pour assurer la protection contre une situation de violence physique ou psychologique, y compris la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel11.

En effet, le respect de la procédure interne lors du traitement de ce type d’incident est essentiel pour l’employeur. Par exemple, un arbitre de grief a souligné ce point dans une affaire où un plaignant a été congédié après avoir refusé de collaborer à une enquête liée à des allégations de participation à des ébats sexuels collectifs et de consommation de drogue, survenus après une fête de Noël organisée par l’employeur12. Bien que les activités reprochées se soient déroulées dans un hôtel, en dehors des heures de travail et dans un contexte privé, elles ont eu un impact négatif sur le climat de travail. L’employeur avait été informé de rumeurs persistantes qui nuisaient au bon fonctionnement de l’entreprise.

Dans ce contexte, l’employeur avait établi un lien suffisant entre ces activités, relevant à première vue de la sphère personnelle, et l’entreprise pour justifier une enquête interne. Toutefois, l’omission d’obtenir la version des faits du plaignant, comme requis par la procédure de l’employeur, avant d'imposer une mesure disciplinaire, a été déterminante. Par conséquent, la contestation du congédiement a été accueillie13.

Pour éviter ce type de situations, le respect de la procédure interne en matière de traitement des plaintes est essentiel.

1.3 Les fautes disciplinaires

Puisque les fêtes de Noël  du bureau présente une connexité avec le milieu de travail, le travailleur est généralement tenu de respecter ses obligations. Un comportement fautif pourrait justifier l’application de mesures disciplinaires.

Par exemple, si un employé commet du harcèlement ou de l’insubordination, notamment sous l’influence de l’alcool, qui peut être un catalyseur de comportements problématiques, l’employeur pourrait imposer des sanctions disciplinaires.

Cependant, un employeur ne peut imposer une double sanction à un employé ayant commis une faute disciplinaire. Un arbitre de grief a déjà statué que le fait de suspendre un employé pour trois (3) jours en raison d’un geste à caractère sexuel, commis en plaisantant lors d’une fête de Noël, en plus de lui interdire de participer à cette fête pendant trois ans constituait une double sanction. La sanction financière liée à la suspension a été jugée suffisante à titre de mesure disciplinaire pour la faute reprochée14.

2. Meilleures pratiques pour l’employeur

Afin de minimiser les risques pendant les fêtes de Noël, l’employeur pourrait notamment mettre en œuvre les pratiques suivantes.

En prévision de la fête :
  • S’assurer que la politique de harcèlement et de consommation d’alcool et de drogues est mise à jour conformément à la législation.
  • Prévoir une analyse des risques liés à l’événement (et y inclure les risques psychosociaux).
  • Envoyer un rappel aux employés avant l’événement pour souligner que les politiques de l’employeur continuent de s’appliquer et les comportements attendus, ainsi que les moyens d’obtenir de l’aide ou de signaler des situations problématiques.
  • Mettre en place des mesures préventives concernant la consommation d’alcool, par exemple, limiter les consommations alcoolisées au moyen de coupons, offrir un choix de boissons non alcoolisées et de la nourriture ou fermer le bar à une heure fixe.
  • Offrir des alternatives pour l’événement lors duquel de l’alcool sera consommé, comme des coupons de taxi, des services de covoiturage, ou un hébergement sur place.
Lors de la fête :
  • Veiller au respect des politiques internes et intervenir immédiatement lors de situations problématiques.
  • Prévoir la présence de gestionnaires en état d’intervenir rapidement face aux comportements inappropriés et documenter les incidents survenus, le cas échéant.
  • S’assurer que les mesures préventives sont respectées (par exemple, la fermeture du bar, la distribution des coupons de taxi, etc.).
À la suite de la fête :
  • Effectuer un suivi auprès de l’équipe organisatrice pour déterminer ce qui a bien ou mal fonctionné, y compris les incidents survenus, afin d’apporter des correctifs.
  • Évaluer objectivement tout signalement et déclencher une enquête impartiale et confidentielle si nécessaire, en rencontrant les parties concernées pour obtenir la version des faits de chaque personne impliquée dans le respect des politiques internes et règles légales, conventionnelles ou contractuelles applicables.
  • Conserver des dossiers des incidents survenus, selon les besoins.
  • Mettre à jour les politiques et procédures à la lumière des leçons apprises.

Conclusion

À l’approche des fêtes de Noël au bureau, rappelons qu’une fête bien réussie, tant pour l’employeur que pour les employés, peut se mesurer autant par la qualité des mesures préventives mises en place que par l’ambiance festive qui y a régné. Avant ces événements, adoptez les mesures nécessaires de prévention des risques afin que chacun puisse en profiter pleinement et en toute sécurité !


  1. À ce sujet, nous vous invitons à consulter également les bulletins suivants : Lavery « Le succès des fêtes de Noël organisées par l'employeur : l'affaire de tous? », 29 novembre 2023, lien URL : Le succès des fêtes de Noël organisées par l'employeur : l'affaire de tous?. Lavery, « Le retour des soirées de Noël : ce qu’un employeur doit savoir », 9 décembre 2022, lien URL : Le retour des soirées de Noël : ce qu’un employeur doit savoir
  2. À ce sujet, nous vous invitons à consulter le bulletin suivant : « Santé et sécurité au travail : comprendre les nouvelles obligations des employeurs », 10 Décembre 2025, lien URL : Santé et sécurité au travail : comprendre les nouvelles obligations des employeurs
  3. Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001, art. 2.
  4. Cannara Biothech (Valleyfield) inc. et Boulanger, 2025 QCTAT 1771, par.9.
  5. Ibid., par. 1.
  6. Ibid., par. 23-29.
  7. Murphy et Ville de Léry, 2022 QCTAT 5309, par. 1
  8. Ibid., par. 40-46.
  9. Art. 81.19 Loi sur les normes du travail, RLRQ c N-1.1.
  10. Ibid., art. 81.19, al. 1, par. 3.
  11. Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2.1, article 51 (16).
  12. Syndicat des salariés(es) de l'agroalimentaire de Ste-Claire (CSD) et Kerry Canada inc. (Richard Guay), 2022 QCTA 224, par. 1.
  13. Ibid., par. 109-111.
  14. Teamsters Québec, section locale 1999 et Univar Canada ltée (Jean-Martin Gobeil), 2020 QCTA 344 par. 77-80.
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