Pourvoi en contrôle judiciaire : quels sont les impacts de l'arrêt Vavilov?

Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême du Canada revoit les principes relatifs à la détermination et à l’application de la norme de contrôle judiciaire des décisions administratives.

Le cadre d’analyse permettant de déterminer la norme de contrôle applicable est modifié et la manière dont la norme de la décision raisonnable devrait être appliquée est précisée. Résultat recherché : une norme plus facilement identifiable et moins de débats sur la norme de contrôle applicable à une question donnée.

Les 19 et 20 décembre dernier, la Cour suprême du Canada rendait trois décisions portant sur le contrôle judiciaire des décisions administratives dans les affaires Vavilov1, Bell Canada2 et Société canadienne des postes3.

Dans la première affaire, ayant pour trame de fond une histoire d’espionnage, les juges majoritaires de la Cour établissent une nouvelle démarche pour le contrôle judiciaire des décisions administratives, notamment en ce qui concerne l’application de la norme de la décision raisonnable. Les deux autres décisions illustrent, quant à elles, l’application de ces nouveaux principes.

Détermination de la norme de contrôle applicable

Présomption d’application de la norme de la décision raisonnable

Le nouveau cadre d’analyse repose sur une présomption d’application de la norme de la décision raisonnable.

Dorénavant, chaque fois qu’une cour examinera le fond d’une décision administrative, elle devra appliquer une présomption selon laquelle la norme de contrôle applicable à l’égard de tous les aspects de cette décision est celle de  la décision raisonnable. Dès lors, le recours à l’analyse contextuelle auparavant requis ne sera plus nécessaire, puisqu’il n’existe dorénavant plus de catégories de questions pour lesquelles la norme de contrôle applicable n’est pas identifiée a priori.

Catégories de questions assujetties à la norme de la décision correcte

Les catégories de questions auxquelles la norme de la décision correcte s’applique demeurent sensiblement les mêmes :

  • les questions constitutionnelles;
  • les questions concernant la délimitation des compétences respectives des tribunaux spécialisés concurrents;
  • les questions de droit revêtant une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble.
    • Cette dernière catégorie de questions est toutefois quelque peu élargie, en ce sens qu’il n’est plus nécessaire que la question soumise soit étrangère au domaine d’expertise du décideur : il suffit qu’elle revête une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble.

La catégorie des questions reliées à la compétence

Les « questions liées à la compétence » ou « questions touchant véritablement à la compétence », quant à elles, ne font plus partie des catégories de questions qui exigent l’application de la norme de la décision correcte.

Il ne s’agit pas d’un changement majeur en soi, la Cour suprême ayant souvent rappelé que ce type de questions était exceptionnel. Néanmoins, le sort de ces questions est maintenant clarifié : c’est la norme de la décision raisonnable qui s’y applique.

Les cas où la loi prévoit un mécanisme d’appel

On relève un changement important dans les cas où la loi prévoit un mécanisme d’appel à l’encontre d’une décision administrative devant une cour de justice4.

Il faut désormais, en pareils cas, s’en remettre aux normes d’intervention applicables en appel, selon la nature de la question en cause (question de droit, question de fait ou question mixte de fait et de droit), plutôt qu’aux normes de contrôle judiciaire.

Les cas où la loi précise la norme de contrôle applicable

La présomption d’application de la norme de la décision raisonnable cède enfin le pas lorsque le législateur a expressément indiqué la norme applicable au contrôle d’une décision administrative donnée. Dans un tel cas, c’est la norme déterminée par le législateur qui s’applique.

Quoi retenir?

L’arrêt Vavilov opère un revirement majeur de l’état du droit en matière de contrôle judiciaire. Pour cette raison, la jurisprudence antérieure doit être considérée avec prudence.

Pour l’instant, les situations permettant de repousser la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable se limitent aux cinq situations évoquées ci-dessus, c’est-à-dire aux trois catégories de questions qui exigent l’application de la norme de la décision correcte, aux cas d’appels prévus par la loi et aux cas pour lesquels le législateur a expressément précisé la norme applicable.

La Cour suprême ouvre toutefois la porte à la reconnaissance ultérieure de nouvelles exceptions, de manière exceptionnelle toutefois et en respectant le cadre d’analyse et les principes énoncés dans l’arrêt.

À suivre - L’application de la norme de la décision raisonnable

En plus de réviser le cadre d’analyse servant à déterminer la norme de contrôle applicable, les juges de la majorité formulent une série de précisions et d’indications sur la manière dont la norme de la décision raisonnable devrait être appliquée, évoquant eux-mêmes un « cadre d’application plus rigoureux de la norme de contrôle de la décision raisonnable ».

Il demeurera ainsi important de suivre les prochains jugements de la Cour suprême mais également des autres cours de justice afin de mesurer l’impact de ce nouveau cadre d’application de la norme de la décision raisonnable.

Les membres de nos équipes œuvrant en droit administratif, en droit du travail et en litige demeurent disponibles pour tous conseils et recherche de solutions en réponse à vos questions.

 

  1. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65.
  2. Bell Canada c. Canada (Procureur général), 2019 CSC 66.
  3. Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67.
  4. Par exemple, l’appel de certaines décisions du Tribunal administratif du Québec devant la Cour du Québec.
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