Santé et services sociaux

Vue d'ensemble

L’organisation et le fonctionnement des établissements publics et privés de soins de santé et de services sociaux s’inscrivent dans un environnement juridique particulièrement complexe et très spécifique. Les établissements doivent composer avec une réalité de plus en plus difficile et exigeante, c’est-à-dire répondre à un éventail de besoins qui s’élargit et se diversifie, et fournir davantage de services à une population vieillissante tout en respectant des contraintes budgétaires importantes et les exigences d’un secteur fortement règlementé. Ils doivent aussi entretenir des relations étroites avec une multitude d’intervenants en amont (fournisseurs d’équipement, d’appareils et de matériel médical, ambulanciers, etc.) et à l’intérieur des établissements (médecins généralistes et spécialistes, syndicats, ministère, etc.) afin de mieux répondre aux besoins des citoyens qu’ils desservent.

 

  1. Autorisations de soins: la Cour d’appel se prononce sur la représentation des patients par avocat, les clauses d’hospitalisation et de ré-hospitalisation

    Dans un arrêt rendu le 1er septembre 20221, la Cour d’appel du Québec affirme qu’un juge saisi d’une demande en autorisation de soins doit s’assurer que le patient visé puisse être entendu et faire valoir ses droits. La Cour en profite également pour analyser les clauses d’hospitalisation à durée indéterminée et les clauses de ré hospitalisation rendues nécessaires suite à une détérioration ultérieure de la santé d’un patient. Représentation des patients par avocat Le raisonnement de la Cour s’appuie sur les éléments suivants : L’article 90 C.p.c. permet au juge de nommer d’office un avocat pour assurer la sauvegarde des droits et des intérêts d’une personne inapte; Une audience portant sur une demande d’autorisation de soins ne devrait pas se tenir sans que la personne visée ne soit représentée par avocat; Le principe voulant qu’une personne visée soit représentée par avocat peut comporter certaines exceptions mais il ne pourra être écarté qu’après que des démarches aient été effectuées pour proposer à la personne visée la présence d’un avocat, à la suite d’une fine pondération des enjeux et des circonstances de l’espèce et d’une décision expressément motivée par le juge. Ainsi, lorsqu’une demande en autorisation de soins est présentée, le cadre d’analyse suivant doit être suivi dès le début de l’audience: Le juge doit évaluer si la personne visée est inapte. Pour satisfaire cette première exigence, la preuve préliminaire d’une « vraisemblance d’inaptitude » doit être administrée2; La nomination d’un avocat doit être nécessaire à la sauvegarde des droits et intérêts de la personne3 Lorsque ces conditions sont satisfaites, le juge doit suspendre l’instance en vertu de l’article 160 C.p.c., pour la période nécessaire pour qu’un avocat soit nommé en vue de représenter le patient. Le tribunal pourra également prononcer une ordonnance de sauvegarde. Si le juge n’est pas convaincu que la seconde condition est remplie, il peut retenir sa décision et entendre la preuve. Une fois la preuve administrée, il peut décider de prononcer une ordonnance de sauvegarde si les étapes sont satisfaites ou trancher le fond de la demande si ce second critère n’est pas satisfait. Dans ce dernier cas, il devra exposer expressément les motifs qui l’ont mené à conclure ainsi. La Cour rappelle qu’en amont d’une audience, un établissement de santé doit s’assurer que tout soit mis en œuvre pour que la personne visée ait la possibilité d’être représentée par avocat. La présence d’un avocat disponible aux audiences de soins serait, selon la Cour, une pratique idéale afin de permettre au juge de le nommer d’office. Les clauses d’hospitalisation et de ré hospitalisation Dans cette affaire, le patient attaquait la conclusion selon laquelle il devait demeurer hospitalisé à compter du prononcé du jugement autorisant ses soins jusqu’à son congé médical. La cour rappelle qu’en l’absence d’une preuve appropriée, il n’appartient pas à la Cour d’usurper le rôle du corps médical en fixant une durée à une hospitalisation en cours. La cour maintient la conclusion de l’ordonnance selon laquelle l’hospitalisation du patient doit se poursuive « jusqu’à ce que le médecin traitant juge la condition [du patient] suffisamment stabilisée pour lui permettre d’obtenir un congé sécuritaire. Enfin, le patient contestait également la conclusion du jugement portant sur sa ré-hospitalisation en cas de non-collaboration aux soins. La cour d’appel précise d’une clause de cette nature ne doit pas être une sanction à l’inobservation du plan de traitement. Une clause de ré-hospitalisation pour cause de non-collaboration dépend des circonstances de chaque dossier et doit faire l’objet d’une preuve appropriée. La cour n’écarte cependant pas que cette éventualité puisse justifier la ré-hospitalisation d’un patient si une preuve en ce sens est présentée. Les membres de l’équipe Droit de la santé de Lavery représentent régulièrement des établissements de santé et demeurent disponibles pour vous conseiller et répondre à vos questions en lien avec cette nouvelle évolution de la jurisprudence. A.N. c. Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Nord-de-l’Île-de-Montréal, 2022 QCCA 1167 Par. 33 et s. Par. 49 et s.

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