Propriété intellectuelle

Vue d’ensemble

  1. Publication du Règlement clarifiant les obligations de la Loi 96: Impacts sur les marques de commerce pour les produits, la publicité et l’affichage public

    Le Règlement1 visant à préciser les nouvelles obligations de la Loi 962 a été publié dans la Gazette officielle du Québec le 26 juin 2024. Il modifie le Règlement sur la langue du commerce et des affaires3 actuel. Ces modifications étaient attendues en raison des incertitudes causées par l’adoption de la Loi 96 en juin 2022 et qui nécessitaient des éclaircissements. Dans ce bulletin, nous traitons des questions liées à l’utilisation des marques de commerce en lien avec les produits et les publications commerciales, ainsi que dans l’affichage public et la publicité commerciale. Exception concernant les marques de commerce reconnues Bonne nouvelle! Le Règlement réintroduit l’exception des marques de commerce« reconnues » 4 au sens de la Loi sur les marques de commerce. Ainsi, les marques employées (common law) et les marques enregistrées auprès de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC ») pourront être utilisées sans version française, pourvu qu’aucune version française de la marque ne soit inscrite au Registre. Par règlement, le gouvernement a élargi la portée de l’exception relative aux marques de commerce, qui ne devait s’appliquer en vertu de la Loi 96 principalement qu'aux marques de commerce enregistrées auprès de l’OPIC, pour inclure également les marques de commerce employées (common law). Grâce à ce changement, le gouvernement a harmonisé le régime applicable aux marques de commerce, que ce soit dans le cadre de leur utilisation avec des produits, avec des publications commerciales ou dans l’affichage public. La recommandation d’enregistrer vos marques de commerce demeure toujours d’actualité pour protéger vos droits, mais l’enregistrement n’est plus une condition de conformité à la réglementation applicable. Obligation de traduire les termes descriptifs ou génériques compris dans les marques À titre de rappel, la Charte de la langue française5 (la « Charte ») prévoit que toute inscription sur un produit, sur son contenant ou son emballage doit être rédigée en français et qu’aucune inscription dans une autre langue ne doit l'emporter sur celle en français ou être accessible dans des conditions plus favorables. Le Règlement confirme que le terme « produit » inclut son contenant, son emballage et tout document ou objet qui l’accompagne6. Le Règlement précise par ailleurs la portée de l’obligation de traduire les termes descriptifs et génériques compris dans les marques de commerce : « Descriptif » et « générique » : un descriptif réfère à un mot ou un ensemble de mots visant à décrire les caractéristiques d’un produit alors qu’un générique décrit plutôt la nature dudit produit, et ce, à l’exclusion du nom de l’entreprise ou du nom du produit tel que commercialisé7. Une appellation d’origine ou un nom distinctif à caractère culturel ne sont pas considérés comme un descriptif ou un générique. Selon toute vraisemblance, la référence au « nom du produit tel que commercialisé » vise la marque principale du produit, par opposition aux marques secondaires qui peuvent également être employées en liaison avec un produit. L’obligation de traduire les termes génériques ou descriptifs contenus dans la marque ne s’appliquerait pas aux marques principales sous lesquelles le produit est commercialisé.Ainsi, selon l’exemple fourni par le gouvernement du Québec, il n’y aurait pas lieu de traduire en français les termes descriptifs ou génériques compris dans la marque principale BestSoap :Le Règlement précise que la traduction en français de ces termes génériques ou descriptifs doit figurer sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente8. Il ne fournit toutefois pas de définition de « support qui s’y rattache de manière permanente ». Il sera intéressant de surveiller l’évolution de la pratique à ce sujet et l’interprétation de cette notion par l’Office québécois de la langue française (l’« OQLF »).Retenons toutefois le principe prévu par la Charte selon lequel aucune inscription dans une autre langue ne doit être accessible dans des conditions plus favorables. Les entreprises qui choisissent l’option du support devront donc s’assurer non seulement de la permanence du support mais aussi de son accessibilité dans des conditions au moins aussi favorables.Il est à noter également que la taille de la traduction en français des termes génériques et descriptifs compris dans une marque de commerce n’est pas spécifiquement traitée dans le Règlement. Le site de l’OQLF précise cependant qu’aucun terme générique ou descriptif dans une autre langue ne doit l’emporter sur celui apparaissant en français; l’OQLF semble donc appliquer la règle générale contenue dans la Charte9. Nous comprenons ainsi que le texte en français doit être au moins équivalent en taille et en apparence à celui dans une autre langue, afin de ne pas accorder de prédominance à ce dernier. Période transitoire : le Règlement accorde une période de grâce de deux ans pour donner le temps aux entreprises de se conformer aux exigences qui précèdent. Jusqu’au 1er juin 2027, tout produit non conforme à ces nouvelles exigences pourra continuer d’être distribué, vendu au détail, loué, offert en vente ou en location ou autrement offert sur le marché, à titre onéreux ou gratuit, à condition (i) qu’il ait été fabriqué avant le 1er juin 2025 et (ii) qu’aucune version française correspondante de la marque de commerce reconnue n’ait été déposée au registre des marques de commerce canadien au 26 juin 202410. Si cette mesure ne dispense pas de déployer les efforts nécessaires pour se conformer aux obligations, elle assure néanmoins que les produits non conformes déjà existants puissent être écoulés. Publications commerciales Le Règlement n’apporte aucune modification aux règles entourant les publications commerciales, tels les catalogues, les brochures, les dépliants, les annuaires commerciaux et d’autres publications de même nature. L’exception applicable aux marques de commerce « reconnues », qui n’avait fait l’objet de modification ni dans la Loi 96 ni dans le projet de règlement, reste donc inchangée. Ainsi, les marques employées (common law) et les marques enregistrées auprès de l’OPIC pourront être utilisées sans version française, sauf si une version française en a été déposée. Contrairement à ce qui avait été prévu dans le projet de règlement, les sites Web et les médias sociaux ne sont pas expressément nommés à titre de publications commerciales dont la version française doit être accessible dans des conditions au moins aussi favorables que toute version dans une autre langue. Jusqu’à présent, l’interprétation adoptée et appliquée par l’OQLF ainsi que par les tribunaux est que les sites Web et les médias sociaux sont considérés comme des publications commerciales et doivent par conséquent suivre les mêmes règles. Néanmoins, nous resterons vigilants afin de déterminer si l’absence de référence explicite dans le Règlement concernant les sites Web et les médias sociaux revêt une quelconque signification et si l’OQLF envisagera des modifications au régime pour ces deux types de communication. Affichage public et publicité commerciale Il est bien connu que la Charte requiert que l’affichage public et la publicité commerciale au Québec soient effectués en français. Ils peuvent également être faits à la fois en français et dans une autre langue, pourvu que le français y figure de façon nettement prédominante11. L’exception relative aux marques de commerce « reconnues » est également applicable dans le contexte de l’affichage public et de la publicité commerciale. Ainsi, les marques employées (common law) et les marques enregistrées auprès de l’OPIC pourront être utilisées sans version française, si aucune version correspondante en français ne se trouve au registre canadien des marques de commerce12. Pour ce qui est de l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local, la règle de la « présence suffisante » du français cède le pas à celle de la « nette prédominance » du français, lorsque la marque de commerce ou le nom d’entreprise est dans une autre langue que le français, en tout ou en partie13. L’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local inclut non seulement l’extérieur d’un immeuble, mais également les locaux à l’intérieur d’un centre commercial14. Dans un tel cas, une marque de commerce ou un nom d’entreprise dans une autre langue que le français devra être accompagné d’un générique, d’un descriptif des produits ou services visés, ou d’un slogan, en français15. Cette marque de commerce ou ce nom d’entreprise visible sur la devanture d’un commerce ou encore à l’intérieur d’un centre commercial sera considéré dans l’impact visuel global du local. Ainsi, pour un même champ visuel, le texte rédigé en français a un impact beaucoup plus important lorsque (i) l'espace consacré au texte en français est au moins deux fois plus grand que celui consacré au texte dans une autre langue et (ii) sa lisibilité et visibilité permanente sontau moins équivalentes à celles du texte dans une autre langue.16 Finalement, en ce qui concerne l’affichage dynamique comportant des textes en français et dans une autre langue s’affichant en alternance, le texte en français sera considéré comme ayant un impact visuel beaucoup plus important lorsqu’il est visible au moins deux fois plus longtemps que le texte dans une autre langue.17 Il est à noter qu’aucune période de grâce n’est accordée en ce qui concerne l’affichage public. Les entreprises ont donc jusqu’au 1er juin 2025 pour se conformer aux nouvelles règles d’affichage. Les exemples ci-dessous, du gouvernement du Québec, illustrent l’application de ces règles : Le sommaire suivant résume les principaux changements qui sont apportés à la Charte et au Règlement et qui entreront en vigueur le 1er juin 2025 : Produits (étiquettes, contenants, emballages ou tout document ou objet qui l’accompagne) Une marque de commerce « reconnue » (marque enregistrée ou employée) peut être utilisée dans une autre langue que le français, à moins qu’une version correspondante en français ne se trouve au registre canadien des marques de commerce. Doit figurer en français, tout descriptif ou générique compris dans une marque de commerce, à l’exclusion du nom de l’entreprise ou du nom du produit tel que commercialisé (et autres exceptions particulières); sur le site de l’OQLF, il est indiqué qu’aucun générique ou descriptif dans une autre langue ne doit l’emporter sur celui apparaissant en français. La traduction en français des termes génériques ou descriptifs compris dans une marque doit figurer sur le produit ou sur un support qui s’y rattache de manière permanente. Une période de grâce jusqu’au 1er juin 2027 est accordée pour tout produit non conforme aux nouvelles exigences; ce produit pourra continuer d’être distribué, vendu au détail, loué, offert en vente ou en location ou autrement offert sur le marché, à titre onéreux ou gratuit, à condition (i) qu’il ait été fabriqué avant le 1er juin 2025 et (ii) qu’aucune version française correspondante de la marque de commerce reconnue n’ait été déposée au registre des marques de commerce canadien au 26 juin 2024. Publications commerciales (catalogues, brochures, dépliants, annuaires commerciaux) Aucun changement : une marque de commerce « reconnue » au sens de la Loi sur les marques de commerce (marque enregistrée ou employée) peut être utilisée dans une autre langue que le français, sauf si une version française en a été déposée. Il est à prévoir que les règles qui régissent les publications commerciales s’appliquent aux sites Web et réseaux sociaux, conformément à l’interprétation actuelle de l’OQLF et des tribunaux. Affichage public Une marque de commerce « reconnue » au sens de la Loi sur les marques de commerce (marque enregistrée ou employée) peut être utilisée dans une autre langue que le français, à moins qu’une version correspondante en français ne se trouve au registre canadien des marques de commerce. Dans l’affichage public visible depuis l’extérieur d’un local, y compris de l’intérieur d’un centre commercial, lorsqu’une marque de commerce ou un nom commercial est dans une autre langue que le français, même en partie : le français doit figurer de façon nettement prédominante, en tenant compte de l’espace accordé à la marque de commerce ou au nom d’entreprise; la marque de commerce ou le nom d’entreprise doit être accompagné de termes en français, notamment un générique, un descriptif des produits ou services, ou encore un slogan. Pour un même espace visuel, l’espace consacré au texte en français doit être au moins deux fois plus grand que celui rédigé dans une autre langue et sa lisibilité et visibilité permanente sont aux moins équivalentes à celles du texte dans une autre langue. Pour en savoir plus à ce sujet ou pour toute question concernant la Charte de la languge française et ses règlements, veuillez vous adresser à nos professionnels ou consulter nos publications précédentes! Règlement modifiant principalement le Règlement sur la langue du commerce et des affaires, Gazette officielle du Québec, (le « Règlement »). Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, LQ, 2022, c. 14 (la « Loi 96 »). Règlement sur la langue du commerce et des affaires, RLRQ, c. C-11, r. 9. Règlement, supra, note 1, art. 2 (7.1) et art. 4 (25.1). Charte de la langue française, RLRQ, c. C-11, art. 51. Règlement, supra, note 1, art. 6 (27.1). Règlement, supra, note 1, art. 6 (27.2). Règlement, supra, note 1, art. 2 (7.1). Charte, supra, note 5, art. 51. Règlement, supra, note 1, art. 7. La période de grâce est cependant étendue au 31 décembre 2025, pour les produits qui sont visés par les nouvelles normes relatives à l’étiquetage prévues par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (symboles nutritionnels, autres dispositions d'étiquetage, vitamine D et graisses ou huiles hydrogénées) (DORS/2022-168) ou par le Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues et le Règlement sur le cannabis (aliments supplémentés) (DORS/2022-169). Charte, supra, note 5, art. 58. Règlement, supra, note 1, art. 4 (25.1) Charte, supra, note 5, art. 58.1 et Règlement, supra, note 1, art. 4 (art. 25.1). Règlement, supra, note 1, art. 6 (27.5). Règlement, supra, note 1, art. 6 (27.7). Règlement, supra, note 1, art. 6 (27.6). Les composants rédigés en français seront présumés satisfaire à ces exigences de lisibilité et visibilité s’ils sont permanents et conçus, éclairés et situés de manière à permettre de les lire en tout temps, facilement et de manière simultanée. Règlement, supra, note 1, art. 6 (27.6).

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  2. Utilisation abusive du mécanisme de plaintes sur une plateforme de commerce en ligne

    Alors que le Canada et plusieurs autres pays prennent des initiatives afin de protéger les usagers en ligne contre des abus1 une décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique (la « Cour ») le 15 janvier 2024 se penche sur la conduite d’un concurrent à l’égard de plaintes formulées sur le site de commerce électronique d’Amazon pour violation de propriété intellectuelle. La plateforme d’Amazon est similaire à plusieurs autres plateformes de commerce en ligne qui intègrent un mécanisme de plainte pour l’usage de propriété intellectuelle par des tiers en violation des droits des réels détenteurs. Ce mécanisme de plainte permet à une partie plaignante de soumettre une réclamation pour violation de propriété intellectuelle concernant du contenu pour lequel elle dispose d’un droit de bonne foi dans le but de suspendre la publication, en totalité ou en partie, des pages publiées sur la plateforme d’Amazon par le contrevenant présumé. Ce mécanisme a sa raison d‘être, car il permet de manière efficace de débusquer des contrefacteurs. Comme nous le verrons dans l'affaire Keezio Group, LLC c. The Shrunks' Family Toy Company Inc.2, le mécanisme peut aussi être utilisé de manière malveillante. Les faits et les allégations de la demanderesse Dans ce dossier, des plaintes furent formulées par une entreprise concurrente de celle objet des plaintes, les deux œuvrant dans l'industrie des lits gonflables. Keezio Group, LLC («Keezio») commercialise le lit de voyage gonflable pour tout-petits « Hiccapop », tandis que The Shrunks' Family Toy Company Inc. («The Shrunks») propose des lits gonflables constitués d’un matelas placé dans un cadre de lit gonflable. Ces deux entreprises vendent principalement leurs produits au détail sur la plateforme d’Amazon. En février 2017, Keezio a été informé par Amazon de la réception d’un rapport de violation de marque émanant de Monsieur Cirjak de la société The Shrunks, qui portait sur le lit « Hiccapop». Par la suite, conformément à la procédure en vigueur, Amazon a retiré ce produit de la liste des produits proposés à la vente par Keezio sur son site Internet. Le processus de plainte prévoit qu’Amazon n’évalue pas le bien-fondé de la plainte. Un autre avis fut reçu par Keezio vers le 17 avril 2017. Les plaintes de 2017 furent retirées et la page montrant le lit « Hiccapop» restaurée. En novembre 2019, Keezio a reçu deux autres avis de plaintes par Amazon concernant des violations similaires à celles reçues environ deux ans plus tôt. Le premier de ces deux avis, transmis le 22 novembre 2019, référait à une violation de marque de commerce. En conséquence, Amazon a retiré la page concernée qui comportait une charte comparant les produits de Keezio et ceux de The Shrunks. Keezio a demandé des éclaircissements relativement à cette allégation de violation de droit, mais n’a reçu aucune réponse de The Shrunks. Keezio, en l'absence de détails relativement à cette violation, a ultimement modifié sa page web afin de supprimer toute référence à la société The Shrunks en la remplaçant par « Rhymes with Skunks » (rimes avec moufettes). Quoique dans un message en novembre 2019 Amazon mentionne à Keezio qu'elle rétablira le contenu de Keezio, la preuve n’établit pas clairement que ce rétablissement a été effectué. Le second avis de violation en date du 28 novembre 2019 comportait une allégation de violation de droit d’auteur concernant six pages web relativement au lit « Hiccapop ». Ces pages ont été retirées de la liste vers le 28 novembre 2019 et ultérieurement réintroduit le 2 décembre 2019. The Shrunks a nié être l’auteur des plaintes de 2019 mais la Cour n’a cependant pas hésité à conclure que The Shrunks se cachait derrière une autre identité. Questions en litige concernant les plaintes Plusieurs questions étaient en litige et certaines allégations ont été retirées. Nous nous concentrons sur les allégations relatives aux deux plaintes de 2019. À cet égard, Keezio affirme que les plaintes déposées auprès d'Amazon par The Shrunks étaient infondées, entrainant ainsi une perte pour Keezio. La Cour a notamment analysé l’article 7 de la Loi sur les marques de commerce3. Pour réussir un tel recours la partie demanderesse doit prouver (i) qu’il y a eu une déclaration fausse ou trompeuse (ii) qui tend à discréditer une entreprise concurrente, ses produits ou services, et (iii) que des dommages ont été encourus. La Cour souligne que la fausseté des déclarations n’a pas besoin d’être connue par celui qui les fait pour satisfaire à ces critères. Conclusions de la Cour (i) allégation de violation de marque dans le tableau comparatif La plainte de contrefaçon de marque concernait le tableau comparatif des produits « Hiccapop » et «The Shrunks» qui comportait des données comparatives des caractéristiques de ces deux produits. Ces données n’ont pas été remises en question. La plainte portait sur l’utilisation sans autorisation de la marque enregistrée The Shrunks dans ce tableau. La Cour, s’appuyant sur la décision clé Clairol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co.4 a conclu qu’il n’y avait pas eu « emploi » de The Shrunks à titre de marque au sens de l’article 4 (1) de la Loi sur les marques de commerce et que la plainte de violation de marque de commerce n’était pas fondée. La Cour a également conclu que le tableau comparatif ne contrevenait pas à l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce5: la simple utilisation de la marque d’un concurrent en publicité comparative n’entrainant pas en soi la dépréciation de la valeur de la clientèle. (ii) allégation de violation de droit d’auteur L’avis de violation de droit d’auteur mentionnait six chiffres de numéros d’identification standard du catalogue interne d’Amazon (ASIN) qui renvoyaient à six pages web de vente pour le lit « Hiccapop ». La Cour a statué que l’allégation de violation du droit d’auteur en question n’était pas fondée, car elle portait sur un lit, objet utilitaire vendu à plus de 50 exemplaires. La reproduction du dessin du lit n’était donc pas couverte par la Loi sur le droit d’auteur en vertu de l’article 64(2).6 La Cour a conclu que The Shrunks était responsable des deux plaintes de novembre 2019 qu’elle a jugées fausses ou trompeuses, car les allégations de violation de marque et de droit d'auteur étaient sans fondement. La Cour a mentionné que les plaintes tendaient à discréditer l'activité de Keezio puisque ces plaintes avaient trompé Amazon en lui faisant retirer les pages de liste de produits de Keezio. Elle se réfère sur ce point à un passage de la décision de la Cour fédérale Yiwu Thousand Shores E-Commerce Co. Ltd. c. Lin..7 La Cour a déterminé que les preuves de Keezio relativement au calcul des dommages-intérêts étaient sur plusieurs aspects insuffisantes. La Cour a ordonné le paiement en dommages de la somme qui correspondait à la perte de bénéfices causée par le retrait des pages des produits de Keezio pendant la période pertinente de retrait. La Cour n’a pas attribué de responsabilité personnelle au dirigeant de The Shrunks et n’a pas accordé d’injonction permanente ni de dommages-intérêts punitifs. La Cour a également rejeté la demande reconventionnelle de The Shrunks pour violation de droit d'auteur. Le tribunal a ordonné à The Shrunks de payer à Keezio des frais, hors taxes et débours. Commentaires Cette décision met en évidence l’importance pour les plaignants de faire preuve de sérieux lors de la production de plaintes. Le mécanisme de plainte sur des plateformes telles que celle d’Amazon est un outil extrêmement utile et efficace pour signaler une violation de droits, à condition d’être utilisé de bonne foi et basé sur des fondements juridiques solides. Bien que le mécanisme soit facile à utiliser, il est essentiel de procéder à une analyse préalables des droits, car une plainte mal fondée peut entraîner un préjudice. Ce préjudice peut être considérable, surtout lorsque la plateforme est mondiale. Dans de tels cas, le retrait d’une page web peut entraîner des dommages importants. Il est donc essentiel de redoubler d’efforts, car une analyse des droits par pays peut révéler des situations juridiques et des titulaires de droits différents d’un pays à l’autre. Non seulement les concurrents doivent prendre soigneusement en compte leurs actions et bien les soupeser, mais les exploitants de sites de commerce électronique doivent également être vigilants en plus de répondre rapidement aux demandes de retrait et de restriction géographique. Amazon en a récemment fait l'expérience, car une cour anglaise a rendu une décision8 défavorable à son encontre. Cette décision était liée à une opération de ciblage effectuée sur son site, où des offres de vente ou de publicités furent intentionnellement dirigées vers des consommateurs au Royaume Uni alors que les marques ne relevaient pas dans ce pays des mêmes titulaires que la société qui proposait les produits à la vente. À bon entendeur, salut! Voir le projet de loi C-63 intitulé Loi sur les préjudices en ligne qui prévoit un régime visant ces abus. Keezio Group, LLC c. The Shrunks' Family Toy Company Inc., 2024 BCSC 64. Article 7 de la Loi sur les marques de commerce : « Interdictions 7. Nul ne peut : - faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent; - appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre; - faire passer d’autres produits ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés; - employer, en liaison avec des produits ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde : (i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition, (ii) soit leur origine géographique, (iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d’exécution. ». Clairol International Corp. c. Thomas Supply & Equipment Co. 55 C.P.R. 176, 1968 CanLII 1280 Article 22 de la Loi sur les marques de commerce : 22. « Dépréciation de l’achalandage -22 (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce. »» Article 64 (2) de la Loi sur le droit d’auteur : 64 (2) « Non-violation : cas de certains dessins Ne constitue pas une violation du droit d’auteur ou des droits moraux sur un dessin appliqué à un objet utilitaire, ou sur une oeuvre artistique dont le dessin est tiré, ni le fait de reproduire ce dessin, ou un dessin qui n’en diffère pas sensiblement, en réalisant l’objet ou toute reproduction graphique ou matérielle de celui-ci, ni le fait d’accomplir avec un objet ainsi réalisé, ou sa reproduction, un acte réservé exclusivement au titulaire du droit, pourvu que l’objet, de par l’autorisation du titulaire — au Canada ou à l’étranger — remplisse l’une des conditions suivantes : - être reproduit à plus de cinquante exemplaires; - s’agissant d’une planche, d’une gravure ou d’un moule, servir à la production de plus de cinquante objets utilitaires » Yiwu Thousand Shores E-Commerce Co. Ltd. c. Lin, 2021 CF 1040. Voir le paragraphe 58 de cette décision :   « [58] Je suis d’accord avec ThousandShores pour dire que le défendeur a fait des allégations et des déclarations fausses et trompeuses à Amazon.ca dans les demandes de retrait, dont l’une au moins a été présentée après que le défendeur a reçu la lettre d’octobre 2020. ThousandShores n’était pas en mesure de répondre directement aux allégations du défendeur. L’absence de toute preuve de l’emploi de la marque de commerce OHUHU par le défendeur et la possibilité de confusion entre les marques des parties signifie que l’enregistrement contesté est invalide. Par conséquent, les déclarations du défendeur concernant l’enregistrement contesté, le défaut d’authenticité des produits OHUHU de ThousandShores et l’atteinte de cette dernière à ses droits étaient fausses. Ces déclarations tendaient clairement à discréditer l’entreprise de ThousandShores, le comptoir OHUHU et les produits OHUHU. Ces déclarations ont trompé Amazon.ca, ce qui l’a incitée à retirer les listes de produits OHUHU de ThousandShores et a entraîné une perte de bénéfices. Le seul recours de ThousandShores était de fournir la preuve de l’autorisation ou du permis détenu par le défendeur, ou de contester la validité de l’enregistrement en cause. ». Lifestyle Equities CV and another c. Amazon UK Services Limited and others [2022] EWCA Civ 552 confirmé par la Cour suprême le 6 mars 2024 ( [2024] UKSC 8)

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  3. L’intelligence artificielle peut-elle être désignée comme inventeur dans une demande de brevet?

    De plus en plus développée, l’intelligence artificielle (l’« IA ») créée par l’humain serait maintenant à son tour capable de création autonome, ouvrant la porte à une reconceptualisation de la notion d’inventeur en droit des brevets. Dans un arrêt récent, la Cour suprême du Royaume-Uni a toutefois conclu qu’un système d’intelligence artificielle ne peut pas être l’auteur d’une invention au sens de la réglementation applicable en matière d’octroi de brevets. Cette prise de position rejoint celle de plusieurs autres tribunaux à travers le monde s’étant déjà prononcés sur la question. Qu’en est-il au Canada, où les tribunaux ne se sont pas encore penchés sur l’enjeu? Dans ce bulletin, nous revenons sur la décision de la Cour suprême du Royaume-Uni et sur les décisions équivalentes rendues dans d’autres pays pour ensuite explorer la perspective canadienne. “an inventor must be a person” : La Cour suprême du Royaume-Uni se prononce dans Thaler (Appellant) v Comptroller-General of Patents, Designs and Trade Mark 1 Résumé de la décision En 2018, Dr Stephen Thaler dépose des demandes de brevet pour deux inventions décrites comme ayant été générées par un système d’IA autonome. La machine en question, DABUS, est donc désignée dans les demandes comme l’inventeur. Le Dr Thaler prétend qu’en tant que propriétaire de DABUS, il est en droit de déposer une demande de brevet pour les inventions générées par sa machine. Dans de telles circonstances, il ne serait pas tenu de nommer une personne physique comme inventeur. Tant la Haute Cour de justice que la Cour d’appel rejettent son appel de la décision de l’Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni. Ce dernier avait décidé de ne pas donner suite aux demandes de brevet, notamment en raison de la désignation inadéquate de l’inventeur au sens du Patents Act 1977. La Cour suprême du Royaume-Uni, la dernière instance d’appel du pays, rejette également son recours. Dans une décision unanime, elle conclut que la loi est claire : « an inventor within the meaning of the 1977 Act must be a natural person, and DABUS is not a person at all, let alone a natural person: it is a machine ».2 Il n’est pourtant pas remis en question que DABUS a bel et bien créé les inventions en l’espèce. Cela n’implique pas pour autant que la notion d’inventeur au sens de la loi puisse être élargie par les tribunaux pour inclure les machines. Une tendance qui se maintient La Cour suprême du Royaume-Uni n’est pas la première à ne pas se laisser convaincre par les arguments du Dr Thaler. Tant les États-Unis3 que l’Union européenne4 et l’Australie5 ont adopté des positions similaires et concluent que seul un être humain peut se qualifier d’inventeur au sens de la législation applicable dans leur juridiction respective. La décision anglaise s’inscrit en effet dans une tentative à l’échelle mondiale entreprise par le Artificial Inventor Project de faire reconnaître l’inventivité de la machine DABUS, et par le fait même de l’IA de manière générale, comme capable de générer des droits de brevet au bénéfice des propriétaires de systèmes d’IA. À ce jour, seule l’Afrique du Sud a émis un brevet au Dr Thaler mentionnant DABUS comme inventeur.6 Ce pays se présente ainsi comme l’exception qui confirme la règle. Cependant, le Bureau de l’enregistrement pour des sociétés et de la propriété intellectuelle de l’Afrique du Sud n’examine pas les demandes sur le fond. Aucun motif n’a donc été fourni qui indiquerait que la question de l’IA comme inventeur ait été considérée. Plus récemment, en février dernier, le Bureau américain des brevets et des marques de commerce a publié une directive sur les inventions créées avec l’assistance de l’IA. Celle-ci confirme la position judiciaire et indique notamment que "a natural person must have significantly contributed to each claim in a patent application or patent".7 Qu’en est-il au Canada? En 2020, le Dr Thaler a également déposé une demande de brevet canadien pour les inventions générées par DABUS.8 L’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’« OPIC ») a émis un avis de non-conformité en 2021, établissant ainsi sa position à première vue : Because for this application the inventor is a machine and it does not appear possible for a machine to have rights under Canadian law or to transfer those rights to a human, it does not appear this application is compliant with the Patent Act and Rules.9 Cependant, l’OPIC précise être ouvert à recevoir les arguments du demandeur sur la question : Responsive to the compliance notice, the applicant may attempt to comply by submitting a statement on behalf of the Artificial Intelligence (AI) machine and identify, in said statement, himself as the legal representative of the machine.10 À ce jour, aucun avis d’abandon de la demande n’a été émis par l’OPIC et celle-ci demeure active. Son statut au Canada est donc incertain. Il sera intéressant de voir si, après avoir subi de nombreux échecs dans les autres pays du monde et s’être tout juste fait confirmer l’invalidité de sa demande par la Cour suprême du Royaume-Uni, le Dr Thaler tentera maintenant de convaincre les tribunaux canadiens. A priori, la Loi sur les brevets11 (la « Loi ») ne représente pas un frein à une reconnaissance d’un système d’IA comme inventeur d’une invention brevetable. En effet, la Loi ne définit pas le terme « inventeur ». Qui plus est, il n’y a aucune référence à l’exigence d’une « personne » dans la définition d’un demandeur ni indication en ce sens dans les dispositions régissant la délivrance de brevets. Les Règles sur les brevets12 n’offrent pas non plus de précision. L’exigence qui serait sous-entendue par un emploi clair du terme « personne » par le législateur dans le libellé des articles de la loi est importante : il s’agissait d’une considération clé de l’analyse de la Cour suprême du Royaume-Uni dans Thaler. La jurisprudence demeure également équivoque. Selon la Cour suprême du Canada, il faut se demander « [q]ui est l’auteur de l’idée originale » puisque l’inventeur est celui qui a participé à la conception de l’invention.13 Par comparaison, nous notons toutefois qu’il a été conclu qu’une personne morale ne pouvait être envisagée comme inventeur par opposition à une personne physique.14 Force est de constater que les tribunaux canadiens n’ont jamais eu à trancher la question spécifique de l’IA comme inventeur et qu’en attendant une telle décision judiciaire ou prise de position par le législateur, la question demeurera ouverte. Conclusion Au vu de l’incertitude en droit canadien à savoir si l’IA peut être reconnue comme inventeur, il serait opportun pour les autorités canadiennes de clarifier la question. Comme suggéré par la Cour suprême du Royaume-Uni, la place de l’IA en droit des brevets est un enjeu de société actuel, et il reviendra ultimement au législateur de se prononcer.15 En ce sens, un amendement à la Loi ou l’émission d’une directive par l’OPIC se font toujours attendre. Plus encore, outre la qualification juridique de l’IA comme inventeur, il faudra déterminer si une personne peut autrement se voir accorder des droits sur une invention créée dans les faits par l’IA. En effet, la possibilité pour le propriétaire de l’IA d’être titulaire d’un brevet sur l’invention générée par sa machine était aussi une question soulevée dans Thaler. Encore une fois, contrairement à la loi anglaise,16 notre Loi sur les brevets ne ferme pas la porte à cette éventualité. Notamment, la législation canadienne n’établit pas une liste exhaustive des catégories de personnes pouvant obtenir un brevet. S’il fallait vraiment revoir le système, il serait peut-être plus à propos de permettre la titularité des droits de brevet par le propriétaire de l’IA plutôt que de reconnaître l’IA comme inventeur. En effet, le système de propriété intellectuelle trouve sa justification première dans le fait de favoriser l’innovation et la créativité. Une négociation implicite sous-tend l’octroi de droits de brevet : une forte protection est accordée en échange d’une divulgation suffisante pour permettre à une personne versée dans l’art de reproduire l’invention. On s’assure ainsi d’une contribution à la société tout en récompensant l’inventeur. Il est évidemment plus difficile de soutenir qu’une machine nécessite un tel incitatif. Désigner l’IA comme inventeur et lui octroyer des droits en ce sens s’accorde donc mal avec la raison d’être d’une protection par brevet. En revanche, son propriétaire pourrait être justifié de réclamer une telle protection pour les inventions créées par sa machine, ayant investi temps et énergie dans la conception de l’IA. Dans l’état actuel du droit, une intervention du législateur serait vraisemblablement nécessaire. Est-ce qu’une telle proposition permettrait de favoriser l’innovation dans le domaine de l’IA générative? Cela dit, nous investissons collectivement énormément de ressources « humaines » pour le développement de solutions d’IA de plus en plus performantes. Arrivera-t-il un moment où nous ne pourrons plus considérer que des ressources humaines ont été investies pour les technologies créées par l’IA? Dans un tel cas, favoriser les propriétaires de solutions d’IA pourrait devenir contre-productif. Quoi qu’il en soit, une position prudente consiste pour le moment à insister sur l’apport humain à l’invention créée avec l’aide de l’IA, de façon à mettre de l’avant une personne comme inventeur plutôt que l’IA. Quant aux inventions conçues entièrement par un système d’IA, une protection par les secrets d’affaires serait davantage à envisager. Les professionnels de notre équipe de propriété intellectuelle sont à votre disposition pour vous accompagner dans vos démarches d’enregistrement de brevets et démystifier ces enjeux avec vous. [2023] UKSC 49 [Thaler]. Ibid au para 56. Voir la décision de la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral dans Thaler v Vidal, 43 F. 4th 1207 (2022) (requête pour appel à la Cour suprême des États-Unis rejetée). Voir la décision de la Chambre de recours juridique de l’Office européen des brevets dans J 0008/20 (Designation of inventor/DABUS) (2021) (demande de renvoi des questions à la Grande Chambre de recours rejetée). Voir la décision de la Full Court de la Cour fédérale d’Australie dans Commissioner of Patents v Thaler, [2022] FCAFC 62 (requête pour appel à la Haute Cour d’Australie rejetée). ZA 2021/03242. Federal Register: Inventorship Guidance for AI-Assisted Inventions. CA 3,137,161. Lettre du bureau datée du 11 février 2022 dans le cadre de la demande de brevet canadien 3137161. ibid. LRC 1985, c P-4. DORS/2019-251. Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77 aux paras 96-97. Sarnoff Corp. c. Canada (Procureur général), 2008 CF 712 au para 9. Thaler, aux paras 48-49, 79. Ibid au para 79.

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  4. Les marques officielles au Canada : vers de nouvelles perspectives ?

    D’abord, que sont les marques officielles? Les marques officielles sont ces créatures statutaires, propres à la pratique canadienne. Elles ne sont pas des marques de commerce à proprement parler. Elles jouissent d’un régime parallèle aux marques dites « de commerce », car ce sont des marques qui sont adoptées et utilisées par un groupe limité d’organisations : par les universités, les autorités publiques canadiennes et les forces de Sa Majesté.1 Nous nous concentrerons sur les autorités publiques canadienne. Il existe plusieurs centaines de marques au Registre appartenant à des autorités publiques dont les gouvernements, fédéral et provinciaux, les agences gouvernementales, les municipalités etc. Contrairement aux marques commerciales traditionnelles, les marques officielles ne protègent pas spécifiquement certains produits ou services, mais couvrent toutes les classes de produits et services. Elles peuvent même être descriptives, car elles ne sont pas tenues d'être distinctives. De plus, elles ne sont pas enregistrées dans le sens habituel du terme. Au lieu de cela, un avis d'adoption est simplement publié dans le Journal des marques de commerce. Une caractéristique unique des marques officielles est qu'elles ne sont pas soumises à un processus de renouvellement. Elles peuvent donc rester inscrites au registre indéfiniment. Cela signifie qu'elles peuvent constituer un obstacle potentiel à l'enregistrement d'une marque de commerce produite ultérieurement, à moins que l'autorité publique ne retire volontairement l'avis d'adoption de sa marque officielle. Finalement, il convient également de souligner que les marques officielles ne font l'objet ni d'un examen ni d'une procédure d'opposition. Cela signifie qu'il n'y a pas de vérification officielle de leur validité ou de leur conformité aux critères habituels d’enregistrement par le Registraire des marques de commerce (« Registraire »). Ainsi, en raison de la protection étendue accordée à ces marques officielles, elles semblent être pratiquement inattaquables. Qu’en est-il vraiment? Il convient de souligner que le Registraire considère qu’il n’a pas le pouvoir de refuser de donner un avis public d’une marque officielle à moins que celle-ci ne soit pas déposée par une autorité publique canadienne ou que celle-ci n’ait pas adopté ou utilisé sa marque officielle au moment de la production d’une demande. Au moment de la refonte de la Loi en juin 2019, les professionnels en marques de commerce comptaient sur la révision des critères conférant à ces marques une protection élargie. Cependant, le législateur a fait le choix de ne pas entreprendre une révision en profondeur du régime des marques officielles. Néanmoins, le Registraire a fourni quelques précisions en octobre 2020 quant à sa pratique en ce qui concerne les marques officielles. Tout d’abord, depuis 2020, le Registraire exige la preuve du statut d’autorité publique. Ceci répond à plusieurs commentaires sur le statut contestable de certaines dites « autorités publiques ». La décision rendue dans l'affaire "Ordre des architectes de l'Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario (C.A.), 2002 CAF 218" a précisé  que pour se qualifier d'autorité publique, le gouvernement doit exercer un contrôle significatif et continu sur les activités de l'autorité, en particulier en ce qui concerne sa gouvernance et ses prises de décisions, et que ces activités devaient servir l'intérêt public. Étant donné que le régime d'autorité publique existe depuis plusieurs décennies, on peut raisonnablement supposer que plusieurs marques officielles publiées ne sont plus détenues par des autorités publiques ou ne correspondent plus aux critères définissant une autorité publique. Comment répondre à une objection basée sur la ressemblance entre une marque officielle et une marque de commerce ? Les possibilités sont limitées. En effet, il convient de rappeler que le paragraphe 9(1) de la Loi énonce que personne ne peut adopter, à l'égard d'une entreprise, une marque de commerce composée d’une marque officielle ou dont la ressemblance est telle qu'elle pourrait raisonnablement être confondue avec une marque officielle. Le test n'est pas basé sur une probabilité de confusion comme pour l’examen d’un risque de confusion entre deux marques de commerce, mais sur la ressemblance. Les praticiens en marques de commerce peuvent argumenter que la marque proposée n'est pas identique ou ne ressemble pas à la marque officielle au point de la confondre avec celle-ci. Une autre option, principalement dans le cas où la marque de commerce proposée est identique ou très semblable à la marque officielle, est de demander le consentement du propriétaire de la marque officielle pour l'usage et l’enregistrement de la marque de commerce. Il peut cependant être difficile dans certains cas, de contacter une autorité publique, soit parce que celle-ci n’existe plus, soit qu’elle ne répond tout simplement pas aux demandes de consentement. Certaines autorités publiques demandent une compensation financière en échange de leur consentement. Peut-on contester une marque officielle? Pour le moment, il n’existe pas de mécanisme simple pour contester une marque officielle. Le processus de publication d’un avis public d’une marque officielle n’est pas ouvert à une procédure d’opposition. Les tiers ont l’option de contester une marque officielle au moyen d’un recours ou d’un contrôle judiciaire à la Cour fédérale. L’un des motifs pourrait être que la marque officielle n’a pas été adoptée et utilisée avant l’émission de l’avis public ou l’autorité n’est pas une autorité publique ou la marque officielle contrefait une autre marque. Toutefois, il convient de souligner que ces procédures sont associées à des coûts élevés et à des délais considérables. Que nous réserve l’avenir? Jusqu'à présent, bien que le régime de marque officielle demeure essentiellement intact, des modifications sont attendues. Les autorités législatives canadiennes projettent d’adopter deux nouveaux articles, soit les articles 9(3) et 9(4) à la Loi. Ces modifications ont pour but de clarifier que même si un avis public a été émis concernant une marque officielle, cet avis ne s'applique plus si l'entité qui l'a demandé n'est pas une autorité publique ou n'existe plus. Dans de telles circonstances, le registraire a la possibilité, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, de publier un avis spécifiant que l'article 9 ne s'applique pas. Nous comprenons que Registraire aura de nouveaux pouvoirs dont celui de demander, soit de sa propre initiative, soit à la demande d’une personne qui paiera les frais prescrits, à ce qu’une marque dite officielle soit déclarée invalide si le titulaire de celle-ci ne répond pas à l’avis du registraire requérant une preuve du statut d’autorité publique. Cette modification de la Loi est attendue prochainement. D’ici là, l’année 2023 nous a donné quelques décisions intéressantes. KASAP TURKISH STEAKHOUSE & dessin: La décision, The Board of Regents of the University of Texas System et EDAM Ltd., 2023 COMC 161 démontre bien les limites de la marque officielle lorsqu’il s’agit de l’analyse de la ressemblance qui pourrait vraisemblablement créer de la confusion avec une marque.  Le Board of Regents of the University of Texas (ci-après « Regents ») s’est opposé à la demande d’enregistrement pour la marque de commerce KASAP TURKISH STEAKHOUSE & dessin (ci-après « Kasap») : entre autres, au motif que la marque Kasap, présente une ressemblance telle avec la marque officielle de Texas, qu’elle pourrait être confondue avec sa marque officielle ci-après illustrée: Cependant, comme cela a été mentionné précédemment, lors de l'évaluation de la ressemblance entre une marque de commerce et une marque officielle, l'accent est mis sur la similarité entre les marques. La Commission des oppositions a conclu que la marque proposée par la requérante ne ressemblait pas à la marque officielle au point de vraisemblablement les confondre, malgré la présence d'une image de tête de vache Longhorn dans les deux marques. Le caractère distinctif du mot "KASAP" dans la marque de la requérante fut jugé suffisant pour distinguer les deux marques. En conséquence, l’opposition a été rejetée. La marque qui reproduit une marque officielle ainsi que d’autres éléments n’est pas « composée » de la marque officielle. Via Rail Canada Inc. et Via Transportation, Inc., 2023 COMC 155 La décision concerne une opposition produite par Via Rail Canada Inc. (l'Opposante et titulaire d’une marque officielle) contre une demande d'enregistrement de marque de commerce déposée par Via Transportation, Inc. (la Requérante). Cette demande d'enregistrement concernait la marque "VIA & Dessin" ci-après illustrée : pour des services de transport de passagers et des logiciels d'application mobile et de télécommunications connexes. L'Opposante s'est opposée à la demande en alléguant que la marque crée de la confusion avec ses propres marques de commerce, marques officielles et noms commerciaux qui contiennent le mot "VIA" et sont utilisés en liaison avec les services de chemins de fer nationaux et les produits et services connexes de l'Opposante. En conclusion, la demande de la Requérante fut rejetée entre autres parce que la marque de la Requérante n'était pas enregistrable selon l'article 12(1)e) car elle fut jugée trop similaire à la marque officielle "VIA" de l'Opposante, ce qui pourrait vraisemblablement prêter à confusion. L’agent d’audience a résumé le test en matière de ressemblance de la façon suivante au paragraphe 107 : Le test de la ressemblance dans le cadre de l’article 9(1)n)iii) de la Loi diffère de l’analyse de la confusion standard, puisqu’il exige une probabilité que les consommateurs se trompent entre les marques elles-mêmes, plutôt qu’une probabilité que les consommateurs seront mélangés quant à la source des produits ou services.  En conclusion, beaucoup s’accordent à dire que le régime canadien des marques officielles pourrait certainement être soumis à une révision en profondeur qui contribuerait à élaguer le bois mort qui encombre le registre de marques officielles qui ne correspondent plus à la définition. Des exemples de marques officielles, en ce qui concerne les universités : Université de Montréal (0910712), Universität Heidelberg (0923735), Louisiana State University (0923069). Il est à noter que les universités n’ont pas besoin d’être canadiennes pour requérir la publication d’une marque officielle. Les Forces armées, au nom de Sa Majesté, ont adopté plusieurs marques dont, PORTE DAUPHINE (0903172) & dessin, SKY HAWKS (0903269) et CORMORANT & dessin (0903170). Nous référons plus particulièrement à l’article 9 et suivant de la Loi sur les marques de commerce (ci-après, la « Loi »).

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  1. Le 26 avril, célébrons la Journée mondiale de la propriété intellectuelle!

    La protection de la propriété intellectuelle joue un rôle essentiel dans la promotion de l'innovation et dans la progression de l'économie, incluant à l’égard des innovations ayant un impact positif sur l’environnement. En effet, la propriété intellectuelle offre aux innovateurs une protection juridique pour développer et commercialiser leurs innovations, ce qui favorise la croissance économique et sociale. Protéger les innovations à caractère environnemental En protégeant les innovations à caractère environnemental par le biais de la propriété intellectuelle, nous créons un environnement propice à l'émergence de solutions durables pour faire face aux défis environnementaux. Ces innovations vertes visent à réduire les effets néfastes de l’activité humaine sur la planète et ses habitants. L’innovation au cœur de notre écosystème La protection de la propriété intellectuelle encourage l'investissement dans la recherche et le développement d'innovations, car elle permet aux innovateurs de récolter les fruits de leurs efforts, en leur offrant un avantage concurrentiel. Cette protection encourage aussi le développement d’une culture d’innovation au sein des entreprises et favorise la progression de l'économie. En conclusion, la protection de la propriété intellectuelle constitue un incitatif pour évoluer vers un meilleur avenir ! Pour obtenir plus d’information sur cette journée de célébration, visiter : https://www.wipo.int/fr/web/ipday/2024-sdgs/index

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  2. Lavery et son groupe de propriété intellectuelle reconnus dans l’édition 2024 du répertoire WTR 1000: The World’s Leading Trademark Professionals

    Nous sommes heureux d'annoncer que Lavery a été reconnu dans l'édition 2024 de WTR 1000: The World's Leading Trademark Professionals. Quatre de nos membres ont également été reconnus comme des cheffes de file dans leurs champs de pratiques respectifs. Geneviève Bergeron Associée | Avocate - Agent de marques de commerce Geneviève axe sa pratique sur tous les aspects des marques de commerce, des transactions liées à la propriété intellectuelle, des droits d'auteur et des noms de domaine. Son expertise dans le domaine des marques de commerce inclut également les matières contentieuses, telles que les procédures d'oppositions et d'annulations, les mises en demeure et la négociation d'ententes de coexistence et de règlement ainsi que la rédaction, négociation et révision de contrats de nature commerciale, tels que les contrats de licence et de cession. Chantal Desjardins - Associée | Avocate - Agent de marques de commerce Chantal contribue activement au développement des droits de ses clients en propriété intellectuelle couvrant la protection et la défense de marques de commerce, de dessins industriels, de secrets de commerce, de droits d'auteur, de noms de domaine et autres formes connexes de propriété intellectuelle, de manière à promouvoir les objectifs d'affaires de ses clients. Isabelle Jomphe - Associée | Avocate - Agent de marques de commerce L'expertise d'Isabelle englobe les marques de commerce, les dessins industriels, les droits d'auteur, les secrets de commerce et les transferts technologiques ainsi que le droit de la publicité et les questions reliées à l'étiquetage et à la Charte de la Langue Française. Suzanne Antal - Agent de marques de commerce principal Suzanne axe sa pratique sur tous les aspects liés à l'enregistrement des marques, notamment : la préparation et la gestion des demandes d'enregistrement des marques, la représentation des clients dans les procédures d'opposition et d'annulation des marques et ce, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Le WTR 1000 un répertoire qui recense les professionnels et les cabinets de premier plan du domaine des marques de commerce à l'échelle mondiale. Les juristes et les cabinets qui se retrouvent dans ce répertoire sont choisis au terme d'un processus rigoureux de recherches et d'entrevues auprès de praticiens, de clients et de conseillers juridiques d'entreprises. À propos de LaveryLavery est la firme juridique indépendante de référence au Québec. Elle compte plus de 200 professionnels établis à Montréal, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières, qui œuvrent chaque jour pour offrir toute la gamme des services juridiques aux organisations qui font des affaires au Québec. Reconnus par les plus prestigieux répertoires juridiques, les professionnels de Lavery sont au cœur de ce qui bouge dans le milieu des affaires et s'impliquent activement dans leurs communautés. L'expertise du cabinet est fréquemment sollicitée par de nombreux partenaires nationaux et mondiaux pour les accompagner dans des dossiers de juridiction québécoise.

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  3. Lavery célèbre le cinquième anniversaire de son équipe en propriété intellectuelle

    Nous sommes heureux de souligner le cinquième anniversaire de notre équipe en propriété intellectuelle chez Lavery qui a permis d’asseoir la position de leader du cabinet dans ce secteur d’expertise, à travers un éventail complet de services. Notre équipe composée notamment d'avocats, d'agents de brevets et de marques de commerce, a contribué au succès et à la croissance du cabinet en mettant à profit son expertise pointue et en collaborant étroitement avec des clients issus de divers secteurs d'activité tels que l'automobile, l'aérospatiale, l'intelligence artificielle, l'énergie, le divertissement et les jeux vidéo, les sciences de la vie, la fabrication et la vente au détail, l'ingénierie mécanique, la technologie et les transports. Une profonde évolution pour Lavery auprès des entreprises évoluant dans les industries du savoir, de l’innovation et des technologies Lavery se distingue en étant l'un des cabinets qui déposent le plus de demandes auprès de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada. Selon de récentes statistiques, Lavery se classe au 2e rang des cabinets québécois pour le nombre de demandes de marques de commerce et de brevets déposées au cours de la dernière année. « Nous célébrons surtout cinq ans d'excellence et d’engagement à travers un partenariat juridique enrichissant qui a su évoluer avec les industries du savoir pour protéger et valoriser l’audace de nos clients. » – Isabelle Jomphe, associée, agent de marques de commerce et cochef de pratique du groupe de propriété intellectuelle chez Lavery. Au cours des cinq dernières années, l’équipe en propriété intellectuelle a joué un rôle clé dans de nombreux dossiers d'envergure, en fournissant des conseils stratégiques et en protégeant les actifs de clients nationaux et internationaux. Leur approche proactive et leur expertise technique ont permis au cabinet de se distinguer en tant que partenaire juridique de choix pour les entreprises souhaitant naviguer avec succès dans le paysage pointu de la propriété intellectuelle. « Au cours des cinq dernières années, notre équipe de propriété intellectuelle est devenue une composante essentielle de Lavery, en intégrant une vision internationale et un ancrage local de notre expertise. » – Serge Shahinian, associé, agent de brevets et cochef de pratique du groupe de propriété intellectuelle chez Lavery.

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