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Publications
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La durée de vie du droit d’auteur au Canada passe de 50 ans à 70 ans à compter du 30 décembre
Le 23 juin 2022, le projet de loi C-19 a reçu la sanction royale. Ce projet de loi déposé par l’honorable Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances, donne lieu à des modifications à Loi sur le droit d'auteur1 qui entrera en vigueur le 30 décembre 2022 suite à un décret rendu plus tôt cette semaine. Le projet de loi C-19, ou la Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d'autres mesures de son nom complet, a été déposé le 28 avril 2022 par le gouvernement fédéral à la suite de la publication du budget de 2022. Ce projet de loi vise donc essentiellement à donner suite aux engagements pris par le gouvernement dans son budget annuel. Dans le budget de 2022, le gouvernement fédéral indique souhaiter apporter des modifications à la Loi sur le droit d’auteur. Il annonce une modification législative qui lui permettra de respecter son obligation en vertu de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), soit celle de prolonger la durée générale de la protection accordée au droit d’auteur, la faisant passer de 50 ans à 70 ans après la mort de ce dernier. En effet, le Canada s’est engagé, tout comme les États-Unis et le Mexique, à ce que la durée de la protection du droit d’auteur ne soit pas inférieure à la vie de la personne physique, plus 70 ans suivant le décès de celle-ci. L’article 6 de la Loi sur le droit d’auteur prévoit à l’heure actuelle que le droit d’auteur existe durant la vie de l’auteur et jusqu’à 50 ans suivant l’année de son décès. Cet article se lira dorénavant comme suit : Sauf disposition contraire expresse de la présente loi, le droit d’auteur subsiste pendant la vie de l’auteur, puis jusqu’à la fin de la soixante-dixième année suivant celle de son décès [nos soulignements]. La durée du droit d’auteur est également prolongée à 70 ans après la mort de l’auteur ou du dernier coauteur survivant dans les cas d’œuvres posthumes et d’œuvres créées en collaboration. Finalement, le projet de loi C-19 précise que les modifications législatives apportées à la Loi sur le droit d’auteur n’ont pas pour effet de réactiver un droit d’auteur autrement éteint avant la date d’entrée en vigueur de ces modifications. [1] LRC 1985, c C-42.
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Peut-on protéger une idée, un style ou une méthode avec la Loi sur le droit d’auteur?
À la veille des fêtes 2021, alors que les enfants rêvent des jouets que le père Noël leur apportera, nous revenons avec vous sur une décision de circonstance présentant une revue de ce qui est protégeable par la Loi sur le droit d’auteur. Comme l’a appris l’artiste en arts visuels, Mme Claude Bouchard (« Bouchard »), à l’issue du recours qu’elle avait entrepris contre Ikea Canada (« Ikea »)1, la Loi sur le droit d’auteur2 ne protège pas les idées, styles ou méthodes développés et utilisés par les artistes pour concevoir leurs œuvres et ce, même si leur travail est exposé dans des musées et commercialisé à l’international. De 1994 à 2005, Bouchard vendait des peluches créées à partir de dessins d’enfants dans une boutique Unicef à Montréal. En septembre 2014, Ikea lance un concours de dessins pour les enfants et réalise 10 peluches à partir des œuvres gagnantes, commercialisées dans la collection « Sogoskatt ». Une partie des profits est versée à l’Unicef. À l’origine, Bouchard réclamait une condamnation monétaire à l’encontre de l’Unicef et d’Ikea pour avoir copié ses jouets, alléguant que ces dernières ont utilisé, notamment, son idée, son style original ou sa façon de faire. En 2018, la Cour supérieure se prononce une première fois sur cette affaire, rejetant le recours contre l’Unicef en raison des privilèges et immunités de l’Organisation des Nations Unies3. L’immunité de l’Unicef contre les poursuites est dans ce cas absolue puisque le recours de Bouchard est en lien direct avec la mission de l’organisme4. En janvier 2021, le juge Patrick Buchholz de la Cour supérieure a mis fin au litige opposant Bouchard à Ikea, rejetant le recours en contrefaçon des œuvres de Bouchard basé sur la L.d.a. notamment parce qu’il est mal fondé, voué à l’échec et déraisonnable, donnant ouverture à son irrecevabilité pour cause d’abus5. Pourquoi le recours en contrefaçon de Bouchard était-il mal fondé? La Cour examine tout d’abord les arguments invoqués par Ikea voulant que deux éléments essentiels donnant ouverture au recours en contrefaçon6 ne pourront pas être démontrés par Bouchard : il n’y a aucune preuve qu’Ikea a eu accès aux œuvres de Bouchard7; il n’y a aucune preuve qu’Ikea a reproduit une partie importante d’une œuvre de la demanderesse. Par conséquent, Ikea avance qu’il n’y a eu aucune violation du droit d’auteur de Bouchard qui cherche un monopole sur une idée, un style ou une méthode, ce qui n’est pas protégé par la L.d.a.8. Absence d’accès aux œuvres de Bouchard Le Tribunal ne retient pas le premier argument d’Ikea selon lequel il y a une absence d’accès aux œuvres de Bouchard. Il détermine que les procédures sont à un stade trop préliminaire pour trancher cette question9. L’honorable Buchholz rappelle à cet effet que l’article 51 du C.p.c. n’est pas « un passe-droit permettant de court-circuiter le processus judiciaire et de mettre fin prématurément à des demandes en justice autrement recevables » alors que la preuve est encore incomplète10. Également, le Tribunal note le sérieux des liens entre Ikea et l’Unicef qui peuvent avoir rendu possible et vraisemblable l’accès aux œuvres de Bouchard11. Dans ce contexte, seule une audition au mérite aurait pu éclaircir la question de l’accès aux œuvres de Bouchard en permettant de tester, notamment, la crédibilité des témoins au procès12. Absence de reproduction d’une partie importante de l’œuvre Bouchard allègue que les jouets conçus par Ikea reprennent huit caractéristiques essentielles de son concept de peluches, soit : Des yeux ronds découpés dans des tissus qui ne s’effilochent pas et cousus dans les contours; Des bouches linéaires découpées en mince bordure et cousues dans les tissus qui ne s’effilochent pas; Rembourrage de fibres polyester; Le jouet est proportionné aux mains des enfants; Réalisation fidèle au dessin de l’enfant; Indication du nom de l’enfant et de son âge sur carte étiquette; Tout est en aplat, tête, corps, pattes, queue et au même plan et rembourré; Utilisation de textile, peluche et l’application des couleurs originelles des dessins. »13 Toutefois, le Tribunal retient le deuxième argument d’Ikea voulant que les peluches d’Ikea ne reproduisent pas une partie importante de l’œuvre de Bouchard. En effet, comme les œuvres de Bouchard et d’Ikea ne se ressemblent pas, cela signifie qu’une partie substantielle des œuvres n’a pas été reproduite14. Comment déterminer si une « partie importante » d’une œuvre a été reproduite? Comme le prévoit la L.d.a., le droit d’auteur sur une « œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre »15. La Cour suprême a défini ce qu’est une « partie importante » de l’œuvre dans l’arrêt Cinar16, précisant qu’il s’agit d’une notion souple, s’interprétant selon les faits. L’évaluation est globale et qualitative. Les critères qui doivent être utilisés par les tribunaux afin de déterminer s’il y a eu reproduction d’une « partie importante de l’œuvre » sont : l’originalité de l’œuvre qui doit être protégée par la L.d.a.17; la partie représente une part importante du talent et du jugement de l’auteur18; la nature des deux œuvres dans leur ensemble, sans porter attention à des extraits isolés19; l’effet cumulatif des caractéristiques reproduites de l’œuvre20. Bien que certaines caractéristiques similaires se retrouvent à la fois dans la confection des peluches de Bouchard et celles d’Ikea, les peluches sont complètement différentes et ne se ressemblent pas puisqu’elles sont conçues à partir de dessins d’enfants distincts. Bouchard admet même « qu’un jouet fait à partir d’un dessin d’enfant unique est en soi un jouet unique »21. La L.d.a. peut-elle protéger une idée, un concept ou un corpus d’œuvres? Bouchard prétend plutôt qu’Ikea a illégalement reproduit son idée, son concept, son style ou sa façon de faire22. Elle avance finalement qu’Ikea a copié non pas une œuvre précise, mais bien son « œuvre » dans son acceptation plus large23. Ces arguments de Bouchard mettent en lumière des questions qui reviennent souvent devant les tribunaux et qui démontrent une compréhension erronée de ce qui est protégé par le droit d’auteur. La protection d’une idée, d’un concept, d’un style ou d’une façon de faire En 2004, la Cour suprême rappelait que le droit d’auteur protège l’expression des idées dans une œuvre et non les idées24. Le juge Buchholz souligne à juste titre qu’un artiste peut s’inspirer d’un autre artiste sans qu’il y ait atteinte aux droits protégés par la L.d.a. Il mentionne, par exemple, que si les styles étaient protégés, Monet n’aurait pu peindre dans le style impressionniste25. Également, le Tribunal note que les peluches fabriquées par Bouchard correspondent à un style générique dicté par des normes de sécurité en matière de fabrication et de vente de jouets26. Ainsi, la L.d.a. n’offre aucune protection des idées, concepts, styles ou des méthodes et techniques de fabrication. La protection d’un corpus, d’une collection ou d’un héritage artistique Le Tribunal précise que la L.d.a. ne protège pas un ensemble d’œuvres ou un héritage artistique, mais bien chaque œuvre dans son individualité27. Bouchard c. Ikea Canada, 2021 QCCS 1376. L.R.C. (1985), c. C-42, ci-après « L.d.a. » Bouchard c. Ikea Canada, 2018 QCCS 2690. Id., par. 24-25. Art. 51 Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, ci-après « C.p.c. ». Art. 2 « contrefaçon » L.d.a. Bouchard c. Ikea Canada, préc., note 1, par. 16-17. Id.,par. 15. Id.,par. 34. Id.,par. 28. Id.,par. 37 à 39. Id.,par. 40 Id., par. 49. Id., par. 55 Art. 3 L.d.a. Robinson c. Films Cinar inc., 2013 CSC 73, par. 26, 35-36. Id., par. 26 Id. Id., par 35. Id., par. 36. Bouchard c. Ikea Canada, préc., note 1, par. 53. Id., par. 56. Id., par. 69. CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, par. 8. Id., par. 67. Règlement sur les jouets, DORS/2011-17, adopté en vertu de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, L.C. 2010, ch. 21, art. 29, 31 et 32. Bouchard c. Ikea Canada, préc., note 1, par. 69 à 71.
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Winkler c. Hendley : la Cour fédérale introduit un critère de subjectivité dans la notion d’« histoire »
Les « faits historiques »1 ne sont pas protégés par le droit d’auteur. Citer la prise de la Bastille ou la bataille des Plaines d’Abraham ne mènera pas un auteur à être poursuivi devant la Cour fédérale. Mais pour être qualifiés de « faits historiques », les évènements doivent-ils s’être réellement produits? La Cour fédérale vient de se prononcer récemment sur cette question dans la décision Winkler c. Hendley2. Dans cette décision, la Cour fédérale affirme que si l’auteur présente son œuvre littéraire comme un livre d’histoire3, pour peu que cette affirmation soit plausible, il faut traiter les évènements qu’il y décrit comme constituant des « faits historiques » et ce même s’ils n’en sont pas. Dès lors, l’auteur ne peut revendiquer leur originalité lors du test de la reproduction d’une partie importante de son œuvre. L’originalité ne demeure que quant à la sélection et l’arrangement des faits. Contexte Cette affaire traite de trois livres écrits sur la famille Donnelly dont les crimes ont défrayé la chronique vers la fin du 19e siècle en Ontario : « The Black Donnellys » (ci-après : The Black Donnellys) est un livre d’Histoire publié en 1954 par Thomas P. Kelley (ci-après : Kelley) « Vengeance of the Black Donnellys » (ci-après : Vengeance) est une œuvre de fiction publiée en 1962 par Kelley (le même auteur) « The Black Donnellys: The Outrageous Tale of Canada’s Deadliest Feud (ci-après : The Outrageous Tale) est un livre d’Histoire publié en 2004 par Nate Hendley (ci-après : Hendley) Jon Winkler (ci-après : Winkler), héritier de Kelley et titulaire du droit d’auteur, accuse Hendley d’avoir reproduit dans The Outrageous Tale une partie importante des deux œuvres littéraires The Black Donnellys et Vengeance. Il fait valoir que ces deux œuvres sont des fictions, car plusieurs évènements qui y sont décrits sont objectivement faux. En premier lieu, Winkler prétend que Hendley a reproduit les mêmes erreurs. En second lieu, il prétend que Hendley a reproduit la structure, le ton, le thème, l'atmosphère et les dialogues dans la narration des évènements. Pour sa part, Hendley admet avoir utilisé les deux œuvres littéraires de Kelley à titre de référence pour écrire The Outrageous Tale. Toutefois, il maintient que The Black Donnelly devrait être considéré comme un livre d’Histoire, car Kelley l’a originellement décrit et présenté comme tel. Puisque les « faits historiques » ne sont pas protégés par la Loi sur le droit d’auteur4 (la « loi »), Hendley nie avoir reproduit les œuvres de Kelleyet affirme que The Outrageous Tale est une œuvre littéraire originale. Au soutien leurs requêtes pour jugement sommaire, les deux parties ont produit des affidavits. De plus, Winkler a produit deux rapports d’experts. Le premier compare des extraits soit de The Black Donnelly,soit de Vengeance à des extraits de The Outrageous Tale. Le second consiste en une analyse sur le caractère factuel de The Black Donnelly. Les conclusions de la Cour fédérale sont les suivantes : Les faits qui sont présentés de manière plausible par l'auteur comme constituant des « faits historiques » doivent être exclus de la protection du droit d’auteur. Dès lors, l’auteur ne peut revendiquer leur originalité lors du test de la reproduction d’une partie importante de son œuvre. Hendley n’a pas violé le droit d’auteur Winkler sur The Black Donnelly en utilisant des « faits historiques » sans reproduire dans leur narration la structure, le ton, le thème, l'atmosphère ou les dialogues dans The Outrageous Tale. Hendley n’a pas violé le droit d’auteur de Winkler sur Vengeance bien qu’il ait reproduit de manière non littérale les caractéristiques d’un personnage fictif dans The Outrageous Tale. Cette reproduction ne concerne pas une partie importante de l’œuvre littéraire Vengeance prise dans son ensemble. Les faits qui sont présentés de manière plausible par l'auteur comme des « faits historiques » doivent être considérés comme tels La Cour fédérale statue que le The Black Donnelly est un livre d’Histoire, et le considère à toutes fins pratiques comme l’exposé de « faits historiques ». D’abord, la Cour s’appuie sur la déclaration de Kelley qui a présenté The Black Donnelly dès sa publication comme étant « le véritable récit de la querelle la plus barbare de l’histoire canadienne »5. Ensuite, la Cour renvoie à l’introduction de l’édition originale de 1954, où Kelley déclare avoir tiré les renseignements utilisés d'anciens journaux, d‘archives de la police et de tribunaux, de voyages dans la région ainsi que d'autres « sources irréprochables »6. La Cour détermine qu’elle n’a pas à considérer les conclusions du rapport d’expert voulant que l’œuvre soit « à deux tiers une fiction ». La loi ne constitue pas un outil visant à s’assurer de la précision des différentes versions historiques et son rôle n’est pas de les départager selon un critère objectif 7. Il s’ensuit que la notion de « faits historiques » doit nécessairement comprendre ceux que l’auteur présente de manière plausible comme tels 8. La Cour introduit ainsi un critère subjectif dans l’évaluation du caractère factuel d’un livre d’Histoire. La Cour fédérale juge donc que Hendley était justifié de se fier à la version des faits présentée dans The Black Donnelly. L'objet de la loi est de maintenir un juste équilibre entre, d’une part, la protection du talent et du jugement des auteurs et, d’autre part, le fait de laisser des idées et des éléments relever du domaine public afin que tous puissent s’en inspirer. Or, permettre à Kelley de présenter une chose comme un constituant un « fait historique », pour ensuite permettre à Winkler de poursuivre un auteur subséquent en alléguant que le «&nbfait historique » est faux nuirait indûment à la circulation des idées et romprait ce juste équilibre9. En conclusion, Winkler ne peut pas chercher à réfuter le caractère historique du livre de Kelley et revendiquer le droit d'auteur sur les « faits inventés » qu'il contient 10. Dès lors qu’ils sont considérés comme des « faits historiques », Winkler ne peut revendiquer leur originalité dans le cadre du test de la reproduction d’une partie importante de son œuvre. Hendley n’a pas reproduit une partie importante des œuvres de Kelley La Cour Fédéral rappelle que la loi protège toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale. Ainsi, la protection du droit d’auteur existe, que l’œuvre littéraire soit un livre d’Histoire ou de fiction. Cependant, dans le cas d’un livre d’Histoire, la protection ne s’étend pas aux « faits historiques » ou à leurs chronologies11. L’originalité de l’œuvre de Kelley repose uniquement sur les moyens d’expression et donc, sur la sélection et l’arrangement des faits. Conséquemment, la Cour analyse la reproduction de la structure, du ton, du thème, de l'atmosphère et des dialogues dans la narration des « faits historiques », et non pas les faits eux-mêmes. La Cour suprême préconise une approche holistique et globale afin de déterminer si une partie importante de l’œuvre du demandeur est reproduite par le défendeur12. Toutefois, étant donné le format du rapport d’expert, la Cour Fédérale juge nécessaire d’analyser chaque extrait, puis d’évaluer si leur effet cumulatif constitue la reproduction d’une partie importante des œuvres de chacune des œuvres de Kelley13. A) The Outrageous Tale ne reproduit pas une partie importante de The Black Donnelly La Cour Fédérale en vient à la conclusion qu’aucune ressemblance importante n’a été démontrée par le rapport d’expert dans la comparaison entre une vingtaine d’extraits de The Black Donnelly et d’extraits prétendument analogues de The Outrageous Tale. Winkler allègue que la simple reproduction des « faits factices sous-jacents » dans The Outrageous Tale constitue une reproduction non autorisée. La Cour rejette cet argument, car considérer The Black Donnelly comme un livre d’Histoire suppose que les « faits historiques » qu’il contient ne font pas partie de l’originalité de l’œuvre14. Conséquemment, la Cour fédérale exclut cette vingtaine d’extraits car ils ne font que mentionner les mêmes « faits historiques »15. Pour les extraits qui démontrent une certaine ressemblance importante, la Cour Fédérale reproche à l’expert sa méthode qui consiste à analyser des mots isolés et hors contexte pour démontrer une plus grande similarité entre les deux textes. La Cour choisit donc plutôt de s’appuyer sur des passages plus complets tirés directement des œuvres pour évaluer les ressemblances dans la sélection et l’arrangement des faits. La reproduction d’un « fait inventé » est plus facilement décelable. En effet, décrire les mêmes « faits historiques » fait en sorte qu’une certaine ressemblance importante est inévitable. Comme l’exprime la Cour Fédérale concernant la description d’une bataille de rue : « In the foregoing passage, the linguistic similarity—references to Flanagan, the gun, the road, the 17 men— are all important parts of the factual aspect of the event. There may be a vast number of ways in which to recount facts. However, it would be difficult if not impossible to describe an event in which Flanagan, carrying a shotgun, went down the road with 17 men without using those terms. Here, the lack of copyright in “facts,” whether actually factual or simply asserted to be factual, becomes particularly important. If these descriptions of a fight were found in two works of fiction, there would be a stronger case that copying these elements contributed to a substantial taking. In a work of nonfiction, these factual elements are not part of the work’s originality.'16 La Cour fédérale rejette les allégations de reproduction dans les autres passages en se fondant sur le même argument. Elle conclut que l’analyse effectuée en fonction de la structure, du ton, du thème, de l'atmosphère et des dialogues ne démontre pas que Hendley ait reproduit dans The Outrageous Tale une partie importante de The Black Donnelly. Cette décision est étonnante en ce que la protection accordée aux œuvres en vertu du droit d’auteur et le test de la reprise d’une partie importante, devrait être un test objectif : Est-ce qu’on a repris une partie importante de l’œuvre première quant à sa qualité dans l’œuvre seconde. Un fait est historique, ou il ne l’est pas. Qu’un auteur puisse raisonnablement penser que ce fait est historique ne devrait pas influencer l’originalité de l’œuvre première, ni influencer la question de reprise importante dans l’œuvre seconde. On comprend le résultat en équité auquel le juge veut arriver, on peut cependant se demander si les moyens juridiques adopté étaient adéquats. Dans ce texte les « faits historiques » renvoient à des évènements qui revêtent un caractère factuel. 2021 FC 498 Dans ce texte, la notion de « livre d’histoire » renvoie à un livre de la discipline « Histoire » entendue comme la discipline qui étudie le passé et cherche à reconstituer les « faits historiques ». L.R.C., 1985, ch. C-42 Winkler c. Hendley, préc. note 2, par. 71 Id. par. 73 Id. par. 96 Id. 92 Id. par. 92 Id. par. 95 Id. par. 56 Cinar Corporation c. Robinson, 2013 CSC 73; Loi sur le droit d’auteur, préci. note 6, art.3 Id. par. 113 Winkler c. Hendley, préc. note 2, par. 58 Id. Id. par. 122
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Estoppel fondé sur l’historique de la délivrance d’un brevet au Canada : la Cour d’appel se prononce
En décembre 2018, l’article 53.1 a été ajouté à la Loi sur les brevets (la « Loi ») permettant de faire référence aux communications échangées avec l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC ») lors de la poursuite d’une demande, en ce qui a trait « […] à l’interprétation des revendications ». Ce concept est plus communément connu sous son vocable anglais de file wrapper estoppel. À retenir Il n’est pas essentiel d’obtenir un rapport d’expert d'une personne versée dans l'art (la « POSITA ») de l’interprétation des revendications d’une demande de brevet pour trancher la question de la contrefaçon. Dans le cadre d’une requête pour jugement sommaire, l’intimé doit présenter la meilleure preuve disponible et ne doit pas se contenter de contester sur le fondement de l’insuffisance de la preuve du requérant. Le file wrapper estoppel s’applique pour contredire une déclaration faite par le titulaire du brevet, mais uniquement auprès de l’OPIC et pas d’un bureau de brevets étranger. Seules les communications avec l’OPIC sont acceptées et non pas celles avec un bureau de brevets étranger. Il reste plusieurs questions de fond qui devront être tranchées relativement à la doctrine du file wrapper estoppel au Canada. Dans l’arrêt Canmar Foods ltd c. TA Foods Ltd. 1rendu en septembre 2019, le juge Manson de la Cour Fédérale rendait la première décision sur l’article 53.1 de la Loi. Cette décision a été portée en appel, de sorte que le 20 janvier 2021, la Cour d’appel fédérale a rendu un premier jugement sur l’application de cet article et donc sur la doctrine du file wrapper estoppel au Canada2. Contexte Canmar Foods Ltd. (« Canmar ») détient un brevet sur une méthode de traitement de graines qui servent à produire de l’huile végétale (le « Brevet »). La méthode revendiquée au Brevet consiste en 4 étapes, dont les suivantes : le chauffage des graines à une certaine température dans un « stream of air » et le transfert des graines chauffées « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower ». Lors de la poursuite de la demande relative au Brevet, le fait de chauffer dans un « stream of air » et de transférer les graines de la manière mentionnée ci-dessus est ajouté aux revendications du Brevet par amendement afin de réduire la portée des revendications. Lors de la poursuite de la demande relative au Brevet au Canada, Canmar renvoie à des amendements « substantiellement similaires » effectués lors de la poursuite de la demande relative à l’équivalent américain du Brevet en réponse à un rapport d'examen relatif aux questions de nouveauté et d'évidence. Canmar poursuit TA Foods Ltd. (« TA ») en contrefaçon du Brevet. TA dépose une requête pour jugement sommaire au motif que la méthode employée par TA ne comprend pas l’étape du chauffage des graines dans un « stream of air », ni leur transfert « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower ». Au soutien de la requête pour jugement sommaire, les parties ont toutes deux produits des affidavits, mais aucune preuve d’expert sur l’interprétation des termes du Brevet par la personne versée dans l’art, la « POSITA » n’est présentée. La Cour Fédérale a conclu: Qu'il n’est pas essentiel d’obtenir un rapport d’expert de la POSITA sur l’interprétation des revendications d’un brevet pour trancher la question de la contrefaçon. Que dans le cadre d’une requête pour jugement sommaire, l’intimé doit présenter la meilleure preuve disponible et ne doit pas se contenter de contester sur le fondement de l’insuffisance de la preuve du requérant. Que l’article 53.1 de Loi s’applique puisqu’en contestant la requête pour jugement sommaire, Canmar a mis de l’avant une interprétation qui aurait pour effet d’annuler les amendements effectués lors de la poursuite de la demande relative au brevet. De manière exceptionnelle, on peut opposer l’historique du brevet américain puisque Canmar y faisait référence pendant la poursuite de la demande relative au brevet canadien. À la lumière de l’historique du brevet américain, un « stream of air », et le fait de transférer les graines « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower » sont des éléments essentiels des revendications du Brevet de Canmar. Même sans faire référence à l’historique du brevet américain, la Cour aurait conclu que ces éléments étaient des éléments essentiels. La Cour d’appel maintient donc la décision de la Cour fédérale, mais précise que le juge a commis une erreur de droit en se référant à l’historique du brevet américain. Ainsi, la Cour d’appel confirme que la Cour fédérale était habilitée à interpréter les revendications du Brevet et que l’interprétation de la POSITA dans cette affaire n’était pas nécessaire. La Cour d’appel émet tout de même l'avertissement suivant : Bien entendu, le juge qui se passe de l’expertise le fait à ses risques et périls et il ne s’agit pas d’une pratique qui saurait être envisagée à la légère. Les revendications doivent toujours être interprétées de manière téléologique et éclairée, et ce n’est que dans les cas les plus clairs que les juges doivent s'avancer à interpréter les revendications d’un brevet selon le point de vu de la personne versée dans l’art, sans aide d’une preuve d’expert. La Cour d’appel reproche également à Canmar de ne pas avoir présenté de contre-preuve relativement à la contrefaçon. Elle aurait dû présenter la meilleure preuve disponible. En l’absence d’une interprétation qui aurait permis de conclure, même théoriquement, à la contrefaçon, le juge pouvait rejeter l’action sur jugement sommaire. En revanche, la Cour d’appel conclut qu’en faisant référence à l’historique du brevet américain, le juge de Cour fédérale a commis une erreur de droit. Après avoir fait une revue détaillée de la jurisprudence américaine et britannique au sujet du file wrapper estoppel, le juge indique : « Je suis en accord avec l’appelante que les tribunaux doivent faire preuve de prudence avant d’élargir l’application du libellé précis de l’article 53.1, qui limitent précisément aux communications avec le Bureau canadien des brevets son application. La loi est soigneusement rédigée et il serait contraire aux principes d’interprétation des lois d’outrepasser son intention de départ. Il existe aussi des raisons de politique publique pour faire preuve de prudence avant d’autoriser une preuve extrinsèque. Permettre de considérer l’historique du brevet étranger dans l’analyse pourrait entraîner des litiges trop compliqué et trop coûteux. » Notons que la Cour d’appel fait preuve de retenue judiciaire et nuance cette affirmation en ces termes : « Il vaut mieux trancher un autre jour la question de savoir si la doctrine de l’incorporation par renvoi doit être formellement traitée comme exception à l’interdiction générale de référence aux dossiers de poursuite étrangers. (…) Il n’y a rien dans le dossier de poursuite du brevet 376 qui indique avec précision quelle « communication écrite » de l’historique de la poursuite américaine est incorporée et où l’on peut trouver cette communication écrite. » Il est à peu près certain que si Canmar avait amendé ses revendications et produit au bureau des brevets canadien une réponse qu’elle aurait formulée au bureau américain, cette réponse aurait pu être invoquée en vertu de l’article 53.1 de la Loi. Néanmoins, dans ce dernier cas, la réponse en question a été déposée au dossier canadien. Si, au lieu de produire la réponse américaine, le demandeur y avait seulement fait référence en termes exprès, l’article 53.1 de la Loi s’appliquerait-il? C’est une question qu'un autre tribunal devra vraisemblablement se poser. La Cour d’appel rejette tout de même l’appel puisque le juge de première instance avait conclu que, même sans faire référence à l’historique du brevet américain, la Cour aurait conclu que ces éléments étaient des éléments essentiels. La Cour d’appel ne trouve pas d’erreur manifestement déraisonnable dans cette partie du jugement de la Cour fédérale. La Cour d’appel ne se prononce pas non plus sur la question suivante : l’historique du brevet peut-il être soulevé uniquement pour contredire une interprétation incohérente faite par le titulaire de brevet ou peut-on y faire référence dès lors qu’une question d’interprétation des revendications se manifeste? « Par conséquent, l’accent n’est pas mis tant sur le fait de réfuter d’une déclaration donnée mais d’avantage sur le processus d’interprétation lui-même. Comme l’a déclaré la Cour dans l’affaire Bauer Hockey, « il n’est pas nécessaire d’isoler une déclaration et une réfutation en particulier chaque fois que l’on renvoie à l’historique de l’examen. Cela fait simplement partie intégrante du processus d’interprétation.» (au paragr. 65). Il vaut mieux trancher cette question un autre jour puisque les faits de cette affaire répondent clairement à l’interprétation plus restrictive de l’article 53.1 et ne nécessitent pas une interprétation plus large de cet article. Ce qui est plus pertinent pour la résolution de l’affaire en litige est de savoir si cette nouvelle disposition permet l’examen de dossiers étrangers de poursuite. » Cette question n’est pas théorique. Dans un arrêt récent de la Cour fédérale3, le titulaire d’un brevet était partie en raison d’une contestation de la validité dudit brevet. Le titulaire avait laissé le soin à son licencié exclusif de poursuivre en contrefaçon. Le défendeur voulait opposer l’historique du brevet à l’interprétation avancée par le licencié exclusif. Mais le juge Barne a refusé d’appliquer l’article 53.1 de la Loi puisqu’en l’instance, il ne servait pas à contredire une interprétation avancée par le titulaire du brevet. Ainsi, contrairement au juge Manson dans Canmar, le juge Barne dans Allergan adopte une interprétation beaucoup plus restrictive de l’article 53.1 de la Loi. La doctrine du file wrapper estoppel n’a pas fini de faire couler de l’encre et ira très vraisemblablement jusqu’en Cour suprême du Canada. À suivre! Canmar Foods Ltd. c. TA Foods Ltd 2019 FC 1233 Canmar Foods Ltd c. TA Foods Ltd 2021 FCA 7 Allergan Inc. v. Sandoz Canada Inc. et al. 2020 FC 1189
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Le marché gris au Canada, la Cour d’appel ajoute quelques nuances de Grey
Au Canada, comme ailleurs dans le monde, les détenteurs de propriété intellectuelle ont tenté à de nombreuses reprises de contrôler leurs chaînes de distributions à l’aide du droit des marques de commerce, du droit d’auteur ou encore de contrats d’exclusivités, et ce, sans trop de succès. Or, la Cour d’appel du Québec a récemment condamné Costco Wholesale Canada Ltd. pour faute d’interférence contractuelle dans Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd.1 (ci-après l’« arrêt Costco ») dans un contexte de marché gris aussi appelé Grey Marketing. Cet arrêt remet en cause une longue série de décisions relativement à la légalité du marché gris et au principe de libre concurrence bien établi en droit québécois2. Le marché gris est défini comme suit : « [traduction] des biens qui sont importés contrairement à la volonté du titulaire du droit d’auteur ou d’un importateur autorisé dans un territoire donné. Il renvoie aux biens qui, en règle générale, sont mis en marché de façon légitime dans le marché étranger, mais dont la présence sur le marché local est assombrie par des allégations de violation. C’est pour cette raison que le marché porte le nom de “marché gris” par opposition au marché noir, au sein duquel il y a violation du droit d’auteur, et au marché blanc, où il n’y a aucune violation du droit d’auteur »1. La Cour d’appel de l’Ontario a récemment confirmé que le marché gris est une manière légale d’acheter des produits de marque à l’étranger et de les revendre en concurrence à un distributeur local du manufacturier étranger3. Dans l’arrêt Costco, Simms Sigal & Co. Ltd. (« Simms ») importe et distribue des vêtements haut de gamme à des détaillants au Canada. En 2006, Simms conclut une entente de distribution exclusive avec Rock & Republic Enterprise inc. (« R & R ») pour la distribution de la ligne de denim, des vêtements prêt-à-porter et des accessoires R & R. Les jeans R & R sont alors un produit haut de gamme, très en demande, dont la paire se détaille entre 250 $ et 325 $. En novembre 2009, Costco Wholesale Canada Ltd. (« Costco ») est approchée par un distributeur qui lui propose de lui vendre des jeans R & R à très bas prix. La preuve démontre que R & R savait que les jeans étaient ultimement destinés au marché canadien. R & R vendait à un premier distributeur qui revendait à un second distributeur qui finalement vendait à Costco. Ainsi Costco achète les jeans de R & R via deux intermédiaires et les offres à sa clientèle pour 98,99 $. Simms envoie une mise en demeure afin que Costco cesse de vendre les jeans R & R alléguant qu’elle est la distributrice exclusive et que les jeans vendus sont des contrefaçons. Après vérification auprès de son distributeur, Costco reçoit une lettre de R & R qui confirme qu’il s’agit bien de produits authentiques. De plus, le distributeur indique que R & R « are already dealing with the mad distributor » et « please do not release this letter to the distributor »4. Forte de ces lettres, Costco répond à Simms qu’il s’agit de biens authentiques achetés sur le marché gris et qu’elle est en droit de les revendre au Canada. En juillet 2010, Simms fait parvenir une seconde mise en demeure et réitère qu’elle détient les droits exclusifs de distribution des jeans R & R au Canada. Simms prend action contre R & R et Costco, mais R & R fait faillite. En première instance5, le juge de la Cour supérieure retient la responsabilité de Costco pour les dommages causés à Simms dès novembre 2009, donc suite à la réception de la première mise en demeure. Selon le juge, Costco aurait choisi d’ignorer l’existence du contrat d’exclusivité entre Simms et R & R, se campant dans une position d’aveuglement volontaire, alors qu’elle aurait dû inférer du comportement de son distributeur suffisamment d’indices démontrant à la fois l’existence du contrat de distribution exclusif et sa violation par R & R. Costco est condamnée à payer la somme de 361,005.44 $ à titre de dommages à Simms. Costco est aussi condamnée à payer des dommages punitifs exemplaires de 500 000,00 $ en conséquence de la gravité de sa faute d’interférence contractuelle et des effets sur la réputation de Simms sur le marché canadien. La Cour d’appel du Québec a maintenu la décision de la Cour supérieure et conclu à la responsabilité de Costco. L’interférence contractuelle et la notion de faute En droit civil québécois, selon le principe de l’effet relatif des contrats, les obligations et les engagements qui y sont prévus ne peuvent lier que les personnes qui ont consenti au contrat. La faute d’interférence contractuelle est une exception à ce principe. En 1975, dans l’arrêt Trudel c. Clairol6 qui traitait d’une forme de marché gris, la Cour suprême du Canada définit la faute d’interférence contractuelle comme étant une « faute contre l’honnêteté de s’associer sciemment à la violation d’un contrat »7. Plus simplement, pour qu’il y ait ouverture au recours d’interférence contractuelle, le demandeur doit démontrer : « l’existence du contrat et la validité des obligations contractuelles auxquelles le tiers aurait contrevenu; »8 « les éléments constitutifs de la faute du tiers sont : la connaissance par le tiers des droits contractuels; l’incitation ou la participation à la violation des obligations contractuelles; et la mauvaise foi ou le mépris des intérêts d’autrui.  »9 La Cour d’appel précise dans l’arrêt Costco que, pour retenir la faute du tiers, il n’est pas nécessaire « que celui-ci ait reçu une copie du contrat, ni même qu’il ait lu la clause d’exclusivité. »10 L’analyse de la connaissance qu’a le tiers du contrat est contextuelle11. À cet effet, la Cour d’appel confirme que la mise en demeure de novembre 2009 n’était pas ambiguë puisque l’affirmation de Simms voulant qu’elle soit la distributrice exclusive de R & R était « claire et ne nécessitait aucune interprétation »12. De plus, Costco n’a pas agi en personne prudente et diligente et a fait preuve d’aveuglement volontaire en poursuivant la vente des jeans R & R alors que la lettre de confirmation de R & R quant à ses droits n’était pas signée et qu’elle prédatait la demande de confirmation. Ces faits jumelés à la mise en demeure auraient dû être suffisants pour conclure à la violation du contrat13. Même si la Cour d’appel conclut que le juge de première instance n’impose pas un fardeau additionnel au tiers de bonne foi de s’informer14, l’ajout de la notion « d’aveuglement volontaire » rend la situation éminemment subjective. En effet le juge de la Cour supérieure écrit : [186] Costco relies on the fact that they were dealing with a trusted intermediary. Costco has filed no evidence that it was ever advised that, in fact, R & R had “resolved promptly” the matter with Simms. Accordingly, there was no reason for Costco to believe it could ignore the cease and desist letters. [187] Costco allowed itself to limit its focus to the issue of authenticity of the Product despite being put on notice by Simms that the up-front issue with Simms was the EDA (Exclusive Distribution Agreement). If Costco was not prepared to deal directly with Simms to resolve the issue, it needed to have the issue of the EDA asked and answered by R & R. Costco failed to do either. [188] […] Ms. Janek on behalf of Costco was at fault in not seeking: (a) some confirmation emanating from R & R that they knew the goods were being sold in Canada by Costco and (b) that there was no Simms EDA that would prevent such sales. […] 15 [nos soulignements] La Cour d’appel semble approuver le raisonnement du juge de première instance. Faisant écho à l’analyse de la Cour supérieure citée ci-dessus, elle explique : [61] Non seulement Costco n’obtient pas les confirmations requises par Mme Janek, mais elle choisit d’ignorer les informations qui lui sont communiquées et qui lui indiquent que Simms est la distributrice exclusive au Canada des produits R & R […]16 S’il n’y a pas d’obligation de s’informer, ce qui est reproché à Costco c’est d’avoir demandé une confirmation du distributeur et de R & R à l’effet que les biens étaient authentiques et qu’ils pouvaient être vendus au Canada, mais que les réponses obtenues étaient douteuses. Est-ce que la décision aurait été différente si Costco avait uniquement demandé à R & R de confirmer que les biens vendus étaient authentiques et à son distributeur qu’il n’était pas lié par une obligation contractuelle de ne pas vendre au Canada ? Si la réponse est oui, les conclusions de la Cour d’appel nous semblent peu logiques en pratique. En effet, si comme l’affirme la Cour d’appel il n’y a pas d’obligation de s’informer, l’erreur de Costco était de s’être informée un peu trop et donc, il aurait été préférable de poser le moins de questions possible. Si en revanche il existe une forme d’obligation minimale d’information, qu’aurait dû faire Costco? Le juge de la Cour supérieure a conclu sur la base des faits qui ont été prouvés au procès que Costco aurait dû obtenir une lettre signée du titulaire des marques de commerce en cause qui confirme ou nie les droits exclusifs de Simms. La Cour d’appel semble approuver et ajoute : [66] Il n’est pas ici question d’ambiguïté ou d’interprétation de l’exclusivité conférée à Simms qui n’auraient pas permis à Costco d’en comprendre la portée ou l’étendue, mais seulement de la connaissance qu’avait Costco de son existence. […]17 Ainsi, l’Arrêt Costco semble créer une obligation d’information qui doit être accomplie pour éviter une faute d’interférence contractuelle. L’ampleur de cette obligation demeure cependant vague. La libre concurrence et le marché gris Si les obligations de s’informer sont interprétées de manière large, il serait possible pour un titulaire de droit de propriété intellectuelle d’organiser son réseau de distribution de sorte qu’il serait difficile pour un tiers de prétendre ne pas être au courant des limitations contractuelles d’exclusivité sur un territoire donné. En première instance, Costco alléguait que les jeans R & R qu’elle revendait à bas prix avaient été acquis légitimement sur le marché gris et qu’elle pouvait les revendre. En matière de marché gris, la Cour suprême a notamment avancé, dans l’arrêt Consumers Distributing Co. c. Seiko18, que de « reconnaître implicitement à un individu qui vend un produit le droit d’imposer des restrictions à la vente, par une autre personne, de bien meubles identiques légitimement acquis » serait un « coup porté à la théorie relative aux restrictions à la liberté du commerce et au concept de la libre concurrence »19. Dans le cas qui nous occupe, la Cour supérieure a déterminé que Costco ne pouvait pas s’exonérer en alléguant son droit d’acheter et de revendre des biens en provenance du marché gris puisque le contrat entre R & R et Simms est un fait juridique qui lui est opposable20. Les faits particuliers de cette affaire ont-ils joué tant en Cour supérieure qu’en Cour d’appel ? Sûrement, mais dès lors qu’un contrat est un fait juridique opposable aux tiers, que ce tiers a une forme d’obligation de s’informer sur ce fait juridique et qu’on ne saurait faire preuve d’aveuglement volontaire, la combinaison de ces décisions semble donner un poids plus important au respect des contrats qu’au principe de libre concurrence21. S’agit-il d’une particularité du droit civil au Québec par rapport à la common law? Jusqu’où l’obligation de s’informer va-t-elle à la suite de l’envoi d’une mise en demeure et quel degré d’ambiguïté est nécessaire afin de prétendre que l’on n’a pas une connaissance des obligations contractuelles? Ce sont là autant de nuances grises qui seront vraisemblablement explorées dans les prochaines années. 2020 QCCA 1331. La libre concurrence est un principe bien établi en droit civil. Dans son arrêt Excelsior (L’), compagnie d’assurance-vie c. Mutuelle du Canada (La), compagnie d’assurance vie, la Cour d’appel reconnaissait la liberté de concurrence comme « principe fondamental de l’organisation des activités économiques […], sous réserve de son encadrement législatif ou réglementaire ». Ainsi, la concurrence a de particulier qu’elle peut causer préjudice à autrui et être volontaire sans constituer une faute. La concurrence constituera une faute seulement si elle est illicite ou déloyale, présentant des procédés malhonnêtes. Excelsior (L’), compagnie d’assurance-vie c. Mutuelle du Canada (La), compagnie d’assurance vie, [1992] R.J.Q. 2666 (C.A.), p. 30. Kraft Canada Inc. v. Euro Excellence Inc., 2005 FCA 427, paragr. 2 Mars Canada Inc. v. Bemco Cash & Carry Inc., 2016 ONSC 7201, par. 7?; conf. 2018 ONCA 239. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1,par. 18. Simms Sigal & Co. Ltd. c. Costco Wholesale Canada Ltd., 2017 QCCS 5058. [1975] 2 RCS 236. Id., p. 241. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 51. Id., par. 50. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 57. Id. Id., par. 58. Id., par. 64?; Simms Sigal & Co. Ltd. c. Costco Wholesale Canada Ltd., préc., note 6, par. 181 à 183. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 64. Simms Sigal & Co. Ltd. c. Costco Wholesale Canada Ltd., préc., note 6, par. 186 à 188. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 61. Costco Wholesale Canada Ltd. c. Simms Sigal & Co. Ltd., préc., note 1, par. 66. 1984 1 CSC 583. Id., p. 584. Simms Sigal & Co. Ltd. c. Costco Wholesale Canada Ltd., préc., note 6, par. 94 et 214. Excelsior (L’), compagnie d’assurance-vie c. Mutuelle du Canada (La), compagnie d’assurance vie, [1992] R.J.Q. 2666 (C.A.), p. 30.
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Propriété intellectuelle : de nouvelles options en cas de conflit sur la propriété d'un brevet
Depuis 1995, la Cour fédérale du Canada refuse d’entendre toute question relative à la propriété d’un brevet. En effet, dans l’arrêt Lawther c. 424470 B.C. Ltd.1, la Cour fédérale avait décliné compétence sur la base que « la Cour n’a pas compétence pour connaître d’un différend de nature purement contractuelle », de sorte que le différend relevait de la compétence des tribunaux de droit commun de chaque province (ci-après une « Cour provinciale »). Au Québec, le tribunal de droit commun est la Cour supérieure du Québec. Ainsi, en cas de conflit sur la question de la propriété d’un brevet, il fallait d’abord que l’inventeur ou la personne à qui l’on avait cédé le brevet fasse trancher la question contractuelle en Cour provinciale (soit en vertu d’une cession, d’un contrat d’emploi, d’une option d’achat etc.) et ensuite fasse entériner la décision par la Cour fédérale, afin que cette dernière ordonne finalement au Bureau des brevets de modifier le nom du titulaire. À une époque où la proportionnalité des procédures en fonction des questions en litige est au cœur de notre système de justice2, cette décision du siècle dernier, suivie jusqu’à tout récemment par la Cour fédérale, pouvait laisser un goût amer. Or, dans Salt Canada Inc. c. Baker, 2020 FCA 127, une décision unanime qui vient d’être émise le 28 juillet dernier, la Cour d’appel fédérale a infirmé une décision de la Cour fédérale qui suivait ce précédent et du même coup ce long courant jurisprudentiel. Le juge Stratas, qui écrit les motifs, se fonde sur l’article 52 de la Loi sur les brevets et affirme que la Cour fédérale « est compétente, sur la demande du commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée ». Pour le Juge Stratas, le fait que même le commissaire des brevets doit transmettre toute question de titre sur un brevet à la Cour fédérale est important et démontre bien que le législateur voulait attribuer une fonction judiciaire à la Cour fédérale et non une simple fonction administrative. La Cour fédérale est une cour statutaire, de sorte qu’elle doit obtenir sa compétence d’une loi (contrairement aux cours supérieures des provinces qui sont les tribunaux de droit commun et qui ont une compétence générale). Il semble y avoir eu un débat devant la Cour d’appel sur les dispositions statutaires habilitantes. L’intimée prétendait que la compétence de la Cour fédérale en matière de propriété intellectuelle lui vient de l’article 20 de la Loi sur les cours fédérales : Propriété industrielle : compétence exclusive 20 (1) La Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, dans les cas suivants opposant notamment des administrés : (…) b) tentative d’invalidation ou d’annulation d’un brevet d’invention ou d’un certificat de protection supplémentaire délivré sous le régime de la Loi sur les brevets, ou tentative d’inscription, de radiation ou de modification dans un registre de droits d’auteur, de marques de commerce, de dessins industriels ou de topographies visées à l’alinéa a). Propriété industrielle : compétence concurrente (2) Elle a compétence concurrente dans tous les autres cas de recours sous le régime d’une loi fédérale ou de toute autre règle de droit non visées par le paragraphe (1) relativement à un brevet d’invention, à un certificat de protection supplémentaire délivré sous le régime de la Loi sur les brevets, à un droit d’auteur, à une marque de commerce, à un dessin industriel ou à une topographie au sens de la Loi sur les topographies de circuits intégrés. Vu le titre « Propriété industrielle : Compétence » et le fait qu’il s’agit d’une question de compétence, l’affirmation suivante du Juge Stratas peut paraître surprenante : « Arguably, it has no relevance whatsoever. This matter does not arise and has nothing to do with section 20 of the Federal Courts Act. » Selon le Juge Stratas, puisque la Loi sur les brevets est une loi fédérale, la Cour fédérale a compétence par la combinaison de l’article 52 de la Loi sur les brevets et de l’article 26 de la Loi sur les cours fédérales, lequel stipule qu’elle a compétence sur toute question aux termes d’une loi fédérale. La Cour passe ensuite en revue une série de décisions dans lesquelles la Cour fédérale a accepté d’interpréter divers contrats et actes juridiques dans le cadre de ses compétences en matière de diverses lois fédérales, dont notamment des lois fiscales fédérales, en droit maritime, ou encore dans le cadre de conflits de propriété intellectuelle. Ainsi, le juge Stratas rejette l’argument de l’intimé voulant que l’interprétation des contrats est du ressort exclusif des Cours provinciales. Finalement, se fondant sur une décision de Cour suprême de 19413, le juge Stratas affirme au paragraphe 24 de sa décision : «The rule in Kellogg is simple: the Exchequer Court (and now the Federal Court) can interpret contracts between private citizens as long as it is done under a sphere of valid federal jurisdiction vested in the Federal Court. It is true that, absent a specific statutory grant of jurisdiction to the Federal Court, parties cannot assert a contractual claim in the Federal Court against another private party to obtain a damages remedy. But Kellogg tells us that where such a grant is present, parties can claim a remedy even if their entitlement turns on a matter of interpretation of an agreement or other instrument—for example, the remedy of correcting the records in the Patent Office to recognize one’s title to a patent under section 52 of the Patent Act.» Mais attention, la Cour fédérale n’a compétence QUE pour modifier le registre ou encore pour les questions relatives à la Loi sur les brevets, par exemple, les questions de contrefaçon d’un brevet. Il semble, selon ce jugement, que toutes les autres questions demeurent néanmoins des questions de common law ou de droit civil et relèvent de la compétence des Cours provinciales. Il peut y avoir certains avantages à intenter un recours en Cour fédérale, plutôt que devant une Cour provinciale, comme la Cour supérieure du Québec. Entre autres, les montants qu’un justiciable peut réclamer en remboursement de ses honoraires d’avocat, s’il a gain de cause, sont largement supérieurs à ceux de certaines Cours provinciales. Les délais pour obtenir un jugement sont aussi souvent plus courts en Cour fédérale et on peut éviter de passer devant les deux cours4 afin d’enregistrer ses droits au Bureau des brevets. Par contre, s’il n’est pas seulement question d’un brevet canadien, mais aussi de brevets équivalents dans d’autres territoires (États-Unis, Europe, etc.) il serait préférable d’obtenir un jugement devant une Cour provinciale compétente afin de pouvoir déterminer la propriété complète de la famille de brevets, obtenir une injonction contre le défendeur pour qu’il transfère les titres, ou encore faire entériner son jugement dans chacun des territoires. En effet, la compétence de la Cour fédérale est limitée au Registre canadien des brevets et ne s’étend pas à d’autres territoires. Il sera également préférable d’introduire son recours en Cour supérieure si l’on veut réclamer des dommages pour rupture de contrat ou d’autres réparations qui relèveraient du droit civil ou de la common law. Ainsi, la nouvelle décision Salt Canada Inc. c. Baker fournit désormais de nouvelles options stratégiques aux avocats afin qu’ils puissent adapter au mieux la ou les procédures aux besoins spécifiques des justiciables dans le cas de conflit sur la titularité de brevets. Lawther c. 424470 B.C. Ltd., (1995) 95 F.T.R. 81 (TD) Hryniak c. Mauldin, 2014 SCC 7, [2014] 1 R.C.S. 87 Kellogg Company v. Kellogg, [1941] R.C.S. 242 Quoique l’on pourrait prétendre qu’une Cour supérieure provinciale a compétence pour ordonner une modification des inscriptions quant au titre d’un brevet à la lecture des articles 20 et 26 de la Loi sur les cours fédérales et des articles 41 et 52 de la Loi sur les brevets.
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Estoppel fondé sur l’historique de délivrance d’un brevet au Canada : la boîte de Pandore est ouverte
Il y a près de vingt ans, la Cour Suprême du Canada1 avait rejeté la théorie de l’estoppel fondé sur l’historique de délivrance d’un brevet plus communément connu sous son vocable anglais de (« File wrapper estoppel »2). À l’époque, le juge Binnie écrivait : « purposive construction, which keeps the focus on the language of the claims, seems also to be inconsistent with opening the pandora's box of file wrapper estoppel ». Or, en décembre 2018, l’article 53.1 a été ajouté à la loi sur les brevets (la « Loi ») permettant de faire référence aux communications avec l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC ») « pour réfuter une déclaration faite, dans le cadre de l’action ou de la procédure, par le titulaire du brevet relativement à l’interprétation des revendications ». Dans l’arrêt Canmar Foods ltd c. TA Foods ltd 2019 FC 1233 le juge Manson de la Cour Fédérale rend la première décision sur le File wrapper estoppel au Canada depuis l’entrée en vigueur de cet article de droit nouveau. La décision est rendue dans le contexte d’une requête pour jugement sommaire. À retenir Lorsqu’un breveté modifie les revendications afin d’en limiter la portée, les éléments ainsi introduits sont des éléments essentiels du brevet. L’article 53.1 de la Loi pourrait s’appliquer même si le demandeur n’a pas adopté une interprétation contraire à une déclaration antérieure. Lorsque le breveté fait référence au dossier de poursuite (« File wrapper ») d’une autre juridiction (ici, les É.-U.), lors de la poursuite du brevet au Canada, il rend ce File wrapper pertinent aux fins de l’application de l’article 53.1 de la Loi. La Cour Fédérale semble assouplir la jurisprudence applicable aux requêtes pour jugement sommaire. La partie qui conteste une requête pour jugement sommaire doit présenter la meilleure preuve disponible. L’interprétation de certains termes des revendications peut être faite par le juge même en l’absence d’une preuve d’expert. Contexte Canmar foods ltd (« Canmar ») détient un brevet sur une méthode de traitement des graines qui servent à produire de l’huile végétale (le « Brevet »). La méthode revendiquée au Brevet consiste en 4 étapes y compris : chauffer les graines à une certaine température dans un « stream of air » et transférer les graines chauffées « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower ». Lors de la poursuite du Brevet, le fait de chauffer dans un « stream of air » et le transfert des graines de la manière mentionné ci-dessus est ajouté aux revendications du Brevet par modification afin de réduire la portée de celles ci. Lors de la poursuite du Brevet au Canada, Canmar fait référence à des modifications « substantiellement similaires » faites dans la poursuite de l’équivalent américain du Brevet en réponse à un avis d'examen relatif aux questions de nouveauté et d'évidence. Canmar poursuit TA Foodsltd (« TA ») en contrefaçon du Brevet. TA présente une requête pour jugement sommaire au motif que la méthode employée par TA n’inclut pas de chauffer les graines dans un « stream of air », ni de les transférer « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower ». Au soutien de la requête pour jugement sommaire les parties ont toutes deux produits des affidavits, mais aucune preuve d’expert sur l’interprétation des termes du Brevet par la personne versée dans l’art du Brevet (le « POSITA ») n’est présentée. Les questions La Cour devrait-elle accorder la requête pour jugement sommaire ou laisser ces questions au juge du procès? La Cour peut-elle utiliser le File wrapper du brevet équivalent américain afin d’interpréter les revendications en vertu l’article 53.1 de la Loi? La Cour peut-elle conclure sur la base du ou des Files wrapper que les éléments : « stream of air » et « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower » sont des éléments essentiels des revendications du Brevet? Est-ce que la preuve présentée suffit pour interpréter les termes en litige et conclure qu’ils sont absents de la méthode employée par la défenderesse? Le jugement Le juge Manson, considère d’abord les critères d’applicable à une requête pour jugement sommaire. Selon la jurisprudence, lorsque certaines questions à trancher relèvent de l’appréciation de la crédibilité des témoins ces questions devraient être laissées au juge du fond. Ainsi, le juge Manson refuse d’appliquer ces principes élaborés dans MacNeil Estatec Canada (Department of Indian and Northern Affairs), 2004 FCA 50 de la Cour d’appel fédérale et écrit : « The Supreme Court held that “summary judgment rules must be interpreted broadly, favouring proportionality and fair access to the affordable, timely and just adjudication of claims” (Hryniak, above at para 5) (…)There is no determinative test for summary judgment. One articulation is that the test is not whether the Plaintiff cannot possibly succeed at trial, but whether the case is so doubtful that it does not deserve consideration by the trier of fact at a future trial »3. Le juge ajoute que la partie qui défend une requête pour jugement sommaire ne peut se contenter de prétendre que le requérant ne s’est pas déchargé de son fardeau et spéculer sur des motifs qui pourraient possiblement être soulevés au fond : Parties are required to put their best foot forward. The responding party cannot rely on what might be adduced as evidence at a later stage, but must set out specific facts and adduce evidence showing that there is a genuine issue for trial (Federal Courts Rules, r 213; Sterling Lumber Co v Harrison, 2010 FCA 21 at para 8)4. Le juge renvoie ensuite aux principes d’interprétations téléologiques élaborés dans l’arrêt Free world trust de la Cour suprême et au fait que le juge Binnie avait refusé d’appliquer la doctrine du File wrapper estoppel, mais réfère au nouvel article 53.1 de la Loi et ajoute : « This new provision is specific to using Canadian prosecution file histories to rebut any position taken on claim construction. »5 “However, in this case, I find that the patentee specifically referred to the corresponding US Application prosecution history and acknowledged that the amendments to the claims in the ‘376 file history were made to overcome novelty and obviousness concerns as raised in the US Application prosecution history. Accordingly, the Court may look at the US Application prosecution history as part of a purposive construction of the claims of the ‘376 Patent.”6 La Cour importe en partie les principes de droit américain afin de déterminer la portée de l’article 53.1 de la Loi. Citant la Cour suprême des États-Unis, le juge Manson ajoute : By amending the application, the inventor is deemed to concede that the patent does not extend as far as the original claim” (Festo at 737-738)7. Ainsi, le juge conclut que les étapes de chauffer les graines dans un « stream of air » et de les transférer « into an insulated or partially insulated roasting chamber or tower » constituent des éléments essentiels de la revendication. Le demandeur prétendait que la Cour ne peut interpréter les termes du Brevet en l’absence d’une preuve d’expert sur leur interprétation parle POSITA. La Cour rejette l’argument : “Based on the claim, the disclosure, and the prosecution history of the ‘376 Patent, I find that expert evidence is not required for me to be able to purposively construe the two elements of Claim 1 that are at issue.”8 Bien que le juge ne l’indique pas expressément, si le demandeur avait présenté une preuve d’expert sur l’interprétation des termes de la revendication par le POSITA qui soutenait une conclusion de contrefaçon la Cour aurait possiblement rejeté la requête pour jugement sommaire9. En l’absence de telle preuve, la Cour semble tenir pour acquis qu’il n’en existe pas (puisque le demandeur devait « put its best foot forward »). Ainsi, les agents de brevets au Canada doivent être prudents dans les déclarations qu’ils font auprès de l’OPIC et surtout lorsqu’ils renvoient à la poursuite de brevet équivalent dans d’autres juridictions. L’admission que ces modifications ont été faites afin de limiter la portée des revendications en réponse à de l’art antérieur entraînerait l’application de l’article 53.1 de la Loi. Sans surprise, la Cour fédérale applique l’article 53.1 de la Loi comme une volonté du législateur d’introduire en droit canadien la doctrine du File wrapper estoppel. Il sera cependant intéressant de voir si son application sera limitée à « réfuter une déclaration faite, dans le cadre de l’action ou de la procédure, par le titulaire du brevet relativement à l’interprétation des revendications » ou comme semble faire le juge : « The prosecution history aids in the purposive construction of the disputed elements of Claim 110 »11. Free World Trust c. Électro Santé Inc. 2000 CSC 66 par 66 Malgré cette décision claire la Cour Fédérale acceptait ou refusait des variations de cette doctrine voir entre autres : Distrimedic Inc.c. Dispill Inc., 2013 FC 1043, par 210; Eli Lilly Canada Inc. c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2015 FC 125, par 154 and Pollard c. BABN technologies corp. 2016 FC 883 par 238 et 239. Par 46 et 48 Par 50 Par 62 Par 70 Par 67 Par 81 Voir par 79 “Regardless of the US Application prosecution history, I do not see how the process described in the Popowich Affidavit could possibly constitute heating the oil seed “in a stream of air” as that term is used in Claim 1 of the ‘376 Patent.” Par 85 Par contre, le juge écrit au paragraphe 84: “The Plaintiff argued that section 53.1 is not engaged, as the Plaintiff did not make any representation as to the construction of Claim 1.Further, the Plaintiff argued that the Court is not in a position to determine whether the disputed claim elements are essential or not. However, as submitted by the Defendant, the Plaintiff made multiple representations in its written submissions to the effect that the language of Claim 1 is not limited to a particular type or source of heating.” Notons cependant que les dites représentations ne peuvent qu’avoir été présentées en réponse à la requête pour jugement sommaire qui elle faisait certainement référence aux Files wrapper et donc avant toute représentation par le demandeur.
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Bell c. Cogeco: une expérience judiciaire en concurrence déloyale
Il n’est pas rare de voir, dans le marché très compétitif des télécommunications, des fournisseurs de services Internet concurrents se livrer à des batailles publicitaires dans le but d’attirer de nouveaux clients, notamment en raison du faible nombre de compétiteurs. Les compétiteurs sont prêts à tout pour attirer les consommateurs, quitte parfois à embellir quelque peu l’offre de leurs produits et services. C’est dans ce contexte que la Cour supérieure de l’Ontario a émis dans l’affaire Bell Canada v. Cogeco Cable Canada, 2016 ONSC 6044 1, le 20 septembre 2016, une injonction interlocutoire à l’encontre de Cogeco Cable, afin que l’entreprise cesse d’utiliser, de quelque façon que ce soit, l’expression publicitaire “the best Internet experience in your neighborhood” dans ses publicités au motif que cela constitue une représentation fausse et trompeuse Goudreau Gage Dubuc, l’un des plus importants cabinets en propriété intellectuelle au Canada, s'est joint à Lavery Avocats. Les deux cabinets ont intégré leurs opérations afin d’offrir une gamme complète de services juridiques à leurs clients. Le regroupement consolide l’approche multidisciplinaire de Lavery qui poursuit ainsi sa croissance en arrimant à son offre de services l’expertise d’avocats, d’agents de brevets et d’agents de marques de commerce dédiés au droit de la propriété intellectuelle et faisant partie d’une des équipes les plus réputées au pays. Pour en savoir plus, visitez le www.VosAvocatsEnPi.ca. --> Les faits et le contexte de l’affaire Bell Canada (ci-après “Bell”) et Cogeco Cable Canada (ci-après “Cogeco”) sont deux fournisseurs de services Internet concurrents sur le territoire de l’Ontario. Bell et Cogeco n’utilisent pas la même technologie aux fins d’offrir leurs services aux consommateurs. En effet, Cogeco utilise la technologie “hybride fibre optique-câble coaxial” (Cable/HFC) alors que Bell utilise la technologie “digital subscriber lines” (DSL) par ligne téléphonique. En plus de la technologie DSL, Bell utilise également la technologie “Fibre optique jusqu’au domicile” (FTTH), et ce à travers la province de l’Ontario, tandis que Cogeco offre cette technologie seulement dans les nouveaux quartiers résidentiels. En août 2016, Cogeco a annoncé sa nouvelle identité de marque dans le cadre de sa campagne publicitaire pour la rentrée scolaire. Cette nouvelle image se reflète par la modification du nom de ses forfaits Internet renommés “UltraFibre” et par l’ajout sur la page d’accueil de son site Internet de deux nouvelles phrases publicitaires : “There’s no limit to the things you can explore” et “Enjoy unlimited entertainment with the best Internet experience in your neighborhood”. Ayant eu connaissance de ces nouvelles publicités, Bell intente une action contre Cogeco pour représentations fausses et trompeuses en vertu de l’article 52 de la Loi sur la concurrence et de l’article 7 de la Loi sur les marques de commerce. Bell conteste l’ajout du terme “Ultra” dans le nom des forfaits Internet et plus particulièrement l’emploi par Cogeco de l’expression “the best Internet experience in your neighborhood” dans ses publicités, notamment celles apparaissant sur la page d’accueil de son site Internet. Analyse et décision Le juge Matheson a analysé les faits de la présente cause en fonction des critères régissant l’octroi d’une injonction interlocutoire, déterminés par l’arrêt RJR-MacDonald Inc 2, qui sont : 1) l’apparence de droit, 2) le préjudice sérieux ou irréparable, et 3) la prépondérance des inconvénients. Il convient de mentionner que le juge Matheson a rejeté les prétentions de Bell quant à la nouvelle image des forfaits Internet de Cogeco renommés “UltraFibre”. Bien que Cogeco ait ajouté le préfixe “Ultra”, la vitesse réelle de téléchargement étant toujours indiquée dans le nom du forfait, cela ne peut constituer une indication fausse et trompeuse. 1) Apparence de droit Le juge Matheson a d’abord déterminé s’il y a une question sérieuse à traiter eu égard à la représentation de Cogeco sur son site Internet à l’effet qu’elle offre “the best Internet experience in your neighborhood”. a) Impression d’ensemble de la publicité En vertu de l’article 52(4) de la Loi sur la concurrence, il faut considérer l’impression générale créée par la publicité du point de vue du consommateur moyen afin de déterminer si le public peut être trompé. La publicité sera considérée comme fausse et trompeuse sur un point important si le consommateur est influencé à faire un choix qui lui paraît avantageux en raison du contenu ou du message de la publicité. À cet égard, le juge Matheson a analysé si la publicité “the best Internet experience in your neighborhood”, apparaissant sur la page d’accueil de Cogeco, considérée dans son ensemble créait une représentation fausse et trompeuse sur un point important du point de vue du consommateur moyen, crédule et technologiquement inexpérimenté. Cogeco invoquait que l’impression d’ensemble devait s’effectuer en prenant en considération que le consommateur a consulté tout le contenu de la page d’accueil, y compris l’ensemble des textes, graphiques et hyperliens. Cogeco invoque également un avertissement qu’elle a placé sur son site Internet mentionnant qu’elle utilise une combinaison de fibre optique et de câble coaxial. Toutefois, cette mention écrite en très petits caractères n’est pas évidente puisque le consommateur doit cliquer sur plusieurs liens et lire toute la page avant d’arriver à l’avertissement. Contrairement à l’argument invoqué par Cogeco, la Cour a considéré que l’impression générale de la publicité sur Internet dans le cas en l’espèce, devait être analysée par rapport à ce qu’un consommateur peut voir sur un seul et même écran et non l’ensemble de toutes les pages et les liens y étant reliés. L’avertissement de Cogeco à l’effet qu’elle utilise une combinaison de technologies ne suffit pas pour contrebalancer l’impression générale créée par la publicité puisque l’avertissement n’apparaît pas sur le l’écran principal de la page d’accueil de Cogeco. b) Définition “Internet experience” En considérant l’impression générale de la publicité, la Cour a tenté de définir ce qu’est plus précisément l’ “Internet experience”, notamment les critères que recherchent les consommateurs pour des services d’accès Internet. Cogeco soumet que l’ “Internet experience” consiste en une multitude de facteurs comprenant non seulement la vitesse et la performance, mais également le service à la clientèle et la sécurité du réseau. Par cet argument, Cogeco tente de justifier le fait que sa publicité visait plutôt le fait que Cogeco livrait une expérience client exceptionnelle. Bell, de son côté, soumet que les facteurs les plus importants à prendre en compte dans l’expérience Internet des consommateurs sont la vitesse et la performance. Le juge Matheson, se basant en partie sur un rapport émis par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes 3 (CRTC) quant à la performance des services Internet offerts aux Canadiens, refuse l’argument de Cogeco, puisque la vitesse est un facteur important pour les consommateurs dans leur choix de services Internet. Dans son rapport, le CRTC indique que la technologie Fibre optique surpasse la technologie Câble/HFC quant entre autres à la vitesse de téléchargement, la vitesse de débit et la fiabilité du réseau. Le rapport du CRTC soulève également que les vitesses plus élevées sont généralement ce que recherchent les consommateurs. Cogeco a d’ailleurs elle-même reconnu que ce rapport représente une comparaison fiable des différentes technologies d’accès Internet. Cogeco n’offrant pas la technologie Fibre optique (FTTH) dans tous les quartiers de l’Ontario, elle ne peut prétendre offrir “the best Internet experience in your neighborhood”. La Cour est donc satisfaite qu’il y a une question sérieuse à traiter eu égard aux représentations fausses et trompeuses. 2) Préjudice irréparable Concernant les autres critères déterminant l’émission d’une injonction, ces derniers sont également satisfaits suivant l’analyse du juge Matheson. Bell a démontré qu’elle subira un préjudice irréparable puisqu’on ne peut connaitre le nombre exact de clients actuels ou futurs qui ont effectué un choix sur la base des prétentions de Cogeco à l’effet qu’elle offre les meilleurs services d’accès Internet. 3) balance des inconvénients Il a également été conclu que la balance des inconvénients favorisait l’émission d’une injonction interlocutoire. En effet, bien que Cogeco invoque les coûts reliés à sa campagne publicitaire, il est possible pour Cogeco de modifier la page d’accueil de son site Internet en supprimant ou remplaçant le mot « best » et ce à peu de frais, puisque la phrase n’apparaît que sur la page d’accueil du site Internet de Cogeco. En considération, la Cour a donc conclu que Cogeco a nui à la compétitivité du marché en invoquant être “ the best ” et ce malgré qu’elle n’offre pas la plus rapide et la meilleure performance en matière de services Internet dans au moins une zone dans laquelle les deux compagnies compétitionnent en Ontario. Un consommateur ordinaire sera vraisemblablement trompé par les représentations de Cogeco à l’effet qu’elle offre “the best Internet experience in your neighborhood”. Cette décision jette un éclairage sur les précautions que doivent prendre les entreprises oeuvrant dans des marchés hautement compétitifs dans le développement de leurs campagnes et slogans publicitaires. N’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre équipe pour de plus amples informations concernant cette décision ou pour tout autre question touchant la propriété intellectuelle. Bell Canada v. Cogeco Cable Canada, 2016 ONSC 6044. RJR-MacDonald Inc. v. Canada (Attorney-General), [1994] 1 S.C.R. 311. http://crtc.gc.ca/fra/publications/reports/rp160317/rp160317.htm
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Le Canada renforce la protection des droits d’auteur et des marques de commerce avec la création de nouvelles mesures frontalières
Depuis le 1er janvier 2015, les articles de la Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur, la Loi sur les marques de commerce et d’autres lois en conséquence («la Loi») relatifs aux nouvelles mesures frontalières sont entrés en vigueur au Canada. La loi a pour but ultime d’aider les titulaires de droits d’auteur et de marques de commerce à empêcher l’exportation et l’importation de produits contrefaits en violation de leurs droits de propriété intellectuelle. À cet égard, la loi crée de nouvelles mesures, dont des pouvoirs de saisie par les agents des douanes au moment où ces derniers soupçonnent qu’un produit contrefait des droits d’auteur ou des marques de commerce. La loi prévoit de plus un mécanisme de partage de renseignements (ex : le nom et l’adresse du propriétaire des produits, de l’importateur, de l’exportateur, etc.) et d’échantillons de produits entre les agents des douanes et les titulaires de droits qui ont présenté une Demande d’Aide à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) Programme des droits de propriété intellectuelle («Demande d’Aide») laquelle se trouve sur le site web de l’Agence des services frontaliers du Canada à l’adresse suivante : http://www.cbsa-asfc.gc.ca/security-securite/ipr-dpi/app-dem-fra.html. Avec cette information, ces détenteurs de droits pourront plus aisément exercer des recours judiciaires contre la personne violant leurs droits. Goudreau Gage Dubuc, l’un des plus importants cabinets en propriété intellectuelle au Canada, s'est joint à Lavery Avocats. Les deux cabinets ont intégré leurs opérations afin d’offrir une gamme complète de services juridiques à leurs clients. Le regroupement consolide l’approche multidisciplinaire de Lavery qui poursuit ainsi sa croissance en arrimant à son offre de services l’expertise d’avocats, d’agents de brevets et d’agents de marques de commerce dédiés au droit de la propriété intellectuelle et faisant partie d’une des équipes les plus réputées au pays. Pour en savoir plus, visitez le www.VosAvocatsEnPi.ca. --> Il est important de noter que la Demande d’Aide inclut seulement les marques de commerce enregistrées, alors que les droits d’auteur enregistrés et non enregistrés sont couverts. La Demande d’Aide doit contenir le nom légal du détenteur des droits, son adresse, les coordonnées de son représentant au Canada (le cas échéant), le numéro d’enregistrement de la marque de commerce ou du droit d’auteur (si ce dernier est enregistré), le Code du système harmonisé maintenu par l’Organisation Mondiale des Douanes, le nom et la description des produits authentiques, une liste des importateurs autorisés à faire entrer ces produits au Canada (si applicable) et une liste des distributeurs connus des produits illégitimes ou suspects. La période de validité d’une telle demande est de deux ans et peut être prolongée sur demande. Il est primordial que les détenteurs de marques de commerce et de droits d’auteur soient au courant que le gouvernement peut exiger (1) qu’une sûreté soit fournie comme condition d’acceptation de la Demande d’Aide et (2) que s’ils reçoivent des échantillons et exercent un recours devant les tribunaux, ils seront tenus de payer aux douanes certains frais tels que les frais d’entreposage, de manutention et de destruction des produits gardés en rétention, le cas échéant. Aucun frais ne sera toutefois payable si le titulaire décide de ne pas intenter de recours suite à la réception des renseignements ou des échantillons. Pour assurer la détention des produits par les agents douaniers, les titulaires qui ont présenté la Demande d’Aide à l’ASFC ont l’obligation d’intenter une demande en justice dans les 10 jours suivant la notification de détention de l’ASFC et doivent donc contacter leurs procureurs au Canada le plus rapidement possible afin de prendre un recours, s’il y a lieu. Pour toutes questions à ce sujet, veuillez contacter les membres de notre cabinet.