Famille, personnes et successions

Vue d’ensemble

Lavery offre les services d'une équipe d'avocats chevronnés et spécialisés en droit de la famille, des personnes et des successions à l'écoute de vos besoins et soucieux de trouver la solution appropriée, quelle que soit votre situation, dans le plus grand respect de vos droits.

Vous bénéficierez de notre vaste expertise qui, le cas échéant, peut être jumelée à celle de nos conseillers juridiques en droit fiscal, en droit des compagnies et sociétés, en litige commercial ou en droit immobilier.

Nos publications font autorité dans le milieu, comme en témoigne l'ouvrage Législation sur le patrimoine familial annotée (3e édition, Éditions Carswell, 2000) et la mise à jour de la section portant sur le droit des biens parue dans Droit de la famille québécois (Éditions CCH/FM Ltée).

 

Services

  • Procédure de divorce, de séparation et d'annulation de mariage (évaluation et partage du patrimoine familial, des régimes matrimoniaux et des régimes de retraite)
  • Rédaction de convention sur les mesures accessoires à un divorce ou à une séparation de corps
  • Garde d'enfants et pension alimentaire aux enfants
  • Adoption
  • Pension alimentaire au conjoint
  • Représentation des enfants devant les tribunaux
  • Demande de confirmation d'autorité parentale
  • Action en reconnaissance de paternité
  • Représentation des conjoints de fait
  • Rédaction de conventions d'union de fait
  • Rédaction de contrats de mariage, prénuptiaux et postnuptiaux
  • Requête en partage
  • Requête en modification des mesures accessoires, de garde, de pension alimentaire pour époux et/ou enfants
  • Rédaction de testaments et règlements successoraux
  • Préparation de testaments biologiques, procurations et mandats d'inaptitude
  • Litiges successoraux, procédure en annulation de testament, en remplacement de liquidateur et/ou fiduciaire, en reddition de compte, en modification de l'acte de fiducie, pour mettre fin à une fiducie, pour jugement déclaratoire
  • Instauration des régimes de protection du majeur (tutelle, curatelle, conseiller)
  • Droit international privé (déplacement d'enfant, régimes matrimoniaux étrangers, règlement de succession étrangère)
  1. Réforme du droit de la famille et de l’union parentale. Qui est visé et qu’est-ce que cela implique?

    Le 30 juin 2025 marquera l’entrée en vigueur d’une réforme importante du droit de la famille concernant les conjoints de fait : l’union parentale. En effet, à compter de cette date, l’arrivée d’un nouvel enfant chez les conjoints de fait entraînera automatiquement la formation du nouveau régime d’union parentale, un cadre légal similaire à celui du patrimoine familial applicable aux couples mariés. Le régime d’union parentale vise à offrir une protection accrue aux familles de conjoints non mariés en créant un patrimoine d’union parentale et en établissant de nouveaux droits et de nouvelles obligations entre les conjoints. Le patrimoine d’union parentale englobera des actifs comme les résidences de la famille, les meubles et les véhicules utilisés par la famille, à l’exclusion toutefois des biens échus par donation ou succession; L’union parentale octroiera également aux conjoints certains droits jusqu’à maintenant réservés aux conjoints mariés, tels que le droit au maintien dans la résidence familiale, la prestation compensatoire et le droit d’hériter d’une partie des actifs du conjoint décédé sans testament. Applicabilité L’article 521.20 du Code civil du Québec se lit comme suit : « L’union parentale se forme dès que des conjoints de fait deviennent les père et mère ou les parents d’un même enfant. Il en est de même lorsque les père et mère ou les parents d’un même enfant deviennent conjoints de fait ou le redeviennent. » À la lecture de cette disposition, deux critères cumulatifs se distinguent : le statut de conjoints de fait; l’arrivée d’un enfant commun. Le statut de conjoints de fait Les conjoints de fait visés par ce nouveau régime sont définis dans le dernier paragraphe de l’article 521.20 du Code civil du Québec comme étant deux personnes qui font vie commune et qui se présentent publiquement comme un couple, sans égard à la durée de leur vie commune. Ces personnes sont présumées faire vie commune si elles cohabitent et sont les père et mère ou les parents d’un même enfant. Cependant, si l’un des conjoints est déjà marié, en union civile ou en union parentale, l’union parentale avec un nouveau conjoint, malgré l’arrivée d’un nouvel enfant commun, ne peut se former qu’à compter de la dissolution du mariage ou de l’union civile du conjoint concerné ou la fin de l’union parentale précédente, selon le cas. La nouvelle union parentale ne prend alors effet qu’à compter de la date de la dissolution du mariage ou de l’union civile ou de la fin de l’union parentale précédente. L’arrivée d’un enfant commun La présence de l’enfant commun est au cœur de ce nouveau régime : sans enfant commun arrivé postérieurement au 29 juin 2025, il n’y a pas d’union parentale, sauf assujettissement volontaire des conjoints de fait par acte notarié ou devant témoins. Parents d’un enfant né le 30 juin 2025 ou après cette date Pour les parents d’un enfant commun né le 30 juin 2025 ou après cette date, l’union parentale se formera dès la naissance ou l’arrivée de l’enfant. Les parents seront alors immédiatement soumis au régime d’union parentale et, sauf stipulation contraire, aux dispositions s’y rattachant, ce qui inclut notamment les dispositions relatives à la résidence familiale, au patrimoine d’union parentale et à son partage, ainsi que celles qui concernent la prestation compensatoire. Il est à noter que la naissance d’enfants communs subséquents n’aura pas pour effet de modifier la date d’entrée en vigueur du régime d’union parentale, alors que celle-ci demeurera la date de naissance du premier enfant commun né le 30 juin 2025 ou après cette date. Parents d’enfant(s) né(s) avant le 30 juin 2025 En revanche, pour les parents d’un enfant ou de plusieurs enfants communs nés avant le 30 juin 2025, le régime d’union parentale ne s’appliquera pas automatiquement. Toutefois, deux scénarios sont alors possibles : Premier scénario : Les parents d’un enfant commun arrivé avant le 30 juin 2025 peuvent s’assujettir volontairement au régime d’union parentale, lequel se formera à la date de la signature de l’acte à cet égard. Ainsi, la naissance d’un enfant ou de plusieurs enfants subséquents ne modifiera pas le moment de cette entrée en vigueur. Deuxième scénario : Le régime d’union parentale s’appliquera aux parents d’un enfant commun arrivé avant le 30 juin 2025 uniquement à partir de la naissance de leur enfant subséquent arrivé après le 29 juin 2025. Le régime d’union parentale La résidence familiale Au même titre que pour les époux, les conjoints en union parentale choisissent ensemble la résidence familiale. À défaut de choix exprès, la résidence familiale est présumée être celle où les membres de la famille habitent lorsqu’ils exercent leurs principales activités. Cette résidence familiale fait l’objet des mêmes protections que celles qui sont prévues pour les époux aux articles 401 à 407 du Code civil du Québec, avec les adaptations nécessaires. Cette protection subsiste pendant les 120 jours qui suivent la cessation de la vie commune. Le patrimoine d’union parentale Contenu du patrimoine d’union parentale L’union parentale entraîne automatiquement la création d’un patrimoine d’union parentale formé de certains biens des conjoints de fait, sans égard à celui des deux qui détient un droit de propriété sur ces biens. Ainsi, en vertu de l’article 521.30 du Code civil du Québec, le patrimoine d’union parentale inclut les biens suivants : les résidences de la famille ou les droits qui en confèrent l’usage; les meubles qui garnissent ou ornent ces résidences; les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille. À la différence des règles de composition du patrimoine familial des conjoints mariés, les droits accumulés durant l’union parentale au titre d’un REER, d’un régime de retraite de même que les gains inscrits en application de la Loi sur le régime de rentes du Québec ou de programmes équivalents ne font pas partie du patrimoine d’union parentale. Modulation du patrimoine d’union parentale Les conjoints de fait pourront moduler la composition du patrimoine d’union parentale en y incluant des biens qui, autrement, n’en feraient pas partie ou encore, en y soustrayant des biens normalement inclus. L’ajout de biens au patrimoine d’union parentale pourra être fait par acte notarié en minute ou par acte sous seing privé devant deux témoins. Toutefois, l’exclusion de biens du patrimoine d’union parentale devra être faite impérativement par acte notarié en minute, sous peine de nullité absolue, conformément à l’article 521.31 du Code civil du Québec. Renonciation au patrimoine d’union parentale Contrairement à l’assujettissement des conjoints mariés au patrimoine familial, les conjoints de fait pourront toujours renoncer au patrimoine d’union parentale. Cette renonciation devra être faite d’un commun accord et par acte notarié en minute, sous peine de nullité absolue. L’article 521.33 du Code civil du Québec prévoit deux cas dans lesquels cette renonciation est possible : En cours d’union, ce qui impliquera un partage des biens accumulés depuis le début de l’union parentale jusqu’à la date de la renonciation; Dans les 90 jours du début de l’union parentale, le patrimoine d’union parentale sera alors réputé ne jamais avoir existé. Cependant, le régime d’union parentale continue de s’appliquer en ce qui concerne les autres effets de l’union parentale desquels on ne peut se soustraire volontairement. Fin du régime d’union parentale L’union parentale prend fin par la survenance du premier des événements suivants à survenir : la cessation de la vie commune; le décès de l’un des conjoints de fait; le mariage ou l’union civile des conjoints de fait; le mariage ou l’union civile de l’un des conjoints de fait avec un tiers1. Cependant, quoiqu’existant par l’effet de l’arrivée d’un enfant commun, le régime d’union parentale ne prendra pas fin par le décès, la majorité ou l’autonomie financière d’un enfant ou de tous les enfants communs. Partage du patrimoine d’union parentale À la fin du régime ou encore lors d’une renonciation au patrimoine d’union parentale en cours d’union, il faudra procéder à son partage. Conformément à l’article 521.34 du Code civil du Québec, la valeur du patrimoine d’union parentale, déduction faite des dettes contractées pour l’acquisition, l’amélioration, l’entretien ou la conservation des biens qui le constituent, sera divisée à parts égales entre les conjoints de fait ou, en cas de décès, entre le conjoint de fait survivant et les héritiers. Au surplus, il est important de noter que la valeur nette du patrimoine d’union parentale comprend également la valeur nette du bien visé par le patrimoine d’union parentale, mais qui aurait été exclu par convention du patrimoine d’union parentale par les conjoints de fait. La valeur nette de ce bien exclu sera cependant établie au moment de l’exclusion. Pour le reste, le partage du patrimoine d’union parentale s’apparente aux formalités du partage du patrimoine familial. La prestation compensatoire À compter de la fin de l’union parentale, un conjoint de fait peut demander au tribunal qu’il ordonne à l’autre conjoint de fait de lui verser, en compensation de son appauvrissement attribuable à son apport, en biens ou en services, à l’enrichissement du patrimoine de cet autre conjoint de fait, une prestation payable au comptant ou par versements, en tenant compte, notamment, des avantages que procure le patrimoine d’union parentale. Il en est de même en cas de décès; il est alors en outre tenu compte des avantages que procure la succession du conjoint de fait décédé au conjoint de fait survivant. La vocation successorale des conjoints en union parentale L’introduction du régime d’union parentale a également un impact notable en matière successorale. En effet, l’article 653 du Code civil du Québec a été modifié afin d’étendre la définition de conjoint survivant au conjoint en union parentale. Ce dernier aura alors vocation successorale dans la succession ab intestat du conjoint de fait décédé et tous les articles qui visent le conjoint survivant incluront le conjoint en union parentale. La dévolution légale s’applique au moment du décès de l’un des conjoints en union parentale. Il faudra cependant user de prudence, en particulier dans les situations complexes d’unions antérieures non réglées au moment du décès du conjoint de fait. Défis et questionnements Comme toute réforme, l’arrivée du régime d’union parentale amène son lot de défis à anticiper. Entre autres, on peut se poser les questions suivantes : L’arrivée d’un nouvel enfant après la renonciation au patrimoine d’union parentale entraînera-t-elle la réouverture du droit et l’obligation de faire des démarches afin d’y renoncer à nouveau? La femme enceinte d’un premier enfant à naître après le 29 juin 2025 pourra-t-elle prétendre à une vocation successorale si son conjoint décède avant la naissance de l’enfant? La reconnaissance de la triparenté entraînera-t-elle des changements à ce projet de loi et, le cas échéant, comment devront-ils être traités? En matière d’adoption, l’union parentale sera-t-elle établie à compter de la date du jugement d’adoption ou pourra-t-elle l’être dès le jugement de placement? Dans le cas d’une grossesse pour autrui, l’union parentale sera-t-elle établie entre les parents d’intention à compter de l’expiration du délai permettant à la personne porteuse de garder l’enfant? Il s’agit là de quelques-unes des nombreuses questions importantes qu’il sera pertinent de se poser. Conclusion Le régime d’union parentale offrira aux conjoints de fait parents d’un enfant né après le 29 juin 2025 une protection accrue et un cadre légal similaire à celui applicable aux conjoints mariés. Il est recommandé aux personnes concernées de consulter un avocat ou un notaire afin de bien comprendre l’effet de ces changements sur leurs propres droits et obligations. L’équipe de droit de la famille, des personnes et successions de Lavery de même que son équipe de notaires sont disponibles pour vous assister et vous conseiller eu égard au nouveau régime d’union parentale et aux droits et obligations qui en découlent. *Article rédigé avec la collaboration de Catherine Neault, étudiante à la maîtrise en Droit notarial Article 521.22 C.c.Q.

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  2. Un juge accueille pour une deuxième fois une demande en rejet du recours d’une résidente en médecine et envisage d’office de la déclarer quérulente

    Le 15 novembre 20241, dans l’affaire Bouchelaghem c. Université Laval2, le juge Robert Dufresne de la Cour supérieure accueillait une demande en irrecevabilité pour cause de chose jugée et en abus. Son jugement rappelle l’importance de la présomption de validité et de la stabilité des jugements, principes liés à l’autorité de la chose jugée. Pour remettre la décision du juge Dufresne dans son contexte, il importe de rappeler la démarche de la demanderesse qui a mené à un premier jugement du juge Bernard Tremblay, j.c.s., qui accueillait une première demande en irrecevabilité3. Le premier recours La demanderesse était candidate à la résidence en tant que doctorante hors Canada et États-Unis. En juillet 2019, elle débute son programme de résidence en médecine de famille. Le 24 novembre 2020, le Comité de promotion du programme de la faculté de médecine prend la décision d’exclure la demanderesse du programme en raison des résultats qu’elle a obtenus lors des stages réalisés à cette date4. Le 2 décembre 2020, la demanderesse porte cette décision d’exclusion en appel devant le Comité d’appel de la Faculté de médecine5. Le 4 février 2021, ce comité tient une audition au terme de laquelle la décision d’exclusion du Comité de promotion est maintenue6. Le 8 février 2021, le doyen de la faculté de médecine communique la décision du Comité d’appel à la demanderesse7. Le même jour, la demanderesse communique avec le doyen afin de se plaindre de la décision rendue par le Comité d’appel8. Le 18 février 2021, le doyen réitère à la demanderesse le contenu de la décision du Comité d’appel et l’informe que la décision de ce comité est finale9. Tous ses recours internes sont donc épuisés. Le 17 mai 2022, la demanderesse introduit contre l’Université Laval une demande en annulation de la décision finale rendue le 8 février 2021 par le Comité d’appel, intitulée Demande introductive d’instance associée [à un] pourvoi en contrôle judiciaire. Dans cette procédure de 442 paragraphes, elle cherche à obtenir sa réintégration dans le programme de résidence en médecine familiale, ainsi que des dommages et intérêts. Alors que la contestation d’une décision d’exclusion doit se faire dans un délai raisonnable10, que la jurisprudence assimile normalement à une période de 30 jours, la demanderesse entreprend son recours près de 15 mois après son exclusion du programme de résidence. L’Université dépose donc, le 28 septembre 2022, une Demande en irrecevabilité de son recours, au motif que le délai pour l’entreprendre est déraisonnable et que la demanderesse n’allègue dans sa procédure aucunes circonstances exceptionnelles valables afin de justifier son retard. Le 15 mai 2023, le juge Bernard Tremblay, j.c.s., conclut que le recours de la demanderesse se qualifie bien de pourvoi en contrôle judiciaire et qu’il a été intenté tardivement11. Pour ces motifs, il déclare irrecevable le recours et le rejette dans son intégralité puisqu’il considère au surplus que les dommages et intérêts réclamés par la demanderesse découlent directement de son exclusion du programme de résidence12.  Insatisfaite de la décision du juge Tremblay, la demanderesse signifie à l’Université une Demande de permission d’en appeler d’un jugement mettant fin à l’instance. Le 19 septembre 2023, la juge Suzanne Gagné, j.c.a, rejette la demande de permission d’en appeler de la demanderesse13, confirmant ainsi le caractère définitif de la décision initiale et conférant l’autorité de la chose jugée à la décision du juge Tremblay. Le second recours Le 30 janvier 2024, la demanderesse entreprend un nouveau recours contre l’Université Laval, intitulé cette fois Demande introductive d’instance en dommages et intérêts, par lequel elle réclame de l’Université un montant total de près de 9,5 millions de dollars. Cette procédure de 213 paragraphes reprend en grande partie les allégations du premiers recours, reprochant généralement les mêmes fautes aux mêmes intervenants. La demanderesse élimine toutefois de sa procédure toutes les allégations liées au pourvoi en contrôle judiciaire et la justification du délai pour poursuivre, choisissant plutôt de regrouper ses reproches à l’égard de chaque représentant ou membre de l’Université. L’Université présente une Demande en irrecevabilité pour cause de chose jugée et en rejet pour abus à l’encontre de ce nouveau recours, considérant que la demanderesse tente de faire revivre un litige déjà tranché par les tribunaux québécois, et qu’elle s’est déjà prévalue de son droit d’appel. En réaction à la demande en rejet de l’Université, la demanderesse modifie sa demande introductive d’instance, afin d’y ajouter treize (13) défendeurs et défenderesses, à savoir, les intervenants visés par ses allégations. L’audition sur la Demande en irrecevabilité pour cause de chose jugée et en rejet pour abus des défendeurs a lieu les 9 octobre et 7 novembre 2024, devant le juge Robert Dufresne. Le droit Le principe de l’autorité de la chose jugée est codifié à l’article 2848 du Code civil du Québec. Afin de pouvoir établir la présomption légale de validité des jugements (chose jugée), deux conditions doivent être remplies : L’existence de la triple identité (identité de parties, identité de cause et identité d’objet) doit être établie. Elle vise à s’assurer que la même question, concernant les mêmes parties et recherchant les mêmes conclusions en droit, a déjà été tranchée.  Le jugement doit être rendu en matière contentieuse par un tribunal compétent et il doit être définitif14. Avant de débuter son analyse de la triple identité, le juge Dufresne examine d’abord ce deuxième critère. Il constate que le jugement est rendu en matière contentieuse par un tribunal compétent puisque le juge Tremblay est saisi de la demande en irrecevabilité. Il conclut également que le jugement a acquis un caractère définitif puisque plus de trente jours se sont écoulés depuis son prononcé et que la permission d’en appeler fut refusée. Le second critère est donc satisfait15. Le juge Dufresne procède ensuite à l’analyse du critère de la triple identité. Il considère que l'identité juridique des parties entre les deux recours a bien été établie. Des centaines d’allégations sont comparées entre le premier et le second recours, de même que des dizaines de pièces produites au soutien des deux procédures16. Il constate par ailleurs que la demanderesse formule les mêmes reproches dans les deux recours, bien que la façon de décrire celles et ceux à qui ils s’adressent soit quelque peu différente. Il s’exprime ainsi : «[24] Les fautes, manquements et reproches soulevés devant le juge Tremblay, j.c.s., à l’encontre des défendeurs sont les mêmes que ceux soulevés en l’espèce. Les responsables y sont identifiés. Qu’ils soient identifiés comme responsables, préposés ou fonctionnaires, ne change pas le constat que, juridiquement, la partie défenderesse est la même dans les deux recours.» Comme cela est reconnu en jurisprudence, le fait d’ajouter des défendeurs à un recours n’empêche pas le tribunal de conclure à l’identité de parties, puisque cette identité n’a pas à être parfaite17. Quant à l'identité de cause, le juge Dufresne remarque que même si le vocabulaire est parfois différent, les reproches de mauvaise foi, de falsification de documents, d’application illicite et illégale des normes, de violation de certains droits fondamentaux et de discrimination se retrouvent répétés ou renouvelés d’une procédure à l’autre. Dans le cadre des deux recours, la demanderesse soulève les mêmes questions en litige (ce qu’elle confirme lorsqu’elle est interrogée par le juge à ce sujet lors de sa plaidoirie)18. Le second recours vise encore la compensation pour le préjudice résultant de l’exclusion de la demanderesse de son programme de résidence. Or, le juge Tremblay a déjà tranché que les dommages subis par la demanderesse découlent de son exclusion du programme. Il a déjà conclu, dans son jugement du 15 mai 2023, que c’est l’ensemble du recours qui est visé par l’irrecevabilité19. Enfin, pour ce qui est de l'identité d'objet, le juge Dufresne se demande si le nouveau recours expose le tribunal à contredire une décision antérieure. Il constate rapidement que c’est bien le cas. En effet, accueillir le recours de la demanderesse nécessiterait de rejeter les conclusions du jugement précédent20. Le caractère abusif du recours Le juge Dufresne se pose ensuite la question de savoir si le recours intenté par la demanderesse est abusif. Il considère que c’est bien le cas, puisque la demanderesse répète les allégations d’un recours ayant déjà été rejeté. Il conclut qu’elle n'a pas agi de bonne foi et qu’elle tente de nuire aux personnes qu’elle tient pour responsables de son exclusion : «[41]Ces modifications par ajout de défendeurs et hausse du montant réclamé constituent une utilisation de la procédure excessive et déraisonnable. Cela ne sert qu’à nuire à ces personnes que la demanderesse tient pour fautivement responsables de son expulsion du Programme. Il s’agit-là d’un détournement des fins de la justice par lequel la demanderesse tente de se faire justice à elle-même en faisant payer à ces personnes le prix de leurs fautes. Par ailleurs, la demanderesse paraît remplir de nombreux critères pour être déclarée quérulente.» En terminant, le juge Dufresne rappelle que l’article 51 C.p.c. permet au Tribunal d’agir, même d’office, lorsqu’une partie adopte un comportement vexatoire ou quérulent. Il considère que la demanderesse satisfait plusieurs critères qui permettraient de la déclarer quérulente. Il mentionne avoir examiné ces critères et avoir envisagé de ce faire, mais considérant le fait que la demanderesse n’a pas eu l’occasion de présenter ses arguments sur la question de la quérulence à l’audience, il conclut qu’il ne peut agir en violation de la règle audi alteram partem. Il accueille la Demande en irrecevabilité pour cause de chose jugée et pour abus de l’Université et rejette l’ensemble du recours de la demanderesse. Conclusion Le principe de l’autorité de la chose jugée, codifié à l’article 2848 du Code civil du Québec, est l’un des piliers de notre système juridique. Lorsqu’un tribunal a rendu une décision finale, ce jugement ne saurait être remis en cause à nouveau. Dans l’affaire Bouchelaghem, le juge Dufresne a dû examiner de nombreuses allégations et pièces, et il en vient à la conclusion que malgré une formulation différente des allégations et l’ajout des intervenants à titre de défendeurs, la nature du second recours de la demanderesse demeure en pratique identique au premier. Ce jugement rappelle que l’utilisation de la procédure de manière excessive et déraisonnable, dans le but de nuire à la partie adverse, peut mener une partie à une déclaration de quérulence et au paiement de frais supplémentaires, ce, à l’initiative du juge saisi de l’affaire, même sans demande en ce sens par la partie faisant l’objet des reproches. La demanderesse a demandé la permission d'en appeler du jugement du juge Dufresne. Le 12 février 2025, le juge Michel Beaupré de la Cour d'appel du Québec a rejeté cette demande.21 L’affaire a été plaidée les 9 octobre et 7 novembre 2024. 2024 QCCS 4232. La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler de cette décision le 30 décembre 2024. L’audition est fixée au 11 février 2025. Bouchelaghem c. Université Laval, 2023 QCCS 4483. Bouchelaghem c. Université Laval, 2023 QCCS 4483 par. 8. Id., par.9 Id., par. 10. Id., par. 10. Id. par. 149. Id., par. 151. Un Pourvoi en contrôle judiciaire doit être introduit à l’intérieur d’un délai raisonnable selon l’article529 al.3 C.p.c. Bouchelaghem, précité. note 3, par. 116 et par. 162 à 165. Id., par. 120 à 125. Bouchelaghem c. Université Laval, 2023 QCCA 1443. Bouchelaghem c. Université Laval, préc., note 2, Par. 16. Id. Bouchelaghem c. Université Laval, préc., note 2, Par. 23 Bouchelaghem c. Université Laval, préc., note 2, Par. 8. Bouchelaghem c. Université Laval, préc., note 2, par. 27-28. Ce qui est également constaté par la juge Suzanne Gagné, j.c.a., dans son jugement rejetant la demande de permission d’en appeler, préc., note 13, par.6. Bouchelaghem c. Université Laval, préc., note 2, Par. 36 Bouchelaghem c. Université Laval, 2025 QCCA 144.

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  3. Droit de l'employeur d'obtenir des certificats médicaux : de nouvelles restrictions dès le 1er janvier 2025

    Le Québec connaît actuellement une importante pénurie de médecins. Au début de 2024, pour pallier la situation, plusieurs ministres du gouvernement caquiste ont annoncé que d’importants changements seraient mis en place afin d’alléger leur charge administrative. C’est dans ce contexte que l’Assemblée nationale a sanctionné le 9 octobre 2024 le projet de loi 68 intitulé Loi visant principalement à réduire la charge administrative des médecins.1 Que prévoit cette loi ? Cette nouvelle loi comporte onze articles, dont plusieurs apportent des modifications importantes à la Loi sur les normes du travail2 (LNT) en restreignant le droit des employeurs d'exiger des pièces justificatives à l'occasion de certaines absences. Rappelons que, selon le droit actuellement en vigueur, l'employeur peut avoir le droit d'exiger une justification de l'employé qui s'absente pour cause de santé afin d'en évaluer les motifs, la durée ou la capacité de l'employé eu égard à son éventuel retour au travail. Cela s'explique notamment par le fait que, en vertu du contrat de travail3 , tout employeur est en droit de s'attendre à ce que son employé exécute pleinement la prestation convenue. Selon les circonstances, le document justificatif remis doit parfois indiquer un diagnostic médical précis, une durée estimée de l'absence (pronostic) ainsi que les autres détails pertinents quant à la gestion de l'absence de l'employé. Conformément à ces principes, l'article 79.2 LNT prévoyait que l'employeur informé d'une absence pour cause de maladie, de don d'organe ou de tissus, d'accident, de violence conjugale, de violence à caractère sexuel ou d'acte criminel peut « demander à la personne salariée, si les circonstances le justifient eu égard notamment à la durée de l'absence ou au caractère répétitif de celle-ci, de lui fournir un document attestant ces motifs ». Selon la jurisprudence arbitrale4 et celle du Tribunal administratif du travail (TAT)5, le refus injustifié de remettre un tel certificat peut constituer un motif valable à l'imposition d'une mesure, administrative ou disciplinaire, selon les circonstances. Cela étant dit, la nouvelle loi adoptée modifie cet équilibre. En effet, un alinéa a été ajouté à l'article 79.2 LNT précisant que : « [...] l'employeur ne peut demander le document visé au premier alinéa pour les trois premières périodes d'absence d'une durée de trois journées consécutives ou moins prises sur une période de 12 mois ». Il sera donc interdit d'exiger un document justificatif, notamment un certificat médical, pour les trois premières absences de courte durée (moins de quatre jours) se produisant sur une période de 12 derniers mois. Selon les commentaires du ministre du Travail, ce « calcul des absences [doit débuter] à compter de la première absence au cours d'une année plutôt qu'à compter du 1er janvier de chaque année » . Aucune exception n'est prévue pour les cas où l'absence serait abusive ou autrement suspecte. Sous quelles conditions les employeurs peuvent exiger un certificat médical ? Les employeurs conservent néanmoins le droit d'exiger un certificat médical lorsque l'absence est susceptible de durer quatre jours consécutifs ou plus. Notons aussi que la disposition ne semble pas priver l'employeur de son droit d'enquêter autrement sur les situations qui lui paraissent douteuses. Une interdiction dans le même sens s'appliquera également aux employeurs dont les salariés sont régis par la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'œuvre dans l'industrie de la construction6 . Par ailleurs, la loi prévoit une modification aux dispositions relatives aux absences et aux congés pour raisons familiales ou parentales. Le troisième alinéa de l'article 79.7 LNT est modifié afin que l'employeur ne puisse d'aucune façon exiger un certificat médical afin de justifier une telle absence. Nous estimons cependant que ce changement n'affecte en rien son droit d'exiger un autre type de justification, notamment en ce qui concerne des obligations liées aux services de garde ou aux établissements d'enseignement. En cas de contravention, notons que les dispositions pénales déjà intégrées à la LNT aux articles 139 à 147 s'appliquent. Ces changements étant d'ordre public et ayant préséance sur tout contrat, politique ou convention collective, une mesure imposée à un employé en contravention à l'une de ces nouvelles obligations pourrait également être invalide ou faire l'objet d'une plainte fondée sur une pratique interdite. Quel impact pour les assureurs et les administrateurs de régimes d’assurances? Dans un autre ordre d'idées, la Loi visant principalement à réduire la charge administrative des médecins instaure également une nouvelle interdiction à l'égard des assureurs et des administrateurs de régimes d'assurances sociaux. Ceux-ci ne pourront plus exiger des services médicaux, tels qu'une consultation, dans le but de rembourser le coût de services ou d'une aide technique. Ils ne pourront également pas exiger un service médical à une fréquence prédéterminée différente que celle jugée appropriée par le médecin traitant lorsque cela vise le maintien du versement d'une prestation d'invalidité. Entrée en vigueur Les changements apportés à la LNT entreront en vigueur dès le 1er janvier 2025. Quant aux modifications concernant les assureurs et les administrateurs de régimes d'assurances sociaux, ceux-ci s'appliqueront ultérieurement à la date ou aux dates fixées par le gouvernement. L.Q., 2024, c. 29. RLRQ, c. N-1.1. Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 2085. Voir notamment la jurisprudence citée dans Linda BERNIER, Guy BLANCHET et Éric SÉGUIN, Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs du travail, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, feuilles mobiles, à jour au 30 mai 2024, par. 1.055. et ss. Voir notamment : Marchessault et CPE Les Petits Adultes, 2019 QCTAT 1632, par. 37-38; Labourdette et Protecteur du citoyen, 2019 QCTAT 4831, par. 52. RLRQ, c. R-20.

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  4. La preuve de l’inaptitude : analyse de l'affaire CIUSSS de l'Ouest-de-L'Île-de-Montréal ( ST. Mary's Hospital Center) c. R.C.

    LA PREUVE DE L’INAPTITUDE : ANALYSE DE L'AFFAIRE CIUSSS DE L'OUEST-DE-L'ÎLE-DE-MONTRÉAL (ST. MARY'S HOSPITAL CENTER) c. R.C1 RÉSUMÉ Les autrices commentent cet arrêt du 20 septembre 2024, dans lequel la Cour d’appel traite de la notion d’aptitude à consentir à des soins, dans un contexte de troubles psychiatriques. Dans cet arrêt, la Cour d’appel infirme la décision de première instance, qui concluait que l’intimé, bien qu’il niait son diagnostic, était apte à refuser une prise d’antipsychotiques, puisqu’il comprenait les bienfaits que les antipsychotiques pouvaient lui apporter et les refusait en raison des effets secondaires. La Cour d’appel conclut au contraire que le juge de première instance a mal appliqué les cinq critères permettant d’évaluer l’aptitude d’une personne à consentir aux soins, notamment dans le contexte où cette conclusion allait à l’encontre de l’expertise non contredite et que la preuve révélait plusieurs éléments soutenant une inaptitude de l’intimé à prendre une décision éclairée. INTRODUCTION Dans cette affaire, le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal (le « CIUSSS ») a interjeté appel d'un jugement rendu par la Cour supérieure le 14 mars 2024, qui avait refusé sa demande d'autorisation d'administrer des soins à R.C., un homme de 51 ans. La Cour supérieure avait conclu que l'inaptitude de l'intimé à consentir aux soins n'avait pas été prouvée par l’établissement. La Cour d’appel est donc amenée à réviser la réponse du juge d’instance à la première question (l’inaptitude à consentir) de la grille d’analyse2 en fonction du test appliqué depuis maintenant trois décennies3. LES FAITS R.C. a un historique médical complexe, ayant été hospitalisé à plusieurs reprises entre 2007 et 2019 pour des problèmes de santé mentale, notamment des idéations suicidaires et des troubles de personnalité. En 2021, il a été admis au CHUM pour des complications liées à la Covid-19, entraînant des lésions cérébrales dues à une hypoxie. À partir de 2022, il a consulté les urgences de manière répétée, souvent pour obtenir des benzodiazépines, ce qui a mené à une dépendance. Malgré une période d'adhésion à un traitement antipsychotique, R.C. a cessé de prendre ce médicament en raison d'effets secondaires indésirables. En janvier 2024, après un épisode de confusion, il a été amené à l'hôpital où un diagnostic de schizophrénie tardive a été posé. Cependant, R.C. a rejeté ce diagnostic, affirmant que ses problèmes de santé étaient causés par un dispositif d'intelligence artificielle qu'il croyait avoir été implanté dans son corps. Les psychiatres, après évaluation, ont conclu à son inaptitude à consentir aux soins. Le 16 février 2024, le CIUSSS a déposé une demande afin d’être autorisé à administrer des antipsychotiques à R.C. et pour le réhospitaliser, malgré son refus catégorique. Après l’analyse de la preuve, essentiellement constituée du témoignage de R.C. et de la psychiatre du CIUSSS, la Cour supérieure en vient à la conclusion que R.C. comprend la nature de son état et les bienfaits des traitements proposés, malgré son refus de reconnaître son diagnostic. Le tribunal est d’avis que les psychiatres du CIUSSS, dans leur analyse de l’aptitude de R.C., ont erronément repris en cascade le refus du diagnostic dans l’analyse des cinq critères de l’arrêt A.G4, commettant ainsi la même erreur que celle qui avait été relevée par la Cour d’appel dans l’affaire M.H.5  Malgré l’absence de contre-expertise sur la question de l’aptitude de R.C., la Cour supérieure détermine que celui-ci est apte à consentir à ses soins. Selon le juge d’instance, il n’aurait donc pas compétence afin de les ordonner, selon les enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt F.D.6 La demande d’autorisation de soins est pour ce motif rejetée. LA DÉCISION DE LA COUR D’abord, la Cour d’appel réitère les cinq critères permettant d’évaluer l’aptitude d’une personne, soit : La personne comprend-elle la nature de la maladie pour laquelle un traitement lui est proposé? La personne comprend-elle la nature et le but du traitement? La personne saisit-elle les risques et les avantages du traitement, si elle le subit? La personne comprend-elle les risques de ne pas subir le traitement? La capacité de comprendre de la personne est-elle affectée par sa maladie?7 Elle rappelle également que ces critères ne sont pas cumulatifs et que le décideur doit procéder à une évaluation de l’ensemble de ceux-ci8. De plus, le seul fait de refuser des soins qui seraient dans son intérêt est insuffisant et n’emporte pas une conclusion d’inaptitude9, tout comme le refus de reconnaître son diagnostic10. En l’espèce, la Cour d’appel considère que le juge a commis une erreur manifeste et déterminante justifiant son intervention. D’emblée, la Cour affirme que le juge devait s’exprimer quant à la suffisance de la preuve présentée et rappelle le rôle proactif qu’il devait jouer dans la préservation des intérêts de la personne visée11. Le juge d’instance devait donc poser des questions s’il estimait qu’un point ne faisant pas l’objet d’un véritable débat contradictoire soulevait pour lui une difficulté12. Par la suite, la cour reprend des extraits de la preuve constituée d’un rapport psychiatrique et du témoignage de son auteur puis constate que cette preuve ne permettait pas au juge d’instance de conclure que R.C. était apte à consentir ou à refuser au plan de traitement proposé, au contraire. À la lumière de cette même preuve, la Cour déclare que ce dernier est inapte à consentir aux soins et renvoi le dossier à la Cour supérieure pour qu’elle puisse se prononcer quant à l’existence d’un refus catégorique de même que sur les modalités du plan de traitement recherché. LE COMMENTAIRE DES AUTEURES Cet arrêt de la Cour d'appel s'inscrit dans la continuité d’une vingtaine de décisions13 rendues par cette même cour en matière d'autorisation judiciaire de soins, qui ont contribué à établir et à préciser les principes directeurs depuis la décision F.D. de 201514. Ces décisions successives ont non seulement enrichi la jurisprudence, mais ont également permis d'affiner les critères d'évaluation et les exigences légales entourant les demandes d'autorisation de soins. Cette évolution jurisprudentielle témoigne de l'engagement des tribunaux à encadrer les situations complexes liées aux soins de santé. Cet exercice relève de la recherche d’un équilibre entre les droits à la liberté et à l’autodétermination d’une part, et à la protection des personnes vulnérables ou autrement inaptes à consentir, d’autre part. Rappelons que le 6 juillet 2015, la Cour d’appel du Québec a marqué un tournant décisif en matière d’autorisations judiciaires de soins avec un arrêt qui se voulait un véritable coup de semonce à la Cour supérieure : F.D. c. Centre universitaire de santé McGill (Hôpital Royal-Victoria)15. Ce jugement a établi une grille d’analyse visant le respect des dispositions et de l’esprit de la loi. Depuis cette date, cette Cour a rendu près d’une vingtaine d’arrêts significatifs, chacun apportant des éclairages complémentaires. Les principes directeurs tirés de ces décisions peuvent être résumés selon les thèmes suivants : Les droits liés au processus judiciaire Chaque individu a le droit fondamental de contester une demande d’autorisation judiciaire de soins, d'être entendu et de se faire représenter16. Le juge doit jouer un rôle proactif pour protéger les intérêts de l’usager et s’assurer qu’il est représenté par un avocat17. La portée du plan de soins Exiger un plan de soins précis ne signifie pas qu'il faille imposer un médicament spécifique de manière restrictive18. Un juge peut retirer certaines substances d’un plan de traitement s’il estime que cela sert l’intérêt du patient19. Il est crucial de faire la distinction entre les soins préventifs et un plan de traitement qui inclut diverses alternatives selon l’évolution de la situation20. Une clause d’hospitalisation non immédiate doit être justifiée par la prévisibilité raisonnable d'une hospitalisation21. Lorsqu’un patient est hébergé, la demande d’autorisation doit préciser le lieu d’hébergement22. La contrainte physique ne peut être utilisée que si elle est indispensable pour éviter un préjudice grave et doit être limitée à l’essentiel23. Le refus des parents de consentir à un plan de traitement peut ne pas être justifié si le plan sert l’intérêt de l’enfant24. La durée de l’autorisation En l'absence de collaboration de la personne concernée et sans accès à ses dossiers médicaux antérieurs, le juge doit faire preuve d'une prudence accrue lors de l'examen de la légalité du plan de soins proposé, notamment en ce qui concerne sa durée et son étendue25. La durée de l’ordonnance de soins doit être aussi courte que raisonnablement possible, sans compromettre l’efficacité du traitement26. Lorsqu’une hospitalisation non immédiate est envisagée, le juge doit tenir compte du temps nécessaire à la stabilisation du patient27. La durée de 30 jours d'hospitalisation non immédiate ne doit pas être considérée comme une limite absolue, une période plus longue pouvant être nécessaire après une analyse rigoureuse28. La preuve La simple relation entre l’expert et les parties ne rend pas son témoignage irrecevable ; il faut examiner les circonstances entourant son rôle29. Un expert qui ne connaît pas les raisons du refus d’un traitement par un patient n’enfreint pas son devoir d’information30. Un expert peut témoigner sur des faits rapportés sans qu'une opposition soit possible. Toutefois, cela ne signifie pas que ces faits sont avérés, car les règles de preuve demeurent strictes dans ce contexte31. Le rapport d’un expert peut suffire comme témoignage ; le juge n'a pas à exiger le témoignage du patient si ce dernier ne peut pas comprendre les enjeux32. Dans les demandes d’ordonnance de sauvegarde, l’absence d’un rapport d’expertise et l’absence d’urgence peuvent faire échouer la demande33. Cette rétrospective met en lumière les avancées significatives réalisées par les tribunaux dans l'encadrement des demandes d’autorisations judiciaires de soins et la protection des personnes vulnérables. La grille d’analyse instaurée par l’arrêt F.D. reste pertinente, et les décisions subséquentes ont affiné les paramètres de cette analyse. L'arrêt rendu par la Cour d'appel dans l'affaire du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal c. R.C. constitue une étape importante dans l'évolution de la jurisprudence relative aux autorisations judiciaires de soins. En infirmant le jugement de première instance, la Cour a réaffirmé la nécessité d'une évaluation rigoureuse de l'aptitude à consentir, sans nier l'importance du rôle des équipes médicales et des demandes des établissements de santé pour garantir la dispensation des soins requis. Cette décision souligne non seulement la protection des droits des usagers, mais également l’importance du travail du tribunal qui doit s’assurer que les critères sont remplis, mais sans substituer son opinion à celle des experts entendus. CONCLUSION L’arrêt faisant l’objet du présent commentaire s'inscrit dans une lignée de décisions qui ont permis de clarifier et de renforcer les principes directeurs établis depuis l'arrêt F.D. de 201534. La Cour d'appel a fourni des lignes directrices précieuses pour les juges, les établissements et les professionnels de la santé dans l'évaluation des demandes d'autorisation de soins. À travers l'examen minutieux des circonstances entourant chaque cas, les tribunaux ont démontré leur engagement à encadrer efficacement les situations complexes liées aux soins de santé, en veillant à ce que les établissements disposent des outils nécessaires pour intervenir de manière adéquate. Enfin, il est crucial de reconnaître que, bien que des avancées aient été réalisées, des questions demeurent en suspens et nécessitent une attention continue. Les décisions récentes des tribunaux, y compris celle qui a conduit à l'arrêt R.C.35, illustrent l'importance d'un dialogue constant entre le cadre légal et les réalités cliniques. À mesure que la jurisprudence évolue, il sera essentiel de rester attentif aux développements futurs afin d'assurer aux établissements de santé la capacité d'agir efficacement tout en respectant les besoins des patients. 2024 QCCA 1231. F.D.c. Centre universitaire de santé McGill (Hôpital Royal-Victoria), 2015 QCCA 1139. Voir la décision de principe, Institut Philippe Pinel de Montréal c. A.G., 1994 CanLII 6105 (QC CA). Institut Philippe Pinel de Montréal c. A.G., 1994 CanLII 6105 (QC CA). M.H. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, 2018 QCCA 1948, par. 57. F.D. c. Centre universitaire de santé McGill (Hôpital Royal-Victoria), 2015 QCCA 1139. Décision commentée, par. 13; en référence à l’arrêt Institut Philippe Pinel de Montréal c. A.G., 1994 CanLII 6105 (QC CA), p. 28 à 33. Décision commentée, par. 14; en référence aux arrêts M. B. c. Centre hospitalier Pierre-le-Gardeur, 2004 CanLII 29017 (QC CA), paragr. 45; M.C. c. Service professionnel du Centre de santé et de services sociaux d’Arthabaska-et-de-L’Érable, 2010 QCCA 1114, paragr. 13. Décision commentée, par. 14; en référence à M. B. c. Centre hospitalier Pierre-le-Gardeur, 2004 CanLII 29017 (QC CA), paragr. 46. Décision commentée, par. 14, en référence aux arrêts Starson c. Swayze, 2003 CSC 32, paragr. 79 et M.H. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, 2018 QCCA 1948, paragr. 61-62. Voir à cet égard : A.N. c. Centre intégré universitaire de santé et de services du Nord-de-l’Ile-de-Montréal, 2022 QCCA 1167, par. 60. Décision commentée, par. 18. Nous avons écarté de notre analyse les arrêts suivants : Bédard c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal, 2023 QCCA 508; M.G. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, 2019 QCCA 203; S.F. c. CIUSSS de Centre-Ouest-de-l’île-de-Montréal – Hôpital général juif – Sir Mortimer B. Davis, 2021 QCCA 1531; P.L. c. Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre, 2018 QCCA 318; N.G. c. Sir Mortimer B. Davis Jewish General Hospital, 2021 QCCA 1892; F.D. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, 2017 QCCA 1206. F.D. c. Centre universitaire de santé McGill (Hôpital Roya-Victoria), 2015 QCCA 1139. Id. M.H. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, 2018 QCCA 1948, par. 68 et 69. A.N. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’île-de-Montréal, 2022 QCCA 1167 , par. 30. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale c. D.M., 2017 QCCA 1333, par. 25. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean c. O.G., 2018 QCCA 345, par. 15 et16. C.R. c. Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-St-Laurent, 2017 QCCA 328, par. 28. G.J. c. Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval, 2021 QCCA 1944, par. 24 à 26. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ) c. J.B., 2017 QCCA 1638, par. 30 à 35. X.Y. c. Hôpital général du Lakeshore, 2017 QCCA 1465, par. 20. A.P. c. Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, 2023 QCCA 58, par. 19. L.C. c. Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), 2015 QCCA 1139, par. 4 et 5. D.A. c. Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides, 2016 QCCA 1734, par. 31. T.F. c. CIUSSS de l’Est-de-l’île-de-Montréal , 2022 QCCA 1306, par. 25. N.M. c. Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre , 2022 QCCA1567, par. 17. M.G. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal , 2021 QCCA 1326, par. 11. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal (Douglas Mental Health University Institute) c. I.A., 2023 QCCA 1100, par. 30. Institut universitaire en santé mentale Douglas c. W.M., 2016 QCCA 1081, par. 5 A.D. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, 2023 QCCA 1240, par. 50, 56-57. A.F. c. Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides, 2021 QCCA 928, par. 50. F.D. c. Centre universitaire de santé McGill (Hôpital Royal-Victoria), 2015 QCCA 1139. CIUSSS de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal (St. Mary's Hospital Center) c. R.C., 2024 QCCA 1231.

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  1. Lavery accueille Kassandra Roberge à titre d'avocate

    Lavery a le plaisir d'annoncer l'arrivée d'une nouvelle avocate au bureau de Montréal : Kassandra Roberge. Me Roberge concentre sa pratique en droit de la famille, où elle plaide régulièrement devant la Cour supérieure et la Cour du Québec. Elle intervient dans des dossiers touchant la relocalisation internationale d’enfants, la reconnaissance de paternité, la déchéance de l’autorité parentale, la garde, la pension alimentaire, le divorce et les autorisations de voyager. Elle possède également une expertise en dossiers complexes liés à la violence conjugale et à des enjeux financiers impliquant de multiples sociétés, ainsi qu’en droit international privé, notamment en contestation de compétence territoriale et en matière de déplacement illicite d’enfants.  « J’ai décidé de rejoindre Lavery afin de m’épanouir pleinement sur le plan professionnel au sein d’une équipe engagée, dynamique et motivée. J’ai été particulièrement attirée par une culture qui valorise le développement continu des compétences, la rigueur ainsi que l’accompagnement structuré des professionnels à chaque étape de leur parcours. J’ai très hâte d’intégrer le département de Famille, personnes et successions et de collaborer avec des avocates possédant une expertise remarquable et un professionnalisme exemplaire. Intégrer Lavery me permet non seulement de contribuer à des mandats stimulants, mais aussi de bénéficier d’un environnement collaboratif favorisant la croissance, le partage des connaissances et l’atteinte de mon plein potentiel en tant qu’avocate en droit de la famille. » Nous souhaitons chaleureusement la bienvenue à Kassandra au sein de nos équipes !  

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  2. Une décision historique de la Cour supérieure du Québec reconnaît la pluriparentalité

    Montréal, le 12 mai 2025 – Le cabinet Lavery se réjouit de la décision rendue le 25 avril dernier par la Cour supérieure du Québec, qui reconnaît pour la première fois qu’un enfant peut légalement avoir plus de deux parents. Il s’agit d’une décision significative dans le contexte du droit québécois, qui introduit une nouvelle réalité juridique en matière de filiation. « Cette décision ébranle les fondements du droit de la filiation tel qu’on le connaît au Québec. Elle reconnaît non seulement la réalité vécue par de nombreuses familles, mais elle ouvre la voie à une conception plus inclusive de la parentalité », souligne Me Marc-André Landry, associé chez Lavery, qui a représenté l’une des familles à titre pro bono. « Il s’agit d’un pas important vers une plus grande égalité entre les enfants, quel que soit le modèle familial dans lequel ils évoluent. » Ce jugement survient à la suite d’une contestation constitutionnelle menée par trois familles pluriparentales, représentées par plusieurs bureaux d’avocats, dont Lavery. Le juge Andres Garin a déclaré inopérants 44 articles du Code civil du Québec, les jugeant discriminatoires envers les familles formées de plus de deux parents, et a accordé un délai de 12 mois au législateur pour corriger la situation. En invoquant la Charte canadienne des droits et libertés, le tribunal conclut que la limitation à deux liens de filiation porte atteinte au droit à l’égalité des enfants et des parents issus de modèles familiaux non traditionnels. Il a aussi ordonné l’ajout du nom du troisième parent sur l’acte de naissance de l’enfant concerné, reconnaissant ainsi les répercussions juridiques, sociales et psychologiques d’un refus de reconnaissance légale. Au-delà du droit de figurer sur un certificat de naissance, ce lien de filiation ouvre l’accès à des responsabilités et protections essentielles : garde, soutien financier, héritage, assurances, décisions médicales, etc. Alors que l’Ontario, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador reconnaissent déjà la pluriparentalité, le Québec emboîte enfin le pas. Le juge Garin souligne que, bien que le Code civil n’interdise pas explicitement la pluriparentalité, sa structure actuelle en empêche concrètement la reconnaissance. Lavery est fier d’avoir contribué à cette avancée juridique déterminante, qui pourrait faire école au Canada. Cette décision, que plusieurs comparent à celle ayant ouvert le mariage pour tous, témoigne de l’importance de l’évolution du droit au Québec, en phase avec les réalités sociales contemporaines. À propos de Lavery Lavery est la firme juridique indépendante de référence au Québec. Elle compte plus de 200 professionnels établis à Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières, qui œuvrent chaque jour pour offrir toute la gamme des services juridiques aux organisations qui font des affaires au Québec. Reconnus par les plus prestigieux répertoires juridiques, les professionnels de Lavery sont au cœur de ce qui bouge dans le milieu des affaires et s'impliquent activement dans leurs communautés. L'expertise du cabinet est fréquemment sollicitée par de nombreux partenaires nationaux et mondiaux pour les accompagner dans des dossiers de juridiction québécoise.

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