Environnement

Vue d’ensemble

Un grand nombre des décisions que sont appelés à prendre les entreprises  privées et les corps publics sont susceptibles d’être assujetties à des règles environnementales ou d’avoir des incidences environnementales pouvant engager la responsabilité de l’entreprise.

Cette situation, qui incite à la prudence, va de pair avec le fait que les compétences en matière d’autorisation environnementale ne sont pas concentrées entre les mains d’une seule entité publique. Différents acteurs, que ce soit au niveau municipal, régional, provincial ou fédéral, se partagent ces responsabilités, en fonction de la nature de la problématique en cause. Ainsi, en cette matière, se doit-on d’identifier l’autorité compétente. L’expertise de Lavery est recommandée dans ce domaine par l’édition 2017 du Canadian Legal Lexpert Directory.

Services

  • Les évaluations et autorisations environnementales
  • La conformité réglementaire à l’égard des législation provinciale et municipale
  • L’élaboration et la mise en œuvre des politiques en matière d’environnement
  • Les évaluations et audits environnementaux
  • La gestion et le transport des matières dangereuses
  • La gestion des risques environnementaux
  • La négociation et la rédaction d’ententes et de contrats
  • Le processus d’obtention de permis et d’autorisations
  • Les enquêtes et inspections
  • Les litiges portant sur l’environnement
  • L'aménagement de sites contaminés et autorisations de projets
  • L'accompagnement en matière de changements climatiques : réglementation et échange de droits d’émission de carbone
  • La gestion de l’écoulement des eaux ainsi que leurs corollaires : milieux humides et les plaines inondables
  • L'alimentation en eau potable et traitement des eaux usées
  • La gestion des matières résiduelles
  1. La modification à la Loi sur la concurrence visant à «lutter contre l’écoblanchiment»: un réel pas en avant?

    L’écoblanchiment, aussi connu sous l’appellation « greenwashing », est une forme de marketing présentant faussement un produit, un service ou une pratique comme ayant des effets environnementaux positifs1, qui induit les consommateurs en erreur et les empêche ainsi de prendre une décision d’achat éclairée2. Plusieurs initiatives ont été lancées pour contrer cette pratique à travers le monde. En Californie, une loi oblige les entreprises à divulguer l’information au soutien des allégations de nature environnementales3. En France, les publicités comportant des déclarations environnementales telles que « carboneutre » et « net zéro » doivent fournir un code à réponse rapide (code « QR ») qui renvoie aux études et données à l’appui de ces déclarations4. Au sein de l’Union européenne, une proposition de directive a été publiée afin d’interdire éventuellement des termes génériques comme « respectueux de l’environnement »5. Finalement, en Corée du sud, une proposition de modification de la Korea Fair Trade Commission aux lignes directrices pour l’examen de l’étiquetage et de la publicité liés à l’environnement permettrait d’imposer plus facilement des amendes aux entreprises qui pratiquent l’écoblanchiment6. Emboitant le pas à ces autres États, à tout le moins en apparence, le Parlement du Canada a présenté le Projet de loi C-597, qui, s’il entre en vigueur, introduira dans la Loi sur la concurrence8 une disposition visant à améliorer les outils de lutte contre l’écoblanchiment. Étant donné que cette disposition s’appliquera à « quiconque », elle visera nécessairement toutes les entreprises, sans égard à leur taille et leur forme juridique. La modification à la Loi sur la concurrence La modification législative envisagée permettrait au commissaire du Bureau de la concurrence (le « Bureau ») d’examiner9 le comportement de toute personne effectuant la promotion d’un produit par une déclaration ou d’une garantie environnementale10. Dans la mesure où cette entreprise ou cette personne ne sera pas en mesure de démontrer les avantages pour la protection de l’environnement ou l’atténuation des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques attribuables au produit, le commissaire de la concurrence pourra demander à un tribunal d’ordonner à l’entreprise ou la personne en cause de cesser de promouvoir le produit sur le fondement d’une déclaration ou d’une garantie environnementale non conforme, de publier un avis correctif et de payer une sanction administrative pécuniaire11 pouvant atteindre, pour une personne morale, entre 10 millions de dollars et trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur, selon le plus élevé de ces montants ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, 3% des recettes globales brutes annuelles de la personne morale. Pour chaque infraction subséquente, la sanction pourra plutôt atteindre les 15 millions de dollars. À noter qu’un « produit », au sens de la Loi sur la concurrence, peut être un article (bien meuble ou immeuble de toute nature) ou même un service12. Également, dans la mesure où la déclaration fausse ou trompeuse porte sur un aspect important susceptible de jouer un rôle dans le processus d’achat du bien ou du service visé par la déclaration et qu’elle a été effectué sciemment ou sans se soucier des conséquences, un recours pénal pourrait être entrepris13. De cette nouvelle disposition découle une obligation désormais expresse pour toute personne ou entreprise de fonder ses indications de nature environnementale sur une « épreuve suffisante et appropriée »14. Une « épreuve » au sens de cette Loi est une analyse, une vérification, un test visant à démontrer le résultat ou l’effet allégué du produit. Il n’est pas nécessaire que la méthode soit scientifique ou que les résultats soient établis avec certitude, les tribunaux ayant généralement interprété le mot « approprié » comme un mot signifiant qui a la capacité, qui est apte, qui convient ou qui est dicté par les circonstances15. En matière d’indication trompeuse, les tribunaux16 ont précisé la nature des critères qui doivent être considérés pour juger de la « suffisance » et du caractère « approprié » des épreuves effectuées. Ainsi, le caractère « suffisant et approprié » de l’épreuve dépend de l’indication donnée, telle qu’elle est comprise par une personne ordinaire. L’épreuve doit en outre : traduire le risque ou le préjudice que le produit vise à empêcher ou à atténuer; être effectuée dans des circonstances contrôlées ou dans des conditions qui excluent des variables externes ou qui tiennent compte de ces variables d’une façon mesurable; être effectuée sur plusieurs échantillons indépendants dans la mesure du possible (les essais destructifs pouvant constituer une exception); donner lieu à des résultats qui, sans avoir à satisfaire un critère de certitude, doivent être raisonnables, compte tenu de la nature du préjudice en cause, et établir que c’est le produit lui-même qui provoque de manière importante l’effet voulu; être effectuée indépendamment de la taille de l’organisation du vendeur ou du volume de ventes prévu17. Quelle sera la véritable incidence de cette modification? Il faut souligner qu’avant la modification législative envisagée, la portée de la Loi sur la concurrence en matière de publicité fausse ou trompeuse permettait déjà son application en matière de publicité écologique18. En effet, les dispositions actuelles avaient déjà pour effet d’interdire les indications fausses ou trompeuses sur un aspect important19. Au cours des dernières années, plusieurs plaintes d’écoblanchiment ont d’ailleurs été déposées sur ce fondement au Bureau et ce dernier a effectivement ouvert plusieurs enquêtes. Des enquêtes du Bureau ont mené à d’importants règlements en ce qui concerne certaines entreprises qui ont fait des représentations en lien avec leurs produits20/21/22/23. Dans toutes ces affaires, il faut préciser que le lourd fardeau de démontrer le caractère faux ou trompeur de la déclaration écologique de l’entreprise reposait sur les épaules du Bureau. La modification à la Loi envisagée changerait la donne en ce qu’elle aurait pour effet d’opérer un transfert du fardeau de la preuve sur les épaules de l’entreprise, c’est-à-dire qu’il lui incomberait désormais de faire la preuve des avantages de son produit dans une perspective de protection de l’environnement ou d’atténuation des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques. Vérification faite, il semble que la modification envisagée soit de nature à confirmer, dans une disposition législative particulière, ce que la norme générale consacrait déjà et ce, depuis 1999, tout en allégeant le fardeau de preuve du Bureau. Rappelons qu’outre la Loi sur la concurrence, d’autres lois applicables au Québec ont pour effet d’encadrer de façon générale l’écoblanchiment, notamment la Loi sur la protection du consommateur24. En vertu de cette loi, un commerçant, un fabricant ou un publicitaire ne peut effectuer une déclaration fausse ou trompeuse à un consommateur par quelque moyen que ce soit, ce qui inclut implicitement l’écoblanchiment25. L’impression générale donnée par la déclaration et, s’il y a lieu, le sens littéral des termes employés seront examinés26. Il est notamment interdit de faussement attribuer à un bien ou un service un avantage particulier et de prétendre qu’un produit comporte un élément particulier, ou même de lui attribuer une certaine caractéristique de rendement27. Des sanctions pénales28 et civiles29 sont prévues en cas d’infraction. Les pratiques exemplaires Que la modification législative dont nous avons fait état dans la présente entre éventuellement en vigueur ou non, il est crucial pour les entreprises d’adopter et de communiquer une image de son impact environnemental qui reflète la réalité et qui s’appuie sur des données et des faits crédibles. Au-delà de la conformité légale de ses déclarations, le fait de négliger de faire ce qui précède est susceptible de nuire sérieusement à la réputation de l’entreprise mais également à ses relations avec ses parties prenantes. Avant de communiquer une image « verte », une introspection est donc nécessaire. Les motivations réelles des engagements de développement durable de l’entreprise sont-elles claires, légitimes et convaincantes? Le développement durable est-il intégré dans la stratégie de l’entreprise? Est-il centré sur des enjeux essentiels de l’entreprise et sur de nouvelles actions? Existe-t-il une politique de développement durable crédible, centrée sur les enjeux pertinents, élaborée de façon concertée et approuvée par le CA ? Des objectifs et des cibles précis, clairs, mesurables et atteignables ont-ils été fixés ? Conclusion Le message du législateur ne peut être plus clair : le transfert du fardeau de preuve sur les épaules de l’entreprise sonne le glas d’une époque où le marketing vert d’un produit ne reposait sur rien de tangible.   Définition de l’Autorité des marchés financiers: Huit questions et réponses à se poser sur les crédits carbone et d’autres concepts liés | AMF (lautorite.qc.ca) Définition du Bureau de la concurrence : Déclarations environnementales et écoblanchiment (canada.ca) Assembly Bill No. 1305 : Voluntary carbon market disclosures, California, 2023, pour consulter: Bill Text - AB-1305 Voluntary carbon market disclosures. Décret no 2022-539 du 13 avril 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité, Journal officiel de la République française, 2022 pour consulter : Légifrance - Publications officielles - Journal officiel - JORF n° 0088 du 14/04/2022 (legifrance.gouv.fr). Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations, Conseil de l’Union européenne, Bruxelles, 2022, pour consulter : pdf (europa.eu). KFTC Proposes Amendment to Review Guidelines Regarding Greenwashing - Kim & Chang (kimchang.com) Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, 44e lég., 1re sess., pour consulter : Projet de loi émanant du Gouvernement (Chambre des communes) C-59 (44-1) - Première lecture - Loi d'exécution de l'énoncé économique de l'automne 2023 - Parlement du Canada. Actuellement, le projet de loi est toujours à sa deuxième lecture à la Chambre des communes. L.R.C. 1985, c C-34 Ce pouvoir d’enquête serait ouvert, comme la Loi le prévoit déjà, sur réception d’une plainte signée par 6 personnes d’au moins 18 ans ou encore dans toute situation où le commissaire aurait des raisons de croire qu’une personne serait contrevenu à l’article 74.01 de la Loi, voir L.R.C. 1985, c C-34, art. 9 et 10. Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, 44e lég., 1re sess., art. 236, pour consulter : Projet de loi émanant du Gouvernement (Chambre des communes) C-59 (44-1) - Première lecture - Loi d'exécution de l'énoncé économique de l'automne 2023 - Parlement du Canada; l’article 236 de cette loi ajoute un alinéa (b.1) au paragraphe 74.01(1) de la Loi sur la concurrence. Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c C-34, par. 74.1. et Sanctions et mesures correctives en cas de non-conformité (canada.ca). Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c C-34, par. 2(1). Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c C-34, par. 52(1). Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, 44e lég., 1re sess., par. 236(1). La commissaire de la concurrence c. Imperial Brush Co. Ltd. et Kel Kem Ltd. (faisant affaire sous le nom d’Imperial Manufacturing Group), 2008 CACT 2, paragr. 122 et ss. Tribunal de la concurrence, à la Cour fédérale et à la cour supérieure d’une province, Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, c C-34, art. 74.09 : il s’agit du Tribunal de la concurrence, de la Cour fédérale et de la Cour supérieure d’une province. La commissaire de la concurrence c. Imperial Brush Co. Ltd. et Kel Kem Ltd (faisant affaire sous le nom d’Imperial Manufacturing Group), 2008 CACT 2. Louis-Philippe Lampron, L’encadrement juridique de la publicité écologique fausse ou trompeuse au Canada : une nécessité pour la réalisation du potentiel de la consommation écologique?, Revue de Droit de l’Université de Sherbrooke, vol. 35, no 2, 2005, p. 474, pour consulter : A:\lampron.wpd (usherbrooke.ca). L.R.C. 1985, c C-34, art. 74.01 (a); Amanda Stephenson, Des groupes écologistes misent sur la Loi sur la concurrence, 1er octobre 2023, La Presse, pour consulter : Des groupes écologistes misent sur la Loi sur la concurrence | La Presse. Brenna Owen, Un groupe accuse Lululemon d’« écoblanchiment » et demande une enquête, 13 février 2024, La Presse, pour consulter : Un groupe accuse Lululemon d’« écoblanchiment » et demande une enquête | La Presse Martin Vallières, Gare aux tromperies écologiques, 26 janvier 2022, La Presse, pour consulter : Écoblanchiment | Gare aux tromperies écologiques | La Presse; Keurig Canada paiera une sanction de 3 millions de dollars pour répondre aux préoccupations du Bureau de la concurrence concernant les indications sur le recyclage des capsules de café - Canada.ca. Le commissaire de ljfa concurrence c Volkswagen Group Canada Inc et Audi Canada Inc, 2018 Trib conc 13. Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1, art. 219, 220 et 221. Définition du Bureau de la concurrence : Déclarations environnementales et écoblanchiment (canada.ca) Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, par. 46 à 57. Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1, art. 220 et 221. Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1, art. 277 à 279 : les amendes se situent entre 600$ et 15 000$ pour une personne physique et entre 2 000$ et 100 000$ pour une personne morale. En cas de récidive, ces montants sont doublés. Id., art. 271à 276 : Le consommateur peut notamment demander la nullité du contrat, l’exécution de l’obligation du commerçant ou la réduction de son obligation.

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  2. Obligations environnementales : administrateurs et dirigeants, vos responsabilités sont peut-être plus importantes que vous ne le pensiez

    De manière générale, les administrateurs et les dirigeants d’une personne morale ont des obligations et responsabilités en lien avec les activités de cette personne morale. Ainsi, tout administrateur d’une personne morale doit agir avec prudence, diligence, honnêteté, loyauté et dans l’intérêt de cette personne morale1. Le dirigeant d’une personne morale, pour sa part, a pour mission de la représenter et de diriger ses activités.2 Cela dit, l’administrateur et le dirigeant doivent garder à l’esprit que ces devoirs et responsabilités sont accrus et qu’un fardeau plus lourd leur est imposé lorsqu’il est question de s’assurer du respect de certaines lois environnementales. Depuis son entrée en vigueur le 12 mai 2022, l’application de diverses lois environnementales3 est assurée par la Loi sur certaines mesures permettant d’appliquer les lois en matière d’environnement et de sécurité des barrages (« LMA »). La LMA prévoit essentiellement deux types de conséquences pour les actes des administrateurs, dirigeants, et même, parfois, autres représentants de personnes morales : certaines impliquent un fardeau particulier quant au respect des lois environnementales et d’autres impliquent des conséquences en lien avec l’administration du régime d’autorisations environnementales. La responsabilité des administrateurs et dirigeants quant au respect des lois environnementales Les dispositions pénales de la LMA prévoient des peines accrues pour les administrateurs lorsqu’ils commettent une infraction à une loi environnementale. L’article 47 LMA prévoit que lorsqu’une infraction est commise par un administrateur ou un dirigeant d’une personne morale, les montants minimal et maximal des peines sont le double de ceux qui sont prévus pour une personne physique. Par ailleurs, il importe de rappeler que lorsqu’une personne morale commet une infraction à une loi environnementale, tout administrateur ou dirigeant est présumé avoir commis lui-même cette infraction à moins qu’il n’établisse avoir fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration.4 La LMA ajoute que quiconque aide une personne (que ce soit par un acte ou une omission) à commettre une infraction, ou l’amène par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre à commettre une telle infraction, commet lui-même cette infraction et est passible de la même peine que celle qui est prévue pour la personne qu’il a aidée ou amenée à commettre l'infraction5. Cette règle s’applique évidemment aux administrateurs et dirigeants de la personne morale, mais ne se limite pas à ceux-ci. Par exemple, un ingénieur ou un conseiller juridique qui prodiguerait un conseil à une personne morale l’amenant ainsi à commettre une infraction à une loi environnementale serait également visé. Enfin, lorsqu’une personne morale est en défaut de payer une somme due6, les administrateurs et les dirigeants sont solidairement tenus avec celle-ci au paiement de cette somme. Ils peuvent toutefois se libérer de cette obligation en faisant la démonstration qu’ils ont fait preuve de prudence et de diligence pour prévenir le manquement qui a donné lieu à la réclamation.7 Cette règle pourrait notamment trouver application dans le cas où la personne morale est insolvable, ce qui illustre bien l’importance d’une saine gestion et d’une certaine anticipation des enjeux environnementaux auxquels la personne morale est susceptible de faire face. Le comportement des administrateurs, dirigeants et actionnaires et le régime d’autorisation environnementale La Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) met en place un régime d’autorisation ministérielle visant à encadrer l’exercice de certaines activités considérées comme susceptibles d’avoir un impact sur la qualité de l’environnement.8 Ce régime d’autorisation est discrétionnaire. Lorsqu’une activité est visée par ce régime d’autorisation ministérielle, elle ne peut être exercée légalement sans que l’autorisation requise n’ait été préalablement émise. L’importance de détenir et de conserver cette autorisation est par conséquent fondamentale pour le maintien des activités de l’entreprise. Or, selon la LMA, le ministre de l’Environnement9 peut refuser de délivrer, de modifier ou de renouveler une autorisation ministérielle ou encore décider de modifier, de révoquer, d’annuler ou de s’opposer à la cession de cette autorisation dans certaines situations liées au comportement des administrateurs, dirigeants et actionnaires10 de la personne morale titulaire de l’autorisation.11 Les situations permettant au ministre d’intervenir de cette manière sont, par exemple, celles où l’un des administrateurs, dirigeants ou actionnaires de la personne morale : a produit une déclaration, un document ou un renseignement faux ou dénaturé ou a omis de déclarer un fait important pour la délivrance, le maintien, la modification, le renouvellement ou la cession d’une autorisation; est en défaut de respecter une injonction rendue en vertu d’une loi relevant du ministre de l’Environnement; est en défaut de payer une somme due en vertu d’une loi relevant du ministre de l’Environnement (incluant les sanctions administratives pécuniaires ou tous autres frais qui doivent être payés en vertu de ces lois); a été déclaré coupable d’une infraction à une loi relevant du ministre de l’Environnement ou à l’un de ses règlements; a été déclaré coupable d’une infraction à une loi fiscale ou d’une infraction criminelle liée à l’exercice d’activités visées par l’autorisation.12 Ainsi, le comportement d’administrateurs, dirigeants ou actionnaires pourrait entraîner des répercussions sur les droits et les obligations d’une personne morale relativement à l’exercice d’activités autorisées par le ministre. En outre, il pourrait nuire à la cession d’une autorisation dans le contexte d’une vente d’actifs, voire l’empêcher. Les administrateurs et dirigeants ont tout intérêt à s’assurer que la personne morale respecte les lois environnementales. Il en va évidemment de l’intérêt de la personne morale elle-même, mais aussi de celui des administrateurs et dirigeants, dont la responsabilité personnelle ainsi que le patrimoine pourraient être mis en jeu en cas de défaut de la part de la personne morale. Articles 321 et 322 du Code civil du Québec. Article 312 C.c.Q. Ces lois environnementales sont : la Loi sur la qualité de l’environnement, la Loi visant l’augmentation du nombre de véhicules automobiles zéro émission au Québec afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et autres polluants, la Loi sur la conservation du patrimoine naturel, la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, la Loi sur les pesticides et la Loi sur la sécurité des barrages (article 1 LMA). Article 51 LMA Article 49 LMA La somme due peut notamment être une sanction administrative pécuniaire, une amende, une compensation financière exigée en vertu d’un avis d’exécution, etc. Article 66 LMA; En outre, selon l’article 67 LMA, le remboursement d’une somme due est garanti par une hypothèque légale sur les biens meubles et immeubles du débiteur, en l’occurrence, l’administrateur et le dirigeant de la personne morale. Article 22 LQE. La Loi prévoit par ailleurs que certaines activités répertoriées au Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement peuvent bénéficier du régime plus souple de la déclaration de conformité ou même d’une exemption. Il n’est toutefois pas nécessaire d’entrer dans le détail de ces régimes pour les fins du présent texte. Conformément à l’article 2 des Modalités de signature de certains documents du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (M-30.001, r.1), les sous-ministres adjoints, les directeurs généraux, le secrétaire général, les directeurs, les directeurs régionaux et les directeurs adjoints sont également autorisés à signer des documents faisant état de décisions en cette matière. Pour les fins de l’application de ces dispositions de la LMA, l’actionnaire est la personne physique détenant, directement ou indirectement, des actions conférant 20 % ou plus des droits de vote d’une personne morale qui n’est pas un émetteur assujetti à la Loi sur les valeurs mobilières (article 2 LMA). Sauf en cas d’urgence, une telle décision du ministre doit faire l’objet d’un préavis à la personne visée afin de lui permettre de présenter ses observations (article 39 LMA). Par la suite, la décision du ministre est notifiée à la personne concernée (article 40 LMA) qui peut la contester devant le Tribunal administratif du Québec (articles 40 et 41 LMA). Voir les articles 32 à 36 LMA

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  3. Règlement interdisant les plastiques à usage unique : Quel impact pour les entreprises?

    Le 20 juin dernier, le gouvernement fédéral a enregistré un règlement qui, tel que son nom l’indique, interdit (ou restreint dans certains cas) la fabrication, l’importation et la vente de certains plastiques à usage unique qui représentent une menace pour l’environnement. Le Règlement entrera en vigueur le 20 décembre 2022, à l’exception de certaines dispositions entrant en vigueur au cours des mois suivants1. Il sera désormais interdit de fabriquer, importer ou de vendre certains articles manufacturés en plastique à usage unique, composés entièrement ou partiellement de plastique, tels que les récipients alimentaires, les sacs d’emplettes et les pailles. Il est prévu que ce règlement touchera plus de 250 000 entreprises canadiennes qui vendent ou offrent des articles manufacturés de plastique à usage unique, soit principalement les entreprises de commerce au détail, de services de restauration et d’hébergement et du secteur des soins de santé. Voici la liste exhaustive des articles qui seront interdits : les anneaux en plastique à usage unique pour emballage de boissons qui sont conçus pour entourer des récipients de boissons et permettre de les transporter ensemble2; les bâtonnets à mélanger en plastique à usage unique conçus pour remuer ou mélanger des boissons ou pour empêcher le débordement d’une boisson par le couvercle de son contenant3; les récipients alimentaires en plastique à usage unique qui sont à la fois conçus (a) en forme de récipient à clapet, de récipient à couvercle, de boîte, de gobelet, d'assiette ou de bol, (b) pour servir des aliments ou des boissons prêts à consommer ou pour les transporter et (c) qui contiennent certaines matières4; les sacs d’emplettes en plastique à usage unique conçus pour transporter les articles achetés dans une entreprise et (a) dont le plastique n'est pas un tissu ou (b) dont le plastique est un tissu mais qu'il se brise s'il est utilisé pour transporter un poids de dix kilogrammes sur une distance de cinquante-trois mètres à cent reprises ou s'il est lavé conformément aux méthodes de lavage spécifiées pour un seul lavage domestique dans la norme ISO 6330 de l'Organisation internationale de normalisation et ses modifications successives5; les ustensiles en plastique à usage unique en forme de fourchette, de couteau, de cuillère, de cuillère-fourchette ou de baguette et qui, soit a) contiennent du polystyrène ou du polyéthylène, soit b) que leurs propriétés physiques changent après cent lavages dans un lave-vaisselle d'usage domestique alimenté à l'électricité6; les pailles en plastique à usage unique, qui, soit a) contiennent du polystyrène ou du polyéthylène, soit b) que ses propriétés physiques changent après cent lavages dans un lave-vaisselle d'usage domestique alimenté à l'électricité7. Les principales exceptions Les pailles flexibles en plastique à usage unique Les pailles flexibles en plastique à usage unique, soit celles qui comportent un segment articulé qui permet de la plier et de la maintenir en position dans différents angles »8, pourront être fabriquées et importées9. Ces pailles flexibles pourront également être vendues dans l’une ou l’autre des circonstances suivantes :  La vente n’a pas lieu dans un contexte commercial, industriel, ou institutionnel10. Cette exception signifie que les particuliers peuvent vendre ces pailles flexibles; La vente se fait entre entreprises sous emballage d’un paquet d’au moins 20 pailles11; La vente, par un magasin de commerce au détail, d'un paquet d'au moins 20 pailles est faite à un client, dans la mesure où le client le demande sans que le paquet soit exposé de façon à ce que le client puisse le voir sans l'aide d'un employé de magasin12; La vente, par un magasin de vente au détail, de pailles à un client, si elles sont emballées conjointement avec des récipients de boissons et que les récipients de boissons ont été emballés ailleurs qu'au magasin de vente au détail13; La vente a lieu entre un établissement de soins, tels un hôpital ou un établissement de soins de longue durée, et ses patients ou ses résidents14. L’exportation d’articles en plastique à usage unique Tous les articles manufacturés en plastique à usage unique énumérés ci-dessus pourront toutefois être fabriqués, importés ou vendus à des fins d’exportation15. Cela étant dit, toute personne qui fabrique ou importe ces articles pour fins d’exportation devra conserver dans un registre certains renseignements et documents selon le cas, et ce, pour chaque type d’article manufacturé en plastique16. Ces renseignements et documents devront être conservés pendant au moins cinq ans dans le registre au Canada17. Conclusion : une invitation à repenser les façons de faire À court terme, les entreprises devront amorcer une réflexion afin de déterminer comment elles remplaceront les articles manufacturés en plastique qu’elles utilisent. Afin d’aider les entreprises à sélectionner des substituts aux articles de plastique à usage unique, le gouvernement fédéral a publié une Ébauche du Cadre de gestion pour la sélection d'alternatives aux plastiques à usage unique18. Selon cette ébauche, la réduction des matières plastiques devrait être privilégiée. Ainsi, les entreprises pourraient d’abord se demander si un plastique à usage unique doit être remplacé ou si ce produit ou service peut être éliminé. Seuls les produits ayant des fonctions essentielles devraient être remplacés par des équivalents non plastiques. Il est noté que la plupart du temps, les bâtonnets à mélanger et les pailles pourraient être éliminés. Une autre façon de réduire les déchets serait d’opter pour des produits et emballages réutilisables. Les entreprises sont ainsi invitées à repenser leurs produits et services pour offrir des options réutilisables. Les programmes de contenants réutilisables (c.-à-d. offrir la possibilité aux clients d’utiliser leurs contenants réutilisables) sont une option de réutilisation que les entreprises pourraient envisager, et ce, plus particulièrement pour réduire la quantité de récipients alimentaires en plastique. Ce n’est que lorsqu’il ne serait pas possible d’opter pour des produits réutilisables que l’entreprise devrait substituer au produit de plastique à usage unique un substitut à usage unique qui serait, quant à lui, recyclable. Dans cette situation, les entreprises sont invitées à communiquer avec les installations de recyclage locales pour s’assurer de leur capacité de recycler les produits avec succès lorsqu’ils arriveront en fin de vie. Finalement, faire payer les consommateurs pour certains substituts à usage unique (p. ex. les ustensiles à usage unique en bois ou fibre pressée) peut également décourager leur utilisation. Ibid., art. 1. Ibid., art. 3. Ibid., art. 6. Mousses de polystyrène, chlorure de polyvinyle, plastique contenant un pigment noir produit par la combustion partielle ou incomplète d'hydrocarbures ou plastique oxodégradable; Ibid. Cette norme est intitulée Textiles – Méthodes de lavage et de séchage domestiques en vue des essais des textiles; Ibid. Ibid. Ibid, art. 4 et 5. Ibid., art. 1. Ibid., art. 4. Ibid., par. 5(2). Ibid., par. 5(3). Ibid., par. 5(4); Selon l'Ébauche du Cadre de gestion pour la sélection d'alternatives aux plastiques à usage unique, l'objectif est de faire en sorte que les personnes en situation de handicap qui ont besoin d'une paille flexible en plastique à usage unique continuent d'y avoir accès à la maison et puissent l'apporter dans les restaurants et autres lieux. Ibid., par. 5(5). Ibid., par. 5(6). Ibid., par. 2(2). Ibid., art. 8. Ibid., par. 9(1). https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/gestion-reduction-dechets/consultations/document-consultation-projet-reglement-plastiques-usage-unique.html.

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  4. Il était une fois dans l’Ouest : Redwater, son syndic et le shérif de l’environnement

    Dans un arrêt du 31 janvier 2019, la Cour suprême ordonne qu’une société pétrolière faillie s'acquitte d’abord de ses obligations de remise en état des puits de pétrole abandonnés, avant de procéder à tout paiement en faveur de ses créanciers. Une décision qui suscite des réactions opposées d’un bout à l’autre du pays, puisque, d’une part, elle donne clairement préséance à la protection de l’environnement en cas de faillite, mais que, d’autre part, elle risque d’influencer les décisions d’affaires dans des industries où des risques environnementaux sont en jeu. Par ailleurs, l’impact concret qu’aura cet arrêt au Québec, où les lois environnementales ont récemment fait l’objet d’importantes réformes, reste à voir. Le contexte Redwater est une pétrolière et gazière albertaine cotée en bourse dont une part des activités a été financée, en 2013, par Alberta Treasury Branches (« ATB »). Celle-ci détient des sûretés sur ses biens. En 2014, Redwater se retrouve en difficulté financière et est incapable d’acquitter ses obligations envers ATB, son plus important créancier garanti. En 2015, Redwater est mise sous séquestre. À ce moment, l’actif de Redwater est composé de 127 biens pétroliers et gaziers — puits, pipelines et installations — et des permis correspondants, obtenus en 2009. Ces permis lui avaient été accordés par l’Alberta Energy Regulator (« AER ») sous réserve d’une obligation de remettre les puits et les installations en état de la manière prescrite afin de les rendre sûrs sur le plan environnemental. Or, au moment où Grant Thornton est nommé séquestre, 72 puits et installations autorisés de Redwater sont taris et grevés de responsabilités environnementales relatives à leur abandon et à la remise en état des terrains excédant la valeur des puits et des installations qui sont toujours productifs. Informé de la mise sous séquestre de Redwater, l’AER déclare à Grant Thornton que malgré le séquestre, il est légalement tenu de remplir les obligations d’abandon et de remise en état pour tous les biens visés par des permis, et ce, avant de distribuer des fonds ou de finaliser toute proposition aux créanciers. Grant Thornton réplique à l’AER qu’il renonce à prendre possession des installations sans valeur de Redwater et que, par conséquent, il n’est aucunement tenu de satisfaire aux obligations environnementales associées aux biens faisant l’objet de la renonciation (les « obligations environnementales »).  À l’été 2015, en réaction à la réplique de Grant Thornton, l’AER rend des ordonnances d’abandon en vertu de deux lois albertaines, enjoignant à Redwater de suspendre l’exploitation des biens faisant l’objet de la renonciation et de les abandonner conformément aux règlements et règles de l’AER et d’obtenir les certificats de remise en état requis par la loi. À l’automne 2015, une ordonnance de faillite est rendue à l’égard de Redwater et Grant Thornton est désormais nommé syndic. L’AER dépose une demande en justice afin qu’il soit ordonné à Grant Thornton de se conformer à ses obligations environnementales avant que toute distribution aux créanciers ait lieu. Le juge de première instance et les juges majoritaires de la Cour d’appel de l’Alberta ont toutefois donné raison à Grant Thornton. Selon eux, donner raison à l’AER reviendrait à faire fi du régime de distribution ordonnée prévu à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité («LFI»). L’AER a fait appel du jugement à la Cour suprême. Le 31 janvier 2019, dans un arrêt rendu à la majorité de 5 contre 2, la Cour suprême a accueilli la demande de l’AER 1-  La responsabilité personnelle du syndic La première question que la Cour analyse est celle de savoir si l’article 14.06(4) de la LFI permet à un syndic de se soustraire aux obligations imposées par les lois albertaines en matière de remise en état des installations pétrolières. À l’essentiel, cette question pose celle de savoir si la LFI entre en conflit d’application avec les lois provinciales. L’article 14.06(4) de la LFI prévoit que le syndic est dégagé de toute responsabilité personnelle découlant du non-respect de toute ordonnance de réparation de tout fait ou dommage lié à l’environnement et touchant un bien visé par une faillite s’il abandonne ou renonce à tout droit sur le bien en cause. La majorité de la Cour interprète cette disposition de façon restrictive et conclut que, même si la responsabilité personnelle du syndic est écartée, cela n’empêche pas que l’actif du failli demeure assujetti au respect d’obligations de réparation liées à un dommage environnemental. Ainsi, la valeur des biens de la société faillie devra servir à acquitter ses obligations environnementales. 2-  La notion de « réclamation prouvable » Grant Thornton invoquait de plus que, même si les biens du failli devaient servir au respect des obligations environnementales, celles-ci devaient être acquittées comme les « réclamations prouvables » d’un créancier ordinaire, c’est-à-dire non détenteur d’une priorité ou d’une garantie. Ainsi, la question de savoir si l’AER pouvait demander l’exécution des obligations environnementales de Redwater avant que la valeur de l’actif ne puisse être distribuée à ses créanciers fait intervenir le concept de « réclamation prouvable en matière de faillite », tel qu’il est défini par la LFI. L’un des objectifs de la LFI consiste à assurer la répartition équitable des biens du failli parmi les créanciers qui ont une « réclamation prouvable ». Cette répartition se fait selon un ordre bien précis, établi par la loi. Or, si une réclamation n’est pas « prouvable » au sens de la loi, elle continue à lier le failli et doit être acquittée sans égard à l’ordre de répartition. Selon la Cour suprême dans l’arrêt AbitibiBowater rendu en 20121, une « réclamation prouvable » existe si trois critères sont satisfaits : il faut être en présence d’une dette, d’un engagement ou d’une obligation envers un « créancier »; la dette, l’engagement ou l’obligation doit avoir pris naissance avant que le débiteur ne devienne failli; et il doit être possible d’attribuer une valeur pécuniaire à cette dette, cet engagement ou cette obligation. Dès lors que l’un de ces critères n’est pas satisfait, il n’y a pas de « réclamation prouvable ». Appliquant ce cadre d’analyse à la situation en l’espèce, la majorité de la Cour détermine que l’AER n’est pas un « créancier » au sens du premier critère. Selon la Cour, c’est le public albertain qui bénéficie ultimement du respect par Redwater et d’autres sociétés comme elle de leurs obligations environnementales, et non la province qui en retire un avantage financier. Ainsi, l’AER, lorsqu’elle cherche à faire respecter les devoirs à caractère public de Redwater, n’est pas un « créancier » au sens de la loi. Cela suffit pour conclure que sa réclamation n’était pas une « réclamation prouvable » assujettie à la répartition prévue par la LFI2. Le résultat est, selon la Cour suprême, que le respect des obligations environnementales a préséance sur le paiement de toute réclamation prouvable des créanciers garantis, prioritaires et non garantis, à la manière d’une charge prioritaire3. Cette conclusion n’a pas pour effet de perturber le régime de priorités prévu par la LFI, ni d’en contredire l’objectif de maximiser la valeur de réalisation de l’actif, car de toute manière, tous les biens de valeur de Redwater étaient des biens soumis aux obligations environnementales. Une telle décision soulève plusieurs questions. D’une part, comme le soulève la juge Côté dans ses motifs dissidents, il pourrait parfois être difficile de savoir quand l’organisme de réglementation n’agit pas dans l’intérêt public – faisant ainsi croire qu’un tel organisme ne peut jamais être un créancier au sens de la loi. D’autre part, la définition retenue est susceptible d’avoir des conséquences, notamment sur l’industrie du financement de sociétés actives dans l’exploitation de ressources naturelles. En effet, face à l’existence de charges prioritaires qui peuvent demeurer longtemps inconnues, les prêteurs qui financent les activités de telles sociétés pourraient avoir à réexaminer les conditions auxquelles ils acceptent de les financer en raison du risque accru de voir diminuer la valeur de leur investissement ou de leurs garanties. 3-  Et qu’en est-il des effets de ce jugement au Québec? Il est particulièrement difficile de dire avec certitude quels seront les effets de cette décision au Québec, vu le contexte législatif actuel dans les domaines d’activités en cause. En effet, la législation québécoise, tant en matière de protection de l’environnement qu’en matière de gestion des ressources naturelles, a fait l’objet de récentes réformes majeures (au milieu de 2017 en environnement et à la fin de 2018 pour les hydrocarbures). La structure de la loi, les conditions d’obtention des autorisations d’exploitation et les pouvoirs des autorités publiques (en particulier ceux des ministres responsables) ont été à ce point modifiés qu’il faut, à notre avis, se montrer prudent avant de tirer des conclusions hâtives. Dans le cas analysé par la Cour suprême, la législation en cause, qui faisait de la restauration des sites une obligation afférente aux permis émis, définissait la restauration en y incluant la décontamination. Or, si cette conclusion peut apparemment être tirée de la structure législative applicable aux exploitations minières, cela est moins évident en regard de l’exploitation des hydrocarbures au Québec. Par ailleurs, si le Québec est doté de dispositions législatives visant à assurer, dans certaines situations, la réalisation de travaux de décontamination de sol en raison de la section IV de la Loi sur la qualité de l’environnement portant sur la question, les obligations de caractérisation, de confection d’un plan de réhabilitation et la réalisation de travaux de décontamination ne s’appliquent pas dans tous les cas. Ainsi, alors que dans certains cas seules la production d’une étude de caractérisation et la production d’un plan de réhabilitation sont imposées (cessation des activités), la décontamination ne sera obligatoire (sauf ordonnance du ministre) que pour la relance d’activités autres. Dès lors, dans les cas où la décontamination d’un terrain n’est pas une condition obligatoire imposée par la loi, il y a lieu de s’interroger si des travaux de décontamination par ailleurs réalisés peuvent ou non être qualifiés de « réclamations prouvables » au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. C’est pourquoi, il y a lieu de se montrer prudent pour l’instant avant d’affirmer que le jugement de la Cour suprême dans la présente affaire trouvera automatiquement application au Québec dans toute situation. C’est l’analyse des situations au cas par cas (comme le dit la Cour suprême d’ailleurs) qui nous permettra d’avancer; et sûrement qu’une bonne compréhension du jugement de la Cour suprême dans l’affaire Redwater s’imposera. 4-  Conclusion L’arrêt Redwater soulève des réactions diamétralement opposées selon le forum concerné. D’un côté, certains saluent l’effort de la Cour suprême de soutenir les autorités provinciales chargées d’assurer les questions environnementales, en adoptant une interprétation des dispositions législatives fédérales et provinciales large et flexible, imprégnée de fédéralisme coopératif. On apprécie le message de la Cour qui souligne que la faillite n’est pas un permis de faire abstraction des règles environnementales et que les syndics sont liés par les lois provinciales valides. D’un autre côté, on déplore les conséquences d’affaires qui risquent de découler de cet arrêt pour les entreprises qui œuvrent dans des domaines d’activités qui comportent des risques environnementaux où l’accès au financement pourrait s’avérer plus difficile. Lorsque toute la valeur de l’actif est susceptible d’être utilisée pour assurer le respect des obligations environnementales, les professionnels de l’insolvabilité qui comptent sur la valeur des actifs pour couvrir leurs frais pourraient être découragés d’accepter des mandats lorsque des problèmes environnementaux sont en cause. On craint de même que les entreprises en difficulté abandonnent leurs actifs aux mains de l’État plutôt que de tenter de se restructurer, augmentant ainsi la charge sociale de ces actifs problématiques, ce que la décision de la majorité semblait pourtant vouloir éviter. Au Québec, comme nous l’avons vu plus haut, il s’agira d’examiner attentivement la nature des pouvoirs exercés et des ordonnances émises, afin d’en déterminer le caractère réglementaire ou pécuniaire immédiat ou potentiel. Dans le premier cas, l’arrêt Redwater porte à croire qu’un syndic serait forcé d’obtempérer jusqu’à concurrence de la valeur des biens de l’actif, tandis que dans le second cas, la réclamation de l’autorité provinciale serait considérée comme une réclamation subordonnée aux droits des créanciers garantis et privilégiés suivant l’ordre de répartition prévu par la LFI.   Terre-Neuve-et-Labrador c. AbitibiBowater Inc., 2012 CSC 67 (CanLII), [2012] 3 R.C.S. 443. La Cour analyse cependant le troisième critère établi dans l’arrêt Abitibi et conclut qu’il n’est pas possible d’attribuer une valeur pécuniaire à l’obligation en cause, puisqu’il n’était pas suffisamment certain que l’organisme effectuerait les travaux ou en exigerait le remboursement. Les juges dissidents ont plutôt conclu au contraire sur ce point. Que la Cour assimile à celle  qui est prévue à l’article 14.06(7) de la LFI dont l’organisme ne pouvait se prévaloir en l’espèce.

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  1. Une équipe Lavery formera les membres de la COMBEQ en 2018 sur les enjeux des milieux humides

    Pendant toute l’année 2018, Daniel Bouchard, associé, Valérie Belle-Isle, Chloé Fauchon et Pier-Olivier Fradette, avocats au sein du groupe Droit public et administratif donneront une formation pour la Corporation des officiers municipaux en bâtiment et en environnement du Québec (COMBEQ). Cette formation qui sera intitulée « Milieux humides et hydriques et certificat d’autorisation : quel rôle pour les municipalités ? », aura pour objet de former principalement les officiers municipaux en environnement des municipalités, mais également tout autre intervenant du monde municipal sur les effets pratiques des Lois 102 et 132 adoptées en 2017 concernant la conservation des milieux humides et hydriques et le nouveau régime d’autorisation ministérielle de l’article 22 de la Loi sur la qualité de l’environnement. Cette formation sera offerte à l’ensemble des municipalités de la province et sera donnée dans 24 villes pendant l’année.

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  2. Lavery tient une conférence portant sur les effets des récentes modifications à la Loi sur la qualité de l’environnement sur le travail des consultants en environnement

    Le 8 novembre, Lavery a tenu une conférence sur les effets et la portée des récentes modifications à la Loi sur la qualité de l'environnement (L.q.e.) sur le travail des consultants qui a eu lieu au Centre de conférence Lavery à Montréal. Cette conférence a permis aux consultants en environnement présents d’entendre Daniel Bouchard et Chloé Fauchon, respectivement associé et avocate au sein du groupe Droit public et administratif, sur les modifications à la L.q.e. élargissant le droit d’accès aux certificats d’autorisation conférant le pouvoir au ministre de faire cesser une activité sans indemnité et une immunité exonérant le ministre de sa responsabilité en l’absence de faute lourde ou intentionnelle. Ils ont abordé ces thèmes notamment au regard de la jurisprudence récente sur la responsabilité civile de l’État en matière d’environnement et ont formulé des suggestions pratiques aux consultants pour se protéger face à ces changements.

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  3. Chloé Fauchon et Charlotte Fortin commentent la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement

    Dans un texte publié aux Éditions Yvon Blais dans La Référence, Chloé Fauchon et Charlotte Fortin, avocates au sein du groupe Droit public et administratif, ont analysé et commenté les principales modifications apportées à la Loi sur la qualité de l'environnement par la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin de moderniser le régime d'autorisation environnementale et modifiant d'autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert (projet de loi no 102). Pour consulter l’article, cliquez ici.

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