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  • Véhicules autonomes : assurances, responsabilité et nouveautés

    La pandémie n’a pas ralenti la venue des véhicules autonomes sur nos routes. La place de cet avancement technologique dans notre environnement devient de plus en plus conventionnelle, ce qui exige une profonde réflexion notamment dans le secteur de l’assurance automobile. Document de réflexion de l’AMF Le 20 octobre 2021, l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’« AMF ») publiait un document de réflexion sur les véhicules autonomes (« VA »)1, jugeant que les développements les entourant étaient susceptible avoir des « impacts considérables sur les assureurs et sur le fonctionnement global du régime d’assurance automobile » au Québec. L’AMF aborde plusieurs pistes de réflexion intéressantes. Régime d’assurance public Selon le Code de la sécurité routière, le ministre des Transports peut actuellement prévoir par projet-pilote l’obligation des fabricants, distributeurs et vendeurs de VA de rembourser les indemnités versées par la Société d’assurance automobile du Québec (« SAAQ ») à la suite des accidents impliquant un VA2. Dans ce contexte, l’AMF se demande si ces fabricants, distributeurs et vendeurs devraient pouvoir souscrire une assurance pour se prémunir de ce type de réclamation. Régime d’assurance privé Sauf certaines exceptions, la Loi sur l’assurance automobile prévoit que le propriétaire d’un véhicule est responsable des dommages matériels causés par sa voiture3. L’erreur humaine est présentement la cause principale des collisions; toutefois, avec la venue des VA, l’attribution de la responsabilité en cas d’accident sera plus complexe. En effet, le transfert de responsabilité vers les fabricants de VA et leurs sous-traitants en cas d’accident pourrait entraîner une possible migration vers des polices d’assurance offrant des protections individuelles, de même que vers des polices destinées à la protection des fabricants ou des concepteurs de logiciels, par exemple. L’AMF se demande si le libellé actuel des polices d’assurance automobile émises à l’égard de VA devrait donc évoluer vers la notion de « faire usage » d’un véhicule et donc adapter la notion de conduite. De plus, la Convention d’indemnisation directe prévoit actuellement que les assureurs indemnisent leurs propres assurés compte tenu de la responsabilité des conducteurs des autres véhicules impliqués dans un accident. Elle permet la subrogation contre un tiers responsable de la collision, mais elle exclut les collisions impliquant les mêmes propriétaires de véhicules. Dans le contexte des VA, où un fabricant pourrait demeurer propriétaire du véhicule lors de l’utilisation, par exemple avec la mise en service de flotte de véhicules, il y a lieu de se questionner sur l’application de la Convention. Sa pertinence même est remise en question par l’AMF. D’autres points de discussions intéressant sont soulevés par l’AMF : Les constructeurs automobiles devraient-ils obligatoirement divulguer à la SAAQ les données concernant les accidents impliquant des VA? Quelles données devraient être utilisées pour déterminer les primes d’assurances associées à un VA? Y aurait-il lieu de prévoir par règlement l’ordre d’application des polices d’assurance des fabricants, des sous-traitants, et des propriétaires en cas d’accident impliquant des VA? Accusations criminelles en Californie À la suite d’un accident impliquant un VA roulant en mode « autopilote » et causant la mort de deux (2) personnes, le conducteur du véhicule a fait face à deux (2) chefs d’accusation d’homicide involontaire. L’accident a été causé par le VA qui, sortant d’une autoroute à vitesse rapide, a brulé une lumière rouge et frappé un véhicule roulant dans l’intersection. Le National Transportation Safety Board (« NTSB ») a déjà revu dans un rapport précédent « l’automatisation de complaisance » des conducteurs, qui seraient portés à trop se fier sur  les modes de conduite autonome présentement sur le marché, des modes qui exigent tout de même l’attention des conducteurs. Il faut garder à l’esprit que l’automatisation totale des véhicules n’est pas encore offerte et que les conducteurs demeurent responsables de la conduite des VA, dont la conduite n’est assurée pour le moment que par de l’automatisation partielle. Désactivation du « Passenger Play » de Tesla Depuis décembre 2020, Tesla offre dans plusieurs de ses modèles de véhicules la fonctionnalité « Passenger Play », qui permetdejouer à des jeux vidéo alors que la voiture est en marche. À la suite de la réception d’une plainte d’un conducteur de Tesla, le NTSB a ouvert une enquête et déterminé que cette option « est susceptible de distraire le conducteur et augmente le risque d’accident ». Ainsi, en décembre 2021, Tesla a annoncé que lors des prochaines mises à jour du système, le « Passenger Play » serait disponible uniquement lorsque la voiture est à l’arrêt. Des robots comme patrouilleurs frontaliers Le ministère de la sécurité intérieure des États-Unis a récemment confirmé qu’un projet-pilote concernant des robots-chiens comme surveillants de la frontière américo-mexicaine était en cours. La flotte de robots, nommés « véhicules terrestres automatisés de surveillance », est présentée comme un « multiplicateur de force ». Le projet a fait l’objet de plusieurs critiques, notamment quant à sa réelle capacité à être un acteur de changement tangible en termes de sécurité de la frontière, mais également de la part des défenseurs de la communauté, qui accusent le gouvernement de faire preuve d’un zèle de sécurité. Selon les autorités, les robots ont le potentiel de diminuer l’exposition aux risques des agents frontaliers aux danger mortels dans un environnement inhospitalier aux humains. Des autobus autonomes sur la Plaza St-Hubert Plus près de nous, nous avons eu droit à des autobus autonomes en libre circulation sur la Plaza St-Hubert, à Montréal, l’automne dernier. Keolis a mis ses véhicules autonomes disponibles sur un parcours gratuit d’une trentaine de minutes avec sept (7) arrêts. Le projet, mis en place par la Ville de Montréal, avec une subvention du gouvernement du Québec, avait comme objectif de mettre à l’épreuve les VA dans un parcours urbain dense. Document de réflexion, Préparer le Québec à l’arrivée des véhicules automatisées et connectés, Autorité des marchés financiers, 21 octobre 2021. Code de la sécurité routière, RLRQ, c C-24.2, art 633.1. Loi sur l’assurance automobile, RLRQ c A-25, art 108.

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  • Une demande d’indemnité sur cinq refusée concernant l’assurance maladies graves : quels changements devraient être apportés par les assureurs?

    L’Autorité des marchés financiers (AMF) a récemment publié une étude qu’elle a menée auprès des principaux assureurs actifs dans le domaine de l’assurance au Québec s’intitulant Rapport découlant des travaux de surveillance en assurance maladies graves1(ci-après le « Rapport »). L’étude révèle des statistiques surprenantes qui amène l’AMF à indiquer que des changements devraient être apportés dans le domaine des assurances maladies graves : les assureurs devraient tenter de démystifier les produits d’assurance pour les consommateurs afin de les aider à avoir une meilleure compréhension des polices auxquelles ils souscrivent. L’assurance maladies graves   L’assurance maladies graves est une assurance qu’un consommateur peut souscrire pour lui-même ou un proche. Une somme sera versée dans le cadre de cette assurance si l’assuré est atteint d’une maladie grave qui respecte la définition prévue dans son contrat d’assurance. Les maladies qui sont les plus souvent couvertes par ce type d’assurance sont le cancer (à un stade mettant la vie en danger), la crise cardiaque et l’accident vasculaire cérébral. En général, les principes suivants s’appliquent également à l’assurance maladies graves : Chaque contrat comporte une liste des maladies couvertes; Un contrat d’assurance peut aussi préciser des exclusions relativement aux maladies couvertes; Lorsqu’une maladie grave est couverte par un contrat d’assurance et qu’aucune exclusion ne s’applique, d’autres conditions un peuvent être incluses dans un contrat comme un délai de carence2 ou un délai de survie3. Ces délais varient d’un contrat d’assurance à l’autre. Constats de l’AMF   L’AMF a déterminé qu’une (1) demande d’indemnité sur cinq (5) concernant les assurances maladies graves est refusée par les assureurs. L’AMF constate dans son Rapport que, de manière générale, l’assurance maladies graves, tant au niveau de la compréhension des produits que de son achat, comporte plusieurs difficultés pour les consommateurs : un manque d’information, de précisions, d’accompagnement et de compréhension du consommateur serait à la base de ces problèmes. Les maladies couvertes et les caractéristiques de celles-ci diffèrent d’un produit à l’autre et d’un assureur à l’autre. Le consommateur aurait donc de la difficulté à comparer facilement les produits offerts. De plus, le langage utilisé dans la description des produits et dans la rédaction des polices est parfois complexe. Par ailleurs, les contrats d’assurance contiennent plusieurs limitations et exclusions (comme les maladies préexistantes) ainsi que des différents délais à respecter qui peuvent être complexes à comprendre. Recommandations de l’AMF   En réponse à ces constats, l’AMF a élaboré cinq (5) recommandations pour les assureurs et elle s’attend à ce que des correctifs soient apportés. Pour l’instant, aucune sanction n’est prévue par l’AMF, mais elle assure qu’elle « prendra les mesures appropriées lorsque requis »4. Éviter de créer de la confusion ou d’induire une compréhension erronée du produit chez le consommateur par la documentation produite ou les publicités Les assureurs doivent porter attention à l’utilisation des statistiques et de slogans dans leur documentation et leur publicité. L’AMF est d’avis que certaines formes de publicité induisent parfois une compréhension erronée du produit chez le consommateur quant à la couverture offerte à cause de statistiques et de slogans qui sont plus larges que la réelle couverture énoncée au contrat. Les assureurs doivent se limiter à l’information pertinente à l’égard des caractéristiques réelles du produit offert. L’AMF insiste sur le fait qu’« il faut éviter que le consommateur ait l’impression que la portée de cette couverture est plus englobante qu’en réalité, ou que son besoin d’assurance est plus important que son réel besoin ». Aider davantage le consommateur pour qu’il comprenne adéquatement le produit Un contrat d’assurance peut couvrir différentes maladies et peut contenir des caractéristiques variées. Le vocabulaire utilisé dans ces contrats d’assurance maladies graves est souvent technique et particulier au domaine de la médecine et des assurances. Pour éviter la confusion de l’assuré, les assureurs devraient lui transmettre une information pertinente et complète dans un langage accessible. L’AMF propose donc que les assureurs rendent accessibles des outils comme des guides, des lexiques, des sommaires, des illustrations et des lignes du temps avec les délais pour aider le consommateur à mieux comprendre les caractéristiques de sa police d’assurance, la portée de la couverture, les limitations et exclusions, les délais prévus, etc. Accompagner l’assuré et communiquer avec lui après l’achat d’une assurance L’AMF indique que l’accompagnement après l’achat d’une assurance maladies graves est important pour favoriser une meilleure compréhension par l’assuré de ses droits et de ses obligations et pour qu’il sache à quel moment il doit les exercer. L’AMF propose que les assureurs mettent en place des moyens de communication de l’information après l’achat, comme de l’information sur un site sécurisé, la transmission de relevés périodiques ou des rappels des options pouvant être exercées. Outiller davantage les réseaux de distribution pour conseiller adéquatement les clients L’AMF soutient que les différents intervenants des réseaux de distribution doivent être en mesure de transmettre de l’information claire et pertinente à l’assuré tout au long du cycle de vie du produit. Pour y parvenir, les assureurs devraient améliorer leurs programmes de formation et fournir des outils de référence appropriés à leurs réseaux de distribution, qui pourraient inclure les caractéristiques du produit, la clientèle cible de chaque produit, une comparaison avec les autres types de produit pour accompagner le client dans son choix, etc. Faciliter le processus de demande d’indemnité, de traitement des plaintes et de règlement des différends Les assureurs doivent s’assurer de fournir une information adéquate à l’assuré et un traitement équitable des demandes d’indemnités. L’AMF propose aux assureurs de rendre les processus de traitement des demandes ainsi que les formulaires de demande d’indemnité facilement accessible sur leur site Web. De plus, les motifs de refus d’une demande d’indemnité devraient être clairement expliqués dans la lettre transmise à l’assuré et cette lettre devrait préciser les prochaines étapes (comme la possibilité de demander une révision ou de porter plainte). Conclusion   Ainsi, les assureurs qui offrent des produits d’assurance maladies graves devraient prendre en compte les recommandations récentes de l’AMF pour mieux informer les consommateurs de leurs droits et de leurs obligations, des produits offerts et de la couverture proposée. En intégrant les suggestions de l’AMF dans leurs activités en lien avec l’assurance maladies graves, les assureurs pourront non seulement diminuer le taux de refus des demandes d’indemnité dans ce secteur, mais également éviter de potentiels litiges. Autorité des marchés financiers, Rapport découlant des travaux de surveillance en assurance maladies graves (Rapport), Québec, 2021. [Rapport] Délai afin que la protection pour une maladie grave prenne effet suite à l’entrée en vigueur d’une police d’assurance. Délai d’indemnisation suivant le diagnostic d’une maladie grave. Rapport, p.7.

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  • L’auto-assurance, possible dans le respect de la Loi sur les assureurs

    Introduction De multiples offres en assurances sont à disposition sur le marché pour protéger ses biens au Québec. Mais connaissez-vous bien toutes vos options? En 2016, nous vous entretenions sur l’assurance de pair-à-pair, qui est essentiellement une communauté d’utilisateurs ayant comme objectif d’assurer ensemble des biens semblables1. Or, en novembre 2021, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision intéressante 2 cette fois-ci sur l’auto-assurance, dans un contexte d’assurance offerte par deux associations étudiantes. Cette forme d’assurance propose qu’une première tranche d’indemnisation soit supportée par l’assuré, qui ne peut alors pas transférer cette partie du risque vers un tiers. La décision de la Cour supérieure du Québec Les faits L’Association générale des étudiants du campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières et l’Association des étudiants hors campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières (ci-après, les « Associations ») offrent une assurance santé complémentaire et dentaire à leurs 14 000 étudiants membres depuis 2014. Elles qualifient ce régime d’auto-assurance et le régime est géré à l’aide d’un assureur, Groupe Major inc. Or, l’Autorité des marchés financiers (« AMF ») s’adresse au tribunal par le moyen d’une demande en ordonnance d’injonction permanente afin que Groupe Major inc. et les Associations cessent leurs activités d’assurance. Elle soutient que les Associations agissent à titre d’assureur et qu’elles ne le peuvent pas sans son autorisation, comme cela est prévu à l’article 21 de la Loi sur les assureurs (« LA »)3. Au terme de la LA, l’autorisation de l’AMF est nécessaire à l’exercice de l’activité d’assureur dès lors qu’elle constitue l’exploitation d’une entreprise, et ce, sans égard aux autres activités que peut exercer l’exploitant. L’AMF prétend également que les Associations ne pratiquent pas de l’auto-assurance. Les Associations soutiennent qu’elles n’agissent pas à titre d’assureur, mais qu’elles pratiquent l’auto-assurance. De plus, elles argumentent que l’article 21 LA ne peut pas s’appliquer à leurs activités puisqu’elles sont des organismes sans but lucratif et donc qu’elles ne peuvent pas exploiter une entreprise au sens de la loi. Les motifs de la Cour La Cour définit la notion de contrat d’auto-assurance en droit québécois : l’assuré décide de ne pas souscrire de contrat d’assurance pour une partie ou la totalité du risque, décidant plutôt d’en assumer lui-même les conséquences financières, donc sans transfert de risques vers un tiers. Le tribunal détermine que les Associations sont les preneurs et les étudiants membres sont les assurés. En ce sens, il ne peut s’agir d’un contrat d’auto-assurance puisque le risque des étudiants membres est transféré aux Associations qui acceptent de l’assurer en contrepartie du versement d’une prime. Ensuite, la Cour conclut que l’assurance santé complémentaire et dentaire offerte par les Associations constitue une activité d’assureur dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise, conformément à l’article 21 LA. Même si les Associations sont des organismes à but non lucratif, elles peuvent exploiter une entreprise et l’application de l’article 21 LA ne requiert pas une analyse de la nature de l’organisme dans sa globalité. Les ententes intervenues entre les associations étudiantes et Groupe Major inc. visaient un objectif économique préétabli, soit de bénéficier des profits qu’aurait normalement réalisés un assureur. Les Associations offrent ce produit depuis près de sept ans, donc il ne s’agit pas d’une activité épisodique ou occasionnelle. Conclusion La Cour supérieure du Québec a accueilli la demande en injonction permanente de l’AMF contre les Associations. Elle ordonne aux Associations de cesser, dans les trois (3) mois suivant le jugement, toute activité d’assurance visée à la LA et au Groupe Major inc., de cesser d’agir à titre de tierce partie administratrice à l’égard de tout régime d’auto-assurance mis en place par les Associations. *** L’auto-assurance peut permettre à un assuré d’économiser sur sa prime d’assurance, en offrant une protection sur « l’essentiel » d’une réclamation à un moindre coût. Cependant, elle doit être pratiquée dans le respect de la loi. L’assurance « pair à pair » : un retour aux sources… révolutionnaire ? (lavery.ca). Association générale des étudiants hors campus de l'Université du Québec à Trois-Rivières (AGÉHCUQTR) c. Autorité des marchés financiers, 2021 QCCS 5090. Loi sur les assureurs, RLRQ c A-32.1.

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  • L’arrêt Prelco de la Cour suprême du Canada : L’application des clauses de limitation de responsabilité en cas de manquement à une obligation essentielle d’un contrat

    Introduction Les clauses de non-responsabilité sont souvent incluses dans plusieurs types de contrats. Elles sont en principe valides et permettent de limiter (clause limitative) ou de supprimer (clause exonératoire) la responsabilité d’une partie relativement à ses obligations contenues dans un contrat. La décision unanime récente de la Cour suprême du Canada confirme qu’en droit québécois les parties peuvent limiter ou exclure leur responsabilité dans le cadre d’un contrat de gré à gré. Une partie peut toutefois faire déclarer inopérante une telle clause en invoquant la théorie du manquement à une obligation essentielle du contrat. En l’espèce, la Cour suprême du Canada a cependant confirmé la validité de la clause en jeu et circonscrit les limites de l’application de cette théorie. La décision de la Cour suprême du Canada Les faits Le litige porte sur un contrat signé entre 6362222 Canada inc. (« Créatech »), un cabinet de services-conseils spécialisé en amélioration de la performance et en implantation de systèmes de gestion intégrés, et Prelco inc. (« Prelco »), une entreprise manufacturière œuvrant dans la fabrication et la transformation du verre plat. En vertu du contrat conclu entre les parties en 2008, Créatech devait fournir des logiciels et des services professionnels pour aider Prelco à implanter un système de gestion intégré. Le projet de contrat est préparé par Créatech et Prelco ne demande aucune modification aux conditions générales proposées. Une clause intitulée « Responsabilité limitée » est prévue au contrat. Elle prévoit que la responsabilité de Créatech face à Prelco pour les dommages attribuables à quelque cause que ce soit est limitée aux sommes versées à Créatech. La clause prévoit aussi que Créatech ne peut être tenue responsable pour quelconque dommage résultant de la perte de données, de profits ou de revenus ou découlant de l’utilisation de produits, ou pour tout autre dommage particulier, direct ou indirect. Or, lors de l’implantation du système, plusieurs problèmes surviennent et Prelco décide de mettre fin à ses relations contractuelles avec Créatech. Prelco intente une action en dommages-intérêts contre Créatech pour le remboursement d’un trop-payé, des frais engagés pour rétablir le système, des réclamations de ses clients ainsi que des pertes de profits. Créatech dépose une demande reconventionnelle pour le solde impayé pour le projet. En première instance, la Cour supérieure du Québec a conclu que la clause limitative de responsabilité était inopérante en vertu de la théorie du manquement à une obligation essentielle. Créatech avait manqué à son obligation essentielle en n’ayant pas correctement tenu compte des besoins d’exploitation de Prelco lors de l’implantation du système de gestion intégré. La Cour d’appel du Québec a confirmé la décision du juge de première instance et soutenu que la théorie du manquement à une obligation essentielle peut neutraliser l’effet d’une clause exonératoire ou limitative de responsabilité du seul fait que le manquement porte sur une obligation essentielle. Les motifs de la Cour suprême du Canada La Cour suprême du Canada accueille le pourvoi et infirme les décisions des instances inférieures. Sous la plume du juge en chef Wagner et du juge Kasirer, la Cour suprême juge que la clause limitative de responsabilité du contrat entre les parties est valide, même en présence du manquement à l’obligation essentielle reproché à Créatech. La Cour suprême se penche sur les deux fondements juridiques sur lesquels peut reposer la théorie du manquement à une obligation essentielle, soit la validité de la clause au regard de l’ordre public la validité de la clause au regard de l’exigence relative à la cause de l’obligation. En l’espèce, la Cour détermine que l’ordre public n’a pas pour effet de rendre inopérante la clause de limitation de responsabilité puisqu’il s’agit d’un contrat de gré à gré et que les parties sont libres de répartir entre elles les risques associés à une inexécution contractuelle, même s’il s’agit d’une obligation essentielle. Quant à la validité de la clause de limitation de responsabilité, la Cour détermine qu’elle n’est pas une clause de non-obligation qui ferait échec à la réciprocité des obligations. Créatech avait d’importantes obligations envers Prelco et cette dernière pouvait conserver le système de gestion intégré, obtenir des dommages-intérêts à l’égard des services déficients et être indemnisée des frais requis pour l’exécution en nature par remplacement, à la hauteur des frais payés à Créatech. La clause de limitation de responsabilité ne prive donc pas l’obligation contractuelle de sa cause objective et n’exclut pas toute sanction. La Cour explique : « [86]   Ainsi, l’art. 1371 C.c.Q. vise les clauses contractuelles qui suppriment ou excluent toutes les obligations du débiteur et, ce faisant, privent l’obligation corrélative de sa cause. Lorsqu’un contrat est assorti de telles clauses, on peut alors dire que la nature réciproque du rapport contractuel est remise en question (art. 1371, 1378 al. 1, 1380 al. 1, 1381 al. 1 et 1458 C.c.Q.). Appliquer un critère plus exigeant équivaudrait à annuler ou à réviser un contrat en appréciant l’équivalence plutôt que l’existence de la prestation du débiteur, et à introduire de ce fait, de manière détournée, le concept de lésion que le Code délimite étroitement. » 1 En l’espèce, Prelco demeure liée par la clause limitative de responsabilité. La Cour suprême du Canada est d’avis que le juge de première instance et la Cour d’appel ont commis une erreur de droit en jugeant inopérante la clause limitative de responsabilité. L’appel de Créatech est accueilli. Conclusion Cette décision de la Cour suprême du Canada confirme l’importance attribuée dans le droit québécois aux principes de l’autonomie des parties contractantes et de la liberté contractuelle entre des personnes commerciales avisées. La théorie du manquement à une obligation essentielle ne permet pas de contourner facilement le principe de liberté contractuelle : nous ne pouvons pas affirmer qu’une obligation est privée de sa cause lorsqu’une sanction d’inexécution des obligations essentielles au contrat est prévue dans une clause de limitation de responsabilité. 6362222 Canada inc. c. Prelco inc., 2021 CSC 39, par. 86.

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  • Les avantages insoupçonnés du transport automatisé en temps de pandémie

    La situation liée à la COVID-19 engendre des bouleversements importants sur le plan humanitaire à travers le monde, mais également sur le plan du développement des affaires et de l’économie. Malgré tout, plusieurs développements et nouveaux projets concernant les voitures autonomes (« VA ») ont vu le jour depuis mars dernier.  En voici un survol. Distanciation simplifiée grâce à la livraison sans contact Dès la mi-avril 2020, dans la baie de San Francisco, des VA Cruise de General Motors Co. ont été mis sur la route afin d’assister dans la livraison de près de 4 000 repas en huit jours pour deux banques alimentaires. Les livraisons se sont effectuées avec deux chauffeurs volontaires afin de superviser l’opération des VA de niveau 3. Le vice-président des affaires gouvernementales de Cruise, Rob Grant, a commenté sur l’utilité des voitures autonomes : « What I do see is this pandemic really showing where self-driving vehicles can be of use in the future.  That includes in contactless delivery like we’re doing here »1. Toujours en Californie en avril, des VA de l’entreprise en démarrage Nuro inc. ont été mis à la disposition d’un hôpital à Sacramento afin de transporter des équipements médicaux dans le comté de San Mateo.  Les voitures autonomes Pony de Toyota ont quant à eux servi à livrer des repas pour des refuges locaux de la ville de Fremont dans la région d’Irvine, en Californie.  Innovation : les premiers essais des véhicules autonomes de niveau 4 En juillet 2020, Navya Group a réussi avec succès ses premiers essais d’une voiture autonome de niveau 4 dans un site clos.  Cette opération a eu lieu en partenariat avec Groupe Keolis sur le site du Centre national de sports de tir et permet aux visiteurs et athlètes de se déplacer du stationnement à la réception du Centre.  Il s’agit d’une avancée importante puisqu’il s’agit du premier véhicule de niveau 4 à être mis sur la route, donc ayant une automatisation totale ne nécessitant pas qu’un conducteur humain soit présent dans le véhicule afin d’assurer la maîtrise de celui-ci en cas de situation critique. Des autobus autonomes et des voies réservées dans les prochaines années En août 2020, l’État de Michigan a annoncé qu’il mettrait de l’avant des démarches actives afin que des voies soient dédiées exclusivement à l’utilisation de VA sur une portion de 65 km de l’autoroute entre Detroit et Ann Arbour.  Cette initiative débutera avec une étude qui s’effectuera au cours des trois prochaines années.  Ce projet ambitieux vise entre autres à permettre aux autobus autonomes de circuler dans ce corridor afin de connecter l’université du Michigan à l’aéroport métropolitain de Détroit, au centre-ville. En septembre 2020, le premier circuit de VA au Japon a été inauguré à l’aéroport Haneda de Tokyo.  Le trajet régulier s’étend sur une distance de 700 mètres dans l’aéroport.  Un drame qui rappelle que la prudence doit être la priorité Le 18 mars 2018 à Tempe, en Arizona, une piétonne a été tuée par suite d’une collision avec un véhicule de marque Volvo dont la conduite était assurée par un programme d’essai d’un logiciel de conduite automatisée de Uber Technologies, inc. Le véhicule impliqué dans cet accident en était au stade de mise-au-point et il correspondait à un VA de niveau 3, nécessitant qu’un conducteur humain demeure attentif en tout temps afin de reprendre le contrôle du véhicule en situation critique, selon la norme J3016 de la SAE International. L’enquête menée par le National Transportation Safety Board a déterminé que le système de conduite automatisée du véhicule avait détecté la piétonne, mais n’avait pas été en mesure de la qualifier et de prédire son trajet.  De plus, les vidéos de la conductrice à l’intérieur du VA démontraient qu’elle n’était pas attentive à la route au moment de l’accident, mais regardait plutôt son téléphone cellulaire déposé sur la console du véhicule. Or, en septembre 2020, la conductrice du véhicule a été inculpée par les autorités et accusée d’homicide par négligence.  La conductrice a plaidé non coupable et la conférence préparatoire se tiendra à la fin du mois d’octobre 2020.  Nous vous garderons informés des développements dans ce dossier.   Dans toutes les sphères de l’économie, dont l’industrie du transport et plus particulièrement des VA, des projets ont été mis sur la glace en raison de la situation actuelle liée à la COVID-19. Malgré tout, plusieurs projets ont vu le jour, comme les projets de livraison sans contact, qui sont maintenant plus pertinents que jamais avec la COVID-19. Mis à part le projet de Navya Group qui concerne des véhicules de niveau 4, les initiatives mentionnées impliquent des véhicules de niveau 3. La conduite de ces véhicules, dont la présence sur les routes au Québec est permise, doit être assurée par un conducteur humain. Les accusations récemment portées contre la conductrice inattentive en Arizona doivent servir de rappel à tous les conducteurs de voitures autonomes de niveau 3 : peu importe le contexte relié un accident, leur responsabilité peut être engagée.  La mise en œuvre du projet de voitures autonomes dans le monde se fait lentement, mais sûrement. De nombreux projets verrons prochainement le jour, dont au Québec. Par la multiplication de ces initiatives, l’acceptabilité sociale des VA en bénéficiera et la normalisation de ces véhicules sur nos routes est à nos portes.   Financial Post, 29 avril 2020, Self-driving vehicules get in on the delivery scene amid COVID-19.

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  • Quelles leçons pouvons-nous tirer de l’accident mortel de 2018 en Arizona impliquant un véhicule autonome?

    Le 18 mars 2018, à Tempe, en Arizona, un véhicule dont la conduite était assurée par un programme d’essais d’un logiciel de conduite automatisée est entré en collision avec une piétonne, causant sa mort.  À la suite de cet accident, le National Transportation Safety Board (« NTSB ») des États-Unis a mené une enquête et, le 19 novembre 2019, publié ses résultats préliminaires et recommandations1. Les circonstances de l’accident impliquant une voiture autonome d’Uber Le véhicule autonome (« VA ») de marque Volvo XC90 2017 était muni d’un programme d’essais d’un système de conduite automatisée d’Uber Technologies inc. (« Uber »). Alors que le véhicule circulait à une vitesse d’environ 72 km/h et réalisait la seconde partie d’un trajet prédéterminé dans le cadre d’un essai de conduite, une piétonne a traversé la rue entre les intersections. Il a été déterminé par l’enquête du NTSB que le système de conduite automatisée du véhicule avait détecté la piétonne, mais n’avait pas été en mesure de la qualifier de piétonne et de prédire son trajet. De plus, le système de conduite automatisée a empêché l’activation du système de freinage d’urgence du véhicule, se fiant plutôt à l’intervention de la conductrice humaine à bord afin de pouvoir prendre le contrôle du véhicule dans cette situation critique. Or, des vidéos de l’intérieur du véhicule montrent que la conductrice n’était pas attentive à la route, mais regardait plutôt son téléphone cellulaire déposé sur la console du véhicule. Alors que la collision entre la piétonne et le véhicule était imminente, la conductrice inattentive n’a pas été en mesure de prendre le contrôle du véhicule à temps pour prévenir l’accident et mitiger les dommages. Quelles sont les causes de l’accident? Le NTSB a émis plusieurs constats, dont les suivants : L’expérience et la connaissance de la conductrice ne constituaient pas des facteurs dans l’accident, non plus que sa fatigue ou ses facultés, ni même l’état mécanique du véhicule; Un examen de la piétonne a révélé la présence dans son organisme de drogues susceptibles d’affaiblir sa perception et son jugement; Le système de conduite automatisée d’Uber n’a pas anticipé de manière adéquate ses limites quant à sa sécurité, y compris son incapacité de qualifier la piétonne et de prédire son trajet; La conductrice du véhicule était distraite dans les moments qui ont précédé l’accident.  Si elle avait été attentive, elle aurait eu le temps de voir la piétonne et de prendre le contrôle du véhicule pour éviter l’accident ou mitiger ses impacts; Uber n’a pas adéquatement reconnu les risques liés à la distraction des conducteurs de ses automobiles; Uber a retiré de ses essais le second conducteur du véhicule, faisant en sorte de confier l’entièreté de la responsabilité de l’intervention en situation critique sur la seule conductrice et ainsi réduire la sécurité du véhicule. Il a été déterminé que la cause probable de l’accident a été la distraction de la conductrice et son défaut de prendre le contrôle du VA en situation critique. Des facteurs additionnels ont été déterminés, notamment l’insuffisance des mesures de sécurité du véhicule et de surveillance des conducteurs, démontrant des carences au niveau de la culture de sécurité d’Uber. Le NTSB émet des recommandations, notamment : L’Arizona devrait mettre en place des obligations quant aux développeurs de projets liés aux VA en ce qui a trait aux risques associés à l’inattention des conducteurs des véhicules et qui visent la prévention des accidents et la mitigation des risques; Le NTSB devrait exiger des entités qui réalisent des projets liés aux VA qu’elles soumettent une auto-évaluation quant aux mesures de sécurité de leurs véhicules. Le NTSB devrait également établir un processus d’évaluation quant aux mesures de sécurité des VA; Uber devrait mettre en place une politique concernant la sécurité de ses logiciels de conduite automatisée. Un drame identique lié aux véhicules autonomes peut-il se produire au Québec et au Canada? À la suite de la mise à jour du Code de la sécurité routière en avril 2018, la conduite des VA de niveau 3 dans la province de Québec est permise lorsque leur vente est possible au pays. La conduite des véhicules automatisés de niveaux 4 et 5 est permise lorsqu’elle est expressément encadrée par un projet-pilote2. Selon la norme J3016 de la SAE International, les VA de niveau 3 sont des véhicules à automatisation dite conditionnelle, dont la conduite active se fait de manière automatisée, mais où le conducteur humain doit demeurer attentif afin de pouvoir prendre le contrôle du véhicule en situation critique. Ainsi, le véhicule impliqué dans l’accident d’Arizona, bien que toujours à son stade de mise au point, correspond à un VA de niveau 3. Des VA de niveau 3 circulent maintenant sur les routes du Québec en toute légalité. Au Canada, la Loi sur la sécurité automobile3 et ses règlements connexes régissent « la fabrication et l’importation des véhicules et équipements automobiles en vue de limiter les risques de mort, de blessures et de dommages matériels et environnementaux ». Or, aucune disposition ne prévoit actuellement l’encadrement spécifique des logiciels de conduite automatisée, ni ne régit les risques associés à l’inattention des conducteurs de VA de niveau 3. Avec l’arrivée des VA au pays, en marge des recommandations du NTSB et pour assurer la sécurité de tous, l’encadrement actuel serait à parfaire pour répondre spécifiquement aux mesures de sécurité des VA.   National Transportation Safety Board, Public Meeting of November 19, 2019, “Collision Between Vehicle Controlled by Developmental Automated Driving System and Pedestrian”, Tempe, Arizona, March 18, 2019, HWY18MH010. Code de la sécurité routière, RLRQ c C-24.2, art. 492.8 et 633.1; la conduite des véhicules automatisés est encadrée en Ontario par le Pilot Project - Automated Vehicles, O Reg 306/15. Loi sur la sécurité automobile, L.C. 1993, ch. 16 ; voir entre autre Règlement sur la sécurité des véhicules automobiles, CRC, c 1038.

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  • Véhicules aériens autonomes : sont-ils aux portes de nos villes?

    Depuis plusieurs années maintenant, il est question de l’arrivée des véhicules autonomes sur les routes du Québec. En avril 2018, le législateur a en conséquence modifié le Code de la sécurité routière1 afin de l’adapter aux particularités de ces nouveaux véhicules. Toutefois, le secteur de l’automobile n’est pas le seul transformé par l’automatisation : l’industrie de l’aéronautique est aussi en profond changement, notamment en ce qui concerne l’implantation des technologies de transport aérien autonome dans le cadre des déplacements urbains. Terminologie Les termes utilisés dans l’industrie du transport aérien autonome sont nombreux. Il est notamment possible de penser à des « voitures volantes autonomes », « véhicules aériens non habités » et même à des « taxis aériens autonomes ». Malgré cette diversité, l’Organisation de l’aviation civile internationale (aussi appelée « OACI ») a proposé certains termes qui ont été repris dans plusieurs documents officiels, dont des textes législatifs2. Ces termes sont les suivants : Véhicule aérien non habité : Véhicule motorisé autonome fabriqué pour effectuer des vols sans intervention humaine, mais exclut les modèles réduits d’aéronef (drones); Système aérien sans pilote : Véhicule motorisé autonome qui nécessite une certaine intervention humaine autre que le pilotage (par exemple un poste de commande, liaisons de transmission, matériel de communication et de navigation); Système d’aéronef piloté à distance : Véhicule motorisé partiellement autonome, qui se caractérise par la présence d’un pilote qui dirige l’appareil à partir d’un poste de pilotage; Modèle réduit d’aéronef (aussi appelé « drone ») : Aéronef de taille réduite dont le poids maximal est de 35kg. Ces véhicules n’ont pas comme finalité le transport de personnes. Cela étant dit, la législation canadienne utilise un vocabulaire particulier et désigne un système d’aéronef télépiloté comme étant un « ensemble d’éléments configurables comprenant un aéronef télépiloté, un poste de contrôle, des liaisons de commande et de contrôle et d’autres éléments nécessaires pendant les opérations aériennes », alors qu’un aéronef télépiloté correspond à « un aéronef navigable utilisé par un pilote qui n’est pas à son bord, à l’exclusion d’un cerf-volant, d’une fusée ou d’un ballon »3. Cadre Législatif En vertu de l’article 8 de la Convention relative à l'aviation civile internationale4, il est interdit pour les véhicules aériens sans pilote de survoler le territoire d’un État sans avoir préalablement obtenu l’autorisation de l’État en cause. Au Canada, les normes régissant l’aviation civile se retrouvent dans la Loi sur l’aéronautique5 et ses règlements afférents. Selon le paragraphe 901.32 du Règlement de l’aviation canadien (ci-après « RAC »), « il est interdit au pilote d’utiliser un système d’aéronef télépiloté autonome ou un autre système d’aéronef télépiloté s’il n’est pas en mesure de prendre immédiatement les commandes de l’aéronef »6. Depuis la mise à jour du RAC en 2017, il est maintenant possible de faire voler quatre catégories d’appareils allant de « très petits aéronefs télépilotés » aux « grands aéronefs télépilotés »7, au terme de certaines exigences législatives : L’utilisation des aéronefs télépilotés dont le poids varie entre 250g à 25kg sera permise moyennant la réussite d’un test de connaissances ou l’obtention d’un permis de pilote, le cas échéant8; Quant aux aéronefs télépilotés de plus de 25kg, qui seront utilisés pour le transport de personnes, il est obligatoire d’obtenir un certificat d’opération aérienne pour en faire l’utilisation9. Projets en cours De nombreux projets de mise au point de véhicules aériens autonomes sont en cours. Les projets les plus médiatisés et les plus avancés sont ceux de certains géants de l’automobile, de l’aéronautique et de la technologie, dont le « Vahana » de Airbus, le programme « NeXt » de Boeing, « SkyDive » de Toyota et le « Kitty Hawk Cora » de Google10. Malgré tout, le projet le plus complet semble être « l’Uber Air ». En plus de travailler activement au développement d’un tel véhicule avec plusieurs partenaires comme Bell et Thales Group, le projet d’Uber se démarque en misant également sur tous les aspects entourant sa mise en marché. Le lancement du programme est prévu dans trois villes dès 202311. Ces villes devraient accueillir une flotte d'essai d'environ 50 aéronefs reliant cinq « skyports » dans chaque ville12. Défis Malgré le fait que la technologie semble avancer rapidement, plusieurs obstacles restent à franchir afin que ce moyen de transport puisse réellement être implanté dans nos villes, notamment la question du bruit de ces appareils, la certification des véhicules, la question des coûts et de la rentabilité, la sécurité liée à l’utilisation urbaine de ces véhicules, l’acceptabilité sociale de ce moyen de transport et la mise en place d’infrastructures nécessaires au fonctionnement de ces engins. En matière de responsabilité en cas d’accident de véhicule aérien autonome, nous pouvons entrevoir que la responsabilité des fabricants de véhicules aériens autonomes pourra être engagée, tout comme celle des sous-traitants ayant participé à sa fabrication, dont les fabricants des logiciels de conduite et des ordinateurs de vol. Des litiges complexes pourront donc potentiellement se présenter à nous. Conclusion Une étude prédit qu’il y aura environ 15 000 taxis aériens d’ici 2035 et que cette industrie aura alors une valeur de plus de 32 milliards de dollars13. Dans une perspective de réchauffement planétaire, de transport durable et afin de palier l’étalement urbain, ces véhicules proposent une alternative de transport collectif intéressante, qui modifiera possiblement nos habitudes quotidiennes. La voiture volante est finalement à nos portes!   Code de la sécurité routière, RLRQ, c C-24.2. Gouvernement du Canada, Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, Les véhicules aériens sans pilote au Canada, Mars 2013, aux pp. 4-5. Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433, art 101.01. Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), Convention relative à l'aviation civile internationale (« Convention de Chicago »), 7 décembre 1944, (1994) 15 U.N.T.S. 295. Loi sur l’aéronautique, LRC 1985, c A-2. Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433, art 901.32. Gouvernement du Canada, Gazette du Canada, Règlement modifiant le Règlement de l’aviation canadien (systèmes d’aéronefs sans pilote) – Résumé de l’impact de la réglementation, 15 juillet 2017. Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433, art 901.64. et ss. Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433, art 700.01.1 et ss. Engineers Journal, The 13 engineers leading the way to flying car, 29 mai 2018 Dallas, Los Angeles, et une ville qui n’est pas encore annoncée. Uber Elevate, Fast-Forwarding to a Future of On-Demand Urban Air Transportation, 27 octobre 2016 Porsche Consulting, The Future of Vertical Mobility – Sizing the market for passanger, inspection, and good services until 2035, 2018

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  • Véhicules autonomes : entrée en vigueur d’un premier projet-pilote

    Le 16 août 2018, Projet-pilote relatif aux autobus et aux minibus autonomes 1 (ci-après, le « Projet-pilote ») est entré en vigueur au Québec. Ce projet prévoit les lignes directrices en matière de conduite encadrée des premiers véhicules autonomes sur le territoire québécois. La conduite des véhicules autonomes au québec Le terme véhicule autonome a été défini par le nouveau Code de la sécurité routière comme étant « un véhicule routier équipé d’un système de conduite autonome qui a la capacité de conduire un véhicule conformément au niveau d’automatisation de conduite 3, 4 ou 5 de la norme J3016 de la SAE International »2. La conduite de ces véhicules est actuellement prohibée au Québec, sauf dans la mesure où un projet-pilote l’encadre3. Conditions d’amissibilité Afin d’être autorisé par le ministre en vertu du Projet-pilote, le fabricant, distributeur ou exploitant de véhicules autonomes (référé par la loi comme étant le « promoteur ») doit transmettre au ministre des Transports et à la Société de l’assurance automobile du Québec (la « SAAQ ») plusieurs informations concernant son projet d’expérimentation, notamment : -      une demande présentant le projet et ses objectifs; -      une description des véhicules qui seront utilisés; -      le territoire visé par le projet; -      les mesures de sécurité proposées4. Assurance et cautionnement Conformément au nouveau Code de la sécurité routière, le Projet-pilote prévoit que le promoteur d’un projet devra se munir d’une assurance-responsabilité pour la somme minimale de 1 000 000 $ afin de garantir l’indemnisation d’un préjudice matériel5. En cas d’accident impliquant un véhicule autonome visé par un projet d’expérimentation, la SAAQ pourra recouvrer auprès du fabricant ou du distributeur du véhicule autonome impliqué dans l’accident les indemnités payées aux termes de la Loi sur l’assurance automobile6. Dans un tel cas, l’exploitant d’un projet aura l’obligation de rembourser les indemnités7. Un cautionnement devra aussi être fourni à la SAAQ afin de garantir ce remboursement, dont le montant sera fixé par le ministre au cas par cas, selon le projet. Le fabricant ou distributeur auquel la SAAQ aura réclamé des indemnités pourra refuser de les rembourser ou encore demander la diminution du montant réclamé dans les deux cas suivants : 1)    s’il démontre que la faute a été commise par la victime ou un tiers; ou 2)    en cas de force majeure8. Projet d’expérimentation Par son entrée en vigueur, le Projet-pilote a autorisé un premier projet d’expérimentation au Québec, soit celui de l’entreprise Keolis Canada Innovation, s.e.c9. Ce projet vise la mise en service de minibus autonomes de marque Navya pouvant transporter jusqu’à 15 passagers qui circuleront dans un circuit fermé à Candiac. Les véhicules circuleront à une vitesse maximale de 25 km/h et un conducteur sera présent à bord afin de pouvoir prendre le contrôle du véhicule, au besoin10. Maintenant que le cadre législatif le permet, parions sur la venue de plusieurs autres projets dans l’avenir.   Projet-pilote relatif aux autobus et aux minibus autonomes (Code de la sécurité routière, RLRQ chapitre C-24.2, art. 633.1).[Projet-pilote] Code de la sécurité routière, RLRQ chapitre C-24.2, art. 4. Code de la sécurité routière, RLRQ chapitre C-24.2, art. 492.8; sauf pour les véhicules de niveau 3, qui peuvent circuler si leur vente est permise au Canada. Projet-pilote, art 4. Projet-pilote, art 20. Loi sur l’assurance automobile, RLRQ c A-25. Projet-pilote, art 21. Projet-pilote, art 22. Projet-pilote, art 26. « Une navette sans conducteur à l’essai pour un an à Candiac », La Presse, 11 août 2018, Montréal.  

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  • Voitures autonomes au Québec : le flou juridique enfin comblé

    Suite à l’adoption de la Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions1 le 17 avril 2018, la conduite des voitures autonomes au Québec est enfin encadrée, bien que plusieurs incertitudes planent toujours.  En effet, la conduite des voitures autonomes d’automatisation de niveau 3, tel le modèle X de Tesla muni du système de pilotage amélioré, est désormais officiellement permise au Québec. En ce qui a trait à la conduite des véhicules de niveau 4 et 5, elle est pour l’instant interdite, mais nous pouvons prévoir que celle-ci sera possible dans le cadre d’un projet-pilote mis en place par le gouvernement puisque celui-ci a « manifesté sa volonté de voir le Québec devenir un chef de file reconnu dans certains segments des véhicules électriques et intelligents »2. En rappel, les niveaux d’autonomisation pour les voitures : niveau 0, c’est-à-dire aucune automatisation; niveau 1, procurant des fonctions d’assistance au conducteur; niveau 2, d’autonomie dite partielle, c’est-à-dire qui procure des fonctions d’assistance et d’accélération/décélération automatique, mais exige que le conducteur humain garde le contrôle sur toutes les fonctions de conduite dynamique; niveau 3, c’est-à-dire d’automatisation conditionnelle, qui propose des fonctions de conduite dynamiques exécutées par le système de contrôle, mais nécessitant que le conducteur humain demeure disponible en tout temps; niveau 4, c’est-à-dire d’automatisation importante, soit lorsque le système de contrôle d’un véhicule offre un contrôle total de toutes les fonctions de conduite, même en situation de sécurité critique; et niveau 5, d’automatisation complète, lorsqu’un véhicule exécute toutes les fonctions de conduite seul, sans possibilité pour l’humain d’intervenir. « L’ANCIEN » CODE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE Jusqu'à tout récemment, le Code de la sécurité routière3(ci-après le « Code ») omettait d’inclure une définition de véhicule autonome. Il définissait un véhicule routier comme étant un « véhicule motorisé qui peut circuler sur un chemin » et un véhicule automobile comme « un véhicule routier motorisé qui est adapté essentiellement pour le transport d’une personne ou d’un bien »4. Ces définitions larges et l’absence de définition spécifique de véhicule autonome créaient un flou juridique. Les véhicules autonomes étaient-ils permis sur les routes du Québec ? Que serait-il arrivé en cas d’accident impliquant un véhicule autonome? Le ministère a reconnu ce flou juridique et procédé à des amendements au Code concernant entre autres les véhicules autonomes. LE « NOUVEAU » CODE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE Le Code définit désormais une voiture autonome comme « un véhicule routier équipé d’un système de conduite autonome qui a la capacité de conduire un véhicule conformément au niveau d’automatisation de conduite 3, 4 ou 5 de la norme J3016 de la SAE International »5. Suivant les amendements apportés au Code, la conduite des voitures autonomes sur les routes du Québec sera interdite, mis à part pour les voiture d’automatisation de niveau 3, lorsque leur vente est permise au Canada6. Cela dit, le ministère des Transports pourra mettre sur pied des projets-pilotes relatifs aux voitures autonomes visant « à étudier, à expérimenter ou à innover »7. Ces projets-pilotes auront une durée de cinq (5) ans et pourront également « prévoir une exemption de contribution d’assurance associée à l’autorisation de circuler ainsi que fixer le montant minimum obligatoire de l’assurance responsabilité garantissant l’indemnisation du préjudice matériel causé par une automobile »8. Quant à la responsabilité en cas d’accident impliquant un véhicule autonome, « l’obligation, pour le fabricant ou le distributeur, de rembourser à la Société [de l’assurance automobile du Québec] les indemnités qu’elle sera tenue de verser en cas d’accident automobile »9 pourra être prévue dans un projet-pilote. IMPLICATIONS ET INCERTITUDES Alors que le ministre des Transports du Québec, André Fortin, soutien que le nouveau Code est « tourné vers l'avenir » et est confiant qu’il permettra « d’améliorer davantage le bilan routier québécois »10, des incertitudes planent toujours quant aux conditions qui seront établies afin d’encadrer les projets mettant en jeu les voitures d’automatisation des niveaux 4 et 5. Également, les obligations des conducteurs et des fabricants de voitures autonomes eu égard à l’assurance responsabilité devront être clarifiées. Un cadre plus précis quant à la responsabilité des fabricants de voitures autonomes devra nécessairement être mis en place par le législateur. Le gouvernement québécois n’aura donc d’autre choix que de continuer à mettre les bouchées doubles afin que des projets-pilotes soient proposés, notamment pour rattraper l’Ontario qui a déjà en place depuis 2016 son projet-pilote visant les voitures autonomes11.   PL 165, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions; La date de sanction et d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions n’est pas encore déterminée. Gouvernement du Québec, ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, « Le gouvernement du Québec soutient la Grappe industrielle des véhicules électriques et intelligents », Montréal, 13 avril 2018, en ligne. Code de la sécurité routière, RLRQ, c C-24.2. Code de la sécurité routière, RLRQ, c C-24.2, art 4. PL 165, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, art 4. PL 165, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, art 125 (ajout de l’article 492.8 au Code de la sécurité routière). PL 165, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, art 164 (modification de l’article 633.1 du Code de la sécurité routière). PL 165, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, art 164 (modification de l’article 633.1 du Code de la sécurité routière). PL 165, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d’autres dispositions, art 164 (modification de l’article 633.1 du Code de la sécurité routière). Journal des débats de l’Assemblée nationale, Vol. 44, N° 327, 17 avril 2018 (en ligne).  Pilot Project - Automated Vehicles, O Reg 306/15.    

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  • Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications du Canada émet un rapport sur la conduite des voitures intelligentes

    Introduction En janvier 2018, à la demande du ministre des Transports du Canada, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications (ci-après le « Comité »), présidé par l’honorable David Tkachuk, a publié un rapport sur les incidences de l’utilisation des véhicules automatisés au pays. Les premières générations de ces véhicules roulent déjà sur nos routes et leur utilisation accrue aura probablement de grandes conséquences sociales, notamment la réduction du taux d’accident1 et une plus grande liberté de transport pour les ainés, mais aussi possiblement la perte d’emplois au pays. Le Comité a émis seize (16) recommandations visant les véhicules intelligents2, notamment sur la cybersécurité et l’assurance de ces véhicules et il presse le gouvernement d’agir maintenant puisque « la technologie devancera la réglementation ». Les constructeurs automobiles semblent du même avis alors que Shawn Stephens, directeur de la planification et de la stratégie chez BMW Canada, expliquait que «la technologie est prête. Les constructeurs sont prêts. Ce sont les lois et le gouvernement qui nous freinent»3. Les véhicules branchés et les véhicules automatisés Les véhicules dits branchés sont décrits par le Comité comme faisant appel à deux types de technologies : celle destinée à « l’infodivertissement » et celle visant la communication entre véhicules. Ces véhicules branchés peuvent donc recevoir de l’information sur les véhicules avoisinants, par exemple leur vitesse, des itinéraires pertinents et les services disponibles le long du trajet emprunté. Quant à eux, les véhicules automatisés permettent une conduite plus ou moins autonome faisant appel à différentes technologies. L’automatisation de ces véhicules est classifiée du niveau 0 au niveau 5, soit d’aucune automatisation à une automatisation totale correspondant à un véhicule qui est conduit entièrement seul, sans la possibilité pour l’humain d’intervenir4. L’appellation voitures intelligentes englobe ces deux catégories. Cybersécurité Le Comité recommande qu’un guide sur les pratiques exemplaires en matière de cybersécurité soit adopté. En effet, la menace de cyberattaque visant les voitures intelligentes préoccupe l’industrie automobile depuis quelques années, à tel point que dès juillet 2015, l’Automotive Information Sharing and Analysis Centre a été mis sur pied pour permettre à différents constructeurs de partager leurs connaissance et de collaborer à cet égard. Une cyberattaque contre un véhicule intelligent pourrait viser autant l’intégrité de ses données électroniques, et donc la sécurité des passagers, que les informations personnelles des conducteurs obtenues par le véhicule. D’ailleurs, une recommandation quant à la rédaction d’un projet de loi visant la protection des renseignements personnels des utilisateurs des véhicules intelligents est aussi émise. Assurance Compte tenu du risque réel de cyberattaque visant les véhicules intelligents, la souscription par les constructeurs à une police d’assurance couvrant les cyberrisques est de mise. Dans un autre ordre d’idée, le cabinet KPMG estime qu’en conséquence de l’utilisation des véhicules automatisés, les accidents chuteront de 35 à 40% tandis que le coût de réparation des véhicules augmentera de 25 à 30%5. On pourrait donc raisonnablement s’attendre à des répercussions sur les primes d’assurance des conducteurs. Il est en outre possible que la responsabilité en cas d’accident d’un véhicule autonome soit transférée du conducteur au fabricant du véhicule par le biais de modifications de la Loi sur l’assurance automobile6 ou de nouvelles lois encadrant spécifiquement la conduite de véhicules automatisés. Ces changements pourraient avoir des conséquences significatives sur les différentes lois régissant l’assurance automobile au pays7. Le Comité a donc recommandé que Transports Canada surveille l’incidence des véhicules branchés et automatisés sur l’industrie de l’assurance automobile. Quelques initiatives et défis Le Centre de test et de recherche pour les véhicules motorisés situé à Blainville se penche actuellement sur la question de savoir si les véhicules intelligents respectent les normes de sécurité canadiennes actuelles. Nous apprenons également dans le rapport du Comité que Le Conseil de coopération en matière de réglementation canadien collabore présentement avec les États-Unis sur les divers enjeux mettant en cause les véhicules branchés et automatisés. Malgré les nombreuses initiatives notées, à ce jour, seule l’Ontario a mis en place une législation encadrant spécifiquement l’utilisation des véhicules automatisés sur les routes de la province8. Le Québec devra emprunter cette voie afin de combler le vide juridique actuel9.   Conclusion Tel que nous l’avons soulevé dans notre bulletin de février 201710, l’arrivée d’un nombre croissant de voitures automatisées sur les routes du Québec ne peut être prise à la légère. Un encadrement législatif visant spécifiquement ce type de véhicule s’impose compte tenu des projections à ce sujet, notamment que le quart des voitures sur l’ensemble du réseau mondial seront dites intelligentes dès 203511. Les véhicules branchés roulent déjà sur les routes du Québec, de même que des véhicules automatisés à divers niveaux. Il est donc primordial que tous les niveaux de gouvernement s’adaptent à ces technologies. L’encadrement de la conduite des voitures intelligentes est un sujet d’actualité en matière d’évolution de l’intelligence artificielle. C’est donc à suivre.   Il est estimé que jusqu’à 94% des accidents de la route sont dus à une erreur  humaine, voir Comité sénatorial permanent des transports et des communications, « Paver la voie, Technologie et le futur du véhicule automatisé », Ottawa, Janvier 2018, à la page 29. Comité sénatorial permanent des transports et des communications, « Paver la voie, Technologie et le futur du véhicule automatisé », Ottawa, Janvier 2018. MCKENNA, Alain, La Presse, « Véhicules autonomes : « Ce sont les lois et le gouvernement qui nous freinent », Montréal, 1er février 2018, en ligne :  http://auto.lapresse.ca/technologies/201802/01/01-5152247-vehicules-autonomes-ce-sont-les-lois-et-le-gouvernement-qui-nous-freinent.php. Voir GAGNÉ, Léonie, Le Droit de  savoir, Bulletin Lavery, de Billy, « La conduite des véhicules autonomes au Québec : plusieurs questions demeurent », Montréal, Février 2017. Comité sénatorial permanent des transports et des communications, « Paver la voie, Technologie et le futur du véhicule automatisé », Ottawa, Janvier 2018, à la page 65. Loi sur l’assurance automobile du Québec, R.L.R.Q. c. A-25. L’assurance automobile est de compétence provinciale. Pilot Project - Automated Vehicles, O Reg 306/15. Le gouvernement du Québec est présentement saisi du projet de loi 165 visant entre autres la modification du Code de la sécurité routière et l’encadrement de la conduite des véhicules autonomes. Supra, note 4. Boston Consulting Group, (2016), Autonomous Vehicle Adoption Study.

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  • Des voitures autonomes sur les routes sous peu à Montréal

    Les voitures autonomes connaissent un réel essor depuis les dernières années, notamment en raison de l’intérêt qui leur est porté tant par les consommateurs que par les entreprises qui les mettent au point et les perfectionnent. Dans ce contexte, la Ville de Montréal et le Gouvernement du Québec ont annoncé respectivement les 5 et 10 avril derniers d’importants investissements dans le secteur de l’électrification et des transports intelligents de manière à faire du Québec un pionnier de ce secteur. Investissements de la Ville de Montréal et du Gouvernement du Québec La Ville de Montréal prévoit investir 3,6 M$ pour la création de l’Institut de l’électrification et des transports intelligents. La création de cet organisme s’inscrit dans le cadre de la Stratégie d’électrification des transports adoptée dans un contexte de lutte aux changements climatiques et d’innovation, et fait partie des dix orientations stratégiques qu’elle propose. La Ville de Montréal explique que « l’Institut misera sur la collaboration des partenaires, dont les universités et le Quartier de l’innovation, et sur la disponibilité de terrains à proximité du centre-ville, afin de créer un lieu de calibre mondial pour développer, expérimenter et promouvoir les innovations et les nouveaux concepts en matière de transport électrique et intelligent. »1 L’Institut a notamment comme mission la création d’un corridor d’essai et d’une zone d’expérimentation dans le centre-ville de Montréal pour la conduite des voitures autonomes. De plus, un projet de navettes autonomes est déjà en branle, dans le cadre duquel seront utilisés des minibus « Arma » conçus par l’entreprise Navya, partenaire du Groupe Keolis. Ces véhicules ont un degré d’automatisation de niveau 5, c’est-à-dire qu’ils sont complètement automatisés. Le premier essai routier est prévu dans le cadre du Sommet mondial des transports publics de l’Union internationale des transports publics (UITP) qui se tiendra à Montréal du 15 au 17 mai prochains. Pour sa part, le Gouvernement du Québec s’engage à investir 4,4 M$ « pour soutenir la grappe industrielle des véhicules électriques et intelligents »2 qui sera constituée au printemps 2017 et dont le plan d’affaires sera établi par un comité consultatif provincial mis sur pied à cette fin. « La grappe contribuera à positionner le Québec parmi les leaders mondiaux du développement des modes de transport terrestre et de leur transition vers le transport tout électrique et intelligent », a affirmé la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation et ministre responsable de la Stratégie numérique, Dominique Anglade. Enjeux concernant la conduite des voitures autonomes au Québec Les voitures intelligentes ont fait leur entrée sur le marché québécois et s’y sont taillé une place au cours des dernières années. Ces voitures sont qualifiées de voitures autonomes lorsqu’elles possèdent un degré d’automatisation d’au minimum dit « conditionnel », communément désigné de niveau 3 sur l’échelle des degrés d’automatisation3. Ce niveau d’automatisation permet une conduite dynamique du véhicule par son système de contrôle, mais requiert toutefois que le conducteur demeure disponible. Selon la Loi sur l’assurance automobile du Québec4, le propriétaire d’un véhicule est tenu responsable des dommages matériels causés par son véhicule, sauf exception. Cette loi prévoit également un régime de responsabilité sans faute permettant aux victimes d’un accident de voiture de réclamer une indemnité pour le préjudice corporel subi. Quant au Code de la sécurité routière5, celui-ci régit entre autres l’utilisation des véhicules sur les chemins publics. À notre connaissance, aucune modification législative n’est présentement proposée pour combler ce vide juridique avant l’arrivée de voitures autonomes sur les routes du Québec. À cet effet, il convient de rappeler que l’Ontario a récemment comblé ce flou juridique par l’entrée en vigueur du Règlement 306/156 déterminant qui peut conduire les voitures autonomes sur les routes ontariennes et dans quel contexte. Commentaire Plusieurs questions demeurent en suspens quant à la teneur des projets et initiatives annoncés récemment par la Ville de Montréal et le Gouvernement du Québec. Ce manque d’information crée une incertitude quant à l’étendue d’une réglementation spécifique à la conduite des voitures autonomes au Québec devant possiblement être adoptée. Par ailleurs, Mme Elsie Lefebvre, conseillère associée à la Ville de Montréal, responsable de la Stratégie de l’électrification des transports, a déclaré qu’« il y aura des balises et [que] les projets seront encadrés pour qu’il n’y ait aucun danger sur la route », sans toutefois préciser l’étendue de ces mesures. Dans la foulée de ces annonces, plusieurs questions méritent d’être discutées. Quel sera le degré d’automatisation des voitures autonomes autorisées à rouler au Québec? Qui conduira ces véhicules et qui les assurera? Des permis spéciaux devront-ils être délivrés? Ces véhicules pourront-ils être conduits sur les chemins publics ou exclusivement sur des circuits fermés? Dans l’éventualité d’un accident, qui en sera tenu responsable? Quelles seront les mesures législatives adoptées pour encadrer adéquatement l’usage de ces voitures? Bien des questions demeurent et peu de réponses nous sont offertes pour l’instant. C’est à suivre… Stratégie d’électrification des transports 2016-2020, publiée par la Ville de Montréal. GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, Fil d’information – « Québec annonce 4,4 millions de dollars pour soutenir la grappe industrielle des véhicules électriques et intelligents », en ligne. Voir le bulletin Le Droit de Savoir, « La conduite des voitures autonomes au Québec : plusieurs questions demeurent » pour plus de détails. Loi sur l’assurance automobile du Québec, R.L.R.Q., c. A-25. Code de la sécurité routière, R.L.R.Q., c. C-24.2, art. 1. Pilot Project – Automated Vehicules, O Reg 306/15.

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  • La conduite des voitures autonomes au Québec : plusieurs questions demeurent

    Selon une étude, 25 % des nouvelles voitures vendues dans l’ensemble du réseau mondial seront des voitures intelligentes dites autonomes d’ici 20351. Un groupe de recherche de l’université Princeton, aux États-Unis, évalue quant à lui que d’ici 2035-2050, plus de la moitié du parc automobile américain sera composé de ces automobiles autonomes2. Il existe présentement des voitures intelligentes sur le marché québécois, mais la conduite de voitures intelligentes dites autonomes aura sans aucun doute des répercussions sur plusieurs joueurs. Les voitures autonomes Les voitures intelligentes utilisent les technologies de l’information et de la communication dans des systèmes préventifs d’accident présentant un niveau d’automatisation variable. De manière simplifiée, l’automobile intelligente utilise un système de contrôle muni d’un algorithme qui prévoit comment l’automobile doit réagir. Ce système sophistiqué est connecté à des satellites et se maintient constamment à jour pour s’adapter aux nouvelles situations en enregistrant de nouveaux risques. Il existe six niveaux d’automatisation pour les voitures3 : niveau 0, c’est-à-dire aucune automatisation; niveau 1, procurant des fonctions d’assistance au conducteur; niveau 2, d’autonomie dite partielle, c’est-à-dire qui procure des fonctions d’assistance et d’accélération/décélération automatique, mais exige que le conducteur humain garde le contrôle sur toutes les fonctions de conduite dynamique; niveau 3, c’est-à-dire d’automatisation conditionnelle, qui propose des fonctions de conduite dynamiques exécutées par le système de contrôle, mais nécessitant que le conducteur humain demeure disponible en tout temps; niveau 4, c’est-à-dire d’automatisation importante, soit lorsque le système de contrôle d’un véhicule offre un contrôle total de toutes les fonctions de conduite, même en situation de sécurité critique; et niveau 5, d’automatisation complète, lorsqu’un véhicule exécute toutes les fonctions de conduite seul, sans possibilité pour l’humain d’intervenir. Les voitures sont dites autonomes à compter du niveau 3, lorsque le système de contrôle peut effectuer une conduite dynamique. La Loi sur l’assurance automobile du Québec La Loi sur l’assurance automobile du Québec (ci-après la « Loi ») prévoit un régime de responsabilité sans faute4. Ainsi, la Société de l’assurance automobile du Québec accorde des indemnités aux victimes d’accidents de voiture ayant subi un préjudice corporel sans égard à la responsabilité de quiconque. Selon la Loi, le propriétaire d’une voiture est toutefois responsable des dommages matériels causés par sa voiture et ne peut se décharger de cette responsabilité que s’il prouve la faute de la victime, celle d’un tiers ou la survenance d’un cas de force majeure. Or, il existe actuellement un flou juridique quant à la conduite des voitures autonomes au Québec, celle-ci n’étant à ce jour pas encadrée par la législation en vigueur. En 2016, un premier projet pilote régissant la conduite de voitures autonomes au Canada a été présenté par le gouvernement ontarien. En plus de prévoir un investissement de la province dans la recherche sur les automobiles autonomes, ce projet a donné lieu à une modification au Code de la route5 ontarien en y incorporant le Règlement 306/156. Bien que ce règlement autorise la conduite de voitures autonomes dans des situations précises, il n’a toutefois pas modifié le régime de responsabilité prévu à la loi ontarienne7. Il semble nécessaire d’encadrer la conduite de voitures autonomes au Québec. D’une part, cette activité n’y est pas encore encadrée par la loi. D’autre part, la conduite de ces voitures suscite de nombreuses questions quant à la responsabilité en cas d’accident. En effet, la responsabilité à la suite d’un accident causé lors de la conduite d’une automobile autonome sera-t-elle celle du fabricant automobile ou demeurera-t-elle celle du conducteur ? Qui assumera dorénavant ce risque ? La responsabilité du fabricant au Québec Au Québec, suivant le régime de la responsabilité du fabricant du Code civil du Québec8 et de la Loi sur la protection du consommateur9, une présomption existe à l’encontre du distributeur, du vendeur professionnel et du fabricant d’un bien lorsque l’acheteur de ce bien a établi que celui-ci a fait défaut ou s’est détérioré prématurément par rapport à un bien similaire, ce qui opère un déplacement du fardeau de preuve sur le fabricant. Afin de repousser cette présomption, un fabricant ne peut plaider l’ignorance du défaut ni même l’usure du bien. Seulement deux moyens de défense s’offrent à lui10 : la démonstration de la faute de l’acheteur ou d’un tiers, ou de la survenance d’un cas de force majeure; ou la preuve que l’état des connaissances scientifiques lors de la mise en marché du bien ne lui permettait pas de déceler un vice. Commentaires La question de savoir quand le transfert de responsabilité du conducteur d’un véhicule autonome vers le fabricant s’effectuera demeure nébuleuse pour l’instant. Il est toutefois à prévoir que le niveau de responsabilité du fabricant tendra à croître suivant l’accroissement du niveau d’utilisation de la technologie dans l’automatisation de la conduite d’un véhicule. En effet, la conception même de certaines voitures autonomes fait en sorte qu’elles ne peuvent plus être contrôlées par l’humain : celui-ci devient donc simple passager, la conduite étant dorénavant entièrement assurée par le système de contrôle du véhicule. Ainsi, la responsabilité entière lors d’un accident pourrait désormais reposer sur le fabricant de la voiture, mettant par le fait même en cause l’application du régime québécois de responsabilité du fabricant. Si la responsabilité des fabricants de voitures autonomes devait être engagée en cas d’accident automobile, les recours pourraient mener à des litiges pyramidaux complexes. En effet, la responsabilité des souscontractants du fabricant d’une voiture autonome, tels le concepteur de l’algorithme de la voiture et l’entreprise responsable de la transmission de données, pourrait possiblement être engagée. Le transfert de responsabilité vers les fabricants de voitures autonomes pourrait aussi avoir des répercussions en terme d’assurance. Tant la détermination des prestations d’assurance des conducteurs que des fabricants, que la souscription à des polices d’assurance par ces parties pourraient être affectées, le tout dépendant évidement de qui sera appelé à assumer le risque. La conduite de voitures autonomes pourrait également engendrer la venue de nouveaux joueurs en matière d’assurance automobile. Par exemple, Tesla propose présentement en Australie une police d’assurance adaptée à l’une de ses voitures intelligentes11. Conclusion Les statistiques en termes de nombre d’accident démontrent que la conduite de véhicules autonomes engendrera une baisse d’accidents de la route, ceux-ci étant présentement attribuables aux États-Unis dans une proportion de 93 % à des erreurs humaines12. La conduite de voitures autonomes changera la manière dont nous effectuons nos déplacements et aura certainement aussi des incidences sur la législation québécoise en matière de responsabilité en cas d’accident d’automobile. Boston Consulting Group, (2016), Autonomous Vehicle Adoption Study. Jane Bierstedt et al., (2014), Effects of Next-Generation Vehicles on Travel Demand and Highway Capacity, FP Think Working Group. Pilot Project - Automated Vehicles, O Reg 306/15, art 2. Loi sur l’assurance automobile du Québec, R.L.R.Q. c. A-25, art 108 et ss. Code de la route, L.R.O. 1990, c H.8. Pilot Project - Automated Vehicles, O Reg 306/15. Loi sur les assurances, LRO 1990, c I.8, art. 267.1. Code civil du Québec, R.L.R.Q. c. CCQ-1991, art. 1726 et ss. Loi sur la protection du consommateur, R.L.R.Q. c. P-40.1, art 38. ABB Inc. c. Domtar Inc., [2007] 3 RCS 461, par 72. Voir tesla.com John MADDOX, Improving Driving Safety Through Automation, Congressional Robotics Caucus, National Highway Traffic Safety Administration, 2012.

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  • L’assurance « pair à pair » : un retour aux sources… révolutionnaire ?

    Après l’hôtellerie, le transport de personnes et le financement de sociétés, le domaine de l’assurance pourrait être le prochain à voir son modèle d’affaires influencé par l’économie de partage. Dans les dernières années, de nombreuses jeunes entreprises se sont lancées dans l’assurance « pair à pair » (ci-après « P2P ») et dans les plateformes de partage de risques, alléguant réduire bureaucratie et coûts et assurer des risques que les marchés traditionnels ne couvrent pas. Bref survol de ce modèle d’affaires toujours discret au Québec et qui fait l’objet d’une mise en garde de l’Autorité des marchés financiers (« AMF »). Qu’est-ce que l’assurance P2P ? L’idée derrière les entreprises d’assurance P2P est simple : il s’agit de former des communautés d’utilisateurs ayant comme but d’assurer des biens semblables. Ce sont les utilisateurs qui déterminent quels risques associés à leurs biens seront couverts et c’est collectivement que la communauté décide de la recevabilité des réclamations. L’idée n’est pourtant pas si nouvelle. Après tout, il s’agit là d’un retour aux sources pour le milieu de l’assurance. Déjà, entre 1000 et 600 av. J-C, la Lex Rhodia — précurseur du droit maritime contemporain — prévoyait un mécanisme d’indemnisation pour avaries communes en vertu duquel un groupe de marchands expédiant leurs biens ensemble versaient chacun une somme avant le voyage servant à indemniser celui dont la cargaison se voyait larguée en mer pendant le transport afin d’assurer l’arrivée du navire — et du reste du chargement — à bon port1. Tel principe existe toujours dans le domaine de l’assurance maritime, mais le modèle d’affaires du domaine de l’assurance de biens et de l’assurance de personnes s’en est, depuis, quelque peu éloigné. Deux types d’entreprises P2P ont vu le jour dans les dernières années : celles qui agissent comme courtier auprès de compagnies d’assurance existantes et celles qui offrent une couverture indépendamment de toute autre compagnie. Les entreprises P2P allèguent que le processus simplifié qu’elles proposent permettrait de réduire le nombre d’intermédiaires entre l’utilisateur et le produit d’assurance et par ce fait même réduire les coûts, notamment ceux liés aux commissions des courtiers, aux frais administratifs et aux honoraires des experts en sinistres. Les entreprises P2P allèguent également qu’elles redonneraient aussi le contrôle des risques, des réclamations et même de l’indemnisation aux assurés. À cet égard, certaines plateformes ont créé des « tribunaux communautaires » constitués de « jurés » volontaires puisés au sein des membres qui décideront du bienfondé des réclamations et de l’indemnisation qui sera versée. C’est notamment le fonctionnement de l’entreprise P2P canadienne Besure2. Mise en garde de l’AMF Les consommateurs doivent néanmoins être vigilants. Au Québec, l’AMF a récemment mis en garde les utilisateurs potentiels de ces plateformes3. Elle rappelle que l’offre de services ou de produits d’assurance est une activité réglementée qui nécessite l’obtention d’un permis. De plus, les produits offerts doivent l’être conformément à la Loi sur la distribution de produits et services financiers. L’AMF en est encore à analyser les similitudes et les différences entre ces plateformes et les compagnies d’assurance. En attendant que l’AMF statue sur la conformité des plateformes P2P à la réglementation québécoise, des risques guettent les utilisateurs. Ces derniers pourraient, notamment, s’exposer à des pertes potentielles advenant le cas où le fonds d’indemnisation recueilli par les utilisateurs ne serait pas assez important pour couvrir l’entièreté de leurs dommages ou si la communauté refusait de les indemniser raisonnablement à la suite d’une perte. De plus, l’AMF recommande aux particuliers de vérifier si l’entreprise de partage des risques possède bel et bien un permis avant d’effectuer une transaction par l’entremise de celle-ci, puisqu’en cas d’insolvabilité de la communauté, les pertes des assurés pourraient ne pas être couvertes par le Fonds d’indemnisation des services financiers, qui ne protège que les consommateurs ayant souscrit à une assurance auprès d’un titulaire de permis. Quelques exemples hors Québec Bien que le phénomène de l’assurance P2P soit actuellement en vogue à l’étranger, il demeure pour l’instant discret au Québec. La plateforme canadienne Besure4, lancée en janvier 2016, reste un acteur marginal5. Celle-ci permet à ses utilisateurs de se rassembler en petits groupes afin de souscrire à diverses assurances et bénéficier d’une ristourne en l’absence de réclamations. Le fonctionnement de Besure est similaire à l’entreprise P2P allemande Friendsurance6. Ces deux entreprises, tout comme l’entreprise française Inspeer7 l’entreprise anglaise Guevara8, s’éloignent des données actuarielles et s’en remettent plutôt aux études comportementales pour fixer les primes d’assurance. En effet, leur concept repose sur une hypothèse : le caractère dissuasif du système communautaire, où tout le monde gagne à adopter un comportement prudent. Puisque le coût de la prime à payer pour faire partie d’un groupe dépend du comportement de ses membres, les entreprises P2P prétendent que les comportements plus risqués et les réclamations frauduleuses seraient découragés9. Malgré que le modèle P2P n’en soit qu’à ses balbutiements, la jeune entreprise new-yorkaise P2P en assurance de dommages Lemonade10 a pu amasser plus de treize (13) millions de dollars au cours de la dernière année, et ce, avant même de dévoiler son modèle d’affaires11. Plus loin, en Chine, les assurés de la compagnie TongJuBao12 contribuent à un bassin d’indemnisation et en obtiennent, au besoin suite à un sinistre, une somme aux termes de l’assurance qu’ils ont souscrite. Conclusion Les entreprises P2P promettent aux utilisateurs un système simplifié. Or, l’assurance P2P comporte également son lot d’inconvénients, notamment l’incertitude quant à la suffisance de fonds afin d’indemniser toute réclamation éventuelle, tant les petites que les plus importantes. L’objectif premier de l’assurance n’est-il pas, après tout, d’assurer l’indemnisation de toute perte couverte ? Bien que le phénomène demeure pour l’instant marginal et bien qu’aucune plateforme de partage des risques P2P n’ait encore reçu l’aval des autorités réglementaires québécoises à notre connaissance, le marché de l’assurance doit s’assurer de bien comprendre ces nouveaux joueurs et leur modèle d’affaires. Hudson, N. Geoffrey. The York-Antwerp Rules – The Principles and Practice of General Average Adjustment, 2e Ed., 1996, London, pp.1-2. https://www.besure.com/Home/HowItWorks Autorité des marchés financiers, « Prudence à l’égard des plateformes de partage de risques entre particuliers (« peer to peer risk sharing ») », 19 avril 2016. https://www.besure.com À notre connaissance, Besure ne possède pas encore de permis émis par l’AMF. http://friendsurance.com https://www.inspeer.me https://heyguevara.com Zack Guzman, « The social(ist) revolution coming for insurance », CNBC, 18 juillet 2015. http://lemonade.com Jacqueline Nelson, « Regulator eyes peer-to-peer insurance start-ups, warns of potential risk », The Globe and Mail, 24 avril 2016. http://www.tongjubao.com/en

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