Obsolescence programmée : de possibles modifications à la Loi sur la protection du consommateur à surveiller

Introduction

Le 1er juin 2023, le Ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a présenté et déposé devant l’Assemblée nationale le projet de loi 29 intitulé Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparation et l’entretien des biens1 (ci-après le « Projet de loi »).

Le Projet de loi prévoit principalement des modifications à la Loi sur la protection du consommateur 2L.p.c. ») et réaffirme la volonté du législateur de protéger les consommateurs, notamment en bonifiant les garanties légales leur étant offertes et en introduisant la notion d’obsolescence programmée en droit québécois.

La date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions n’est pas encore prévue, mais nous sommes d’avis que le Projet de loi mérite déjà notre attention.

Modifications proposées à la Loi sur la protection du consommateur

Objectif des modifications à la L.p.c.

L’objectif premier du Projet de loi est de mettre fin au commerce des biens faisant l’objet d’obsolescence programmée, cette notion étant définie comme étant une « technique visant à réduire la durée normale de fonctionnement » d’un bien3.

Garanties

La L.p.c. encadre déjà la garantie légale de qualité pouvant s’appliquer à un bien faisant l’objet d’un contrat entre un consommateur et un commerçant. Cette garantie s’ajoute à celle prescrite par le Code civil du Québec aux articles 1726 et suivants. En vertu de l’article 38 L.p.c., un bien doit pouvoir « servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien »4.

Ceci étant dit, le Projet de loi bonifierait la protection offerte aux consommateurs en introduisant une garantie de « bon fonctionnement » pour certains biens neufs faisant l’objet d’un contrat de vente ou de louage à long terme5. La durée de cette garantie demeurerait à déterminer par règlement6. Pour le moment, cette nouvelle garantie viserait les biens suivants :

  • Réfrigérateur;
  • Lave-vaisselle;
  • Machine à laver;
  • Sèche-linge;
  • Téléviseur;
  • Ordinateur de bureau ou portable;
  • Tablette électronique;
  • Téléphone cellulaire;
  • Console de jeu vidéo;
  • Climatiseur; et
  • Thermopompe.

En ce qui a trait à la garantie supplémentaire, communément appelée « garantie prolongée », en outre de son obligation d’informer le consommateur de la garantie légale avant d’offrir une garantie supplémentaire7, le commerçant devrait dorénavant informer le consommateur des modalités de son droit de résolution du contrat concernant la garantie supplémentaire8.

Obligations du commerçant

Le Projet de loi imposerait plusieurs nouvelles obligations aux commerçants et aux fabricants, notamment en matière d’affichage. Les commerçants devraient par exemple indiquer la durée de la garantie de bon fonctionnement à proximité des biens visés de manière aussi évidente que leur prix9.

En ce qui a trait aux biens qui sont de nature à nécessiter un travail d’entretien, le projet de loi introduit une garantie dite de « disponibilité ». Les commerçants et fabricants devraient s’assurer que les pièces de rechange, les services de réparation et les renseignements nécessaires à l’entretien et la réparation soient disponibles pendant une durée raisonnable après la conclusion du contrat et à un prix raisonnable10.

Véhicules gravement défectueux

Selon le Projet de loi, les véhicules seraient dits « gravement défectueux » notamment en fonction des conditions suivantes11 :

    • Une ou des tentatives infructueuses de réparation pour des défectuosités effectuées suivant la garantie conventionnelle du fabricant, notamment trois tentatives de réparation infructueuse sur une même défectuosité;
    • les défectuosités du véhicule sont apparues dans les trois (3) ans de la première vente ou de la location à long terme, alors que le véhicule n’a pas encore parcouru 60 000 km;
    • les défectuosités rendent le véhicule impropre à l’usage auquel il est normalement destiné.

Lorsque ces conditions sont réunies, le véhicule concerné serait alors réputé être atteint d’un vice caché.

Sanctions

En ce qui a trait aux sanctions de nature pénale, le Projet de loi prévoit une nette augmentation des montants afférents à celles-ci et ajoute de nouvelles infractions, dont les suivantes :

  • Une contravention à l’obligation de divulgation de la garantie légale de bon fonctionnement pourrait donner lieu à une amende de 3 000$ à 75 000$ dans le cas d’une personne morale et de 1 500$ à 37 500$12 pour une personne physique;
  • L’entreprise qui ferait le commerce d’un bien dont l’obsolescence est programmée pourrait se voir imposer une amende minimale de 5 000$ ou un montant équivalent au double du bénéfice tiré de la perpétration de l’infraction, selon le montant le plus élevé. L’amende maximale quant à elle s’élève à 125 000$ ou un montant équivalent au quadruple du bénéfice tiré de la perpétration de l’infraction, selon le montant le plus élevé13.

Le Projet de loi propose aussi des sanctions administratives pécuniaires pour un manquement « objectivement observable » à la L.p.c.14. La sanction maximale prévue serait de 3 500$ pour une entreprise, pour chaque jour où le manquement se poursuit15.

Également, le Projet de loi stipule que les dirigeants et administrateurs d’une entreprise qui aurait commis une infraction à la L.p.c. seraient présumés avoir commis eux-mêmes l’infraction. Cette présomption pourrait être repoussée dans la mesure où la personne visée établirait soit qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable, soit qu’elle a pris « toutes les précautions nécessaires » pour prévenir la perpétration de l’infraction16.

Conclusion

Le Projet de loi vise à mettre un frein à l’obsolescence programmée, un concept qui consiste à employer une « technique visant à réduire la durée normale de fonctionnement » d’un bien17.

Les modifications proposées à la L.p.c. établissent une nouvelle garantie dite de « bon fonctionnement » du bien. Il sera intéressant de voir si celle-ci s’arrimera avec les enseignements en matière de garantie légale de qualité de la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt clé Domtar18.

L’application de la notion d’obsolescence programmée dans les faits sera également à surveiller de près, étant donné que les tribunaux y seront confrontés pour la première fois. Certaines difficultés pourraient se manifester, notamment en matière de preuve.

Les modifications à la L.p.c. engendreraient aussi de nouvelles obligations pour les fabricants et les commerçants, notamment en matière de divulgation et d’information concernant la garantie de bon fonctionnement et la garantie supplémentaire. Une garantie de disponibilité des pièces et services liées aux biens qui sont de nature à nécessiter un travail d’entretien est aussi encadrée dans les modifications proposées par le Projet de loi.

De plus, la sévérité des sanctions prévues concernant les biens dont l’obsolescence serait programmée sera à considérer.

Bref, un Projet de loi à surveiller!  


  1. Loi protégeant les consommateurs contre l’obsolescence programmée et favorisant la durabilité, la réparation et l’entretien des biens, projet de loi no 29 (présentation – 1er juin 2023), 1re sess., 43e légis. (Qc) (« PL »).
  2. Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c. P-40.1.
  3. PL, art. 14; L.p.c., art. 227.0.4, al. 2.
  4. L.p.c., art. 38.
  5. PL, art. 3; L.p.c., art 38.1.
  6. PL, art. 3; L.p.c., art. 38. 1 al. 2.
  7. Obligation actuelle suivant L.p.c. art. 228.1. al. 1.
  8. PL, art. 15; L.p.c., art. 228.3.
  9. PL., art. 3; L.p.c., art. 38.8.
  10. PL., art. 3; L.p.c., art., 39 al. 1.; 39.3. al. 1.
  11. PL, art 5; L.c.p. 53.1.
  12. PL, art. 19; L.p.c., art. 277.
  13. Id.
  14. PL, art. 18; L.p.c., art. 276.1.
  15. PL, art. 18; L.p.c., art. 276.1 al. 2.; 276.2.
  16. PL., art. 19; L.p.c., art. 282.1.
  17. PL, art. 14; L.p.c., art. 227.0.4, al. 2.
  18. ABB c. Domtar, 2007 CSC 50.
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