Grèves et lock-out : adoption des nouvelles dispositions visant à considérer davantage les besoins de la population
Le présent bulletin fait suite à notre première publication du 10 mars 2025, dans laquelle nous vous présentions le projet de loi no 89 déposé par le gouvernement. Depuis, ce projet de loi a été sanctionné le 30 mai 2025 avec quelques amendements et précisions. Rappelons que ce projet de loi prévoyait des modifications importantes au Code du travail dans l’objectif d'améliorer la prise en compte des besoins de la population lors de conflits de travail en introduisant, entre autres, deux nouveaux mécanismes. D’une part, il confère au ministre du Travail le pouvoir de déférer les parties à un processus d’arbitrage exécutoire lorsqu’il estime qu’une grève ou un lock-out cause ou menace de causer un préjudice grave à la population après une médiation ou une conciliation infructueuse. D’autre part, une nouvelle catégorie de services à maintenir, ceux « assurant le bien-être de la population », est encadrée pour s'assurer du maintien des services critiques durant des grèves ou lock-out. Ayant suivi les travaux parlementaires attentivement, nous avons constaté que quelques amendements significatifs ont été apportés au projet de loi depuis sa présentation, dont le changement du délai de négociation des services assurant le bien-être de la population à sept jours ouvrables francs plutôt que quinze jours, et le report de la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions au 30 novembre 2025. Dans le cadre des débats parlementaires, le ministre a d’ailleurs fourni quelques exemples de ce qui pourrait relever de la notion de « sécurité sociale, économique ou environnementale » de la population. Entre autres, la sécurité sociale pourrait être en jeu dans des situations portant atteinte au développement d'une personne vulnérable ou des cas liés à la pauvreté, à l'isolement ou à l’insécurité alimentaire. La sécurité économique pourrait également être compromise dans des circonstances analogues, notamment lorsqu’elles touchent à la capacité de se rendre au travail ou de percevoir un salaire. En ce qui concerne la sécurité environnementale, cette notion pourrait notamment viser des situations de catastrophe naturelle ou une dégradation significative de la qualité de l'environnement. Bien qu’il reviendra au final aux tribunaux de se prononcer sur l’étendue de ces nouvelles dispositions, nous estimons que ces éléments, soulevés en commission parlementaire, pourraient avoir une incidence sur leur interprétation. Le tableau suivant illustre les principales différences entre le régime général de services essentiels, applicable aux services publics visés par la loi, et les nouvelles mesures pouvant être mises en place en matière de protection de la population : Services essentiels dans les services publics Services pour assurer le bien-être de la population Pouvoir spécial au ministre Champ d’application (sujet à exclusions) Services publics ou assimilables (art. 111.0.16 et 111.0.17 C.t.) Parties désignées par le gouvernement par décret (art. 111.22.4 C.t.) Tout différend, mais non applicable à certains secteurs ou organismes énumérés à l’article 111.32.1 C.t. Assujettissement au mécanisme Décision du TAT (art. 111.0.17 C.t.) Décision du TAT (art. 111.22.5 C.t.) Avis du ministre aux parties (art. 111.32.2 C.t.) Critère d'application Possibilité de mettre en danger la santé ou la sécurité publique (art. 111.0.17 C.t.) Impact disproportionné sur la sécurité sociale, économique ou environnementale de la population, notamment celle des personnes en situation de vulnérabilité (art. 111.22.3 C.t.) Conflit de travail qui cause ou menace de causer un préjudice grave ou irréparable à la population et une intervention infructueuse d’un conciliateur ou d’un médiateur (art. 111.32.2 C.t.) Effet de l’assujettissement Droit de grève suspendu temporairement jusqu’à ce que les exigences légales soient respectées (art. 111.0.17 C.t.) Droit de lock-out interdit dans les services publics assujettis (art. 111.0.26 C.t.) Poursuite de la grève ou lock-out à la suite d’une décision d’assujettissement, sauf si des circonstances exceptionnelles justifient le contraire dans l’intervalle d’une décision du TAT sur la suffisance des services minimaux à maintenir (art. 111.22.11 C.t.) Droit de grève et de lock-out cessant au moment indiqué dans l’avis du ministre (art. 111.32.2 C.t.) Procédure 1. Négociation obligatoire entre les parties (art. 111.0.18 C.t.) 1. Négociation obligatoire entre les parties dans les 7 jours ouvrables francs suivant la décision d’assujettissement du TAT (art. 111.22.7 C.t.) Consultation des parties durant 10 jours sur le choix de l’arbitre. À défaut, nomination par le ministre (art. 111.32.3 C.t.) Les parties peuvent, à tout moment, s’entendre sur l’une des questions faisant l’objet du différend. Cet accord est consigné à la sentence arbitrale, qui ne peut le modifier (art. 111.32.4 C.t.) Procédure 2. Transmission d'une entente au TAT pour une évaluation de la suffisance. À défaut d’entente, le syndicat transmet une liste de services à maintenir (art. 111.0.18 C.t.) 2. Transmission d’une entente au TAT pour une évaluation de la suffisance (art. 111.22.8 C.t.) Différend déféré à l’arbitrage, selon les adaptations nécessaires (art. 111.32.2 et 111.32.5 C.t.) Procédure 3. Assistance du TAT possible pour aider à la conclusion d’une entente (art. 111.0.18 C.t.) 3. Assistance du TAT possible pour aider à la conclusion d’une entente (art. 111.22.7 C.t.) s.o. Principal rôle du Tribunal Évaluation de la suffisance, recommandations aux parties en cas d’insuffisance (art. 111.0.19 C.t.) Évaluation de la suffisance, détermination des services à maintenir en cas d’insuffisance ou à défaut d’entente (art. 111.22.8 et 111.22.9 C.t.) Déterminer les conditions de travail visées par le différend. Durée et modification des décisions La décision du TAT d’assujettir une association accréditée et un employeur au maintien de services s’applique pour chaque phase des négociations. Le TAT peut également modifier ou révoquer sa décision à tout moment (art. 111.0.17.1 C.t.) La décision du TAT d’assujettir une association accréditée et un employeur au maintien de services s’applique pour la phase des négociations en cours. Le TAT peut également modifier ou révoquer sa décision à tout moment, après observations des parties (art. 111.22.10 C.t.) Sauf exception, la sentence lie les parties pour une durée d’au moins 1 an et d’au plus 3 ans. Les parties peuvent toutefois convenir d’en modifier le contenu en tout ou en partie (art. 92 C.t.). L’arbitre peut corriger en tout temps une sentence entachée d’erreur d’écriture ou de calcul, ou de toute autre erreur matérielle (art. 91.1 C.t.) Entrée en vigueur 30 octobre 2019 30 novembre 2025 30 novembre 2025 Il est à noter que les informations présentées précédemment ont été résumées pour des raisons de concision. Étant donné la complexité des articles en question, ainsi que les nombreuses nuances et précisions susceptibles de s'appliquer, il est essentiel de consulter les dispositions précises du Code ou de contacter vos conseillers juridiques avant de prendre toute décision. Nous demeurons d’ailleurs disponibles pour toute question ou tout besoin d'accompagnement concernant l'impact de ces nouvelles dispositions sur vos opérations.

